Chapitre 2
Ecrit par anomandaris
Nicolas crut d’abord avoir louché et cligna des yeux. Le vieillard portait un grand gandourah blanc et se trouvait devant la seule fenêtre en état de l’étage. Les lueurs d’une dizaine de bougies rondes faisaient étinceler les filetures dorées du vêtement et le vêtement lui-même se nimbait de jaune, éclairant son visage buriné par le soleil. La bouche bée, Nicolas fixait le visage souriant du vieillard, et il se rendit compte d’un fait dérangeant : le vieillard ne pouvait pas l’observer. En dépit de la distance qui les séparaient, l’adolescent de dix-sept ans voyait bien qu’il avait les orbites vides, comme si les yeux étaient rentrés dedans, séchés par du… feu. Le mot vint naturellement dans l’esprit de Nicolas, et il sut que le visage sombre du vieil homme maigre à l’étage n’était pas buriné. Il était brûlé.
L’esprit de Mamoun Kassab m’observe. A cette pensée, Nicolas sursauta et revint à lui, comme si depuis il rêvait éveillé. Il porta sans réfléchir la main à son cou pour en extirper sa croix de baptême et la tira de sa chemise. Le sourire du vieillard s’étira en un rictus qui ajouta tant de rides sur son visage qu’il parut être un amas de racines. Puis, comme si un vent passait dans la pièce, les bougies s’éteignirent, et la silhouette du vieillard disparut dans les nouvelles ténèbres. Il crut entendre un ricanement cristallin résonner au dehors.
La gorge sèche, Nicolas laissa retomber son crucifix contre son torse et déglutit avec difficulté. Il savait qu’il n’avait pas rêvé, mais ne savait pas comment s’expliquer ce qu’il venait de voir. Pire, Jeffrey se trouvait dans cette maison. Ils n’étaient peut-être pas les meilleurs amis du monde, mais ils restaient des amis, et Nicolas ne pouvait se résoudre à fuir sans avoir une pensée pour lui.
Il ne se passa pas vingt secondes après la manifestation de l’esprit avant qu’on coupe le courant dans tout le quartier.