Chapitre 2 : La rencontre

Ecrit par Néfi

 

15 ans plus tôt…..

 Par une après-midi ensoleillée, je discutais tranquillement avec mon ami Damien de l’examen du brevet que nous venions de passer il y a quelques jours. Nous étions sous la paillote dans le jardin. Malgré ce temps de fournaise, nous étions quand même décidés à refaire ensemble les épreuves que nous venions de passer, pour être sûrs que nous avions bien travaillé.

Damien était un jeune homme plutôt bien bâti. Il portait des lunettes qui lui donnaient cet air d’intello coincé mais qui lui allaient à ravir. Il était de taille moyenne, s’habillait comme tous les jeunes de son âge, tee-shirt et un jean bleu dans lequel il flottait quand même un peu. Il avait un bon port de tête, un visage pétillant d'intelligence mais aussi des yeux avides de savoir. Je pense même que de toute la classe, et même de toute l'école c'était le plus intelligent.

Etant une fille à la recherche continue d'excellence, nous avions naturellement sympathisé. La concurrence entre nous était vraiment rude. Chacun donnait le meilleur de soi-même.

Je venais d'arriver à Parakou, cette ville du nord de mon pays Le Bénin. Nous étions à Parakou parce que mon père venait d’être nommé Directeur des impôts de toute la région Nord. Mon père travaillant pour les impôts, il était souvent affecté d'une ville à l'autre. Nous n'avions d'autres choix que de le suivre tant bien que possible tout au long de ses déplacements. Cela m’empêchait d’ailleurs d’avoir de vrais amis, car l’amitié se consolide également dans la durée, et qui dit durée, dit expériences vécues ensemble. Bref, je vous parlerai de ma  superbe famille un peu plus tard.

Je disais donc qu'avec Damien nous refaisions l’examen du BEPC. J’étais au tableau, réécrivant exactement ma compréhension de l’examen de chimie.

- Damien : Attends Dona, je pense que tu t’es trompée au niveau de la résolution de l’équation.

- Moi : Non, ce n’est pas possible Damien. Crois-moi. Écris-moi, comment tu l’as fait toi. Cette partie vaut quand même 4 points.

C’est ainsi qu’au fil de l'après-midi, nous avions fini par résoudre toute l’épreuve de physique chimie. J’avais fait quelques erreurs, qui à mon avis ne me couteraient pas tant de points que ça. J’étais plutôt bonne élève, mais un rien me distrayait. C’était vraiment mon point faible.

Après avoir mangé un goûter bien consistant, de l’igname frite et des beignets d’haricots, accompagnés d’un piment doux, et d’un jus de bissap frais et désaltérant par cette chaleur, Damien décida de prendre congés. Nous étions fiers du travail accompli et chacun espérait avoir une meilleure note que l’autre au fond de lui. Ah oui, la concurrence continuait, jusqu’à la fin.

Malgré l'heure tardive de l’après-midi, le soleil chaud brûlait encore au-dessus de nos têtes. J’étais plutôt jolie et je pouvais me permettre de m’habiller comme je le pouvais. J’avais donc une chemise bleue ciel, que j’avais savamment nouée de manière à ce que mon ventre puisse apparaitre. Je portais un jean bleu et des tongs. (Je n’allais pas non plus me mettre en chemise à manche longue avec ce temps de fourmilière). De plus, j’étais à la maison, donc je n’avais pas besoin de chichi.

 Nous parlions des quelques ragots qui circulaient dans notre collège catholique. Il s’agissait du collège catholique « Sainte Thérèse » Ce collège avait été créé par une congrégation de moines, dont le principal objectif était l’enseignement du savoir, dans le respect des règles et des valeurs chrétiennes. Le directeur était donc le frère Jean et il avait voué toute sa vie à Dieu. De plus, il était plutôt beau mec et j’avais surpris plusieurs fois les regards, non seulement des collégiennes mais aussi des mamans qui venaient chercher leurs gamins, sur lui.

Moi : A ce qu’il paraît, le directeur sort avec la maman de  Leila.

Leila était une fille de Parakou, connue de tout le monde. Elle avait à peu près le même âge que nous ,15 ans et vivait avec sa mère. C’est peut-être pour ça que cette dernière était d’une telle gentillesse avec elle et que sa fille se la pétait à tout bout de champ. Tout le monde adorait la détester, même si c’était une fille gentille. Elle était dans tous les shows, toutes les boîtes de nuit, tous les petits évènements qu’il pouvait bien y avoir dans cette petite ville. Du coup, implicitement, il se disait que sa mère devait certainement être de mœurs très légères.

-              Damien : Tu sais Dona, il y a toute sorte de conneries qui circulent. Moi je préfère me concentrer sur mes études, me dit Damien avec tout son sérieux.

Ne changera-t-il donc jamais ? Me demandai-je, amusée.

-              Moi : Oh, Damien, arrête de faire ton rabat-joie, on peut bien en rigoler non. Et puis ils sont majeurs et vaccinés, qu’ils fassent ce qu’ils veulent.

Nous marchions devant le vieux cinéma de Parakou, tout en devisant gaiement.

Au loin, je vis mon voisin Loïc qui venait dans le sens contraire. Il rentrait sûrement à la maison. Il était accompagné d’un jeune homme, dont le visage à cette distance ne me disait rien.

Arrivés à leur  niveau, nous nous sommes arrêtés avec Damien.

-              Moi : Hey Loïc, ça va ou quoi ? Ça fait longtemps, on ne se voit plus.

-              Loïc : Oui Dona, ça va et toi ? On dit quoi. C’est plutôt toi qui te fais rare.

-              Moi : Ah non, dis pas ça. Tu sais j’ai eu mon exam du BEPC à passer. Ça m’a pris tout le temps. D’ailleurs, nous venons de retraiter l’épreuve de physique chimie là, avec mon ami Damien. Damien, je te présente mon ami et voisin Loïc.

Damien : Salut, enchanté dit-il avec son air toujours sérieux.

J’avais envie de pouffer de rire. Allez, pète un coup Damien, c’est juste des présentations, pensai-je.

Loïc se tourna vers son ami.

-              Loïc : Lui c’est Alexandre, enfin Alex, un ami. Il vient de la capitale. Alex, Voici Dona et euh..

-              Damien : Damien

-              Loïc : et donc Damien.

Je levai les yeux vers lui. Il avait un de ces regards troublants qu’on n’oublie pas. Il esquissa un sourire qui donna des palpitations à mon cœur.

« Mais reprends toi ma fille, c’est juste un mec comme les autres », me disait ma Jumelle Abstraite (J.A.), vous savez les filles, la petite voix avec laquelle on discute tout le temps intérieurement ;) .

Alex : Salut, enchanté, dit-il tout en nous serrant la main et en me détaillant du regard. Il n’arrêtait pas de me fixer du regard.

« Il est plutôt beau mec » dis-je à ma J.A. « T’en penses quoi ?»

« Mouais j’avoue. Mais Dona, on sait toutes les deux, que c’est difficile de te faire craquer !»  me répondit-elle, l’air blasé.

Elle n’avait pas tort. Mais en quelques secondes, je l’avais observé et j’avais senti un truc bizarre en moi. Je ne comprenais pas. J’étais comme captivée par lui. Je n’avais jamais connu ça. C’était très étrange.

Loïc me tira de ma rêverie.

-              Vous avez toujours Canal + sport à la maison ? Je souhaiterais passer voir le match de ce soir à la maison.

-              Euh, oui oui, bien sûr Loïc, vous pouvez passer à la maison ? lui répondis-je, l’air totalement ailleurs.

« Attends, tu viens de dire ‘vous ‘ ? Il a bien dit ‘je’  Non mais je rêve ou quoi! qu’est ce qui t’arrive ma pauvre fille » me demanda une fois encore ma J.A.

« J’aimerais bien le savoir aussi, figure toi ! » lui rétorquai-je, agacée.

Nous nous sommes ensuite séparés et je raccompagnai Damien jusqu’à ce qu’il trouve son taxi.

Je m’en allai donc, après avoir laissé Damien tout en pensant à cet illustre inconnu qui m’avait tant troublée.

 

Amour ou raison