Chapitre 20 : Regrets

Ecrit par Une vie pleine de péripéties

Le champagne avait été servi en l’honneur de Sherie, et l’atmosphère autour de la table VIP était différente, plus chaude, plus électrique. Andy, toujours plus directe, observa son amie avec un sourire malicieux.

"Où la la, Sherie, tu as vu ça ? Tu fais fureur ce soir ! Tous les regards sont sur toi," lança-t-elle, une lueur d'amusement dans les yeux. Elle s’appuyait nonchalamment contre le canapé, un verre de champagne à la main, tout en jetant un regard furtif vers les autres invités. "Le champagne, c’est un clin d’œil ou un début de conquête ?"

Sherie rougit légèrement, se sentant soudainement exposée. Ce genre d’attention n’était pas habituel pour elle, surtout venant d’hommes qu’elle ne connaissait pas. Elle haussait les épaules, gênée, tout en regardant furtivement Karl, qui était au centre de son objectif. Mais comme à chaque fois qu’elle tentait de capter son regard, elle se forçait à détourner les yeux. Il fallait qu’elle le fasse, qu’elle ne montre pas d'intérêt, bien que son cœur battît à vive allure.

"Je ne sais pas," répondit-elle timidement, un léger sourire aux lèvres. "Je crois qu’ils m’ont juste trouvée intéressante ce soir. Mais… Je n’ai rien fait pour ça."

Andy éclata de rire, un rire qui attira quelques regards autour d’elles. "Ah, tu es modeste, maintenant ?!" Elle se pencha un peu plus près de Sherie, la taquinant. "Ce champagne, c’est une déclaration, ma belle. Les hommes ne se gênent pas pour montrer leur intérêt. Tu as attiré l’attention de Karl l’ennemi a abattre, et je sais que tu as dû faire un effort surhumain pour ne pas le fixer, je suis fière de toi"

Sherie baissa les yeux,, mais son sourire en coin trahissait sa complicité. Oui, c’était vrai, elle luttait contre une attirance évidente et était fière des efforts qu’elle faisait.

Marlène, qui avait écouté la conversation d'une oreille distraite, se pencha en avant et lança: "Tout à fait, Andy, le champagne venait directement de Joël Owono pour Sherie."

Les deux femmes se tournèrent alors vers Marlène, surprises. Andy haussait un sourcil, intriguée, mais Sherie semblait plus confuse qu’autre chose. Elle n’avait jamais entendu ce nom.

"Joël Owono ?!" s’exclama Andy, l'air étonnée mais intéressée. "Tu veux dire… Le Joël Owono national, l’homme mystérieux ?"

Marlène, un petit sourire en coin, acquiesça. "Oui, c’est bien lui."

Sherie, toujours un peu perdue, murmura : "Je ne connais pas ce Joël Owono…" Elle se sentit soudainement un peu hors de son élément. Ce nom semblait provoquer une réaction différente chez les deux autres femmes, mais elle ne comprenait pas bien pourquoi.

Andy, voyant la réaction de Sherie, tourna immédiatement son regard vers Marlène. Les deux se tournèrent ensuite vers Sherie comme si elles s'étaient rendu compte qu’elle n’était pas au courant de ce que tout le monde semblait savoir.

"Tu vis sur quelle planète, toi ?" s’amusa Andy, le regard plein d'étonnement. "Joël Owono, c'est une légende, même ici, tout le monde en parle. Ce type est partout ! Il est dans toutes les conversations, que ce soit dans les milieux d’affaires ou les soirées très select. Les magazines, on dit même qu’il sera bientôt ministre. Un homme mystérieux, il a une fiancée et est très… inaccessible…" Elle marqua une pause, puis se tourna vers Marlène, un clin d’œil. "Mais il faut avouer qu’il a le don de se faire remarquer."

Marlène, qui observait Sherie avec un air amusé, ajouta : "C'est ça, Sherie, tu viens de tomber dans son viseur, et tu n’en sais même rien. Mais t'inquiète, ça va vite changer." Elle laissa échapper un petit rire, plus doux cette fois. "Joël est celui qu'on appelle quand on veut quelque chose de… particulier, d’impossible, on dit qu’il chuchote à l’oreille du Tout-Puissant. Oui, c’est le filleul du Président de la République..."

Sherie n’en croyais pas ses oreilles, un peu gênée mais aussi intriguée par tout ce qu’elle entendait. "Je ne comprends vraiment pas…" murmura-t-elle. Elle se rendit compte encore une fois qu’elle vivait dans un monde complètement différent de celui d'Andy et Marlène.

Marlène, tout en conservant un sourire énigmatique, hocha la tête. "Disons qu’il est… unique. Pas facile à cerner, mais il ne laisse personne indifférent." Elle se pencha légèrement vers Sherie, comme pour lui offrir un secret. "Il a des manières de marquer son territoire. Mais ne t’inquiète pas, tu es déjà dans son radar. Ça peut aller très vite avec lui. D’ailleurs, je pense que tu l’as remercié. Je t’ai vue à leur table," lança Marlène.

"Quoi, tu lui as parlé ?" demanda Andy.

Sherie répondit, un peu perdue : "Je… je ne sais pas. J’ai remercié le premier qui était assis avec une chemise noire, j’ai cru… Enfin, je ne sais plus."

Andy et Marlène regardèrent en direction de la table de Joël Owono et comprirent que Sherie avait remercié la mauvaise personne.

"Mais non, Sherie, c’est Henri, son ami que tu as remercié. Joël, c’est celui qui est à gauche."

Sherie était mal à l’aise face à cette révélation, mais impossible pour elle d’y retourner. Elle n’avait pas aimé le regard de Joël sur elle.

Andy éclata de rire en voyant l’expression sur le visage de Sherie. "Tu vas devoir t’habituer à ça, ma chère. Les femmes ne sont pas les seules à chercher à séduire. Joël, lui, il joue à un tout autre niveau. Si c’est lui seulement qui te veut, j’oublie que Karl est mon frère, hein. C’est un petit joueur face à Joël." Si tu ne le ne veux pas tu me le passes, j’ai des projets glorieux pour lui, dit Andy en se mordant la lèvre inférieure et regardant dans la direction de la table de Joel.

Sherie, bien que visiblement gênée, se sentit paradoxalement flattée. Pendant ce temps Henri et Marlène, échangeaient des regards de plus en plus appuyés. Henri, lui, ne se gênait pas pour répondre par des regards lourds de sous-entendus.

Il savait parfaitement jouer de son charme discret. Marlène, quant à elle, se sentait attirée non seulement par sa position dans l’entourage de Joël, mais aussi par la tranquillité et la certitude qu’il dégageait. Henri, bien que "ami" de Joël aux yeux de tout le monde, n’était rien de plus que son chauffeur. Mais à ce moment-là, personne ne pouvait deviner cela. Il portait des vêtements de qualité, était toujours impeccablement parfumé, et semblait appartenir au même cercle privilégié que ceux qu'il côtoyait.

Henri Kouassi, 29 ans, et Marlène Diomandé, 25 ans, étaient à des mondes parallèles, et pourtant, ce soir-là, leurs trajectoires se croisaient dans une sphère où les masques tombaient lentement, sans qu’ils ne le réalisent encore pleinement.

Henri Kouassi, né et élevé à Abobo PK18, dans un des quartiers les plus populaires d’Abidjan, portait en lui l’essence de son passé. Fils aîné d'une famille modeste de six frères et sœurs, il avait grandi dans un environnement où la solidarité familiale était primordiale, mais où l’argent et les opportunités étaient rares. Son père, Kouassi Bernard, un ancien mécanicien sans éducation formelle, mais d’une grande sagesse, lui avait inculqué des valeurs simples : discrétion, humilité, et résilience. Henri avait appris à se fondre dans la masse, à ne jamais se faire remarquer, tout en nourrissant des rêves de grandeur.

Sa mère, Korotoum  Koné, une vendeuse de denrées alimentaires au marché d’Abobo, avait aussi marqué sa vision de la vie. Elle lui avait enseigné l'importance de se battre pour sa famille et de prendre des décisions réfléchies, même dans un environnement de contraintes.

En dehors de sa famille, Henri avait un seul repère qui semblait l’éloigner de cette réalité : Joël Owono. Ils s’étaient rencontrés à une époque où Henri peinait à joindre les deux bouts. Joël lui avait offert une opportunité de travail : chauffeur et homme de main dans le cercle influent du fils du magnat. Il n’était devenu qu’un simple exécutant, mais cela suffisait pour qu’il se fasse connaître et qu’il côtoie des gens puissants. Même s'il était seulement perçu comme un proche de Joël Owono, Henri n’était pas du genre à se laisser enfermer dans ce rôle. Il savait que sa chance finirait par arriver, et il comptait bien se préparer à saisir cette opportunité dès qu’elle se présenterait.

Marlène Diomandé, quant à elle, venait d’un tout autre monde. Elle avait grandi dans une villa luxueuse à la Riviera, un quartier huppé d’Abidjan où l'argent, la distinction et les relations étaient au cœur de chaque conversation. Albert Diomandé, son père, était un homme d’affaires influent dans le secteur des télécommunications, propriétaire de la célèbre chaîne de télévision RTCI et de plusieurs sociétés de communication à travers le pays. Claudine Koffi Epse Diomandé, sa mère, une médecin spécialisée en chirurgie, avait toujours veillé à lui offrir le meilleur, lui inculquant l’idée qu’elle était née pour évoluer parmi les plus grandes personnalités du pays.

À 25 ans, Marlène n’avait jamais eu à se poser de questions sur l’argent, la réputation ou le prestige. Ces concepts faisaient partie de son quotidien. Son éducation l’avait préparée à interagir avec des hommes et femmes d’influence, et elle avait développé une certaine facilité à naviguer dans cet univers sans se faire remarquer. Elle avait fréquenté des écoles privées, avait étudié dans les meilleures universités à l’étranger, et sa vie semblait écrite d’avance : marier un homme de pouvoir, de prestige, un homme à la hauteur de ses ambitions et de son nom.

Ce soir, dans ce lounge vibrant, elle avait remarqué Henri sans vraiment se douter de la réalité derrière son apparence impeccable. Il avait cette allure d’homme élégant, réservé, mais néanmoins charismatique. Elle le voyait comme un bon parti, discret mais sûr de lui, et surtout, proche de Joël, ce qui, aux yeux de Marlène, en faisait déjà un membre de la haute société. Ce mystère qui l’entourait, sa manière d’être à la fois présent sans se montrer, éveillait sa curiosité. Elle imaginait, sans le dire ouvertement, qu’un homme comme Henri pourrait faire d’elle sa future épouse. Elle savait bien que dans ce monde-là, l’apparence et les alliances étaient plus importantes que tout. Elle était prête à jouer ses cartes.

Leur flirt silencieux s’intensifia, jusqu’à ce que Marlène décide de quitter son carré VIP pour rejoindre celui d'Henri, après avoir échangé quelques mots avec Sherie et Andy. Elle s'assit près de Henri, dont les yeux s'illuminèrent immédiatement à sa vue.

— Alors, tu passes une bonne soirée ? lui demanda Henri, un sourire en coin.
— Oh oui, et toi ? répondit Marlène, lui renvoyant un sourire
— Oui, depuis que je t’ai vue, je passe une excellente soirée, dit-il, l’air malicieux.
— Tu mens très mal, Henri. Et tu ne sais pas draguer, répliqua-t-elle, dans un rire franc

— Je reconnais, je suis coupable... répondit Henri, plaçant une main sur sa poitrine, feignant d’être choqué. Mais je suis doué pour autre chose

— Ah bon ? Comme quoi, ça ? demanda Marlène, haussant un sourcil, taquine.

Il ne répondit pas mais d’un mouvement fluide, il l’attrapa par le cou, la rapprocha de lui et l'embrassa sans avertissement. Le choc de la surprise fit vibrer l’air autour d'eux, mais rapidement, Marlène se laissa emporter par la chaleur du baiser. Leurs lèvres se rencontrèrent avec une intensité brutale mais envoûtante, et Marlène, après une seconde d'hésitation, répondit avec une ardeur égale, comme si ce baiser était le prélude d’une danse qu’ils avaient déjà commencée dans un autre monde, faisant abstraction des personnes autour d'eux.

Une chaleur se diffusa rapidement dans son bas ventre, un frisson la parcourut. Elle sentit son corps réagir vivement, le désir s’allumant en elle avec une intensité qu’elle n'avait pas anticipée. Sa petite culotte devint soudainement moite, l'humidité s'intensifiant à chaque seconde qui passait.

Henri se détacha finalement d'elle, tout en la fixant avec un regard profond. Leurs respirations étaient lourdes, marquées par l'émotion du moment. Marlène, tentant de reprendre contenance, baissa les yeux pendant un instant.

Henri (doucement, presque dans un murmure lui dit) : "suis-moi."

Elle n'hésita pas. C’était comme si un fil invisible la guidait vers lui. Sans réfléchir, elle se leva, saisissant sa main pour le suivre.

Ils se faufilèrent hors de la salle bondée, se dirigeant vers les toilettes du fond, un endroit plus intime, où les regards ne pouvaient les atteindre. Dès qu’ils entrèrent, Henri ferma brutalement la porte derrière eux, créant une barrière silencieuse avec le monde extérieur. Dans l’instant, l'atmosphère changea, devenant plus tendue, plus intime. Il souleva la robe de Marlène, ses gestes devenant plus assurés alors que l’espace autour d’eux se rétrécissait.

Dans un geste soudain, il lui ôta sa petite culotte, provoquant un cri de surprise chez Marlène. Il l'embrassa à nouveau et se baissa pour glisser sa langue dans son intimité. Marlène profitait du cunnilingus le plus délicieux qu'elle ait jamais connu. Henri manœuvrait avec sa langue sur le sexe de Marlène, aspirant, soufflant, suçotant et tirant tandis que le nectar de celle-ci commençait à dégouliner. Marlène avait des difficultés à se tenir debout, gémissant de plus en plus fort pendant qu'Henri, avec une langue experte, s'efforçait de la satisfaire. Au bout de quelques instants, il introduit un doigt puis un deuxième dans l'intimité de Marlène tout en poursuivant son cunnilingus. L'effet fut instantané. Marlène connu un orgasme intense et convulsif, ses jambes avaient perdu toute stabilité.

Henri se releva et regarda Marlène, passant une main sur son visage. Ils se fixèrent un instant, puis éclatèrent de rire et s’embrassèrent à nouveau.

— On rentre ? demanda-t-il.

— Oui, répondit-elle, les yeux brillants de désir. Je vais prévenir les filles.

Il acquiesça d’un hochement de tête.

— Les filles, je vais vous laisser, annonça Marlène en rejoignant Andy et Sherie.

— Mais il n’est que 2h, protesta Andy.

— Oui, mais une longue soirée m’attend, répondit Marlène en se passant une main dans les cheveux.

Andy comprit immédiatement ce que cela impliquait, mais Sherie, elle, sembla plus perplexe.

— Ah, tu aimes trop Kiki, ma chérie, lança Andy en riant.

— Salope, répliqua Marlène en riant aussi. Si pour toi ça mange du riz, ma part mange le plantain bien mûr.

— J’aimerais bien rentrer avec toi, Marlène. Je commence à fatiguer, dit Sherie.

— D’accord, on peut te déposer, répondit Marlène.

— Ça tombe bien, je dois aussi passer voir mon 911 du moment, ajouta Andy. On va toutes se faire mougou ce soir, sauf toi, Sherie. Les célibataires ont tort ! dit-elle en riant.

Sherie roula des yeux, amusée.

— Vous êtes insupportables, mais amusez-vous bien, répondit-elle avec un sourire sarcastique.

Marlène et Andy échangèrent un regard complice avant que Marlène ne fasse un signe de tête vers Henri, qui les attendait, impassible.

— Allez, on se capte demain, les filles, dit-elle. Bonne soirée !

— Prenez soin de vous, les filles ! lança Andy avec un sourire en les embrassant sur les deux joues, avant de les regarder partir.

Marlène se dirigea vers la table d'Henri et Joel, et Sherie se dirigea vers la sortie, évitant soigneusement le regard de Joel, qui lui donnait une lourde sensation de malaise. Elle n’avait pas non plus envie de croiser celui de Karl. Sa mission était claire : abattre l’ennemi et réussir. Pour ce faire, elle devait l’ignorer pendant toute la soirée. Quelques instants plus tard, elle aperçut Henri et Marlène se diriger vers elle, ce qui la soulagea.

Marlène lui expliqua qu'elle et Henri allaient la déposer. Sherie s’installa à l’arrière et Marlène à l’avant. Une fois dans le véhicule, Henri proposa à Sherie de lui donner son adresse pour l’insérer dans le GPS.

Sherie hésita un instant, puis se tourna vers lui et donna l’adresse sans discuter, se calant contre le dossier du siège.

— Voilà, c’est parfait, répondit Henri en programmant l’adresse dans le GPS.

Marlène se tourna alors vers lui, un sourire subtil aux lèvres. L’atmosphère dans la voiture était calme, mais une tension palpable régnait entre Marlène et Henri. La tension était indéniablement sexuelle. Ils entamèrent une conversation à laquelle Sherie répondit de manière distraite. Ses pensées étaient tournées vers Karl, se demandant si l'ennemi avait été touché en plein cœur, comme l’avait suggéré Andy. Elle repassa la soirée en revue, se disant qu’elle en avait bien profité.

Quelques minutes plus tard, Henri se gara devant chez Sherie. Elle les remercia tous les deux.

— Bonne soirée, ma belle, et fais attention à toi, lui dit Marlène.

— Merci, Marlène. Bonne soirée à vous deux, répondit Sherie.

Sherie entra chez elle, le corps un peu fatigué mais l’esprit apaisé. Elle se débarrassa de ses vêtements une fois dans sa chambre, se démaquilla et se dirigea directement vers la salle de bain. L’eau du pommeau de douche la détendit instantanément, effaçant la tension de la soirée. Elle ferma les yeux un instant, savourant la sensation de calme.

Après quelques minutes, elle sortit, s'enroula dans une serviette douce et se dirigea vers son lit. Avant de se coucher, elle prit son téléphone et laissa un message à Andy :

« Je suis bien rentrée, mission accomplie… Enfin j'espère, on verra demain. Merci pour cette soirée, c’était vraiment top. À demain pour la suite de l’aventure ! »

Elle laissa un petit sourire s'étirer sur ses lèvres en envoyant le message, satisfaite de cette soirée, malgré sa réticence initiale.

La réponse d'Andy ne tarda pas :

« Dors bien ma chérie! Moi je vais baiser, on décortique ça demain »

Sherie secoua la tête de gauche à droite en se disant qu’Andy était vraiment une folle, mais elle ne put s’empêcher de sourire. Elle se glissa ensuite sous les draps, se sentant légère. Ses pensées dérivèrent lentement vers Karl, puis vers ce que les jours à venir pourraient réserver. Pour une fois, depuis un moment, elle s'endormit le sourire aux lèvres, les yeux fermés, comme si un poids commençait enfin à s’enlevé de ses épaules.

 KARL GABRIEL KODJO

Karl n’avait pas vu la soirée passer. À chaque fois qu’il détournait les yeux, ils revenaient inexorablement à elle. Sherie.
La fille à ses côtés fit tout pour attirer son attention sans succès. Quand Sherie quitta enfin le Lounge, il se leva, prétexta un mal de tête — un mensonge qu’il ne croyait même pas — s’excusa auprès de ses amis, et proposa à son invitée de la raccompagner. Cette dernière, frustrée par l'attitude qu’il avait affichée toute la soirée, déclina.

Il sortit du Sky Bistrot, l’air frais du soir le frappant comme un coup de fouet. Le bruit de la musique s’estompait au fur et à mesure qu’il s’éloignait du club. Dans sa voiture, l’odeur du cuir neuf lui parut soudainement étouffante. Ses mains étaient moites sur le volant. Il roula jusqu’à chez lui, son cœur battant plus fort à chaque kilomètre parcouru, chaque seconde plus lourde que la précédente. 

Les images de la soirée se bousculaient dans sa tête. Il revoyait Sherie, le fait de la voir s’approcher du salon du fils Owono ne lui avait pas du tout plu. C’était lui qui avait joué à disparaître. Il avait cru que ça le soulagerait, qu’il se protégerait ainsi. Mais il réalisa qu’il avait fait une erreur monumentale. Le vide qu’il avait créé l’étouffait. La distance l’étouffait.

Une fois chez lui, dans sa chambre, ses pensées tourbillonnaient sans fin. Il pensa à ses erreurs, à ses doutes, à tout ce qu’il n’avait pas fait, tout ce qu’il n’avait pas dit. Le lendemain matin, il se leva comme un automate, jetant un coup d’œil à son téléphone qui vibrait sur sa table de chevet. Sa mère l’appelait. Il hésita un instant avant de décrocher.

Karl : « Allô maman ? »

Maman Karl (voix douce mais inquiète) : « Karl, ça va ? Ça fait un moment qu’on ne s’est pas vus. Tu me manques mon chéri pourquoi tu ne viens pas à la maison ? »

Karl ( luttant contre la lassitude) : « J’ai eu beaucoup de boulot, maman ce n’est pas évident... mais je vais passer, promis. Ce week-end, je viens. »

Maman Karl : « D’accord, mais ne me laisse pas trop attendre, hein ? Je ferai du foutou avec de la bonne sauce graine comme tu aimes. »

Karl (soupirant, se frottant les yeux) : « D’accord maman. »

Maman Karl : « Prends soin de toi, mon fils je t’aime. »

Karl : « Oui, toi aussi, je t’aime aussi maman. »

Il raccrocha, pensif. Il pensa à sa mère. Puis à Sherie. Il savait qu’il devait la voir, qu’il ne pouvait pas la laisser partir sans au moins essayer. Si ce n’était pas maintenant, il se consumerait de regrets.

Il enfila un jean, une chemise, après avoir pris une douche froide, monta dans sa voiture, et démarra. Chaque minute qui passait le rapprochait d’elle, mais aussi de l’affrontement avec la vérité qu’il avait longtemps ignorée. Pourquoi avait-il attendu si longtemps ? Pourquoi avait-il cru qu’il pouvait tout effacer simplement en disparaissant ?

Le trajet jusqu'à chez Sherie semblait interminable. Son esprit se noyait dans ses regrets. Dans une rue juste avant d’arriver, il s’arrêta, les yeux rivés sur la vitre, la tête pleine de doutes. Il se dit qu’il aurait peut-être dû la contacter plus tôt. Qu’il aurait dû s’excuser plus tôt. Mais à présent, il n’y avait plus de retour en arrière. Il savait que cet instant était décisif.

Quand il arriva devant la maison, il s’arrêta un instant, le regard fixé sur la porte d’entrée. Ses pensées se heurtèrent à la question : avait-il encore sa place dans sa vie ? Il ne savait pas si la réponse était positive ou négative, mais il était là, devant sa porte, prêt à l’affronter.

Il respira profondément et sortit de la voiture. C’était maintenant ou jamais. Il frappa, et le bruit de ses poings résonna dans l’air frais du matin. Quelques secondes passèrent, puis une voix claire, se fit entendre à travers la porte :

— « C’est qui ? »

L’hésitation traversa Karl. Des centaines de répliques possibles se pressaient dans sa tête, mais là, face à la porte, il ne savait plus. Il laissa échapper un faible soupir, puis répondit :

— « C’est… c’est moi. »

Il attendait la réaction. Peut-être qu’elle ne viendrait même pas ouvrir. Peut-être qu’elle l’enverrait bouler. Mais, cette attente, ce silence pesant entre la question et sa réponse était comme une lame tranchante et le déstabilisaient.

SHERIE