Chapitre 21 :
Ecrit par EdnaYamba
Chapitre
21 :
Antoine
BOUMI
Mes oncles font le point sur les marchandises qu’on a
payé, selon mes oncles c’est essentiel pour aller se présenter chez les
MOUKAMA, il y a beaucoup de choses à se faire pardonner ; je ne pense qu’à une chose voir enfin ma
fille, je me demande si elle aussi me hait comme sa mère me déteste. On
pourrait lui avoir dit des choses sur moi, mais les explications que je
donnerais aujourd’hui serviront à me déculpabiliser et qui sait, peut-être
obtiendrais-je son pardon ?
Nous sommes sur le point de nous rendre chez Richard
MOUKAMA, mais avant toute chose, je vérifie que le message que j’ai envoyé à un
ami avocat lui est bien parvenu, je veux qu’il s’occupe le plus vite possible
de me faire divorcer de Mélanie. Je ne veux plus être associée à elle, en rien
du tout, qu’il s’occupe également du partage de nos biens. Tout ce qu’on a
acquis ensemble et les projets que nous avons, les studios que nous
construisons.
-
On y va ! déclare mon oncle alors que
mon ami avocat, me dit qu’il se charge de mon dossier.
Voilà qui est bien. Plus vite je serais séparé de cette
folle, mieux je me porterais.
Il est environ 15 heures quand nous arrivons chez Richard
MOUKAMA.
Notre délégation familiale est faite de deux frères de mon père et de deux
frères de ma mère, ma mère, ma sœur et moi, c’est avec regret que je me
souviens qu’il y a 17 ans c’est ce que j’aurais souhaité que ma famille
m’accompagne pour demander la main d’Isabelle.
L’accueil est poli
mais froid, on ne peut pas les en vouloir quand on se souvient que nous avons
fait pire des années avant. Nous sommes invités à nous asseoir alors qu’en face
se tiennent les frères MOUKAMA, Mireille et Isabelle dont le front est plissé.
On sent bien que ce n’est pas de gaité de cœur qu’elle
est là, bien que je lui remercie déjà d’avoir au moins accepté de nous
recevoir.
Je suppose que je vais devoir faire preuve de patience.
En principe dans un autre cadre cela n’aurait été un
problème, on serait tout simplement venu reconnaitre l’enfant et comme on dit
chez nous ‘’foutou maboughou ma mwana a dji » littéralement payer la
nourriture que mon enfant a mangé chez les parents, mais dans notre cas il
s’est passé beaucoup de choses pour que ça soit aussi simple.
Puis une jeune fille entre et va s’asseoir derrière ses
oncles.
Mon cœur fait un bond !
C’est elle.
C’est ma fille.
Je vois son visage aucun doute qu’elle ne soit pas de
moi.
Si grande, tout comme est grand le nombre incalculable de
choses merveilleuses que j’ai raté de sa vie, comme grande est la tristesse qui
m’envahit en sachant que je ne pourrais pas les rattraper, et qu’après tout
ceci si elle ne désire pas me connaitre, je ne serais que pour elle, une
personne quelconque.
J’essaie de contrôler le tremblement de mes mains
croisant mes bras pour mieux le gérer, je dois garder mon calme. Elle
regarde sa mère qui ne cesse de me toiser l’autre côté avant de suivre
le regard de sa mère et de tomber sur le mien. Nos yeux se croisent. Je ne peux
lire ce que le sien traduit mais j’espère tout simplement que tout ce qui se
fera aujourd’hui servira à ce qu’on se retrouve. Elle se retourne pour murmurer à l’oreille d’un jeune homme à peine plus âgé
qu’elle.
Puis Richard l’ainé prend la parole nous demandant
l’objet de notre visite c’est à lors que notre porte-parole, le petit frère de
ma mère qui a toujours été un grand orateur répond :
-
Merci de nous accueillir aujourd’hui, il y a
une raison qui nous amène en ce lieu mais nous ne saurons l’exprimer sans au
préalable vous demander pardon !
Il prend une bouteille de liqueur et des pagnes qu’il
dépose devant les pieds des MOUKAMA en face.
-
Nous voulons bien accepter vos présents mais
nous ne le pouvons sans savoir au préalable pour qu’elle raison parce qu’à ce
que je sache nos pieds ne se sont jamais croisés pour qu’il y ait le moindre différent
entre nous. Réplique Richard, maintenant si nous avons oublié rafraichissez
nous la mémoire !
C’est un exercice difficile qu’il demande là à mon oncle
car 3 de ceux qui sont présents là aujourd’hui au moins étaient là, ce jour-là
quand ma mère a giflé Isabelle, quand ils l’ont insulté.
Là, je vois ma mère baisser la tête pleine de honte et
certainement de remords.la vie est un boomerang
avant de porter des coups il faut s’assurer que jamais ils ne te
reviendront.
-
Un jour une jeune femme est venue se
présenter à nous et nous ne l’avons pas cru, mais le temps qui est le meilleur
juge nous a rattrapé mais nous a donné aussi une chance de rectifier le mal que
nous avons causé. Nous voulons nous excuser auprès de vous tous, et surtout
auprès de votre sœur !
Je guette Isabelle, imperturbable. C’est à croire que ces
années l’ont vraiment rendue dure et moins sensible que celle qu’elle était
dans le temps.
Grace
Jeannie MOUKAMA
-
Tous ceux qui étaient là, ce jour-là ne sont
peut-être plus là pour régler le tort qu’on vous a causé, mais par ma voix, et
au nom de toute notre famille nous vous prions de bien accepter de nous
pardonner ! entends-je le porte-parole de la famille de mon père dire.
Mon oncle Richard cherche des yeux ma mère qui
apparemment donne son consentement, je l’en remercie encore à nouveau dans mon
cœur.
-
Il y a des choses quand le vent les emporte
on ne pourra plus jamais les faire revenir, dit mon oncle Richard.
Je vois celui que je crois être mon père, faire une
grimace qui m’est bien propre quand je suis agacée.
C’est bien mon père.
Pendant des années je l’ai tellement imaginé sous différentes formes
qu’aujourd’hui j’ai l’impression que j’ai dû voir ce visage-là dans mes rêves
ou alors c’est simplement l’émotion.
Je le vois là, assis, l’air calme.
Il n’a ni l’air imbécile, ni l’air vilain c’est même
plutôt un bel homme mon père !
J’espère juste que tout se passera bien parce que toute à
l’heure, j’ai entendu tantine Mireille dire à mes oncles :
-
On ne va tout de même pas leur faciliter la
tâche non !? ils nous doivent bien des explications, à Isabelle
surtout ! Pourquoi reviennent-ils aujourd’hui reconnaitre cet
enfant ?
Et ma mère de répliquer :
-
Après toutes ces années, j’ai bien droit à
une explication ! c’est vrai
Et là mes oncles ont acquiescé
-
Les circonstances sont telles qu’on ne peut
qu’accepter votre pardon, continue tonton Richard.
Qu’est-ce qui a bien pu se passer entre mes parents, pour
qu’on en arrive là ? Tout à l’heure maman est venue, elle m’a longuement
regardée et m’a dit :
-
Tu n’es pas la seule à qui cette affaire a
fait et fait du mal Grace, mais peut-être aujourd’hui me comprendras-tu !
tiens mets ton petit frère au lit.
Et elle est allée rejoindre mes oncles au salon alors que
je suis restée à me poser des questions derrière sur le sens de ses paroles
avant de les rejoindre
-
M’bedi i sale ghu manima ba bangle la,
(Un proverbe qui
évoque le fait que dans traditions quand
on va à l’enterrement , quand on quitte
les cimetières avant on ne regardait même plus derrière, donc si une machette
ou une pelle reste on l’abandonne mais il y a des exceptions qui font que c’est
un outil de travail, nécessaire, on peut donc partir au cimetière rechercher sa
machette ou sa pelle) pendant tout ce que nous avons dit il y a un aspect
que nous n’avons pas évoqué. Dit le monsieur
Quelqu’un toussote dans la salle
-
Celui de l’enfant, poursuit le monsieur. Nous
voulons le récupérer maintenant !
-
Quel enfant ? réplique tonton Richard
-
Celui que notre fils a eu avec votre
sœur !
Le regard de mon oncle passe de son interlocuteur direct
à mon père.
-
Et pourquoi crois-tu que c’est ta fille tu
l’as bien rejetée avant non ?
C’est la même question qui me hante depuis des années
pourquoi m’a-t-il rejetée ? Pourquoi n’avais-je pas de père ?
Cet homme en face de moi que j’avais choisi de pardonner
de toutes ces absences était là en face de moi.
-
Nous t’écoutons Antoine !
Antoine !
C’était donc ça son prénom. Beaucoup plus joli que ton imbécile de père.
Il porte son regard à nouveau sur moi comme s’il cherchait à prendre appui sur moi,
il se racle la gorge avant de dire :
-
Les circonstances ne sont peut –être pas en
ma faveur aujourd’hui, mais je suis bien venu demander le droit de voir ma
fille et de m’occuper d’elle , revenons à ce qui s’est passé il y a 17 ans.
***
C’est l’histoire de ma vie, c’est l’histoire de ma mère
que je vois se ramollir au fur et à mesure que mon père raconte cette histoire
triste et difficile, les yeux de ma mère s’emplissent de larmes tout comme les
miens et là je prends sa main dans la mienne.
Pourquoi ne m’a-t-elle jamais dit tout ça ? J’ai
déjà pourtant l’âge d’entendre tout ceci.
Pour la première fois de ma vie, je comprends pourquoi ce
sujet était si difficile à aborder pour elle. Je comprends aussi que l’homme
deboiut en face de nous a perdu 17 ans de sa vie.
Dans l’illusion.
Dans le mensonge.
Ils sont tous les deux victimes.
Victimes de la stigmatisation de tout un village envers
une famille.
Peut-être que s’il n’y avait pas eu tous ces préjugés sur
les MOUKAMA, mes parents auraient vécu leur amour au grand jour et on n’en
serait pas là !
Victimes de l’obsession d’une jeune femme prête à tout.
Je serre encore plus fort la main de ma mère.
Ça ne doit pas être facile pour elle d’entendre tout ça.
Et quand mon petit frère qui dormait apparait pour venir
dans les bras de maman, je vois qu’elle prend ce prétexte pour sortir de la
pièce alors que mon père en face semble perturbé en la voyant avec un enfant.
Le porte-parole des BOUMI, reprend la parole alors que
mon père se rassoit.
Je le regarde ses yeux brillent. Est-ce des larmes ?
Mais il cligne des yeux et hop plus rien.
L’échange qui suit, est se fait silencieusement.
Je crois que tout ce qui a été dit par mon père plane encore
dans la pièce.
Maman n’est toujours pas revenue, je ne crois pas qu’elle
reviendra d’ailleurs.
Quand c’est fini, mon oncle Richard dont le ton de la
voix est plus adouci leur dit qu’ils ont désormais le droit de voir leur
enfant. On me demande d’aller voir mes parents paternels, c’est lentement que
je m’approche de mon père qui se lève et quand je suis à quelques mètres de
lui, je m’arrête.
Tout le monde nous regarde.
Il ouvre les bras et là je cours me plonger dans ses bras
en larmes alors que j’entends ses sanglots et que je sens ses larmes couler sur
moi.
Je suis recouverte par la chaleur des bras d’un père, la
chaleur des bras de mon père.