Vide. Tout était vide. Luz avait beau regardé plusieurs fois dans les mêmes directions, espéré que tout s'arrangerait et qu'il ne s'agissait que d'un mauvais rêve, la réalité se saisissait rapidement d'elle. Debout dans le village, au même endroit que le matin, elle contemplait le paysage désert. Une peine immense la rongeait quand elle pensait au fait qu'elle avait échoué à la protection de son peuple. Le froid glaçant qui s'était intensifié au cours des dernières heures la faisait frissonner de froid. Solenna marcha jusqu'à elle.

— Qu'arrivera-t-il avec Célesta ? demanda-t-elle directement.

Après quelques secondes muettes, Luz répondit désintéressement :

— Elle s'en est juste allée quand je lui ai demandé qui elle était. Alors nous savons que Célesta ne cessera jamais ses mensonges.

Solenna se pinça les lèvres en pleine réflexion.

— Tu as une idée de ce qu'on fera à présent ?

— Regarde autour de toi Lena.

Solenna hésita, mais s'exécuta.

— Qui vois-tu ?

— Personne, répondit-elle à travers un souffle.

— Alors qui doit-on encore sauver ? Je ne leur en veux d'ailleurs pas.

— Comment ça ? Ton peuple s'en est allé sans regarder en arrière et sans y penser à deux fois !

— Je ne sais pas ce que tu fais encore ici alors. Tu devrais y aller et veiller sur Lysga. J'ai raté cette mission et tout le reste. Le peuple a bien plus réfléchi que tu ne le crois, il le fait depuis longtemps, ils y étaient préparés.

— Tu me laisserais y aller ? demanda une Solenna surprise.

Elle n'avait jamais pensé que Luz aurait aussi vite déposé les armes. Luz soupira.

— Nalu viendra bientôt, on doit se rendre à la cité. Je veux voir ce qu'il en reste.

À peine finit-elle sa phrase que Nalu s'avança vers elles. Elle ne portait plus son sourire habituel sur les lèvres.

— J'ai échoué à la seule chose que je savais faire : convaincre les autres.

— Ma chì avete tutti à dì? ( Mais que dites-vous tous ? ) s'indigna Solenna en fronçant les sourcils. On a perdu une bataille, pas la guerre !

— Allons-y. Ton père y est déjà et Nalu a convaincu ceux qui restaient ici de nous y rejoindre. Nous avons besoin de penser comme des humains à nouveau, loin de toute cette magie.

Solenna ne dit plus rien, se contentant de marcher avec les deux autres. Elle ne demanda pas pourquoi elles ne se téléportaient pas, craignant de trop en dire. La marche fut silencieuse jusqu'à leur passage près de l'arbre qui servait d'entrée à l'antre de Galista. Luz se rappela la fois où elle avait traversé la forêt avec son fils. Il était encore secourable à ce moment-là. Elle passa ses doigts tremblant sur le sang gravé sur l'arbre. Elle ferma ses yeux en respirant profondément.

— Allons-y, finit-elle par dire.

Une fois à la cité — qui était tout aussi vide que le village, elles se rendirent à la troïka où attendaient Hongust, Nerdy, Zalina et Brad. Le regard de Luz croisa celui d'Hongust qui remarqua toute sa tristesse.

— Nous allons rester groupés en attendant de trouver une solution. Tout le monde a été mis en sécurité dans les souterrains, annonça-t-il.

— Des souterrains ne l'arrêteront pas, commenta Nerdy.

— Je sais, mais au moins on sera tous ensemble.

*

Le crépuscule montrait progressivement le bout de son nez. Luz était assise dans l'arène, observant le sol sans réellement penser à quoi que ce soit. Ni le froid glacial qui durcissait ses doigts et engourdissait ses membres, ni les rafales de vents qui faisaient flotter ses vêtements et virevolter ses cheveux. Elle ressentit la présence de Nerdy à ses côtés.

— Elle ne le tuera pas.

Luz fronça les sourcils sans regarder son compagnon.

— Cody, elle ne le tuera pas, reprit-il.

— Qu'en sais-tu ? rétorqua Luz. Où es-tu dans le même cas que Célesta ?

— Je le sais juste. Si elle a fait tout ça, c'est sûrement pour une raison et pas pour simplement le tuer. Sinon, elle serait une psychopathe déséquilibrée.

Après un long silence, Luz répondit :

— Es-tu amoureux d'elle ?

Il comprit bien vite qu'elle faisait référence à Fiona.

— Aussi idiot que ça peut paraître, oui.

— Idiot ? Non. Fiona est une belle personne, malgré tout. Certaines bonnes graines ont juste le malheur d'échouer sur des sentiers hostiles.

— Comme Lygsa, commenta-t-il en regardant devant lui.

— Comme Lysga.

— Hum, acquiesça-t-elle.

— On devrait y retourner, afin de maintenir le reste du peuple avec nous, suggéra-t-il.

Elle se leva, avant lui. Il lui retint le poignet, la poussant à se tourner vers lui.

— Ton but est bien de récupérer tout le monde, n'est-ce pas ? lui demanda-t-il, curieux.

Elle posa un long regard sur lui.

— Luz, tu ne peux pas laisser tomber maintenant.

— Laisser tomber quoi ? Il n'y a plus rien. J'ai l'impression que Galista a le contrôle sur tout, visible et invisible, répliqua-t-elle difficilement.

Nerdy la considéra pendant un moment.

— La première fois, tu as été très effrayée, tu t'en es sortie. Tu le feras aussi cette fois.

— Les enjeux sont différents, Nerdy ! s'opposa-t-elle. Tout est tellement en pagaille ! Je le sens, je sens que Cody va mal. Et Lysga...

Elle parlait en tremblant, comme si tout le calme dont elle avait fait preuve ces derniers temps masquait une tension qui explosait à présent.

— Cody revient toujours, se contenta-t-il de siffler entre ses dents.

Il ouvrit ensuite ses bras pour la laisser s'y blottir et pleurer un bon coup.

— Fiona aussi, c'est un chat, répondit-elle avec un petit sourire lorsqu'elle se détacha de lui.

Il lui répondit avec un petit sourire aussi.

— Et il n'en a pas l'air, mais ton gamin a plus d'un tour dans son sac.

Elle expira profondément.

— Tel père, tel fils, ajouta-t-elle.

Ils se rendirent dans les souterrains emménager pour les quelques dizaines de personnes qui restaient. Luz se dirigea spontanément vers Hongust avec un sourire.

— Quel est ton plan ? lui demanda-t-il discrètement.

— Aucun pour l'instant, avoua-t-elle.

— Parfois en guerre, il faut y aller à l'aveugle, rétorqua-t-il. Pour l'instant, on va essayer de se changer les idées.

Il s'adressa ensuite à tous ceux qui étaient présents :

— Tout le monde dehors. On va prendre l'air et revenir.

Tous hésitèrent.

— Si quoi que ce soit se passe, on reviendra rapidement ici. Je vous protégerai au prix de ma vie, leur promit Luz.

Ils sortirent finalement, puis se dispersèrent dans la cour en entretenant des conversations et essayant de distraire les enfants en particulier. Luz resta un peu plus à l'écart, observant Nerdy et Brad qui discutaient en riant. Elle voyait soudainement Nerdy différemment : comme le semeur de trouble converti en semeur de paix.

— Je n'aurais jamais pensé les voir ainsi un jour, remarqua Solenna en se rapprochant de Luz.

— Moi non plus, répondit-elle sincèrement.

Elle lança ensuite un regard circulaire pour remarquer Nalu qui jouait avec des enfants.

— Célesta ? Elle discute avec Hongust, dit Solenna qui avait compris qui elle cherchait. Il a l'air de la croire.

Luz secoua légèrement sa tête.

— Je ne comprends pas comment une personne aussi bonne peut faire autant d'erreurs, avoir autant d'ombres, commenta Luz.

— Je crois que c'est parce qu'on veut toujours la voir bonne qu'on n'arrive pas à voir ses fêlures, lui répondit Solenna.

Luz la regarda par-dessus son épaule en plissant les yeux.

— J'ai oublié de te remercier d'avoir donné le sourire à Lysga pendant quelque temps.

— Tu l'as aussi vu sourire ? s'étonna Solenna.

Luz plissa les yeux de surprise.

— Non, tu l'as vu sourire toi ? Je parlais abstraitement.

— Hum, oui, une fois, bafouilla Solenna en rougissant.

Luz lui sourit tendrement avant de détourner son regard sur la foule à nouveau.

— Comment était-ce ?

Solenna garda le silence pendant un moment, gênée, avant de répondre :

— Magnifique !

— Alors merci d'avoir fait sourire magnifiquement mon fils, dit Luz.

Elles sourirent. Tout à coup, des pétales de glaces rouges se mirent à tomber sur eux. Alertés, les gens se mirent à regarder partout autour d'eux.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda Luz en prenant un des pétales dans sa main.

Hongust qui venait d'arriver avec Célesta parla :

— De la neige, elle tombe normalement sur Terre et est normalement blanche.

Luz se tourna vers lui en évitant le regard de Célesta.

— À quoi pouvons-nous devoir cela ? s'enquit-elle.

En signe de réponse, un son lourd de tambours résonna sur toute la planète, tandis que la neige rouge tombait à profusion.

— Tout le monde à l'intérieur, cria Luz.

Ils se dirigèrent tous rapidement à l'abri. Une fois à l'intérieur, un tremblement de terre les bouscula, augmentant la panique. Des objets et meubles glissaient et se fracassaient contre les murs, les gens hurlaient d'effroi. Une fois arrêtés, ils se relevèrent tous doucement.

— Je crois que je viens de comprendre, soupira Célesta.

*

Ils étaient tous rassemblés sous les ordres de Galista qui se trouvait au centre avec Lysga et Fiona. Les sons de tambours dominaient toujours les lieux, la neige rouge s'échouant sur eux. Le visage des différentes personnes ne révélait aucune autre chose que la soumission : la soumission à leur destin, à la réalité, à Galista. Ils avaient tous pensé que leur glami les sortirait une fois de plus de la situation, les sauverait. Malheureusement, il ne restait plus rien de la glami. Contre toute attente, Galista s'agenouilla lentement, tournant sa face vers le ciel sombre. Une épaisse ombre prit forme en face d'elle, avant de se substituer à un être dont émanait une puissance pernicieuse.

À peine haut d'un mètre, la créature nageait dans une longue robe rouge sombre semblable à celle que portait Galista. Son teint grisâtre faisait ressortir ses petits yeux rouges, son crâne chauve couvert d'énormes veines qui battaient lentement, ses fines lèvres vertes, ses larges oreilles et son petit nez. Maigrichonne, la créature ne représentait physiquement aucune menace autre que sa laideur ; levant ses yeux sur Galista avec un large sourire révélant ses dents d'une blancheur ahurissante.

Ensuite, il se tourna vers la foule qui tomba à genoux : tous, y compris Lysga et Fiona. Ils se tinrent la tête dans les mains en hurlant de douleur, ce qui leur donnait l'air de se prosterner. Lysga eut un coup au cœur, se rappelant sa vision où tous se prosternaient devant Galista. Il n'aurait jamais cru que Galista... se prosternait devant un autre.

— Mi corsi (Mon maître), jubila Galista en se levant.

— Galista, répondit la créature de sa voix métallique.

*

Tous avaient été congédiés à leurs domiciles, laissant le maître et ses trois sbires en compagnie de Cody dans le nouvel antre. La créature inspira une longue bouffée d'air, laissant tomber sa tête en arrière. Il revivait. Il était là...

— Lysga, Fiona, voici notre roi, annonça Galista.

— Laissons-leur un peu de liberté, amusons-nous, déclara la créature.

Fiona et Lysga se sentirent instantanément plus libres dans leur corps et dans leur tête. Le regard de Lysga se posa directement sur son père, il savait qu'il était là, il savait que son père souffrait. Il n'arrivait simplement plus à reprendre le contrôle. Les seules parcelles de volition qui restaient en lui s'étaient envolées, si vite, si fort, si tôt.

— Qui êtes-vous ? demanda simplement Lysga en regardant à nouveau la créature.

— Il...

Le maître leva son index vers Galista pour lui indiquer de se taire.

— Je suis Poïsdon, mais vous m'appellerez le maître. J'ai fait de Galista qui elle est, je lui ai tendu la main dans ma grande générosité et elle a su pleinement profiter de ce cadeau, et j'espère que vous en ferez autant, affirma doucement Poïsdon.

Il parlait très lentement, comme si les mots suivaient un processus beaucoup trop long pour émerger de sa bouche plus rapidement.

— J'ai toujours été là. Depuis toujours. Je vous connais atrocement bien. Je te veux toi, petit dieu à mes côtés. Ton pouvoir est si immense qu'il m'a subjugué dès ta conception. Alors j'ai décidé de poser mes empreintes avant que tu ne naisses. Car tu es à moi.

— Et Galista ? N'est-elle pas votre main droite ?

— Je ne suis que le produit du maître. Il te veut toi, Lysga, à ses côtés. Nous avons assisté à toute la guerre contre Peter Jones avant ta naissance, et le maître savait avant même ta mère que le monde te recevrait. Alors, il t'a attendu.

Poïsdon posa ensuite son regard sur Cody qui avait les yeux fermés, respirant lentement.

— Ton père n'a pas su voir les choses en grand comme toi, commenta-t-il avant de hausser les épaules.

Il se tourna vers Fiona qui restait muette.

— Fiona... mi caru (ma chère) Fiona. Une brebis égarée qui est revenue à temps.

— Que voulez-vous ? demanda Lysga avec le peu de force qui lui restait.

— Je n'aime pas me répéter, lui reprocha Poïsdon en se tournant vers lui. Assiste juste au spectacle, tu es VIP, mi gilma.

*

— Elle... me parlait souvent de cet ami qu'elle avait. Cet ami qui voulait rester secret et qu'elle ne voulait pas me présenter, expliqua Célesta.

Elle était entourée de Brad, Nerdy, Nalu, Hongust, Solenna et Luz. Elle parlait honteusement, fuyant le regard de sa nièce.

— Je vous assure que jusqu'à la lecture de la prophétie, je prenais ça pour une autre de ses déviances. Mais après, tout a pris sens. Elle disait qu'il était le roi, qu'il viendrait réclamer son royaume, qu'elle le nourrissait, le guidait, mais qu'il avait un héritier.

Luz ne la laissa pas finir qu'elle s'avançât rapidement vers elle pour la gratifier d'une claque.

— Mon fils est son héritier ? Comme peut-on entendre de pareilles choses et faire comme si de rien n'était et que tout était normal ? cria-t-elle en ignorant les regards sur elle.

Célesta qui avait la main sur sa joue, se contentait de la regarder avec de grands yeux horrifiés.

— Comment peux-tu être en paix avec toi-même en sachant tout cela ? continua de tempêter Luz, hors d'elle-même.

Hongust la tira avec précaution vers l'arrière.

— Calmons-nous, tenta-t-il. Je crois que Célesta a compris ses erreurs.

Luz se détacha de Hongust.

— Je le pensais il y a quelques années, mais apparemment j'avais tort.

— Continue, Célesta, l'exhorta Nerdy qui lui non plus ne reconnaissait plus la Célesta qu'il avait en face de lui.

Il voulait, à ce point, autant d'informations que possible pour porter un terme à toute la folie qui leur tombait dessus.

— Je pense, oui, qu'elle faisait référence à Lysga. Et il y a une dernière chose...

Elle arrêta de parler, comme si ce qu'elle s'apprêtait à dire était une bombe qu'elle avait peur de lancer.

— Lysga n'a jamais été seul. Je veux dire, déjà à l'accouchement, il m'avait donné une drôle d'impression. Mais en réalité c'était Poïsdon, le fameux roi, qui avait posé sa main sur lui. J'avais toujours pensé que ce n'était que dans ma tête au départ, que Lysga ne faisait que des caprices. La triste réalité est qu'il souffre depuis le sein de Luz. Qu'il cherche un moyen de s'échapper à lui-même. Poïsdon veut le modeler à son image.

— Dis-moi que tu c'était le dernier secret, supplia Nerdy en gardant son calme.

Il se sentait responsable de parler pour Luz, car le moindre mot sortant de sa bouche pouvait réveiller de nouveau en elle la rage.

— Oui, promis, soupira Célesta. Pardon.

— Que signifiait tout ce grabuge alors ? finit par demander Brad en regardant autour de lui.

— Il est là, Poïsdon et je crois qu'il a commencé.

— Allons-y.

Ils se tournèrent tous vers Luz qui avait parlé trop bas.

— Quoi ?

— Je me corrige : j'y vais. Je dois récupérer Cody et Lysga et même Fiona. Je ne peux pas attendre qu'ils en finissent avec ma famille.

— Mais on n'a aucune chance ! s'opposa Célesta.

— On en aurait eu si tu n'avais pas tout foutu en l'air. On n'en aura pas plus demain, demain, Cody sera sans doute mort. Et moi avec. Alors, c'est maintenant ou jamais.

— Je viens avec toi, déclara Nerdy.

— Moi aussi, enchaîna Brad.

— Moi aussi, firent Solenna, Célesta et Nalu en chœur.

— Je crois que quelqu'un devrait rester pour veiller sur le peuple avec moi, ce n'est pas prudent de tous s'en aller, dit Hongust.

— Célesta peut rester, rétorqua rapidement Luz.

— Ce ne serait pas très prudent non plus, commenta Nerdy.

— Je vais rester, je suis la gardienne ici, proposa Nalu.

Ils s'en allèrent après avoir promis au peuple qu'ils allaient régler une situation importante. Dès leur départ, Nalu et Hongust se regardèrent, inquiets.

*

L'immense porte de l'antre s'ouvrit, donnant d'un côté Poïsdon assis dans le précédent trône de Galista, Galista, Lysga, Fiona et Cody ; et de l'autre les nouveaux arrivants.

— Je t'avais dit que le spectacle était pour très bientôt non ? dit Poïsdon à Lysga avant de sourire aux nouveaux arrivants.

— Je vous rencontre enfin. Mi glami Luz, la raison à qui je dois mon héritier. Mi glami Célesta, je ne sais que dire sur l'aide infinie que vous m'avez apporté dans ce plan. Nerdy, l'une des plus belles œuvres de mon spectacle. Brad, l'homme au cœur pur qui a jeté mon héritier dans les bras du démon. Solenna. La lumière de mon royaume. Solenna.

Il sourit en prononçant son prénom.

— Lysga, l'ennemi au visage d'ange est présent, continua-t-il sur un ton amer.

— Je ne suis pas venue discuter, je suis venue récupérer ma famille, annonça Luz, le visage fermé.

— Bien, nous avons un spectacle magnifique en place.

Il tourna sa tête vers Cody qui ne bougeait plus. Luz ne se fit pas prier pour courir vers lui en larmes. Elle le secoua, secoua sans qu'il n'ouvre les yeux.

— Cody, réveille-toi, je t'en prie, le supplia-t-elle.

— Il s'est endormi exactement deux secondes avant votre arrivée mi glami, lui apprit Galista.

Elle leva un regard confus sur eux.

— Endormi ? répéta-t-elle. Endormi ?

En une fraction de seconde, elle revint à elle-même en posant à nouveau le regard sur Cody. Elle était pourtant persuadée d'avoir vu son beau visage encore en couleur il y a à peine quelques secondes, elle était certaine d'avoir vu son torse s'élever et s'affaisser. À présent elle ne voyait plus rien. Elle n'avait rien ressenti. À présent elle ressentait tout, beaucoup trop. Un déluge. Un déluge de vide, un vide aussi plein qu'il en devenait vertigineux. Son cœur battait trop vite dans sa poitrine, si vite qu'elle sentait l'espace tourné à vide allure autour d'elle. Pas encore. Pas encore. Pas encore.

Elle le vit cette fois. Le teint pâle, les lèvres bleues, en lambeaux. « Tu vois cette soie si fragile ? ... Je m'éteindrai, et je ne veux pas m'éteindre. Alors je m'attèle à recoudre, quitte à me briser les doigts, quitte à saigner. » L'aiguille qui te recousait, te déchirais. Ton remède t'empoisonnait. Il t'a suffi de tomber, pour éclater en morceaux. Pour m'abandonner une fois de plus, avec pour héritage ton poison.

Les mains de Luz battaient contre la joue de Cody. Elle se releva difficilement, sentant ses forces la quitter petit à petit. Elle le fixa. Laissant les larmes couler à profusion sur sa joue, laissant la douleur la manger vivante. Solenna profita de l'attention sur Luz pour lancer une puissante boule lumineuse sur Poïsdon. D'un geste rapide, il les redirigea sur eux. Solenna put la faire disparaitre à temps. Nerdy se dirigea vite vers Fiona.

— Fiona, je t'en prie, reviens à toi. Je sais que tu es plus forte que ça. Que tu peux reprendre le dessus, la supplia-t-il. Fiona...

— Fiona... fit aussi Galista.

Fiona adressa un sourire tendre à Nerdy. Son visage s'illumina. Elle était enfin revenue à la raison. Soudain, il sentit une piqûre, non une morsure dans sa poitrine. Yeux baissés, il contempla la main de sa bien-aimée empoignant une lame qui siégeait à présent dans sa poitrine. Une lame couverte de cinabre, un poison pour les nelcaliens. Il releva les yeux vers elle. Et une fois encore, il sut que ce n'était pas elle, que ce n'était pas Fiona.

— Lena ! cria Célesta.

Solenna courut vers Nerdy pour disparaitre avec lui. Célesta en fit de même avec tout le reste. Luz apparut dans la cité, Cody en main et toujours à genoux.

— Oh non ! s'étouffa Hongust en les voyant.

Nerdy étouffait en respirant bruyamment, le sang giclant de sa poitrine telle une fontaine. Il voyait le chaos en face. Son cœur le poignardait en plein cœur. Il ne voulait qu'une chose : mourir une fois de bon. Lorsque Célesta tenta de retirer Cody, Luz le retint plus fort en enterrant sa tête dans son cou.

— Non ! Cody, réponds-moi, supplia-t-elle. Tu as dit que tu tiendrais.

— Luz, la supplia Célesta.

— Ne me touche pas, cracha-t-elle en la regardant droit dans les yeux, avec toute la rancœur possible.

Hongust se rapprocha doucement d'elle.

— Va aider les autres avec Nerdy, demanda-t-il à Célesta qui s'exécuta.

Il regarda Cody en déglutissant. Il avait l'impression que le sort s'acharnait sur Jones, comme un oiseau possédé qui cognait violemment sur une fenêtre.

— Ma puce...

Luz ne se fit pas prier pour faire glisser le corps de ses cuisses pour le laisser allongé au sol. Elle sauta ensuite dans les bras de Hongust en laissant d'énormes sanglots lui briser la gorge.

— Papa... Je n'en peux plus, pleura-t-elle. J'ai perdu.

Il se contenta de la serrer plus fort, faisant tout son possible pour ne pas se sentir heureux qu'elle l'appelât papa. Le regard de Luz croisa celui de Nerdy qui était encore allongé au sol, maintenu en vie par tous ceux qui l'entouraient. Un filet de sang coulait de sa bouche. Les enjeux sont différents. Luz se détacha de Hongust pour marcher jusqu'à Nerdy en respirant bruyamment. Elle se posta près de lui.

— Bougez, ordonna-t-elle.

— Ce n'est pas une bonne idée Luz, tu es trop faible. Laisse-moi faire, amenda Célesta.

— Pour que tu fasses encore mourir l'un des nôtres ? répliqua-t-elle froidement.

Célesta soupira avant de reculer, de même que les autres. Lorsqu'elle posa ses mains sur le torse de Nerdy, ce dernier lui retint les mains en tremblant.

— Je ne te laisserai pas mourir Nerdy, j'ai promis de vous protéger au prix de ma vie, lui intima-t-elle en se concentrant.

Avec le peu de force qu'elle pouvait encore pleinement contrôler, elle fit guérir Nerdy. Dès que la plaie se referma, elle se laissa tomber à ses côtés en tournant la tête vers Cody. Endormi, endormi. Elle voulait s'endormir.

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Lalie