Chapitre 2

Ecrit par Lilly Rose AGNOURET

 

Chapitre 2

 

Laïka

 

*** Laïka
   

- Tu dis toujours que nous sommes parfaites. C’est comme si tu voulais banaliser tous les efforts que nous faisons au quotidien pour réussir. Tu agis comme si tout nous tombait comme cuit dans la bouche. Je te signale que de nous trois, tu es celle pour qui Mark en fait le plus, me lance Irma.

Je sens que ma petite blague lancée comme cela, sans arrière-pensées, ne passe pas. Alors, je décide de me barrer de la chambre où nous nous trouvons.

- Bref ! Mesdemoiselles les filles d’Idéale Ellison, soyez saluées ! je vous laisse.

- Plus stupide, tu meurs ! me fait Irma. L’intelligence, ce n’est seulement celle que l’on développe pour réussir à l’école. L’intelligence de la vie, ça aide, mademoiselle. Si tu le savais, peut-être que tu ne serais pas là en train de sortir des conneries comme tu le fait !

- Et reste là ! Pourquoi fuis-tu à chaque fois que nous abordons le sujet de Tristan ? me fait Annélie.

Je la regarde avec le secret espoir qu’elle comprenne mon message. Annélie est la seule à qui j’ai confié mon béguin pour Jean-Bosco Risoli. Elle est la seule à savoir ce que je vis avec cet homme. Si elle parle, je suis morte. Alors, je me fais plus douce et leur dis :

- Je suis heureuse pour vous. Et si parfois je dis des bêtises, c’est simplement pour vous taquiner. Vous êtes si sérieuses, parfois ! Bon, je me calme.

Annélie sourit alors qu’Irma me lance un regard scrutateur comme pour me dire qu’elle m’a à l’œil. Ouf ! On peut passer à autre chose !

 

Nous sommes vendredi. La dernière réunion pour les préparatifs du mariage d’Irma, s’est terminée il y a une demi-heure. Cela s’est passé en terrain neutre, chez notre tante Brigitte. Je dis en terrain neutre, car, monsieur le père d’Irma, alias Boussougou, s’est senti offensé à l’idée que la réunion est lieu chez maman et Mark. Bref… Tout s’est bien passé. Demain, les parents de Pascal, le fiancé d’Irma, seront invités à déjeuner par le père d’Irma. Ils dîneront ensuite avec Mark et maman. Et tout le monde sera content.

Le mariage coutumier de ma sœur est prévu pour le vendredi prochain. Nous serons le 12 août. Elle a demandé à ce que le mariage se tienne le matin, pour qu’elle puisse se reposer pendant la nuit, au lieu de danser. Les invités sont attendus à 8h, et Irma espère que les pourparlers seront finis à 11h et que les gens pourront tranquillement manger à midi et rentrer chez eux en début d’après-midi.

Le mariage civil prévu pour le lendemain à 15h. Irma a prévu de se marier au bord de l’eau, les pieds nus. Son cher Pascal, qui toujours est d’accord avec elle, a dû imposer l’idée à sa mère, Guyanaise et son père Congolais. Vu que les beaux-parents sont « fans » de ma sœur Irma, ils ne pouvaient que se plier.

 

Je ne sais pas pourquoi mes sœurs m’ont entraînée dans cette chambre. J’attends qu’enfin, Irma me dise ce qu’elle attend de moi.

- Je t’ai choisie comme porteuse d’alliance et Annélie sera chargée d’ouvrir le chemin, en jetant de pétale de fleurs. Puis-je compter sur toi pour tenir ton rôle, Laïka.

Hum ! Ma grande sœur n’a aucune confiance en moi. Il vaut mieux que j’aille déjà dans une bijouterie pour acheter des alliances de remplacement que je scotcherai à la barrière de la résidence des parents, au cas où !

- Je suis enchantée que tu penses à moi pour ce jour magnifique ! dis-je avec un sourire de princesse.

- Laïka ! Tu ne prends jamais rien au sérieux ! me fait Annélie. On n’est pas en train de rire !

- Oh là là ! Vous vous attendez toujours à la catastrophe quand il s’agit de moi ! dis-je agacée.

- Oui, on s’attend à la catastrophe par ce que tu ne fais que des conneries. Comme hier quand ta tante et toit avez dansé sur les tables au club SOGARA !

- Aïe ! Ce n’est pas du jeu, Irma. Je te signale que nous avions le Club pour nous et que nous étions là pour ton enterrement de vie de jeune fille, dis-je pour me défendre.

- Laïka, est-ce que tu avais besoin d’emmener tante Marie-Christine pour une fête entre jeunes ? Tu veux qu’elle se tape l’un de nos potes, ou quoi ! me fait Annélie.

- Tout de suite les grandes théories ! Elle voulait juste faire la fête, dis-je.

- Bien, je vois que ce n’est pas la peine d’insister. Tu ne comprends rien à rien. Cette femme est plus âgée que maman. Elle n’a rien à faire à une fête sur la plage avec des jeunes de moins de 30 ans ! me lance Irma.

Je secoue la tête et dis :

- Vous êtes insensibles à sa solitude tout ça à cause d’une vieille histoire de fesses. Je vous signale que si Fulbert Poulangoye était un vrai homme, il aurait raisonné tante Marie-Christine au lieu d’accepter de baiser avec elle ! dis-je.

- Ne sois pas vulgaire ! me fait Irma. On se fout de votre amitié, on veut simplement que tu respectes le protocole. Les parents n’étaient pas conviés à la fête. Cela veut dire que tante Marie-Christine aurait dû s’abstenir de te suivre.

- J’ai compris ! peut-on passer à un autre sujet ?

- Il faut que je t’apprenne que maman a un invité spécial pour mon mariage, me fait Irma. J’espère que cela ne te posera aucun problème. Je n’ai pas pu dire non, car maman a beaucoup d’estime pour…

- Merde alors ! Tu n’as pas osé faire ça ? Irma, tu n’as pas osé dire oui à maman au sujet de cette idée bête d’inviter François à ton mariage !!! fais-je en explosant.

Annélie me regarde et me dit :

- Calme-toi, Laïka. François ne vient que pour le mariage. Il n’a pas été prévu que vous vous retrouviez sur la même table.

- Seigneur, Irma ! Tu es sûre que tu es vraiment ma sœur ? Ce type a profité de moi pendant des années, sans jamais prendre son courage à deux mains pour déclarer en public, son amour pour moi. Et voilà que tu l’invites ? Trouve quelqu’un d’autre pour t’apporter les alliances pendant la cérémonie. Moi, j’ai autre chose à faire que me retrouver au même endroit que cet homme !

Sans même leur laisser le temps de réagir, je me lève du lit et m’en vais. Alors que j’arrive à la porte, j’entends Annélie qui me demande :

- Comment dire non à maman pour cette invitation, sans risquer de vendre la mèche au sujet de cette aventure entre François et toi ?

Je me retourne et dis :

- Je vous tuerais si vous osez en parler à maman !

- Dans ce cas, assieds-toi et arrête de faire la belle ! François a refait sa vie avec une Congolaise. Ils ont eu un fils. Le bébé est né il y a un an, me fait Irma.

Je hausse les épaules, souffle et viens reviens à la place que j’ai quittée. Peu importe le temps, cela fera toujours quelque chose de savoir que quelqu’un a pris ma place dans le cœur de François. Ce type a toujours manqué de courage !

 

Ma sœur Irma a 25 ans. Elle a un emploi bien payé, un fiancé tout aussi diplômé et bien payé qu’elle. Ils ont une fillette de 8 mois dont le prénom est Kimia. Ils sont en bonne santé, ont plein de projets dans la tête. Bref, Irma est l’image parfaite de la réussite.

À côté, vous avez ma petite Annélie, qui a 21 ans. Elle a un petit-ami, un Gabonais, rencontré dans les allées de sa fac de médecine à Bordeaux. Le type, qui s’appelle Joachim Ackeret, lui a couru après pendant des semaines avant que ma sœur daigne lui accorder un sourire, un regard. Joachim a 22 ans. Son frère Ronald, en a 24. C’est le petit ami de Bianca. Les fils Ackeret ont un père gabonais, cardiologue de son état et une mère une mère haïtienne, docteur en pharmacie. La mère est propriétaire de trois pharmacies dans Libreville. Le père possède une polyclinique à Libreville. Il va de soi que l’un ou l’autre des fils se devait de reprendre le flambeau. Ronald, le petit ami de Bianca est étudiant en 6ème année de médecine. Joachim, quant à lui, a l’intention de finir chirurgien-dentiste.

- Ma sœur s’appelle Irma Boussougou. Dans quelques jours elle deviendra Irma Bakissi, parce qu’elle va épouser un prince Royaume du Loango ! dis-je en forçant le sourire.

-Pourquoi fais-tu un voyage dans l’histoire ? me demande Annélie !

- C’est juste pour faire joli ! je vous regarde toutes les deux et je me dis que jamais je ne serai malade, jamais je n’aurai de rage de dents, jamais je ne dormirai en cellule. En fait, je n’ai pas de souci à me faire pour l’avenir. Mes sœurs ont pensé à mon avocat, mon médecin, mon dentiste.

- Et toi ? Tu penseras à quoi ? À notre banquier ? C’est bien avec Tristan que tu comptes finir ta vie, n’est-ce pas ? me demande Irma.

Je souris et dis :

- Qui vivra verra !

 

Nous entendons alors cogner à la porte de la chambre. C’est notre frère Van qui nous lance :

- Les sistas, le repas ne peut commencer sans vous !

- Nous arrivons ! lui fait Irma.

 

Cinq minutes plus tard, nous sommes dehors. Maman a fait installer des tables sous une grande tente blanche. Le tout est illuminé par des lampions. Il y a un service traiteur pour l’occasion. Ce soir, c’est grillades de toutes sortes. Nos amis sont là, les gens qui nous connaissent depuis longtemps, sont là. Même notre cher tata Thérèse, l’une des meilleures amies de maman, est là, avec son gros ventre de 9 mois de grossesse. On dirait une montgolfière. Je ne sais pas comment une femme de 47 ans peut se permettre ce genre de folie ! Bref, à chacun sa vie ! Elle est avec un vieux matou qui a réussi à lui bombarder trois grossesses en 5 ans et elle a le courage de dire à maman et à tata Linda, qu’elle ne sait pas comment tout cela est arrivé alors qu’elle prend la pilule. Bref ! ça ne lui sert strictement à rien de côtoyer au travail des médecins, si elle est incapable de se délivrer de cette relation toxique qui ne lui permet même pas de dire fièrement qu’elle est mariée.

Je pensais pouvoir me sauver et aller me cacher dans un coin, mais Mark insiste pour que Tristan et moi prenions place à leur table, aux côtés du couple Samuel et Helena Le Breton. Le mari est DG de je ne sais plus quelle entreprise, la femme a créé une ONG d’envergure régionale. Il y a aussi, le beau-père et la belle-mère d’Irma. Bref, j’écoute à moitié ce que tous ces gens racontent, jusqu’au moment où ils se mettent à me cuisiner sur mes ambitions. On va même jusqu’à nous demander, à Tristan et moi, quand nous avons l’intention de nous fiancer. BREF… Mon regard ne cherche qu’une personne dans la foule des invités et cette personne n’est autre que mon homme, le père de mon faux fiancé…(rire) J’adore la vie !

 

Le repas se déroule tranquillement. Il y a une cinquantaine d’invités. Mes sœurs sont toutes les deux à la même table avec leurs chéris. Dans une table plus loin, Sarah, la meilleure amie d’Irma est en grande discussion avec mes frères. Sur une autre table, je vois Bianca, qui est toujours l’ombre d’Annélie, en grande conversation avec son chéri et deux amies d’enfance d’Irma. Ma tante Marie-Christine, semble s’être trouvé une petite place aux côtés de Ma Martine et la tante Brigitte. Les autres invités sont des membres de la famille ou des amis de mes frères. 

Les filles d'Idéale...