Chapitre 20
Ecrit par Auby88
Edric MARIANO
Avec un gros paquet en main, je pénètre sous le chapiteau. Il y a là des visages familiers, dont celui de l'heureux du jour.
- Joyeux anniversaire, papa ! souhaité-je avec un large sourire aux lèvres. Ceci est pour toi.
Je tends poliment le cadeau à mon paternel, attendant qu'il le récupère. Hélas, le paquet reste coincé dans mes mains.
- Solange ! crie-t-il.
La gouvernante, postée pas loin de nous, vient aussitôt.
- Prends ça des mains d'Edric et dépose-le près des autres cadeaux !
- Bien, monsieur.
Choc numéro 1 pour moi. Je pressens déjà qu'il y en aura une longue suite. Surtout avec Eliad, qui arrivera d'un moment à l'autre, c'est sûr. Car quand Eliad MONTEIRO se trouve dans le même champ géographique que mon père et moi, je passe toute la soirée dans le rôle du fils indigne et lui dans le rôle du fils parfait.
- Viens, Edric, commence la mère de Maëlly en prenant mon bras. Ne fais pas attention à ton père. Sers-toi un apéritif et viens t'asseoir près de moi, mon chéri.
Je la remercie, puis verre en main, je prends place près d'elle. Bien sûr, comme à son habitude, sa fille me lorgne ouvertement au lieu de répondre à ma salutation pourtant courtoise...
De ma position, j'entends le père de Maëlly qui fait des remontrances au mien.
- Quelles sont ces manières, Bruno ? Tu m'avais pourtant assuré que tu profiterais de cette occasion spéciale pour faire la paix avec ton fils !
- Ne penses-tu pas que j'ai été assez pacifique avec lui, en le laissant remettre les pieds chez moi ?
- Si cela ne tenait qu'à lui, tu ne le reverrais plus jamais ! C'est parce que j'ai insisté qu'il est venu. Mais à bien y repenser, j'aurais dû laisser ce pauvre garçon tranquille !
- Bah, ce n'est pas de ma faute si mon antipathie pour lui refait surface à chaque fois que je vois sa vilaine tronche !
- Fais un effort, Bruno. Fais un effort ! C'est ton fils après tout !
- Et tu ne peux savoir combien j'en ai honte !
- Cesse de dire pareille sottise ! Vos différends relèvent du passé. Nous tenons tous à ce que vous repartiez sur de nouvelles bases. Aujourd'hui est un jour heureux pour toi, pour nous tous et nous nous devons de le vivre, les uns avec les autres, en parfaite harmonie. C'est compris ?
- Justement, réplique-t-il gaiement, voilà celui que j'aurais souhaité avoir comme fils : Eliad !
Je ne peux m'empêcher de regarder en arrière. Je vois mon père prendre avec empressement le cadeau d'Eliad, puis serrer chaleureusement ce dernier dans ses bras. Je suis déja habitué aux trahisons de ce genre. Mais je ne sais pourquoi, à chaque fois, cela m'attriste fortement.
- Eliad est enfin là ! Je commençais à étouffer, moi, près de certaines personnes !
Je lance un regard froid à Maëlly.
- Maëlly ! Tu ne vas quand même pas t'y mettre toi aussi ? D'ailleurs, qu'est-ce que vous avez tous à martyriser ce pauvre garçon ? Edric, ne fais pas attention aux sottises que raconte ma fille !
J'acquiesce en bougeant mes paupières, puis me lève pour me servir un autre verre. Une fois encore, je regarde dans la direction de mon père. Il discute toujours avec Eliad. Mais ce qui attire plus mon attention, c'est cette jeune femme — derrière Eliad — qui tient la main de Milena.
C'est la deuxième fois que je la rencontre. Et son visage m'a toujours l'air familier. Mais où l'ai-je déjà vue ?
Je vide mon verre, puis en prends un autre, tout en la contemplant. Malheureusement rien, la concernant, ne me revient à l'esprit.
* *
*
Un son de clochette me tire de mes pensées. Le repas va être servi. Je rejoins les autres convives. En m'asseyant, mes yeux tombent sur Eliad resté en arrière. Il converse avec cette femme mystérieuse.
- Eliad, mon fils, on n'attend plus que toi !
Hmm ! Son fils ! Quel père méprisable que le mien !
- Oui, tonton Bruno, je viens déjà !
"Enfin, le fils chéri est là ! Nous pourrons commencer à manger." commenté-je intérieurement.
- Milena, assois-toi là. PAGE, toi ici !
Avec moi, d'autres visages se tournent vers Eliad qui vient de demander à une domestique de s'asseoir à la table des patrons. C'est un réel manque de respect ! Pourtant, personne ne dit rien ! Bande d'hypocrites !
Non, il y a bien une personne qui s'apprête à parler. Qui est-ce ? Nulle autre que cette idiote de Maëlly qui ne badine pas avec les "règles hiérarchiques".
- Dois-je, Eliad, te rappeler qu'il n'est pas permis au personnel de s'asseoir à table avec les patrons ?
- Maëlly ! intervient sa mère.
- Mais je dis ce qui doit être, maman. N'est-ce pas ce qu'on m'a toujours appris ?
La jeune femme tente de se lever, mais Eliad l'en empêche en retenant son bras.
- Maëlly, je puis comprendre que les civilités soient de rigueur, mais ce soir je tiens à ce que cette demoiselle dîne avec nous. J'espère que vous ne le prenez aucunement comme un manque de respect à votre égard !
Des têtes, dont celles âgées, font des mouvements d'un côté puis de l'autre. Hypocrites à l'excès, oui !
- Merci ! poursuit Eliad.
- Eliad, la place des domestiques est soit en cuisine, soit ici pour nous servir !
- Maëlly, ça suffit ! gronde mon géniteur. C'est ma propriété et je ne vois aucun inconvénient à ce que cette demoiselle mange à la même table que nous !
- Mais tonton…
- Sujet clos !
Je ricane.
- En présence d'Eliad, mon père devient un béni-oui-oui. A contrario, si c'était moi, il n'aurait pas été aussi clément !
- Oui, je le confirme. Pourquoi serais-je clément avec un idiot comme toi qui prend toutes les exceptions pour des règles ?
- Je…
- Ça suffit vous deux ! Si vous ne voulez pas vous tenir tranquilles, alors on rentre chez nous.
- Ce n'est pas la peine, Pedro ! Voilà, je suis calme.
- Moi, aussi ! reconnais-je malgré moi.
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Maëlly FREITAS
Je suis encore écoeurée par l'attitude d'Eliad. Comment a-t-il pu oser convier la bonniche à notre table ?
Elle ne sait nullement comment se tenir à table, rien qu'à voir ses coudes qui débordent sur la table, son dos pas droit et le bras qu'elle passe par-dessus celui de Milena pour atteindre le sel ! Quelle calamité, celle-là ! Pire encore, quel supplice pour mes yeux !
Elle épie les uns et les autres pour savoir quel verre ou quel couvert prendre pour boire ceci ou manger cela.
Le comble ! Une erreur monumentale : sa fourchette repose dans sa main droite et son couteau dans la main gauche. Alors que c'est plutôt l'inverse qui est de rigueur !
Là, j'écarquille les yeux, en voyant la manière vulgaire avec laquelle elle tente de découper la viande ! Sans y parvenir bien sûr.
J'admets qu'il faut vraiment bien s'y connaître pour pouvoir manier fourchette et cuillère avec brio ; et ne pas avoir à accuser la viande d'être dure alors qu'elle est très bien cuite.
Voilà, seule une habituée des soirées mondaines comme moi peut connaître toutes ces "subtilités" du bout des doigts.
Ce n'est donc pas la faute de la bonniche, si elle se ridiculise ainsi. Elle a toujours été habituée à manger grossièrement comme tous les miséreux de son espèce.
Je ne sais pas quel était l'objectif d'Eliad en permettant à son employé de s'asseoir à la table des Grands, mais au final ça tourne à mon avantage. (Sourire)
Toutefois, c'en est trop pour moi. J'ai le coeur au bord des lèvres. Oui, j'ai besoin de prendre une petite pause, au risque de vomir les bouchées de riz que je viens d'avaler. Alors, je dépose mes couverts.
- Maëlly, commence le père d'Edric, tu sembles ne pas avoir beaucoup d'appétit ce soir ! Si le repas ne te plaît pas, le chef cuisinier pourra te concocter autre chose.
- En fait, les mets sont exquis. Mais j'ai perdu mon appétit, à cause de l'indélicatesse d'une personne assise en face de moi.
La bonniche lève les yeux vers moi. Je la toise et m'apprête à l'insulter ouvertement quand Eliad, également assis en face de moi, m'interrompt :
- Serait-ce moi cette personne indélicate ?
Il tient en main un morceau de poulet qu'il porte à la bouche.
- Si c'est le cas, Maëlly, je quitte immédiatement cette table pour te redonner de l'appétit.
Bien honteuse, je secoue la tête.
- Non, Eliad. Je ne parlais pas de toi, mais de …
- Maëlly, tu cesses de parler ! m'intime mon père. Autrement, tu quittes cette table !
- D'accord, papa ! acquiescé-je, profondément vexée par l'attitude d'Eliad.
* *
*
Non, je rêve, c'est sûr. Que quelqu'un me pince pour que je m'en assure. Non seulement, Eliad se permet de manger la viande avec ses doigts, mais en plus il vient de proposer à cette femme près de lui de faire pareil pour se sentir plus à son aise. Et ce qui me révolte, c'est que personne ne dit mot.
La dernière fois qu'Eliad a agi ainsi, c'était quand il nous avait présenté sa blanche lors d'un dîner. Pourquoi refait-il cela aujourd'hui ? Quelle est la véritable nature de ses rapports avec cette jeune femme, qui maintenant que je la regarde, me rappelle étrangement Camila ? Pourquoi semblent-ils si complices ? Une réponse vient à mon esprit, mais je l'ôte aussitôt. Car sur la liste d'attente vers le coeur d'Eliad, je suis en tête. Que dis-je ? Je suis la seule. La seule !
Oui, je suis la seule. Mais je ne peux m'empêcher d'observer plus attentivement la bonniche en face de moi. Discrètement bien sûr. Contrairement à moi, elle ne porte ni parure, ni maquillage. Pourtant, je dois reconnaître qu'elle est atrocement, insolemment, horriblement plus belle que moi. C'est dans des cas pareils que je trouve Dieu injuste. Comment a-t-il pu concentrer autant de beauté en une seule personne ?
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Edric MARIANO
Nous sommes autour de mon père qui s'apprête à couper le gâteau.
- Eliad, viens par ici ! Viens mon fils !
Je devine déjà la suite.
- Viens rester près de moi pendant que…
- Eh bien, je…
- Allez, fais-moi plaisir.
Ça se sent qu'Eliad est gêné, vu la façon dont il me regarde. Mais comme à son habitude, il finit par céder aux "caprices" de mon père et se place tout près de lui. Pendant que moi, son propre fils, je me retrouve complètement en arrière. D'un trait, je vide le verre que j'ai en main puis en prends un autre que je lève au-dessus de ma tête en disant à haute voix :
- Je porte un toast en l'honneur de l'heureux du jour qui fête un an de plus. Quoique chaque anniversaire que l'on fête rapproche davantage de la mort !
Les yeux rouges de colère de mon père sont pointés sur moi. Je lui souris en penchant mon verre vers lui.
- Edric ! Cesse de persifler ainsi ton père en public et donne-moi ce verre ! Tu es ivre !
Le père de Maëlly tente de m'arracher mon verre, mais j'esquive son geste.
- Oh non, tonton Pedro ! Boire m'aide à supporter les vitriols de mon père. D'ailleurs, je sens qu'il m'en lancera une tout à l'heure. Il…
- Laisse cet enfoiré, Pedro et viens avec moi ! riposte mon père qui vient de s'approcher de nous. Il est né avec le goût pour l'alcool dans les gênes ! Il ne s'arrêtera que le jour où on lui aura diagnostiqué une cyrrhose de foie qui l'enverra direct dans la tombe. Et j'espère que ce sera pour bientôt car je ne supporte plus du tout de voir sa face de rat !
J'éclate de rire.
- Alors, trinquons papa ! Trinquons à qui passera de vie à trépas en premier. Moi le jeune, ou toi le vieux ! riposté-je en le regardant droit dans les yeux.
- Insolent ! Imbécile ! Impoli ! …
Il essaie de me gifler, mais je fais un pas en arrière. Je pense même qu'il serait tombé si le père de Maëlly ne l'avait pas retenu.
- Calme-toi, Bruno !
- Tu vois papa, ce que je fais de tes insultes ? rétorqué-je en essuyant des tâches imaginaires sur ma veste !
- Lâche-moi que je donne une bonne correction à cet malpoli.
- Oui, un malpoli qui le tient certainement d'un malpoli plus gradé !
- Vous voyez !
- Edric, ça suffit. Tu te tais. C'est ton père après tout !
- Il y a bien des fois où j'en doute !
- Sale morveux !
- Je…
- Edric !
- Ok, tonton. c'est compris. Bouche cousue !
Oui, je garde le silence, mais ma bouche reste ouverte pour ingurgiter de l'alcool. Encore et encore, j'en abuse.
A présent, plus personne ne fait attention à moi. Tant pis ! Ou plutôt tant mieux ! Je promène mes yeux dans la pièce à la recherche de Maëlly qui n'a dit mot depuis. Alors qu'elle adore passer son temps à m'injurier. Je comprends maintenant la raison de son mutisme. Elle est bien trop occupée à épier Eliad et la nounou qui dansent.
Je soupire profondément, vide mon verre et le dépose. Il vaut mieux que je m'en aille. Je ne suis pas le bienvenu ici. Je suis sur le point de partir quand la petite voix de Milena résonne pas loin de mes oreilles.
- Tata Nadia…
Milena vient d'appeler ainsi sa nounou. Tout me revient à l'instant. Oui, Nadia, la meilleure amie de Carine. C'est bien elle. Comment ai-je pu oublier sa ressemblance pourtant frappante avec l'actrice ghanéenne Nadia Buari ? C'était pourtant ce détail qui m'avait particulièrement marqué la première fois que je l'ai vue avec Carine !
Je regarde en direction d'Eliad et de la jeune femme. Un sourire machiavélique naît à la commissure de mes lèvres.
Intérieurement, je jubile en voyant l'intègre, le respecté Eliad si tant attentionné envers une vulgaire prostituée.
On me reproche d'avoir un faible pour les putes, de trop les fréquenter. Et pourtant qu'est-ce qu'il fait l'enfant chéri de tous ? La même chose que moi. Et le plus drôle, ce qui me réjouit davantage, c'est le visage furieux de Maëlly. (Rire).
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Maëlly FREITAS
Je n'en peux plus de rester là à ne rien faire. Je ne supporte plus ce petit jeu entre Eliad et la bonniche. Mon cœur souffre terriblement. Je suis jalouse. Extrêmement jalouse de voir mon homme danser avec une autre.
Si je me suis contenue jusque-là, c'est parce que j'ai récemment promis à Eliad de ne plus insister NOUS concernant, de ne plus lui parler d'amour. Mais je ne peux plus tenir ma promesse. Jamais, je ne m'avouerai vaincue dans cette bataille pour la conquête du coeur d'Eliad. Jamais ! Eliad sera à moi ou à personne d'autre !
Je me lève brusquement de mon siège. J'ai envie d'aller pousser l'idiote-là pour danser avec mon homme, mais je me ravise. J'agis de façon plus diplomate. J'attends qu'on joue un nouveau morceau pour rejoindre Eliad et m'adresser poliment à lui.
- Eliad, tu m'offres cette danse ?
Il me fixe longuement, s'excuse auprès de l'autre puis pose ses mains autour de ma taille.
- A quoi tu joues, Maëlly ?
- C'est plutôt à moi de te poser la question !
- Je ne te suis pas.
- Qu'est-ce qu'il y a entre toi et la… nounou ?
- Maëlly, tu ne changeras donc jamais ?
- C'est plus fort que moi, Eliad ! Je ne supporte pas de voir une autre femme que moi si près de toi ! D'autant plus que la concernée est plutôt jolie, surtout avec ce teint naturellement clair qu'elle a.
Il me regarde sans dire mot.
- Ou bien dois-je en déduire que tu préfères plutôt les femmes claires, raison pour laquelle tu me repousses depuis ! Si c'est le cas, dis-le moi et je verrai comment devenir plus blanche que la neige. Même si en tant que membre important d'une association de lutte contre la dépigmentation de la peau, je ne devrais pas agir ainsi. Mais…
- Maëlly, arrête de dire des sottises !
Sache qu'il y a entre cette jeune femme et moi, la même chose qu'il y a entre toi et moi : RIEN-DU-TOUT. Alors cesse de la traiter durement comme tu le fais et de t'imaginer des choses qui n'existent même pas !
- Si c'est vraiment le cas, alors pourquoi es-tu si attentionné envers elle ?
- Parce que c'est une personne charmante, gentille dont j'apprécie beaucoup la compagnie. Exactement comme je te vois toi, mis à part ton obstination pour moi.
- Donc il n'y aura jamais rien entre elle et toi ?
- Maëlly ! Tu commences par m'agacer. Combien de fois dois-je te rappeler qu'il n'y aura dans mon cœur et dans ma vie, qu'une seule femme : Camila ! Elle et elle seule ! Même pas toi !
- Eliad, je…
Il me laisse plantée là et s'en va. Pauvre de moi !
- Maëlly ! Quand est-ce que tu arrêteras de courir ainsi après Eliad ? Il ne t'aime pas, ma chérie.
Ça c'est maman !
- Peut-être, maman. Mais je l'aime tellement !
Maman me regarde avec dédain.
- Tu n'as donc aucun respect pour toi-même ? Tu es une dame, je te rappelle. Et une dame se comporte décemment.
Tout à l'heure, tu regardais de haut cette jeune femme simplement parce qu'elle ne savait pas bien se tenir à table. Et qu'est-ce que tu fais, toi ? Tu te comportes comme une fille facile, une marie-couche-toi-là !
- Maman ! Ne me dénigre pas autant. Et puis pourquoi est-ce si difficile pour toi de comprendre que je lutte pour mon bonheur ?
- Il vaut mieux que je rejoigne ton père pour ne plus entendre tes bêtises !
- Maman !
Elle ne m'écoute même plus. Hmm !
***********
Edric MARIANO
La jolie pute est seule. J'avance vers elle. A mi-chemin, ses yeux croisent les miens. Elle semble m'avoir enfin reconnu. Elle me regarde avec effroi, tandis que moi je lui souris grandement. Je suis sur le point d'atteindre sa position, quand Milena fait irruption.
- Tata Nadia ! Tata Nadia, je veux aller aux toilettes.
- D'accord, ma chérie ! Viens, je t'y emmène.
Je les suis, sans faire de bruit, et profite de ce que Nadia soit seule pour surgir derrière elle.
- Bonsoir Nadia !
Elle sursaute.
- Tu ne pensais quand même pas m'échapper si facilement !
- Qu'est-ce que tu me veux ?
- Est-ce qu'Eliad sait qui tu es réellement ?
-…
- Non ! Rien qu'à voir ton visage, je devine déjà qu'il ne sait pas que tu es une prostituée !
- Il n'a pas besoin de le savoir. Tout ça relève à présent du passé.
Je ricane.
- Du passé, tu dis ? Une pute demeure une pute, ma chérie ! Rien "n'effacera" de ton intimité toute cette multitude d'hommes qui y ont pris leur pied ! Aux yeux de tous, tu restes la femme impure, souillée, que tu cesses de te prostituer ou pas ! Et si jamais Eliad apprend cela, il te renverra sur le champ !
- Je doute qu'il agisse ainsi. Monsieur Eliad est quelqu'un de droit, juste et impartial.
- Tu sembles méconnaître ce demi-fou. As-tu oublié comment il traitait sa propre fille ?
- Il a changé !
- C'est fou comme l'amour rend les femmes aveugles ! D'abord cette sotte de Maëlly et maintenant toi !
- Je ne suis pas amoureuse de monsieur Eliad ! objecte-t-elle avec véhémence.
- Ah vraiment ! Pourtant ce n'est pas ce que j'ai cru voir. D'ailleurs, j'ai aussi remarqué que, tout comme moi, il meurt d'envie de te sauter !
- Il n'y a qu'un pervers comme toi pour penser que tout tourne autour du sexe !
- Le monde à l'envers ! La femme habituée à facilement ouvrir les cuisses, qui se prend pour une dame. Que c'est drôle !
- Pense ce que tu veux !
- Tu es encore plus désirable quand tu te mets en colère ! Tu ne peux imaginer tout ce que tu réveilles en moi à l'instant.
Je touche sa poitrine. Une gifle m'atterrit en plein visage. Hors de moi, je la plaque contre le mur et tente de l'embrasser de force. Une deuxième gifle plus sonnante s'abat à nouveau sur ma joue. Une fois encore, je la brutalise et parviens à la maîtriser. Sur son visage, je lis du dégoût pour moi. Mais je m'en moque. Je suis sur le point de poser mes lèvres sur les siennes quand j'entends un bruit de porte qu'on ouvre et la voix de Milena.
- Tata, j'ai fini.
Je relâche aussitôt Nadia et disparais de là.
* *
*
- Edric ! Tu abuses de l'alcool et ce n'est pas bien...
Bande de sournois ! pensé-je intérieurement. Qu'est ce que cela peut bien vous faire que je sois saoul ou pas ? Je ne compte pour personne ici. Personne ! Et encore moins pour ces deux pimbêches éprises d'Eliad.
Eliad ! Mais qu'est-ce qu'elles lui trouvent toutes ? Oui, qu'est-ce qu'il a de plus que moi pour qu'elles se jettent si facilement à ses pieds ? Rien, n'est-ce pas ?
Il est riche, je le suis...
Il est beau, je le suis aussi...
Il travaille, moi je…
Moi, je suis écrivain. Même si on me traite d'écrivain raté. Donc, je travaille aussi. Enfin, c'est ce que je pense...
Plus je regarde Eliad souriant et détendu en compagnie de Nadia, plus je suis en rogne contre lui. Oui, son bonheur m'énerve. J'avance vers eux et leur lance :
- C'est quand patron et nounou couchent régulièrement ensemble qu'ils deviennent si complices !
- Edric, un peu de retenue ! rétorque le père de Maëlly.
- Alors quoi, personne n'a remarqué "ce petit jeu amoureux" entre Eliad et cette…
Mes yeux croisent ceux d'une Nadia apeurée. C'est si intéressant de "tenir ainsi les gens en laisse". Je lui souris puis reprends.
- … ce petit jeu amoureux" entre Eliad et cette nounou ?
Sur moi, Eliad lance un regard froid. Je m'en contrefiche. Au moment opportun, je lui cracherai au visage la réelle identité de la nounou. J'imagine déjà combien grande sera sa déception. Haahaha !
Je continue de le narguer.
- Quoi Eliad, ce n'est pas la vérité ? De toutes façons, un homme encore viril ne peut regarder Nadia sans la désirer, sans vouloir la sauter ! Encore moins toi qui a dû réfréner ta libido durant tant d'années. Elle est tellement belle, tellement délicieuse, hmm ! N'est-ce pas, Eliad ?
- Edric, ça suffit. Tu es complètement ivre !
Qui vient de dire ça, je ne sais même pas. De toutes façons, je m'en moque. Le seul qui m'intéresse, c'est Eliad.
Il ne me répond, ni ne regarde dans ma direction. Alors, je le provoque davantage.
- Voyez-moi ça, nous sommes tous là depuis plus de 7 ans à pleurer le décès de ta jolie étrangère… tandis que toi, tu prends plaisir à t'envoyer en l'air avec ta jolie nounou ! Camila se retourne sûrement dans sa tombe !
Je viens de toucher son point faible. Ce qui se passe par la suite n'a duré que quelques secondes.
Un violent coup de poing m'envoie direct sur le sol. J'ai à peine le temps de me relever qu'Eliad m'empoigne par le col, me remet sur pied et me donne un deuxième coup de poing qui me renvoie au sol. Je lèche mes lèvres pleines de sang et me relève avant qu'il me donne un autre coup.
Des voix résonnent dans l'air et nous ordonnent de mettre fin à notre bagarre. Sans succès.
De toutes mes forces, je pousse Eliad contre l'une des tables. Il crie de douleur et retombe sur le sol. J'en profite pour lui asséner des coups.
Je le pensais complètement affaibli, mais il réussit quand même à reprendre le dessus sur moi. Nous nous retrouvons, l'un sur l'autre puis vice-versa dans une rixe sanglante. Je finis par reprendre définitivement le contrôle sur lui. Oui, cette fois-ci, le gagnant, ce sera moi ! Pas Eliad !
Au sol, je remarque un morceau de verre. Je m'en empare et m'apprête à le lui enfoncer dans l'abdomen quand mon père retient violemment mon bras et le tord. Je pousse un long cri et lâche le morceau de verre.
- Fils indigne ! Criminel ! Hors de chez moi ! Hors de ma vue !
Eliad en profite pour se libérer. La pute s'empresse vers son patron, mais est vite contrée dans son élan par Maëlly. Que des pourritures !
Des bras me saisissent.
- Lâchez-moi ! vocifère-je. Lâchez-moi ! Je vous emmerde tous, bande d'hypocrites ! Et tout particulièrement, toi papa !
- Sortez cet indésirable d'ici. Et que je ne te revois plus ni ici, ni à proximité de moi, sinon je m'assurerai que tu ailles pourrir dans une prison bien crasseuse et remplie de malfrats pour te remettre les idées en place !
- Haahaha ! Je tremble. Oui je tremble ! répliqué-je fièrement.
Tandis que les deux hommes me tirent vers la sortie, je regarde une dernière fois mon paternel avec un sourire narquois. Il détourne la tête.
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Nadia Page AKLE
Instinctivement, j'ai accouru vers monsieur Eliad. Malheureusement, j'ai vite été bloquée par miss Maëlly FREITAS.
- Toi, tu ne touches pas à mon Eliad ! Tout est de ta faute, sale bonniche !
- Laisse-la tranquille, Maëlly ! Laisse-la tranquille ! intervient monsieur Eliad.
- Non, je me suis assez tue, ce soir. Regarde dans quel état tu es, mon amour. Attends que je te soigne, Eliad !
Cette miss Maëlly ne manque vraiment pas d'air ! Je reste à l'écart et les laisse parler.
- Merci Maëlly, mais je suis assez grand pour m'occuper de moi-même.
- Mais il y a du sang qui coule dans ton dos. Laisse-moi voir.
- Non, Maëlly ! Je préfère rentrer chez moi.
- Tu ne peux pas conduire dans cet état !
- Ma maison est juste à côté, je te rappelle.
- Eliad, tu es blessé au dos, tu devrais attendre.
- Merci tonton Pedro, mais je préfère rentrer.
- Tu en es bien sûr ?
- Oui.
- Alors viens mon garçon, que je t'aide à rejoindre ta voiture.
Il acquiesce en direction du père d'Edric. Je marche derrière eux en portant Milena, endormie depuis peu. Heureusement qu'elle n'a pas vu le sale état dans lequel se trouve son père...
Nous venons d'arriver à la maison. Il est tard. Je vais coucher Milena puis redescends vers Monsieur Eliad, assis dans le hall.
- Elle continue de dormir ?
- Oui, monsieur.
- Tant mieux. Veuillez m'aider à monter.
- Non, il faut d'abord que je soigne vos plaies ! dis-je en lui montrant la trousse de secours que j'ai ramenée d'en haut.
- Ce n'est pas la peine, PAGE.
- Si. Vous continuez à saigner du dos. Il faudrait désinfecter cette plaie au plus tôt.
- D'accord.
Il déboutonne sa chemise et se retrouve torse nu.
- Il ne vous a pas raté dêê !
- Oui, j'ai sous-estimé mon adversaire.
- Ce n'est pas joli à voir, mais pas profond heureusement. Cependant, vous risquez d'avoir un peu mal tout à l'heure.
- Vos douces mains ne pourraient même pas fait du mal à... Aïe, PAGE !
- Je vous avais prévenu.
- Je l'admets. J'ai parlé un peu trop vite.
- Voilà, c'est fini.
- Vous avez été infirmière par le passé ou quoi ?
- Pas vraiment... A présent, je vais chercher une poche de glace pour votre hématome au visage.
- PAGE, vous n'avez pas à…
- J'insiste ! dis-je en souriant.
Il me renvoie péniblement mon sourire.
- Vous n'avez pas à forcer, monsieur. Je reviens tout de suite.
Je disparais dans la cuisine puis reviens avec la poche de glace. Délicatement, je l'applique sur son visage.
- Vous vous sentirez beaucoup mieux après !
- Comment ne pas me sentir mieux quand on prend aussi bien soin de moi ?
- Monsieur Eliad ! Vous et vos flatteries !
- Je suis sérieux PAGE. Je me sens comme un bébé couvé par sa maman.
J'éclate de rire. Il essaie de faire pareil, mais se ravise aussitôt. Je me moque de lui.
- Vous avez bien intérêt, monsieur, à rester tranquille !
- Oui, c'est ce que je constate. PAGE !
- Oui, monsieur.
- Je suis vraiment désolé pour ce vilain spectacle auquel vous avez dû assister !
- Ce n'est rien, monsieur ! réponds-je simplement.
Ce n'est pas la peine de préciser que je suis une habituée des combats de boxe ou de catch improvisés, dont le plus mémorable reste celui de Carine contre maman Mimi. Je me demande bien ce que cette sorcière-là est devenue ! (Sourire)
- Et puis, il y avait aussi du beau.
- C'est vrai, PAGE ! J'ai adoré danser avec vous ! Vous vous y connaissez bien, on dirait. Je m'attendais à ce que vous me marchiez sur les pieds, mais vous ne l'avez pas fait. Bravo !
- Monsieur Eliad ! Avec vous, on ne se lasse jamais de rire.
- Alors, riez pour deux !
A nouveau, je m'esclaffe.
Quelques minutes plus tard.
- C'est fini. Il faut à présent que vous montiez vous coucher. Les médicaments que vous venez de boire commenceront à faire effet tout à l'heure. Venez, je vous aide à rejoindre votre chambre.
Il ne décline pas mon offre. Il passe une main sur mon épaule et nous montons les marches.
- Au moins, cette fois-ci, je ne suis pas en tenue d'Adam !
- Monsieur Eliad ! m'exclamé-je en riant.
- Mais ma dette tient toujours. Je ne l'ai pas oubliée. D'ailleurs, elle vient de doubler.
- Monsieur Eliad ! Vous avez mal et vous trouvez encore le temps de faire des blagues ! Vous êtes unique.
- Merci pour le compliment, PAGE.
Nous sommes devant sa porte.
- Bien, je vous laisse ici. Bonne nuit, monsieur.
- Bonne nuit, PAGE.
Je tourne les talons quand il me rappelle.
- PAGE !
Je me retourne.
- Oui, monsieur.
- Merci pour tout, PAGE. C'est gentil.
Ses yeux semblent plongés dans les miens. Je hoche juste la tête en souriant. Sur l'instant, je ne suis pas en mesure de répondre, tellement je suis troublée. Je me depêche de rejoindre ma chambre sans regarder derrière.
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Edric MARIANO
Je viens d'arriver dans mon bar favori. J'ai encore le visage endolori, mais je tiens le coup. J'ai déjà réussi à nettoyer mes blessures au visage et c'est suffisant.
J'avance en titubant ; l'un de mes pieds refusant de suivre la même cadence que l'autre parce que je suis bourré comme un coing. Un pas en avant, puis l'autre à gauche, puis en arrière, puis à droite. On dirait que je danse du hip hop à l'envers. (Rire).
Le serveur, en voyant mon état lamentable, refuse de me donner à boire, malgré que je lui montre une grosse liasse de billets neufs.
- Non, monsieur. N'insistez pas. Votre santé m'importe avant tout !
- Comme c'est touchant ! m'exclamé-je en me levant du tabouret haut.
Je l'avoue. Je suis touché, touché que quelqu'un se préoccupe de moi. Je sors du bar puis sillonne la rue à la recherche d'une pute. Finalement, j'embarque pas une, mais deux gonzesses. C'est une première. Oui, je monte en grade dans ma puterie. Et j'en suis fier.
Je me gare dans un motel pas loin et descends avec "mes filles", l'une à ma droite et l'autre à ma gauche. Ce soir, je suis un roi.
Un homme banalement vêtu se rapproche de nous et s'adresse gaiement à moi.
- Bonsoir monsieur. Vous vous rappelez de moi ?
Je scrute l'homme en face de moi, de la tête aux pieds. Je ne pense pas l'avoir vu auparavant.
- Non, je ne vous ai jamais vu. Si vous voulez l'aumône, vous tombez mal. Car je n'ai aucun sou à donner à des paresseux comme vous. J'ai mieux à faire. N'est-ce pas, mes poulettes ?
Elles me répondent joyeusement. L'homme, quant à lui, me regarde avec étonnement.
- Qu'est-ce que vous avez à me regarder ainsi ?
- Rien. Excusez-moi, monsieur. Je vous ai confondu avec un autre. Bonne nuit !
- Oui, c'est ça. Passez votre chemin !
Je m'éloigne avec mes catins, en tenant le popotin de l'une et de l'autre. Je surnomme l'une Nadia et l'autre Maëlly ! Voilà, à défaut de les avoir réellement dans mon lit, je m'imaginerai être en train de prendre mon pied, avec toutes deux à la fois ! C'est déjà gratifiant. Je meurs d'impatience de me retrouver seul avec mes deux garces. Ce sera très Hot ! (Rire)
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Des heures plus tard.
Mes paupières s'ouvrent au nouveau jour. Des rayons de soleil pénètrent dans la chambre et m'éblouissent. Je rabats vite mes paupières et cache mes yeux en tentant de descendre du lit. J'ai mal partout, en particulier à la tête. Je dois avoir beaucoup bu hier. Des évènements de la veille, je ne me rappelle pas vraiment. Je sais juste que j'étais à la soirée d'anniversaire de mon papa, que je me suis battu avec Eliad et que j'ai fini dans ce motel avec deux putes.
D'ailleurs, où sont-elles ? Sûrement parties ! Péniblement, je me lève du lit pour aller prendre une douche.
Je suis sur le point de quitter la chambre, quand je me rends compte que mon portefeuille n'est plus dans la poche de ma veste. Je le cherche partout. Aucune trace. Putain ! Je me suis fait voler par ces chiennes ! C'est sûr ! Même les clés de ma voiture ne sont nulle part dans la pièce. Merde ! Merde ! Quel con, je fais !
Je me dépêche d'aller en bas. Ma voiture y est encore garée. Heureusement.
Je reviens à la réception demander si quelqu'un aurait aperçu les deux jeunes femmes. Mais je n'obtiens rien de concret.
Ma journée s'annonce mal. Très mal ! Rien qu'à penser aux lourdes démarches administratives que j'aurai à faire à la mairie, à la police, à la banque…, je pousse un long soupir.
En attendant, il me faut songer à comment ouvrir et conduire ma voiture sans clé. Pauvre de moi ! Si seulement…