
Chapitre 2
Ecrit par Spice light
Bas-Congo, République Démocratique du Congo
Ville de Muanda, avril 1996
– Marguerite IYOMBE –
Cela fait un an que je dors avec Victor. C'est un homme bien, franchement. Il est marié, je le sais, mais ça ne m'empêche pas de l'aimer.
Finalement, pour mes études, l'État a décidé de fermer notre université. On a été transférés dans un autre établissement, mais je n'ai pas voulu y retourner. Autant rester ici. Le moment venu, je trouverai du travail.
— Coucou, ma chérie.
— Coucou, mon cœur. C'était comment aujourd'hui ?
— Journée difficile, mais ça va. Je suis là, devant toi. Comment va mon champion ? dit-il en posant la main sur mon ventre.
— Il va bien. Je souligne juste à l'idée que mon père découvre ma grossesse. Maman soupçonne déjà quelque chose.
— Hé, regarde-moi, dit-il en prenant mon visage entre ses mains. Je ne suis pas n'importe qui, d'accord ? Tout se passera bien. Je viendrai me présenter chez ton père le mois prochain. Mon grand frère sera là, je profiterai de sa visite pour qu'il m'accompagne.
— Vraiment ? Mon regard s'éclaire.
—Oui. Je t'ai déjà mentionné une seule fois ? Pourquoi je le ferais aujourd'hui ? Je t'aime, Maguy, dit-il en posant ma tête contre sa poitrine. On reste ainsi, silencieux.
Je ne voulais pas tomber enceinte aussi vite, mais un enfant reste une bénédiction.
– Elsa MABEKA –
Je reviens de l'hôpital et je me laisse tomber lourdement dans le fauteuil. La journée a été longue.
On tient bon d'abord par passion, ensuite parce que c'est notre devoir. Sinon, il ya des jours plus durs les uns que les autres.
Malgré tout, je dois me lever pour préparer à manger pour les enfants. J'entre dans la cuisine et trouve une marmite sur la plaque : du riz à la tomate. Je souris. La maturité et le sens des responsabilités de Light me dépassent.
Je bénis le Seigneur et je prie qu'elle garde toujours ce bon cœur. Contrairement à sa sœur, La Mienne est trop fermée. On ne sait jamais ce qu'elle pense. Light, elle, exprime toujours ses ressentis.
Sun, lui, est un peu désinvolte — c'est normal, vu son âge.
Je dors le poisson déjà écaillé et mariné du frigo, le pose sur le plan de travail, puis vais me changer. Avant de retourner à la cuisine, je jette un coup d'œil à l'espace d'étude des enfants : Light aide Sun avec ses devoirs pendant que Mine se débrouille seule. Mes enfants sont tous intelligents.
Je reviens en cuisine, mets le poêle sur le feu avec de l'huile. J'entends les enfants saluer leur père. Depuis quelque temps, il rentre tôt, même s'il ressort plus tard pour revenir très tard… ou même le lendemain.
Je suis une habituée. Je ne me plains plus.
Un mois plus tard
– Victor FOKE –
Nous revenons de chez les parents de Maguy avec mon frère et quelques amis. Je me suis présenté comme l'homme qui partage sa vie. Son père était surpris, mais il respecte le choix de sa fille.
On en a profité pour leur annoncer la grossesse.
Je rentre avec mon frère. On s'installe sur la terrasse de son hôtel et on partage un verre avant que je ne revienne retrouver ma famille.
Les enfants dorment déjà, mais dès que j'entre, Light se réveille.
— Bonsoir, papa.
— Bonsoir, ma chérie. Vous dormiez déjà ?
— Oui, mais je t'attendais. Maman est de garde ce soir.
— Tu aurais pu fermer la porte. C'est imprudent de dormir ainsi.
— J'allais le faire, mais j'ai vu tes clés au salon. Je n'ai pas voulu te peiner si tu étais rentré et qu'on t'avait laissé dehors.
— D'accord. Je m'excuse. Mais la prochaine fois, que je laisse la clé ou pas, tu fermes, puis tu vas dormir.
— D'accord, papa.
— Réveille ta sœur, vous allez vous coucher.
Je porte Sun, qui dort profondément, et le dépose dans son lit. Puis je viens chercher Mine, que Light n'a pas réussi à réveiller. Je la couche aussi.
Les trois partagent la même chambre, chacun dans son lit. Avant que Claude et Rolls ne soient parents, ils dormaient avec Sun.
Une fois les enfants au lit, je m'assois dans le salon, pensif.
Je me suis trop éloigné de ma famille ces derniers temps. Il faut que je me rattrape. Un petit séjour à la plage de Banana nous ferions du bien.
À mon retour, je parlerai à Elsa de Maguy. Elle a le droit de savoir.
– Elsa MABEKA –
Nous revenons de vacances, un week-end organisé par Victor. Ça m'a fait du bien, et les enfants ont adoré.
Je pense qu'on devrait faire ça plus souvent, ça casse la routine.
Le taxi nous dépose au portail. Victor porte un sac de voyage et tient la main de Sun. Moi, je prends l'autre sac avec nos vêtements. Les filles passent devant.
— Enfin de retour à la maison, s'exclame mon mari.
— Merci papa, merci maman pour cette sortie. J'en garderai de beaux souvenirs quand je serai grande, dit Light.
— Merci, Lumière. Je tâcherai de vous faire vivre encore beaucoup de moments comme celui-ci.
— Merci papa ! Merci papa ! répètent les enfants en chœur.
— Je vais me reposer un peu, je travaille ce soir.
— D'accord, chérie. Je vais faire un petit tour dehors, je reviens.
Ce matin, en sortant du travail, je vais directement au marché. Il ne reste presque plus rien à la maison. Et monsieur a repris avec son habitude de ne donner l'argent que quand ça lui chante.
— Bonjour, Elsa.
— Bonjour, Mado.
— Comment va la famille ?
— Tout va bien. Je vais justement acheter quelques affaires pour le petit.
- Oh ! Tu es de nouvelle enceinte ?
— Non. Je pars juste acheter quelques vêtements pour notre petit prince. Puisque madame ne veut plus d'enfants, il faut bien que quelqu'un relève le défi, non ? Elle me dévisage.
— Quoi ? Que veux-tu dire par là ?
— Cesse de jouer aux hypocrites. Rolls était chez vous, tu as tout fait pour qu'il retourne chez sa mère. Donc mon frère a bien fait d'avoir un autre enfant. On verra d'où tu vas le chasser, méchante femme.
Elle s'éloigne en piaffant. Je reste figée. C'est pourtant elle qui a commencé à me saluer, non ?
Je continue mes cours et rentre faire le ménage. À midi, je vais récupérer les enfants à l'arrêt de bus.
Je les sers après qu'ils soient changés, puis je prends leurs uniformes pour les laver.
Les paroles de cette femme me reviennent en tête… Et là, les pièces du puzzle s'assemblent.
Victor à un enfant dehors. Ça me bouleverse.
J'attends son retour. Il rentre très tard, épuisé.
— Tu sors d'où ?
— Comment ça ? Du travail, évidemment.
— Quel travail fini aussi tard ? Tu sais que nos horaires sont différents, et si j'étais de garde, les enfants auraient été seuls, encore une fois. En tout cas, Victor, tu étais chez la mère de ton petit prince, non ?
— Hein ? D'où sors-tu ça ?
— Au moins Mado, elle, est sincère. Tu pensais que je n'allais pas savoir ?
— Je… Je compte t'en parler, s'il te plaît, comprends-moi.
— Comprendre quoi ? Tu fais ton désordre dehors, passe encore… Mais jusqu'à mettre une autre femme enceinte ? C'est la totale.