Chapitre 21

Ecrit par Meyroma

La veille de mon retour à Niamey, allongé sur mon lit, je téléphone à ma dulcinée Yasmine comme je le fais chaque soir depuis mon arrivée à Genève, mais elle est désespérément injoignable. Après plusieurs essais vains, j'appelle finalement ma future belle mère qui décroche en larme, m'informant de la terrible nouvelle du moment.


Je me rend immédiatement  à l'aéroport, déterminé à rentrer au pays sur-le-champs, même si pour cela, je devais m'accrocher à l'ail d'un avion. En fait pour Yasmine, je pourrais traverser déserts et forêts à la marche et traverser tous les océans à la nage. 


Heureusement, je n'ai pas eu besoin de recourir à de telles extrêmes.


Savoir Yasmine en prison est l'une des pires nouvelles de ma vie. C'est comme si le monde venait de s'effondrer sur ma tête.  Je me sens envahi par ce pesant sentiment de culpabilité qui me dévore impitoyablement de l'intérieur . 


La vie de Yasmine ressemblait à un long fleuve tranquil avant que j'y débarque comme un cyclone ravageant tout sur son passage . 


Il est de mon devoir, de l'assister. Cela est impératif non seulement pour soulager ma conscience , mais aussi mon coeur amoureux. 


Je suis tellement épris de cette femme que je ressens chacune de ses souffrances dans ma chaire. 


Pour elle, je ferai l'impossible.


******


Dès mon arrivée au bercail,  je me rends chez ma belle mère pour en savoir d'avantage sur cette histoire.


Après qu'elle ait préparé le petit déjeuner a emporter pour Yasmine,  nous nous rendons au centre où elle est détenue. 


La vue de Yasmine dans cet endroit cafardeux  me broie le coeur en lambeaux . Un énorme sursaut de tristesse eclot du tréfond de mon être. Je me demande comment j'ai pu survivre à un tel choc. En tout cas, si mon corps a pu subsister,  mon esprit en demeure complètement meurti.


Quand elle m'aperçois sur le pallier,  ses yeux s'illuminent comme si elle venait de découvrir  un messi. Elle se réfugie dans mes bras et son étreinte serrée exprime tout l'espoir qui vient de naître en elle. 


Je n'ai pas le droit de la décevoir, encore moins quand je suis responsable de tout ce qu'elle endure. 


Je me sens plus impliqué que jamais dans sa défense. Assurer sa protection est devenue ma mission suprême. 


- Yasmine,  sache que j'ai cherché à la loupe, dans tout le dictionnaire  ,  mais aucun mot n'est assez fort pour t'exprimer ma compassion. Si je pouvais échanger ma liberté contre la tienne,  je n' hésiterais pas une seconde . Je pourrai donner ma vie pour toi. Je te promets de te sortir de ce petrin.


Après lui avoir fait part de mes sentiments,  je l'ecoute  attentivement me relater sa version des faits. 


A la fin de son récit , je suis sidéré par les agissements de Fati, cette femme que j'ai  côtoyé depuis l'enfance, sans connaître son vrai visage. J'avoue que  j'ai toujours perçu un mystère, une onde indéchiffrable à l'arrière plan de sa personnalité, mais mon affection pour elle,  aussi fort que l'amour d'un frère pour sa soeur m'a aveuglé. Plus j'y repense,  plus je réalise que si j'avais été attentif, j'aurais pu découvrir assez tôt,  quel monstre se cachait sous son voile d'ange. J'aurais pu nous éviter ce drame. 


******


Yasmine et moi discutons longuement en glissant sur la pente d'un sujet à un autre.   


Finalement, nous abordons les procédures juridiques que nous mettrons en oeuvre pour assurer sa defense, en sillonnant chaque recoin des possibilités que nous offre le droit. 


Je retrouve en Yasmine ma super- assistante. Cela me réjouis le coeur de constater que malgré la vulnérabilité à laquelle elle est exposée, sa situation n'a rien altéré de son intelligence et son inégalable aptitude professionnelle.


Elle me fascine !


Notre conversation jusque là paisible, tourne au vinaigre lorsque Yasmine évoque mon oncle. 


J'admets  que toutes ses préoccupations  sont légitimes,  mais indépendamment de ma volonté,  je deviens susceptible dès qu'il s'agit de mon oncle.  


J'ai essayé de rester lucide dans cette confrontation, mais lorsque je me suis retrouvée dos au mur, au lieu d'affronter la situation, Je me suis enfui comme un lâche. 


Je l'ai laissé seule, dans cette salle de visite morne parce que je n'ai pas de réponse appropriée à ses questions. 


Peut-être aussi est-ce par lâcheté tout simplement?


Maintenant que je suis parti, je suis rongée par le regret. J'aurai dû rester, la réconforter,  la rassurer. 


****


En quittant le centre de détention, je me rends directement au domicile de mon oncle. Après l'avoir cherché dans chaque recoin de la maison, l' endroit où je le retrouve ne présage rien de bon.


Il s'est aménagé dans un secteur de la villa, une sorte de pièce de retraite dans laquelle il a l'habitude de se réfugier spécialement dans ses moments de stress profond, de contrariété, de colère, de méditation et de solitude.


Dès que je franchi la porte, sa voix retenti dans l'obscurité d'un ton amer. 


- Ne me dis pas que tu es rentré de voyage plus tôt pour cette fille?


Je lui réponds calmement, en allumant la lumière, afin de voir si l'expression de sa voix est réellement celle de qui émane de son visage.


-Cette fille comme tu l'appelle est ma future épouse et ta future belle fille.


Il rabaisse ses lunettes d'un geste nerveux et ses yeux me lancent deux rayons infra rouges brûlants.


- Alors, ça y est,  tu as bien choisi ton camps? Saches que tu es libre de tes choix, mais assume toi. Pour ma part, je prend acte de ta décision, Djibril. 


L'entendre m'appeler textuellement par mon prénom est une première qui me fait l'effet d'un électrochoc. Il m'a toujours attribué des qualificatifs affectueux tels que "mon fils", "mon enfant"...


- Il ne s'agit pas de clanisme mon oncle. Yasmine fait désormais partie de la famille et tu dois la considérer comme  telle. Je sais que Fati est ta fille biologique, mais il est temps que tu ouvres les yeux sur sa vraie nature. Renier la vérité ne l'aidera certainement pas. C'est ma soeur aussi et je l'aime, mais qu'on se dise la vérité, elle a besoin d'aide. Fati ne va pas bien dans sa tête papa!


Cette fois, il me semble que  j'ai touché une corde sensible car il se met dans une colère noire et me crie exaspéré:


-Tait toi, fils indigne! Comment oses tu? Si tu es venu insulter ma fille, sort de chez moi. 


L'instinct de protection d'un parent pour sa progéniture  est naturel, même chez les animaux. C'est pourquoi je comprend tout à fait sa réaction et ne lui tiens aucune rigueur pour ses propos. 


Sans me laisser le temps d'en placer une, il m'indique la porte de sortie d'un air irrévocable et je m'exécute.


Finalement entre Yasmine et mon oncle, je me retrouve vraiment entre le mortier et le pilon!


Stage pré-embauche