Chapitre 2
Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
Chapitre 2
Laïka |
- Tu dis toujours que nous
sommes parfaites. C’est comme si tu voulais banaliser tous les efforts que nous
faisons au quotidien pour réussir. Tu agis comme si tout nous tombait comme
cuit dans la bouche. Je te signale que de nous trois, tu es celle pour qui Mark
en fait le plus, me lance Irma. Je sens que ma petite blague
lancée comme cela, sans arrière-pensées, ne passe pas. Alors, je décide de me
barrer de la chambre où nous nous trouvons. - Bref ! Mesdemoiselles
les filles d’Idéale Ellison, soyez saluées ! je vous laisse. - Plus stupide, tu
meurs ! me fait Irma. L’intelligence, ce n’est seulement celle que l’on
développe pour réussir à l’école. L’intelligence de la vie, ça aide,
mademoiselle. Si tu le savais, peut-être que tu ne serais pas là en train de
sortir des conneries comme tu le fait ! - Et reste là ! Pourquoi
fuis-tu à chaque fois que nous abordons le sujet de Tristan ? me fait
Annélie. Je la regarde avec le secret
espoir qu’elle comprenne mon message. Annélie est la seule à qui j’ai confié
mon béguin pour Jean-Bosco Risoli. Elle est la seule à savoir ce que je vis
avec cet homme. Si elle parle, je suis morte. Alors, je me fais plus douce et
leur dis : - Je suis heureuse pour vous. Et
si parfois je dis des bêtises, c’est simplement pour vous taquiner. Vous êtes
si sérieuses, parfois ! Bon, je me calme. Annélie sourit alors qu’Irma
me lance un regard scrutateur comme pour me dire qu’elle m’a à l’œil.
Ouf ! On peut passer à autre chose ! Nous sommes vendredi. La
dernière réunion pour les préparatifs du mariage d’Irma, s’est terminée il y a
une demi-heure. Cela s’est passé en terrain neutre, chez notre tante Brigitte.
Je dis en terrain neutre, car, monsieur le père d’Irma, alias Boussougou, s’est
senti offensé à l’idée que la réunion est lieu chez maman et Mark. Bref… Tout
s’est bien passé. Demain, les parents de Pascal, le fiancé d’Irma, seront
invités à déjeuner par le père d’Irma. Ils dîneront ensuite avec Mark et maman.
Et tout le monde sera content. Le mariage coutumier de ma
sœur est prévu pour le vendredi prochain. Nous serons le 12 août. Elle a
demandé à ce que le mariage se tienne le matin, pour qu’elle puisse se reposer
pendant la nuit, au lieu de danser. Les invités sont attendus à 8h, et Irma
espère que les pourparlers seront finis à 11h et que les gens pourront
tranquillement manger à midi et rentrer chez eux en début d’après-midi. Le mariage civil prévu pour le
lendemain à 15h. Irma a prévu de se marier au bord de l’eau, les pieds nus. Son
cher Pascal, qui toujours est d’accord avec elle, a dû imposer l’idée à sa
mère, Guyanaise et son père Congolais. Vu que les beaux-parents sont
« fans » de ma sœur Irma, ils ne pouvaient que se plier. Je ne sais pas pourquoi mes
sœurs m’ont entraînée dans cette chambre. J’attends qu’enfin, Irma me dise ce
qu’elle attend de moi. - Je t’ai choisie comme
porteuse d’alliance et Annélie sera chargée d’ouvrir le chemin, en jetant de
pétale de fleurs. Puis-je compter sur toi pour tenir ton rôle, Laïka. Hum ! Ma grande sœur n’a
aucune confiance en moi. Il vaut mieux que j’aille déjà dans une bijouterie
pour acheter des alliances de remplacement que je scotcherai à la barrière de
la résidence des parents, au cas où ! - Je suis enchantée que tu
penses à moi pour ce jour magnifique ! dis-je avec un sourire de
princesse. - Laïka ! Tu ne prends
jamais rien au sérieux ! me fait Annélie. On n’est pas en train de
rire ! - Oh là là ! Vous vous
attendez toujours à la catastrophe quand il s’agit de moi ! dis-je agacée. - Oui, on s’attend à la
catastrophe par ce que tu ne fais que des conneries. Comme hier quand ta tante
et toit avez dansé sur les tables au club SOGARA ! - Aïe ! Ce n’est pas du
jeu, Irma. Je te signale que nous avions le Club pour nous et que nous étions
là pour ton enterrement de vie de jeune fille, dis-je pour me défendre. - Laïka, est-ce que tu avais
besoin d’emmener tante Marie-Christine pour une fête entre jeunes ? Tu veux
qu’elle se tape l’un de nos potes, ou quoi ! me fait Annélie. - Tout de suite les grandes
théories ! Elle voulait juste faire la fête, dis-je. - Bien, je vois que ce n’est
pas la peine d’insister. Tu ne comprends rien à rien. Cette femme est plus âgée
que maman. Elle n’a rien à faire à une fête sur la plage avec des jeunes de
moins de 30 ans ! me lance Irma. Je secoue la tête et dis : - Vous êtes insensibles à sa
solitude tout ça à cause d’une vieille histoire de fesses. Je vous signale que
si Fulbert Poulangoye était un vrai homme, il aurait raisonné tante Marie-Christine
au lieu d’accepter de baiser avec elle ! dis-je. - Ne sois pas vulgaire !
me fait Irma. On se fout de votre amitié, on veut simplement que tu respectes
le protocole. Les parents n’étaient pas conviés à la fête. Cela veut dire que
tante Marie-Christine aurait dû s’abstenir de te suivre. - J’ai compris ! peut-on
passer à un autre sujet ? - Il faut que je t’apprenne
que maman a un invité spécial pour mon mariage, me fait Irma. J’espère que cela
ne te posera aucun problème. Je n’ai pas pu dire non, car maman a beaucoup
d’estime pour… - Merde alors ! Tu n’as
pas osé faire ça ? Irma, tu n’as pas osé dire oui à maman au sujet de
cette idée bête d’inviter François à ton mariage !!! fais-je en explosant. Annélie me regarde et me
dit : - Calme-toi, Laïka. François
ne vient que pour le mariage. Il n’a pas été prévu que vous vous retrouviez sur
la même table. - Seigneur, Irma ! Tu es
sûre que tu es vraiment ma sœur ? Ce type a profité de moi pendant des
années, sans jamais prendre son courage à deux mains pour déclarer en public,
son amour pour moi. Et voilà que tu l’invites ? Trouve quelqu’un d’autre
pour t’apporter les alliances pendant la cérémonie. Moi, j’ai autre chose à
faire que me retrouver au même endroit que cet homme ! Sans même leur laisser le
temps de réagir, je me lève du lit et m’en vais. Alors que j’arrive à la porte,
j’entends Annélie qui me demande : - Comment dire non à maman
pour cette invitation, sans risquer de vendre la mèche au sujet de cette
aventure entre François et toi ? Je me retourne et dis : - Je vous tuerais si vous osez
en parler à maman ! - Dans ce cas, assieds-toi et
arrête de faire la belle ! François a refait sa vie avec une Congolaise.
Ils ont eu un fils. Le bébé est né il y a un an, me fait Irma. Je hausse les épaules, souffle
et viens reviens à la place que j’ai quittée. Peu importe le temps, cela fera
toujours quelque chose de savoir que quelqu’un a pris ma place dans le cœur de
François. Ce type a toujours manqué de courage ! Ma sœur Irma a 25 ans. Elle a
un emploi bien payé, un fiancé tout aussi diplômé et bien payé qu’elle. Ils ont
une fillette de 8 mois dont le prénom est Kimia. Ils sont en bonne santé, ont
plein de projets dans la tête. Bref, Irma est l’image parfaite de la réussite. À côté, vous avez ma petite
Annélie, qui a 21 ans. Elle a un petit-ami, un Gabonais, rencontré dans les
allées de sa fac de médecine à Bordeaux. Le type, qui s’appelle Joachim Ackeret,
lui a couru après pendant des semaines avant que ma sœur daigne lui accorder un
sourire, un regard. Joachim a 22 ans. Son frère Ronald, en a 24. C’est le petit
ami de Bianca. Les fils Ackeret ont un père gabonais, cardiologue de son état
et une mère une mère haïtienne, docteur en pharmacie. La mère est propriétaire
de trois pharmacies dans Libreville. Le père possède une polyclinique à
Libreville. Il va de soi que l’un ou l’autre des fils se devait de reprendre le
flambeau. Ronald, le petit ami de Bianca est étudiant en 6ème année
de médecine. Joachim, quant à lui, a l’intention de finir chirurgien-dentiste. - Ma sœur s’appelle Irma
Boussougou. Dans quelques jours elle deviendra Irma Bakissi, parce qu’elle va
épouser un prince Royaume du Loango ! dis-je en forçant le sourire. -Pourquoi fais-tu un voyage
dans l’histoire ? me demande Annélie ! - C’est juste pour faire
joli ! je vous regarde toutes les deux et je me dis que jamais je ne serai
malade, jamais je n’aurai de rage de dents, jamais je ne dormirai en cellule.
En fait, je n’ai pas de souci à me faire pour l’avenir. Mes sœurs ont pensé à
mon avocat, mon médecin, mon dentiste. - Et toi ? Tu penseras à
quoi ? À notre banquier ? C’est bien avec Tristan que tu comptes
finir ta vie, n’est-ce pas ? me demande Irma. Je souris et dis : - Qui vivra verra ! Nous entendons alors cogner à
la porte de la chambre. C’est notre frère Van qui nous lance : - Les sistas, le repas ne peut
commencer sans vous ! - Nous arrivons ! lui
fait Irma. Cinq minutes plus tard, nous
sommes dehors. Maman a fait installer des tables sous une grande tente blanche.
Le tout est illuminé par des lampions. Il y a un service traiteur pour
l’occasion. Ce soir, c’est grillades de toutes sortes. Nos amis sont là, les
gens qui nous connaissent depuis longtemps, sont là. Même notre cher tata Thérèse,
l’une des meilleures amies de maman, est là, avec son gros ventre de 9 mois de
grossesse. On dirait une montgolfière. Je ne sais pas comment une femme de 47
ans peut se permettre ce genre de folie ! Bref, à chacun sa vie !
Elle est avec un vieux matou qui a réussi à lui bombarder trois grossesses en 5
ans et elle a le courage de dire à maman et à tata Linda, qu’elle ne sait pas
comment tout cela est arrivé alors qu’elle prend la pilule. Bref ! ça ne
lui sert strictement à rien de côtoyer au travail des médecins, si elle est
incapable de se délivrer de cette relation toxique qui ne lui permet même pas
de dire fièrement qu’elle est mariée. Je pensais pouvoir me sauver
et aller me cacher dans un coin, mais Mark insiste pour que Tristan et moi
prenions place à leur table, aux côtés du couple Samuel et Helena Le Breton. Le
mari est DG de je ne sais plus quelle entreprise, la femme a créé une ONG
d’envergure régionale. Il y a aussi, le beau-père et la belle-mère d’Irma. Bref,
j’écoute à moitié ce que tous ces gens racontent, jusqu’au moment où ils se
mettent à me cuisiner sur mes ambitions. On va même jusqu’à nous demander, à Tristan
et moi, quand nous avons l’intention de nous fiancer. BREF… Mon regard ne
cherche qu’une personne dans la foule des invités et cette personne n’est autre
que mon homme, le père de mon faux fiancé…(rire) J’adore la vie ! Le repas se déroule
tranquillement. Il y a une cinquantaine d’invités. Mes sœurs sont toutes les
deux à la même table avec leurs chéris. Dans une table plus loin, Sarah, la
meilleure amie d’Irma est en grande discussion avec mes frères. Sur une autre
table, je vois Bianca, qui est toujours l’ombre d’Annélie, en grande
conversation avec son chéri et deux amies d’enfance d’Irma. Ma tante Marie-Christine,
semble s’être trouvé une petite place aux côtés de Ma Martine et la tante
Brigitte. Les autres invités sont des membres de la famille ou des amis de mes
frères.