chapitre 21
Ecrit par leilaji
Chapitre 21
***Elle***
Heureusement que je m’étais préparée à ce que tous les regards convergent vers moi d’une manière aussi flagrante, sinon je crois que de surprise, je me serai ramassé une belle gamelle. Je scrute la salle, jauge l’assistance avant de faire un premier pas. Un de mes neveux, qui fait office d’agent de sécurité s’approche de moi pour me demander mon billet :
- Oop, je crois que je ne l’ai pas sur moi …
- Mais Madame j’ai besoin de votre billet d’invitation pour vous dire où vous allez vous assoir !
- Je dis hein Térence, c’est moi que tu appelles Madame ?
Après un moment d’hésitation, un large sourire se dessine sur ses lèvres… Quoi il ne m’avait pas reconnu ?
- Ohhhh les gars, venez c’est la grande ! La grande est là. Dit-il en rameutant mes autres neveux.
Là j’ai bien envie de faire LOL comme Oxya. Les jeunes commencent à s’attrouper autour de moi.
- Non la grande là vrai vrai tu déchires trop, tonton Gaspard va mal se waze en te voyant !
- Quoi il est là ?
- Oui, il est venu avec sa … femme et il est à la même table que tantine Leila.
Je le sens gênée d’avoir à me parler de la présence de la femme de Gaspard. Mais tout ça est loin maintenant… J’ai tourné la page même si les gens autour de moi ne s’en rendent pas forcément compte. Quand il y a divorce, pourquoi croit-on toujours que c’est la femme qui en pâtit le plus ? Bon j’avoue c’est vrai on en bave. Mais quand on est forte, on passe la cap, et parfois on se remarie même. Je crois en l’amour véritable, je crois au couple, j’aimerais tellement ne pas finir ma vie toute … seule. J’ai bien conscience que mes enfants grandiront et créeront plus tard leur propre famille et que je resterai seule si je ne me trouve pas un compagnon de vie.
Je crois en l’amour et je pense sincèrement qu’on peut être heureuse en aimant un homme. Le problème c’est de trouver le bon. Comment font les autres ? Comment ?
Je regarde par-dessus leurs épaules et tombe sur Gaspard et sa femme, Adrien et l’autre pimbêche puis Leila et Xander. Leila me fait un sourire tellement plein d’humour que je crois que je peux y lire : « ha ha ha viens seulement t’asseoir, la soirée là va chauffer ».
Je crois que c’est le moment où je dois remercier du plus profond de mon cœur mes deux petites pestes qui m’ont conseillée de jouer les divas en portant une telle robe. Elle est fluide et chaque mouvement que je fais attire l’œil parce qu’on se demande jusqu’où mon corps est dévoilé.
Hé ben je peux répondre, jusqu'à la limite de la décence!
Je n’arrive pas à croire que je vais devoir m’asseoir à la même table que tous les hommes de ma vie. Ca va être drôle à gérer… Gaspard mon ex mari, Denis mon amant avec lequel j’ai trompé Gaspard et … le dernier mais pas le moindre : docteur Adrien ! Il n’y a qu’à moi que ce genre de chose arrive ! Mais qui est l’imbécile qui a fait un plan de table pareil ?! Pour Adrien et Denis, je veux bien mais a-t-on idée de mettre deux personnes divorcées sur une même table surtout si l’une d’entre elles s’est remariée ?
- Oh la grande, fais le geste …
- Ah pardon, quel geste ?
- Oh toi aussi, le geste que tu connais…
- Il y aura à boire et à manger à cette soirée alors je ne vois pas pourquoi je devrais faire un geste pareil. Je réplique à Térence qui se met à rire.
Je les connais bien mes neveux, ils veulent aller se déchirer la gueule une fois la soirée du mariage close. Il est hors de question que je participe à ça. Après ce que madame Evrard m’a raconté, je vois d’un tout autre œil l’association de l’alcool et de la jeunesse. Mais j’ai vu ces chenapans grandir et lorsqu’ils me font les yeux doux j’ai du mal à résister, alors je finis par céder et donner quelques billets à celui que j’estime le plus responsable de tous. Ils font un petit tapage pour me remercier ce qui ravive encore un peu l’intérêt de la salle à mon endroit, puis Térence qui lui a fait l’effort de mettre une veste de costume noire sur son tee-shirt sur lequel est inscrit « sécurité » me tend la main pour me conduire à ma table. Les autres se mettent à malmener un couple venu sans billet d’invitation.
J’avance et la tension en moi monte d’un cran même si je fais comme si j’étais la femme la plus à détendue du monde. Il est hors de question que je montre ne serait-ce qu’une seule once de malaise.
On arrive à ma table. Xander se lève le premier suivi de Gaspard puis de Denis et d’Adrien. La seule femme de ma table qui ne tire pas la tronche c’est Leila qui a du mal à retenir un fou rire. Ses yeux pétillent de malice tandis que son mari essaie de la calmer avec un regard courroucé. Ca ne marche pas vraiment… si elle continue comme ça je vais lui donner une taloche devant son mari. Mais qu’est-ce qui amuse cette petite !!!
- Bonsoir tout le monde…
- Elle, je ne sais pas quoi dire, tu es magnifique ! Comme toujours… dit Alexander.
- Alexander c’est très gentil de ta part. je lui réponds en faisant ma coquette.
- Tu vas finir par me rendre jalouse Elle, Xander ne m’a pas fait un tel compliment depuis très longtemps. D’habitude c’est moi qui attire l’attention, dit Leila en me montrant son magnifique sari couleur or.
- Oh là, tu n’as rien à craindre ma chérie. Je crois bien que ton mari est le seul de cette table à connaitre le sens du mot fidélité.
Et toc Gaspard tourne la tête, gêné. Ils me saluent tous d’un petit signe de la tête puis se rasseyent tandis que Denis me tire la seule chaise vide à ses côtés. Une serveuse passe à côté de moi et je l’interpelle. C’est Bijou, une amie d’une de mes nièces qui nous fréquente depuis très longtemps et aide toujours lors des cérémonies. Elle est bavarde celle là !
- Bonsoir ma nièce.
- Bonsoir la grande. Mon Dieu tu es belle ce soir. Aie la mariée ne va pas apprécier hein. Depuis que tu es là, plus personne ne la regarde.
- Ah maman, une vieille comme moi ne peut pas lui faire de l’ombre…
Elle rigole. Et je lui demande de m’emmener une nouvelle chaise et de quoi m’attabler pour placer le tout juste à côté de Leila pendant que je vais saluer le reste de mes connaissances. Denis fait un petit sourire narquois et remet la chaise en place. Je crois que le message est passé : je ne suis pas là pour lui.
Oui, je vais faire le show aujourd’hui ! Et ces trois là n’auront que leurs yeux pour pleurer…
L’amie de ma nièce me fait un clin d’œil et s’en va …
- Vous allez devoir m’excuser un moment… dis-je en tournant le dos à la table pour m’en aller saluer les invités et les mariés.
- Tu vas où ?
Hein ! Qui ose ? Je me retourne vers la table. Gaspard. Tiens pourquoi ça m’étonne. Pendant tout notre mariage il avait besoin de contrôler le moindre de mes mouvements : où tu es ? Tu rentres à quelle heure ? Les enfants t’attendent… tandis que lui vaquait à ces petites occupations sournoises sans me rendre de comptes.
- Pardon ? fais-je comme si je ne comprenais pas la question.
- J’ai demandé où tu allais…
Je regarde sa femme Vanessa. La grossesse ne l’a pas épargné et c’est bien dommage car c’est un joli brin de femme. Je ne l’avais pas vu depuis son accouchement, sa taille a légèrement épaissie et ses traits ne sont plus aussi fins qu'auparavant. Oh Seigneur la roue tourne … ce n’est pas une phrase vide de sens. Il y a quelques temps de cela, j’aurai été à sa place avec la même attitude mi-craintive mi-agressive que cette femme, tandis qu’elle serait à ma place en train de ma narguer avec ses yeux de biche.
J’étais la femme trompée et elle la maitresse hautaine. Un divorce et un mariage après, me voici maintenant libre et elle emprisonnée. Mais de quoi a-t-elle peur ? De moi ? Je le lui laisse volontiers, son Gaspard. Elle ne l’a pas encore compris ?
- Gaspard, le verre de ta femme est vide commande lui à boire au lieu de t’occuper de moi.
La main de Vanessa se crispe sur son bras. Moi, je m’éloigne d’eux, consciente du poids de trois paires d’yeux posés sur mon postérieur… Je marche en roulant encore un peu plus des hanches. Profitez de la vue messieurs, profitez…
A mi-chemin, je suis accostée par un de mes oncles à l’haleine déjà bien avinée.
- (conversation en fang) ah oui hein, quand la femme fang est belle, elle est belle ! Où est ton imbécile de mari qui t’a laissé partir. Un idiot comme ça…
- Hé tonton David. Je sens que pour toi la soirée a commencé depuis …
- Ah maman, ce sont les seuls moments où on pense encore un peu à moi. Est-ce que vous venez encore me dire bonjour ?
- Tu as raison ne te fâche pas, je passerai avec les enfants…
Il me serre dans ses bras. Peut-être un peu trop. Tonton David a toujours été un peu louche mais on peut compter sur lui pour mettre de l’ambiance lors des fêtes familiales. Puis avant de continuer mon chemin vers la table des mariés, je lui glisse à l’oreille l’emplacement de son ex-beau neveu.
Je sais qu’il ira lui dire sa façon de penser… Et je m’en amuse déjà d’avance.
Une fois devant les mariés, je salue la reine de la soirée qui me prend dans ses bras… Son attitude est peu forcée mais ce n’est pas grave, vu ma robe, elle a le droit d’être énervée. Il fait un peu chaud et son maquillage commence à couler cependant elle est resplendissante.
« Mais surement pas autant que moi me fait une petite voix taquine dans ma tête ! »
- Ah ça Elle… Ah ça…
Les yeux de son mari brillent et il répète inlassablement la même phrase comme si son cerveau s’est mis en mode « off » en me voyant. Je dis hein si coté face son cerveau se bloque déjà, quand je vais me retourner et qu’il aura une vu sur la plus belle partie de mon anatomie que va-t-il dire ?
La nouvelle mariée lui jette un coup d’œil d’avertissement et moi la seule chose que je me dis c’est que j’espère qu’elle fermera la prochaine fois son clapet devant mes enfants et que plus jamais elle n’osera me voir comme une femme de bas étage parce que je suis divorcée et que j’ai trois enfants.
- Ah ça… Elle.
Rho, lui n’a pas encore fini ?
- Tu es très belle. Félicitation pour ton mariage. Je dis à la mariée au bord des larmes. Sois forte, garde bien ton mari. S’il fait une bêtise rappelle lui ce jour où il t’a choisi devant tout le monde, corrige-le et continuez votre route ensemble tant que vous vous aimez. Soit dit en passant ne crois pas qu’en bonne africaine je suis venue les mains vides hein. Je t’ai fait livrer ton cadeau directement chez toi. Je suis sure que tu apprécieras.
- Merci Elle. Dit-elle avec un faible sourire sur ses lèvres.
Je ne sais même pas si je fais bien de lui donner un tel conseil. Parce que c’est le conseil que je me suis donnée chaque matin toute ma vie de femme mariée et le résultat n’est pas des plus brillants.
J’étais en colère et je voulais faire souffrir le prochain homme qui allait croiser ma route. Mais ma colère est passée. Grace à Adrien, je dois le reconnaitre. Seule reste la peur de me tromper à nouveau, ça je peux gérer au quotidien.
Mais j’estime qu’on ne peut pas vouloir une chose et son contraire.
On ne peut pas chercher le prince charmant et dire en même temps que les hommes sont tous des crapauds. Il faut faire un choix, soit ils le sont tous, soit on sait que parmi tous les crapauds qu’on va embrasser, il y en a forcément un qui va se transformer en prince. Mais combien de crapauds faut-il embrasser avant de tomber sur le bon ? Combien ? J’ai bien envie que je chiffre trois, mon chiffre porte bonheur, me porte bonheur aussi dans ce domaine. Adrien est le troisième … mais Adrien …
Je ne sais pas…
Il est venu avec Léonie. Il ne m’a pas rappelé malgré tout ce que j’ai fait pour lui. Non pas que je l’ai fait pour être remerciée mais quand même. Même un texto … Je soupire et me redresse. Sois forte Elle, ne te laisse pas déstabiliser. Tu l’as bien ignorée depuis le début de la soirée continue tout simplement sur cette lancée… Il ne va quand même pas dire qu’il ne se rend pas compte que Léonie est amoureuse de lui ! Pourquoi c’est toujours elle qu’il emmène à toutes les cérémonies auxquelles il doit se présenter accompagné ? Il ne va pas dire qu’il ne connait personne d’autre !
Pfff ! Il est temps que j’arrête de penser à lui. Je dois retourner à ma table.
Il y a un homme qui s’approche de moi. Vu l’air sérieux qu’il se donne, je vois venir le dragueur professionnel. Je plaque un sourire sur mes lèvres et marche vers ma table.
- Excusez-moi madame, bonsoir…
- Bonsoir…
- Si vous n’êtes pas accompagnée, je peux vous inviter à ma table. Je suis juste à côté de celle des mariés.
- Non merci.
- Laissez-moi insister.
- J’ai dit non.
Il commence à me saouler en me suivant partout alors que je lui ai bien fait comprendre que je ne suis pas intéressée. En plus, c’est un gamin ! Je n’embrasse pas les têtards moi…
- Bon écoute, dis-je en m’arrêtant et en plaçant une main sur ma hanche. T’es tout mignon et tout mais regarde moi bien…
- C’est ce que je compte faire pendant toute la soirée ma belle…
Il est amusant ce petit.
- Si tu n’es pas capable de m’habiller, ne pense même pas à me déshabiller…
Je ne sais plus où j’ai lu cette phrase mais je la trouve nettement appropriée pour la situation. Il me regarde de la tête aux pieds, sourit puis tourne les talons et s’en va.
C’est bien ce que je me disais… petit joueur !
Je continue tranquillement mon chemin et m’attable avec les autres.
L’ambiance à notre table n’est pas au beau fixe. Je crois que seul Leila et son mari profite de la soirée. Xander a une de ses mains posées dans les cheveux de Leila qu’il caresse tout doucement tout en parlant avec Denis.
- Madame Khan, intervient Léonie, je voudrais profiter de la soirée pour vous parler de ma nièce qui aimerait intégrer l’école de la fondation. Malheureusement, on lui a répondu qu’il n’y avait plus de place. Si vous pouvez faire quelque chose …
- Oh je vous arrête tout de suite. répond Leila. La Fondation porte mon nom c’est vrai mais je n’interviens pas vraiment à ce niveau là. Moi je me pavane, je fais les conférences et tout mais le sale boulot c’est Elle qui s’en occupe entièrement.
- Ah ! Mais j’insiste vraiment, elle a entendu parler de la fondation et aimerait beaucoup l’intégrer.
- Par curiosité, quelle filière ?
- Esthétique coiffure. C’est elle qui m’a coiffée pour la soirée. Donnez-lui une chance.
Je regarde la fameuse coiffure en question et réprime une petite grimace. Leila me regarde.
- Mais demandez à Elle, vous avez la directrice juste en face de vous. C’est elle qui met l’accord final pas moi. Madame Moutsinga, moi je suis fascinée par les filles talentueuses. S’il ne s’agissait que de moi il y aurait en tout et pour tout peut-être une dizaine d’élève à la Fondation. Mais Elle, donne sa chance à tout le monde, croyez moi c’est à elle que vous devriez adresser votre demande.
Léonie soupire puis se tait. Pfff quelle plaie cette fille. Elle pensait me court-circuiter en s’adressant directement à Leila ? Le titre de directrice générale que je porte n’est pas décoratif ! Je bosse, moi.
- Normalement on ne prend que des filles et des femmes qui n’ont personne pour payer leur étude. je commence à dire la forçant ainsi à m'écouter Vous le savez que tout est gratuit chez nous, c’est pour donner une chance à celle qui n’en ont jamais eu.
Elle est médecin et elle n’a pas d’enfant. Je crois qu’elle gagne suffisamment bien sa vie pour prendre en charge les études de sa fameuse nièce !
- Je vous avais fait parvenir de la documentation sur la Fondation.
- Je suis trop occupée pour la lire. J'ai des patients à osculter moi. Je le ferai plus tard.
- Ok, donc j’étudierai plus tard le dossier de votre nièce dont vous ne pouvez payer les cours. J'ai une fondation à diriger moi...
Quand elle cranait, elle ne savait pas qu’elle aurait besoin un jour de moi. Comme quoi dans la vie… Elle me regarde vexée et moi je sirote tranquillement mon verre.
Oui je sais j’ai été méchante sur ce coup. Mais j’en ai le droit, cette pimbêche le mérite.
Les plats commencent à être servis et la conversation animées entre Xander et Denis se combine avec le brouhaha ambient de la salle et nous permet à nous autres de nous taire et de manger tranquillement.
J’en suis au dessert lorsqu’un petit garçon s’approche de moi en criant « maman ». Je me lève de table et le sert fort dans mes bras :
- Seigneur tu as grandi Anthony !!!
Anthony est un des fils de Gaspard né après notre mariage coutumier mais avant notre mariage civil. Je l’ai élevé comme si c’était le mien et les gens ont toujours été étonnés de la relation que lui et moi avons nouée. Sa mère me sourit.
- Bonsoir maman. Tu es belle ce soir !
- Plus belle que tantine Danielle ? je demande au petit garçon pour taquiner sa mère.
- Plus belle que tantine Danielle. Affirme t-il avec conviction.
On éclate toutes les deux de rire tandis qu’il va saluer son père et Leila qu’il connait bien.
Je l’ai gardé et il m’appelle maman alors que sa mère n’a droit qu’à un "tantine" quand il est de bonne humeur. Elle était tellement jeune quand elle l’a eu. Au final je connaissais mieux son fils qu’elle. Quand il était malade, je passais des nuits d’insomnie dans la maison conjugale quand elle, dormait tranquillement chez elle. Mais je ne l'ai jamais regretté. Anthony est un garçon formidable.
- Hé Anthony mon petit chéri, t’es un homme maintenant.
- Oui.
- Et à l’école ?
- Ah pardon Elle ton fils là et l’école c’est deux choses différentes hein. Je ne sais pas comment tu faisais.
- Toi tu es trop molle avec lui. Il a besoin de discipline. Lui et Obiang c’est même pipe même tabac. Je les mettais à genou ensemble.
Elle rigole encore une fois puis demande à Anthony de dire au revoir à son père.
- Depuis que tu as fui notre maison là, les enfants ne se voient même plus. Dit-elle en regardant Vanessa qui détourne les yeux.
- Ah maman quand la maison n’est pas à toi, on ne force pas.
Danielle et moi, on se comprend très bien. Nos relations ont été très compliquées au début jusqu’à ce qu’elle se rende compte que je ne faisais pas semblant de ne pas avoir de problème avec elle.
- Aka Danielle, j’espère que tu n’apprends pas ton impolitesse là à mon fils hein. Tu ne salues pas ta rivale.
- Quelle rivale ? moi je ne connais que toi. Les bas nous autres là, on squattait seulement un peu…
- Gaspard présente ta femme à Danielle toi aussi.
Toutes les deux on est en train de se foutre de leur gueule. Ca fait un bien fou. Evidement que Danielle la connait mais elle les taquine. Elle aime bien le faire. Vanessa n’a qu’à déjà s’y habituer…
***une heure plus tard***
Je ne sais pas s’il y a un seul homme dans la salle qui n’a pas tenté de me faire danser à part les trois de ma table.
Je demande à Dieu si c’est en remerciement de mon geste envers la famille Adanlosessi, qu’il me fait passer une telle soirée de rêve … Il me répondra surement plus tard parce que pour le moment, il me laisse m’amuser comme une petite folle.
***Leila***
Je vais récupérer le cadeau des mariés que j’ai oublié dans la voiture et Denis m’y accompagne car Xander est en discussion au téléphone avec un de ses collaborateurs indien.
- Que se passe-t-il avec Elle ?
- Rien pourquoi ?
- Arrête Denis. Je préfère que tu la laisses tranquille si tu ne sais pas ce que tu veux…
- Pardon ? De quoi parles-tu ?
- Laisse la tranquille, je répète avec humeur. Tu tergiverses trop avec elle.
- Ah donc quand il y a un pépin c’est forcément moi qui ai déconné ? Ce n’est pas de ma faute si elle non plus ne sait pas ce qu’elle veut...
- Oh arrête un peu ! je dis en débloquant la voiture. Il y a un moment dans la vie où tu as plusieurs chemins qui s’ouvrent devant toi. Devant ce choix tout le monde prend cinq secondes de réflexion avant de s’engager sur une route plutôt qu’une autre. Dans ces cas là, hésiter ne veut pas dire ne pas savoir ce qu’on veut. Ca veut juste dire qu’on sait la valeur de ce qu’on va perdre si on fait le mauvais choix.
Denis s’adosse à ma portière et regarde ses chaussures avec une mine dépitée.
- Je dois beaucoup à Elle. Elle m’a prise sous son aile alors qu’elle n’y gagnait rien à l’époque. J’étais juste une togolaise sans le sou. Elle m’a tellement trainée dans sa famille que certains d’entre eux me parlent en fang en pensant que je suis une cousine à peine débarquée et qu’on ne connait pas encore très bien. Elle n’est pas comme toi, moi ou Xander.
- Parce que nous somme comment ?
- De vrais requins. Nous ne nous adoucissons qu’au contact de la personne que nous aimons. Elle est une bonne personne, en permanence et son mari en a profité. Je n’ai pas dit qu’elle est faible, j’ai dit qu’elle est bonne et je ne veux plus qu’on profite d’elle. Malgré sa grande beauté et ses allures de femme fatale, ce n’est pas une pétasse. Elle ne s’endurcie que lorsqu’on lui fait du mal et après elle finit même par pardonner alors que moi j’ai la rancune tenace. C’est une femme moderne qui a conservé le meilleur de nos valeurs africaines.
- Tout ça pour me dire quoi Leila ?
- Je ne veux plus que tu lui fasses du mal.
Denis passe une main sur sa tête et porte son regard au loin.
- Tu crois que je n’ai pas vu ce soir que j’avais raté le coche avec elle ? Elle aurait pu me rendre heureux … si je n’étais pas … déjà …
- Déjà ?
- Déjà …
- Déjà quoi Denis ?
- … déjà tellement con.
- C’est vrai que tu es un connard mais j’aime le connard que tu es… dis-je en rigolant.
***Denis***
Ca c’est le genre de phrase qui fait encore plus souffrir que tout le reste.
« J’aime le connard que tu es. »
- Je vais y aller Leila…
- Quoi ? Attends la fin de la soirée.
- Je voyage ce soir. Mon avion m’attend.
- Déjà !
- Je dois prendre du recul. Réfléchir
Elle me regarde avec douceur.
- Mais qu’est ce qui te fait tant souffrir dis le moi Denis. Parle-moi.
- Je vais prendre une décision capitale pour ma vie Princesse. Ce sont des choses dont on décide d’abord et dont on parle après avoir réfléchi sur toutes les conséquences.
- Ok. Je comprends. Mais si je peux t’aider de quelque manière que ce soit, fais-moi signe.
- Ok. Dis à Alexander que je l’appelle avant de monter dans l’avion.
- Hum. Bon voyage.
- Au revoir princesse.
Je jette un coup d’œil à ma montre. Il est tard. Je fonce vers ma voiture où m’attend mon chauffeur.
***Adrien***
Léonie a une tête d’enterrement.
Je crois qu’avec Elle, le courant ne passe vraiment pas. Je ne sais pas pourquoi, elle ne se lève pas pour aller danser ou faire des rencontres. Après tout si je l’emmène à toutes les soirées auxquelles je suis invité, c’est pour qu’elle voit du monde au lieu rester cloitrée chez elle à attendre que moi ou Archange la fassions sortir. Archange et sa petite amie sont complètement obnubilés par leur projet de couple et il a de moins en moins de temps pour elle ou moi.
Je pose une main sur son bras pour la tirer de sa rêverie.
- Il va bien falloir que tu ailles danser Léo.
- Avec toi ?
- Non, je danse comme un pied.
- Allez s’il te plait.
- Non, Léo.
- Juste une danse Adrien, ça ne va pas te tuer, elle ne s’est pas levée de la soirée et toi non plus je te signale ! intervient Leila qui se pelotonne contre son mari.
Déjà je n’entends plus aucune des deux parce que j’ai levé les yeux sur la piste de danse. Elle est en train de rire à gorge déployé avec un monsieur qui la serre de très près. A cette distance je peux voir sa main descendre très bas sur son dos.
L’enfoiré !
C’est vraiment une soirée de merde. Avec tous les mariages qu’il y a dans Libreville, il a fallu qu’on se rencontre à celui là. Je n’ai pas desserré la bouche de la soirée et si ça ne tenait qu’à moi je serai rentré depuis très longtemps. Mais je n’arrive pas à me lever de ma chaise et à demander à Léo qu’on rentre.
Je n’arrive pas à détacher mes yeux d’Elle alors que pas une seule fois son regard n’a croisé le mien.
Et le pire c’est qu’elle m’ignore complètement. J’essaie d’en faire autant mais je n’y arrive pas. C’est plus fort que moi. Et Léonie se sent délaissée. A quoi ca me sert de l’emmener à des soirées si je n’arrive même pas à m’occuper un peu d’elle ? Je me décide et l’invite à danser. Son sourire illumine toute son anatomie dès qu’elle se lève.
Une danse plus tard, le cavalier d’Elle se sépare d’elle pour tendre la main à Léonie.
Elle et moi restons plantés l’un devant l’autre. Et comme si le destin ne se moquait pas encore assez de moi, un zouk sensuel est lancé par le DJ.
Je sais que mon attitude est impardonnable. Je le sais très bien Elle. Je t’ai sacrifié sur l’autel de mes retrouvailles avec ma « mère ». Toi qui m’as enfin permis de lui parler.
Oui on s’est parlé quand tu es partie. Je lui ai raconté le déroulement de cette journée que j’ai tenté en vain d’oublier. Elle m’a pardonné… Le miracle est survenu grâce à toi mais son cœur de mère a parlé :
« C’est d’une fille comme Elle dont tu aurais dû tomber amoureux dès le premier jour Latif. Pas de cette Jennifer dont Claire me parlait qui te faisait souffrir. Celle là n’a jamais connu ta valeur et je ne lui pardonnerai jamais le mal qu’elle t’a fait, qu’elle nous a fait. Je sais que c’est ridicule de ma part de rejeter toute la faute sur elle mais j’en ai besoin Latif… J’ai besoin de haïr quelqu’un ça me permet de mieux supporter la douleur. Dieu fasse que je ne croise jamais son chemin, car je ne sais pas ce que je serai capable de lui faire ! »
Elle, Jennifer, c’est la même personne maman. Mais ça je n’ai pas osé le lui dire.
Je viens à peine de la retrouver, dois-je de nouveau tout sacrifier alors que tu t’es battue pour que nous nous retrouvions ? Dis moi Elle ?
Elle me regarde et je ne sais pas encore si elle va accepter de danser avec moi ou tout simplement tourner les talons pour me punir de mon silence coupable.
Punis moi Elle,
Parce que je ne sais pas où j’en suis
Parce que chaque seconde que Dieu fait, je n’ai qu’une seule envie…
Etre avec toi alors que je ne suis pas supposé l’être.
Le temps que je sorte de mes pensées, Elle a tourné les talons et est partie… sous le regard de toute l’assistance qui nous observait avec curiosité.
*
*
*