Chapitre 2

Ecrit par Verdo

antogo Heidelberg cement group est la première usine productrice de clinker du Togo. Inaugurée en deux mille quatorze, elle fait partie du groupe allemand Heidelberg Materials tout comme Cimtogo et Granutogo. C’est l’une des plus grandes usines de mine du pays. Je ne la connaissais seulement que par son nom. Je n’aurais jamais imaginé qu’un jour, je me retrouverais dans leur grande salle d’attente pour passer un entretien d’embauche. Moi, qui étais toujours en quête d’emploi en dispatchant depuis des lustres mes dossiers dans les différentes entreprises de la place sans avoir ne serait-ce qu’un retour favorable, voilà qu’en un clin d’œil, monsieur Gervais avait accompli pour moi ce qui me paraissait impossible.


L’assistante des ressources humaines qui m’avait reçu revint me voir avec une tasse pleine de café en main. Elle me la tendit avec un léger sourire.


Voulez-vous que j’allume la télévision ? Ça pourrait vous occuper le temps que le chef soit dégagé pour vous recevoir. 


Euh non merci. Ça peut aller madame. Répondis-je poliment. Je vais plutôt me distraire avec les revues qu’il y a sur la table.


Pas de soucis, c’est parfait. Surtout soyez à l’aise comme chez vous. Dès que le chef sera disponible, je reviendrai ou soit si vous avez besoin de quelque chose, vous pouvez me faire signe. 


Merci madame. C’est très gentil de votre part. 



Je buvais à petite gorgée le café que l’assistante m’avait servi tout en feuilletant les revues qu’il y avait sur la table. Il y avait également les journaux internes de l’entreprise. J’y tombai sur un article dont l’accroche m’avait tout de suite emballé. Ça parlait de monsieur Gervais. Je pris tout mon temps pour le lire. Je finis par comprendre pourquoi cela avait été facile pour lui de m’obtenir cet entretien. Il était à la fois le Directeur des ressources humaines de Cimtogo et de Scantogo.


L’assistante revint et m’informa que le chef service ressources humaines était disponible pour me recevoir…

Après avoir longuement discuté avec lui, il finit par me proposer un poste mais vu que je n’avais aucune expérience professionnelle dans mon domaine, je devais me former pendant deux ans et durant cette période, je ne me contenterai que des compensations à la fin du mois jusqu’à ce que je n’occupe officiellement le poste. Il me tendit le contrat de travail et me demanda de retourner à la salle d’attente et de prendre le temps qu’il me faudra pour le lire et d’essayer de comprendre les lignes. Au cas où je ferai face à des zones d'ombres, je devais lui revenir pour plus d’éclaircissements. 


Comme ça, je venais de trouver du travail sans avoir terminé mon cursus universitaire.


Quelques jours plus tard…



J’étais tellement enjaillé d’avoir trouvé du travail. J’avais hâte d’annoncer la bonne nouvelle à Sébastien. Je l’avais même appelé et on s’était donné rendez-vous à Poco-Loco ; un restaurant très accueillant aux mets délicieux situé à Agbalépédo où nous avions l’habitude de déjeuner. Il arriva quelques instants plus tard.


C’est très calme ici aujourd’hui. Dis-je en tirant la chaise et en prenant place. 


Sébastien fit de même. 


Oui. C’est justement à cause du calme que j’apprécie cet endroit. Dis-moi, qu’as-tu de si important à me dire. Figure-toi que j’ai aussi une nouvelle à t’annoncer.


Pourquoi es-tu si pressé ? commandons d’abord quelque chose. On va discuter en toute quiétude. 


D’accord, comme tu veux. Commandons alors…


Une fois la commande passée…



J’ai trouvé un tuyau pour me tailler d’ici. M’avoua t-il, l’air gai.  


Un tuyau ? Quel genre de tuyau ? Raconte-moi. 


Tu sais, commença-t-il. J’ai toujours envisagé de voyager et de travailler en occident. Je me faisais à l’idée que cela pourrait entraîner des répercussions sur ma vie de famille vu ce que l’on raconte souvent sur les relations à distance. Mais ce que je gagne comme salaire après toutes ces années d’études ne m’encourage pas à rester ici. Je dois bouger, trouver un travail à la hauteur de mes espérances pour pouvoir bien m’occuper de ma famille. 


Tu n’as pas tort. Écoute, moi je ne trouve pas ça mal. Si c’est vraiment ce que tu veux, pourquoi pas. Mais as-tu pensé à Akpedzé ? Vu qu’elle est de nouveau enceinte ?


Si. Nous avons déjà discuté et elle n’y trouve pas d’inconvénients.


D’ailleurs, dis-moi, ce n’est pas elle qui ne voulait pas avoir d’enfant avant le mariage ? 


Si mais la grossesse est arrivée comme ça. Cette fois ci je lui ai bien fait comprendre que nous allions la garder. Je l’ai rassurée que j’irai faire la dot. D’ailleurs je l’ai envoyée me récupérer les documents chez ses parents. Figure-toi qu’elle est revenue avec une très longue liste.


Rires…



Quoi ? Qu’est-ce qui te fait rire ? 


Non rien. Tu pensais qu’elle était gratuite ? Cherche à payer tout ce qu’il y a sur la liste. C’est la vie d’un homme. Ça attend tout le monde. Moi aussi je ne serai pas épargné le moment venu.


Je vais quand même le faire et ça bien avant que ce projet arrive à destination.


Parlant du projet, comment vas-tu procéder ? 


J’ai un ami en Italie qui m’a conseillé d’apprendre la langue et de passer l’examen. Ensuite il m’assistera pour le reste. 


C’est bon pour un début. 


Parfait. On espère que ça portera ses fruits. Moi aussi j’ai trouvé du travail. Je commence la semaine prochaine. 


C’est génial ça ! Raconte-moi un peu plus.


C’est à Scantogo Tabligbo. 


Ah c’est loin ça. Mais c’est super. C’est une grande société. J’entends souvent parler d’elle mais je n’ai pas eu la chance de la visiter. Félicitations mon pote ! Je suis très content pour toi. Quoi de mieux que d’être autonome.


Merci. 


Tu as déjà trouvé un logement ? 


J’en ai une meilleure. Je suis logé dans la cité de l’entreprise. C’est à quelques mètres de l’usine. J’irai après-demain pour y faire le ménage ensuite, j’y emménage.


Je t’accompagne. Je te file un coup de main.



Sébastien et moi avions passé un moment très agréable. Il me déposa à ma devanture vers dix-neuf heures avant de s’en aller. J’y restai un bon moment en farfouillant mon téléphone portable. 



Bonsoir Thierry.


Sena ! Dis-je, très étonné. Qu’est-ce que tu fais ici ? 


Quoi, tu n’es pas content de me voir ? Répondit-elle avec un léger sourire aux lèvres. 


Non. Je n’ai pas dit ça. 


Ouf, c’est tant mieux. J’étais là depuis. On m’a dit que tu venais de sortir.


Ah bon ? Pourquoi ne m’as-tu pas directement téléphoné ? 


Non, relaxe. Ne t’en fais pas. Je ne voulais pas te déranger. En plus je voulais me dégourdir les jambes. 


D’accord. Ne reste pas dehors, rentrons. Enfin si ça ne te dérange pas. 


Pourquoi pas. 


Une fois à l’intérieur.



Je lui servis du pure water qu’elle buvait à petite gorgée. Elle regardait avec attention chaque coin de ma petite chambre. À chaque fois, nos yeux se croisaient et elle me souriait.


Dis donc, ce n’est pas mal chez toi. Finit-elle par dire.


Tu crois ? 


Oui. J’aime surtout la propriété que ça dégage. 


Merci.


Écoute Thierry, je suis venue te remercier pour ce que tu as fait pour moi l’autre jour. Sans toi je ne saurais pas vraiment m’en sortir. 


Non je t’en prie Sena. Tu m’as déjà remercié la fois passée. Alors tu as fait tout ce chemin pour ça ? 


Si. J’y tiens vraiment. Dis-moi, es-tu disponible maintenant ? 


Bah oui. Je n’ai aucun programme pour le moment. 


Alors viens, je t’emmène faire un tour. Et c’est toi qui conduis…



AKIF est l’un des fast-foods les plus réputés de Lomé pour sa diversité de PIZZA et ses cocktails à couper le souffle. Un monde fou y faisait la queue à l'entrée. Après avoir garé le véhicule, le vigile nous approcha et nous salua gentiment. Il fit des compliments à Sena sur son habillement puis ils papotèrent quelques minutes. Elle était probablement une habituée des lieux. Malgré la foule, le vigile nous fit entrer et nous trouva une table à l’étage. Elle commanda du vin et de la pizza que nous avions pris soin de déguster tout en bavardant tranquillement. Elle me parla d’elle, de sa famille et aussi un peu de sa maladie. Elle me confia qu’elle venait aussi de soutenir son diplôme de licence en gestion des ressources humaines et elle comptait bien évidemment continuer en master car tous ses frères et sœurs en étaient titulaires.



Après AKIF, nous nous dirigeâmes à pied vers la plage. Il était vrai qu’à pareille heure de la nuit, la plage n’était pas sûre pour les balades. Quand bien même que la police y faisait constamment des rondes, l’insécurité était toujours au rendez-vous. Je me souviendrai toujours de ce commerçant sénégalais dont le corps mutilé sans vie y avait été retrouvé et aussi d’un jeune homme de mon âge dont ses organes avaient disparu sur son cadavre.



Tu ne penses pas que c’est dangereux de se balader à la plage à cette heure de la nuit Sena ?


J’en suis consciente. Mais on y va quand même. Me murmura-t-elle en éclatant de rire. 


Après une quinzaine de minutes de marche, nous y arrivâmes. Elle sortit un pagne de son sac et l’étala à terre puis s’assit. Je la regardais sans articuler, puis d’un mouvement, elle me tira par la main et me demanda de m'asseoir aussi ; ce que je finis par faire. Nous restâmes silencieux un bon moment.



Sena posa sa tête sur mes épaules et tint ma main. Elle la caressa légèrement.



Tu me plais beaucoup Thierry. Dit-elle en brisant le silence.


Abasourdie, je ne savais pas quoi lui répondre. J’essayai de me laisser désirer par elle. 



Ah bon ? Dis-je. 


Si confirma-t-elle. Je n’arrête pas de penser à toi depuis la dernière fois que tu m’as sauvée.


Tu es sûre que je te plais vraiment ? Ou tu es juste reconnaissante envers moi parce que je t’ai sauvée.


Non, ne dit pas ça. Je suis une grande fille et je peux faire la différence entre les sentiments. Je me sens si bien à tes côtés. Tu as ce que je recherche chez un homme.


Et c’est quoi ? 


Tu es protecteur. J’aime ce côté de toi. 


Elle sortit son téléphone et un Bluetooth. Elle mit une chanson zouk love que bizarrement j’adorais tant. Le titre était SLOWLY et l’artiste était Meddy.



Tu aimes ça ? Me demanda-t-elle. 


Si. Comment le sais-tu ? Lui répondis-je en retour.


Tu jouais cette chanson à la réception du mariage de mon amie.


Ah, très attentionnée !


Tu danses avec moi ? 


Euh, je ne sais pas danser.


Allez, ne sois pas timide, s’il te plaît. Je vais t’apprendre. Tu sais chanter au moins ?


Je me débrouille. Je connais bien cette chanson par cœur. 


Tu es sûr ? 


Si.


Alors, chante avec moi. Lève-toi s’il te plaît.


D’accord. Je n’ai pas le choix comme tu insistes. 



Elle recommença la musique puis se blottit contre moi, ses deux mains autour de mon épaule. Je la pris par la taille puis nous nous enlaçâmes sur le rythme adoucissant de la musique.


Elle commença à chanter. Sa voix était souple et captivante. Je l’accompagnai:



Do you believe in love? 

How crazy it could be

Baby baby stop!

Take it easy

When you leave 

I swear I can’t breathe

Do you really care? Baby

Niba unkunda

Nkomeza

You are my fantasy

My only desire 

Kugutekereza nijoro

Bituma ntasinzira

Cause you make me fall in love 

Darling

Darling

If you touch me one more time 

I might lose my mind

Baby it is too much yeah

Can we go slowly? 

Cause I can’t take it

Cause I can’t take it….



On s’arrêta. Mais nous étions restés agrippés l’un à l’autre. Le vent froid de la plage engourdissait nos pieds. 


Et moi qui pensais que tu ne savais pas danser. Tu te débrouilles très bien.


Tu penses ? 


Ouais.


Dis-moi, es-tu un cœur à prendre ? C’est la première fois que je fais un truc pareil.


Peut être que si. À vrai dire, je ne vois personne en ce moment.


Alors, est-ce qu’on peut apprendre à nous connaître davantage ? 


Bah, on verra. Pourquoi se presser. As-tu l’habitude de venir à la plage à pareils moments ? 


Pas vraiment. 


Alors pourquoi ce soir ? 


Parce que je suis avec toi. Je sais qu’avec toi, je ne risque rien. Tu prendras bien soin de moi.


Je suis flatté. 


Non loin de là. Je ne te flatte pas. Je dis juste vrai.


De loin, nous aperçûmes deux silhouettes arriver vers nous.


C’est la police, dit Sena. 


La police ! Non je ne crois pas.


Non regarde bien insista-t-elle. Ils ont comme des matraques en main et ils sont chapeautés. Qui peut marcher avec des matraques à part la police.


Ils s’approchèrent de plus prêt. Nous nous levâmes et commençâmes à remballer nos affaires. 



Que faites-vous ici à une pareille heure de la nuit ? nous lança l’un d’entre eux après nous avoir éblouis avec la lumière de sa lampe torche.


Non chef, répondis-je, la voix titubante. 


C’est non-chef que vous faites ici tous les deux à cette heure de la nuit ? 


Sena me dévisagea après m’avoir entendu l’appeler copine.



Il dit la vérité monsieur l’agent. C’est moi qui ai insisté pour que nous venions ici. 


Non arrête Sena. Tu sais bien que ce n’est pas ta faute.


Vous pouvez la fermer tous les deux ? Intervint le policier. 


Vos pièces d’identités. 


Je cherchai le mien en vain pendant que Sena sortit la sienne de son sac. Je l’avais évidemment oublié dans sa voiture à AKIF. Après avoir contrôlé la carte de Sena, le policier me demanda la mienne.



Vous voulez que je demande votre carte avant que vous ne la sortiez ? 


Où est ta carte Thierry ? Me murmura à l’oreille Sena.


Je l’ai oubliée dans la voiture. 


Eh merde !


À suivre…


Écrit par Koffi Olivier HONSOU. 


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