Chapitre 20
Ecrit par Meyroma
Mademoiselle, visite!
Je sursaute du leger sommeil que les rudes conditions d'existence dans cette cellule puisse me permettre.
Le temps que je me tienne debout, il a déjà ouvert la porte.Ce gardien, contrairement à celui qui était de garde hier semble méchant et discourtois.
Je le suis silencieusement, en espérant que ma mère a pris le soin de m'apporter mon petit déjeuner. Depuis que je suis enfermée dans cette prison, je n'ai rien avalé alors que le petit déjeuner est un rituel sacré pour moi, quelque soit la circonstance.
Djibril doit rentrer ce soir, je compte impatiemment chaque seconde qui nous sépare. Rien que de penser à lui me fait sentir le doux parfum de l'espoir et la liberté.
- Maman! Crié-je en me jetant dans ses bras dès que j'aperçois ma mère.
-comment vas tu Mina? Tu as bien dormi? En me scrutant de la tête aux pieds d'un regard impuissant, mais très expressif.
Pour ne pas l' inquiéter d'avantage, d'autant plus qu'elle est naturellement alarmiste, je m'efforce de faire bonne figure.
- Ça va maman, tout se passe bien. Ne te fais pas de soucis. Comment vont les jumelles?
-Elles vont bien, elle n'arrêtent pas de te réclamer.
Un noeud se forme dans ma poitrine, mais je n'en laisse rien paraitre.
- Maman, j'espère que tu m'as amener un bon petit déjeuner. Je meurt de faim.
-Oh que si ma fille! Je t'ai amené le meilleur petit déjeuner de ta vie. Me répond-elle d'un air drôle et mystérieux.
Avant que j'essaie de comprendre ce qu'elle sous entendais, elle me fait signe de regarder vers la porte d'entrée et qui je découvre avec stupéfaction?
Mon avocat, le vrai, l'unique!
Maître Djibril se tiens là, sur le pallier faiblement éclairé par les rayons du soleil qui pénètrent la salle de visite à travers la fenêtre.
Du haut de ses deux mètres et son imposante carrure d'athlète , j'aurais juré qu'un grand baobab venait de pousser sur le seuil de la porte. Maître Djibril m'apparaît dans un élégant costume, tenant sa mallette professionnelle comme un super Man venu à ma rescousse.
- Oh mon Dieu! Djibril? C'était plus une question qu'autre chose tellement ma surprise est grande de le voir.
Il était supposé rentrer cette nuit et je n'espérais pas le voir avant demain.
- J'ai écourté mon séjour dès que j'ai appris la nouvelle, m'avoue t-il pour répondre à ma surprise.
- Je suis si contente de te voir, lui dis-je presque au bord des larmes.
L'émotion me fait même oublier la présence ma mère. Je me dirige vers lui et l'embrasse de toutes mes forces.
Ma mere en profite pour se retirer, sur la pointe des pieds, nous laissant seuls.
Nous nous asseyons sur le banc en bois prévu à cet effet. Djibril me demande de lui raconter tout ce qui s'est passé depuis le début de l'affaire et je ne me fais pas prier.
À la fin de mon roman, il a les lèvres suspendues d'ébahissement. Son regard est plein d'un mélange de consternation et de chagrin.
- Je suis tellement désolé Yasmine. Je suis le seul coupable de tout ce qui t'arrive. C'est de ma faute si Fati s'acharne sur toi aujourd'hui. Je n'aurai jamais dû lui donner de faux espoirs dès le début. Je t'en prie Yasmine, pardonne moi.
-Shuuut, tenté-je de le dissuader. N'es tu pas un bon croyant Djibril? Saches qu'il n'arrive rien à l'être humain que Dieu ne lui ait destiné et n'oublie jamais que Dieu n'impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité. Ceci n'est qu'une épreuve qu'on passera avec succès, plaise à Dieu. Ne te décourage pas mon amour.
Plus je le console, plus je réalise le ridicule de la situation. C'est moi qui suis enfermée derrière les barreaux et c'est moi qui le conforte.
Il a sûrement dû se rendre compte de notre absurde échange de rôle car il se ressaisi aussitôt.
- Je ferais tout pour te sortir de là, ma chérie. Je me battrai bec et ongles, contre vents et marées pour te libérer. Je te le promets.
- Je n'en doute pas mon amour. Tu es le meilleur des meilleurs. J'ai absolument confiance en toi. Rien qu'en te voyant, je me sens déjà un pied dehors.
Notre merveilleux dialogue à la Shakespeare est interrompu par le gardien aux traits durs.
- La visite est terminée. Vous retournez dans votre cellule, mademoiselle.
- Je suis son avocat, lui dit Maître Djibril en lui tendant sa carte professionnelle. Donnez nous encore quelques minutes.
Il s'est exprimé d'un accent tellement autoritaire que le gardien impressionné, lui obéit sans broncher.
Il est si séduisant sous ses airs impératifs.
- Ou en étions nous déjà? Me demande t'il en se tapotant le front. Tu vois, je perd tous mes moyens quand tu me regardes avec ces yeux de biche...
Oh oui nous parlions de ta défense. Pour commencer, je vais déposer une requête de libération sous caution dès que je sors d'ici. Lorsque tu seras dehors, nous préparerons ta défense ensemble. J'ai besoin de mon indispensable assistante.
- Tu peux toujours compter sur moi. Dis Djibril, et ton oncle, comment prévois tu de t'y prendre avec lui? demandé-je anxieuse.
- Je ne compte pas m'engager dans un bras de fer avec lui, rassure toi. Je n'aurais jamais ce toupet. Je le prendrai par les sentiments.
- Et si cela s'avère vain? Je t'ai déjà décris son hostilité envers moi. Ne joue pas à la politique de l'autruche Djibril. J'ai besoin de savoir dès maintenant si tu es avec moi à cent pour cent. Tu ne peux pas être de mon côté et du sien sachant qu'il est déterminé à me nuire.
Je suis consciente que je le met au pied du mur, mais ais-je le choix?
J'aurais préféré que les circonstances soient différentes et que son oncle m'accepte. Il m'aurait été un honneur et un grand plaisir d'être la belle fille idéale. Malheureusement, l'homme ne m'aime pas et ne m'aimera probablement jamais quoi que je fasse. Là, il y va de ma liberté, de mon avenir, de toute ma vie. J'ai besoin du soutien inconditionnel de Djibril, pas à moitié. Je respecte son amour pour son oncle, mais le choix s'impose.
- Je t'en prie, arrêtes de parler ainsi Yasmine. Tu sais bien que je suis là pour toi.
- Exclusivement pour moi? Insisté-je
Cette fois, ma question le met hors de lui. Il se lève et tape d'un coup sec sur la table en bois assortie au banc et ses yeux rougissent de colère. On aurait dit un bipolaire tant son changement d'humeur est radicale et spontanée. Il me lance un regard noir, silencieux, tourne le dos et s'en va.
Mon Dieu qu'est ce que je viens de faire? Qu'est-ce qui viens de se passer? Viens-je de perdre bêtement l'homme de ma vie?
Je reste là figée, meurtrie, anéantie, me posant l'ultime question:
Reviendra t-il?