Chapitre 22

Ecrit par Annabelle Sara


  

Véronique

 

-         Qu’est-ce que tu racontes ?, lui ai-je demandé.

-         Quoi cette histoire est tellement vielle que tu ne t’en souviens plus ? Tu n’as plus aucune idée de qui était ton patron, ton mentor ?

J’ai failli m’écrouler en écoutant parler Oluwa. Je n’en revenais pas ! Moi qui pensais que cet imbécile venait exposer notre relation devant ma famille pour la faire définitivement exploser, lui me parlais du Grec ?

Mais pourquoi ? Comment sait-il toutes ces choses ?

-         Tu es…

-         Oui… Véronique Nana ! Je suis le fils du type qui t’a donné ta chance, a posé le vin, le pain et la sauce sur table, celui là même que tu as spolié avant de le mettre à la rue ! Le fils du Grec !

J’étais stupéfaite, je ne savais même pas que mon ancien mentor avait une progéniture.

-         Tu n’es pas nigérian ?, ai-je demandé.

-         A moitié ! Ma mère est nigériane…

-         Tu es le fils de… Kiniakos ?

Il se rapprocha de moi arme au poing.

-         Je suis ton pire cauchemar, Véronique Nana ! Tu te souviens de ce que tu as fais à mon père ?

-         Mon pire… Je ne sais pas ce que tu sais de cette histoire mais ce n’est pas ce qui s’est passé…

-         Paul vous voulez savoir comment votre femme a rencontré Tata Miriam ? C’était la compagne de mon père, ce pauvre homme a mis en contact les deux vipères qui l’ont étouffées, elles ont conspiré pour le réduire à néant.

Il n’allait pas venir ici déterrer une histoire datant de l’antiquité.

-         Je n’ai rien fait à ton père ! Il s’est fait tout seul, avant il était un commerçant avisé et puis il a vieilli et ses décisions sont devenues risquées, pour lui et sa firme.

-         C’est pour cela que tu t’es alliée à sa pire ennemie pour le spolier ?, demanda-t-il avec violence.

-         Miriam n’était pas son pire ennemie, c’était sa femme ! Une parmi tant d’autre, qu’il traitait comme une moins que rien, comme une chienne… D’après ce que je sais de lui je pari qu’avec ta mère c’était pareil !

-         N’importe quoi !

Il voulait réveiller cette histoire alors on allait en parler.

-         Tata Miriam m’a sauvé des griffes de ton père, nous nous sommes mutuellement sauvées de lui. Il avait fait un mauvais investissement et c’est sur nous qu’il passait ses nerfs ! Il a fait vivre un enfer à Miriam, la battait, lui interdisait de travailler pour vivre alors qu’il ne lui donnait pas un centime ! J’ai vu cet homme que tu appelle ton père la rabaisser l’humilier et lui faire croire que c’était de sa faute à elle s’il se comportait de cette façon avec elle ! Tu dis que j’ai séduit Le Grec, mais pourquoi tu ne te demande pas pourquoi un homme de l’âge de ton père choisissait une fillette comme assistante ! Oui j’avais un boulot mais quel boulot ?

Il avait le regard vitreux, il fallait qu’il reste connecté, je ne voulais pas qu’il tire sans réfléchir.

-         Ton père avait la fâcheuse tendance à choisir des jeunes et jolies filles pour le servir… Je suis celle qui a réussi à lui tenir tête durant 3 ans ! Je veux juste que tu visualise la force dont j’avais besoin pour repousser un homme comme celui-là ! Et puis il en a eu marre et il a essayé de me forcer, Miriam m’a sauvé de ses griffes ! Il savait qu’il y avait déjà des rumeurs qui courraient sur lui, en plus il avait eu l’indélicatesse de toucher à des filles de personnes peu recommandable, ajouté à cela le fait que sont affaire ne marchait plus ! Alors oui Miriam lui a fait du chantage au moment de divorcer, oui elle lui a pris sa boite, mais il n’avait plus rien de toute façon…

-         Tais-toi !

-         Ton père n’était pas un ange ! Oui c’était un bon mentor j’ai appris comment gérer les affaires avec lui mais ce type était raciste, misogyne et pervers…

Quand j’ai entendu siffler la balle j’ai d’abord pensé qu’il m’avait touché, mon corps tout entier s’est figé en attente du signal nerveux indiquant que le projectile se trouvait quelque part dans mon organisme.

Mes enfants criaient en pleurant malgré les baillons serrés qu’ils avaient dans la bouche.

-         Vous lui avez volé son entreprise, vous l’avez démantelé et revendu morceau par morceau !

Je me remettais encore de la frayeur d’avoir peut-être reçu une balle, mais je n’avais rien il avait juste tiré pour me faire peur. Il était habile avec une arme je n’avais pas vu le moment où il avait retiré le cran de sécurité.

-         Vous avez détruit sa vie ! Et mon père est mort de chagrin…

Je le regardais et je me demandais quel était son plan en entrant armé, aujourd’hui chez moi.

-         Un homme fort qui meurt de chagrin…

-         Oluwa… Je suis étonnée que Le Grec ait un enfant… Sais tu qu’il a poussé Miriam à avorter 5 fois ? 5… Ce n’était pas un saint !

-         Toi l’es tu ? Tu peux dire ici que tu as les mains propres ? Ta Miriam va ressentir ce que mon père a ressenti quand son monde s’est écroulé il y a 17 ans !

-         C’était toi ? C’est toi qui a envoyé la police chez elle…

-         Tu dis que mon père couchait avec des gamines, ta Marraine organise des partouses entre des vieux ventrus et des gamines… On en parle ?

Je ne savais quoi répondre à ça !

-         J’ai fais ce qu’une personne normal aurait fait à ma place, une personne qui se remet en question et qui pense aux autres…

Il avait poussé Miriam à organiser cette fête pour la piéger. Cette idée me donna froid dans le dos.

Il se tourna vers ma famille et ce que je redoutais se dessina face à moi.

-         Qu’est que tu fais ?, ai-je demandé en le voyant détacher Paul de sa chaise.

-         Tu penses à ta famille toi ? Tu te remets en question ?

J’ai couru dans leur direction pour essayer de le calmer et le pousser à me parler mais il a une fois de plus braqué son arme sur moi. J’ai reculé instinctivement.

-         Calmes-toi s’il te plait ! Ils n’ont rien à voir dans cette histoire…

-         Oh mais je ne suis pas d’accord ! Tu peux dire à ton mari en le regardant droit dans les yeux que tu n’as rien à voir avec la femme, froide et calculatrice avide de pouvoir que j’ai décrit ici ?

-         Laisse mon Mari en dehors de tout ça…

Il éclata de rire et tira violemment Paul vers lui.

Paul avait encore le bâillon mais ses mains étaient libres. Oluwa se tint dans son dos, ils avaient sensiblement la même taille, mais le plus jeune était plus grand de 5 cm.

-         Je crois qu’il aimerait savoir qui est sa femme !, dit-il calmement. N’est-ce pas Paul ? Vous voulez voir le vrai visage de votre femme ?

Paul, toujours baillonné, hocha la tête quand il vit Oluwa braquer son arme sur nos enfants.

-         Bon on va lui donné une chance ! One shot ! Pour dire la vérité… Vas-y explique à Paul qui tu es vraiment…

-         Je ne vois pas comment tu veux…

-         PARLE ! s’écria-t-il en pointant le canon de l’automatique sur la tête de Paul

J’ai levé les mains pour essayer de le calmer.

-         D’accord !

Il appuya le canon plus fort sur la tempe de mon mari que je ne pouvais plus regarder dans les yeux.

Je ne savais pas par où commencer alors j’ai avoué !

-         Il a raison ! J’ai menti ! Je n’ai pas été loyale ! Malgré tout l’amour, tout le respect, le soutien, malgré tout ce que tu m’as donné, toi et les enfants…

Mes mains tremblaient et je ne sais pas comment j’ai eu le courage de lever les yeux vers Paul.

-         J’ai été déloyale ! J’ai menti, j’ai agis avec toi comme si tu m’étais acquis ! J’ai arrêté de croire en toi, alors je t’ai materné, me suis conduite comme si ton destin m’appartenait, décidé pour toi sans te consulter et par-dessus tout, je t’ai trompé ! Tu pensais avoir une femme aimante et forte qui t’épaulait mais c’est ce que je t’ai fais croire pour que tu restes au creux de ma mains… Je ne suis rien de ça ! Je suis infidèle, libidineuse, vicieuse, vindicative, insoumise, meurtrière… Je suis un danger pour toi et nos enfants !

Mon estomac était vide ! J’avais lâché moi-même la bombe, je me demandais comment Paul allait  me pardonner tout ça.

-         Désolée !, ai-je murmuré en repoussant les larmes. Je suis désolée… A cause de moi on se retrouve ici aujourd’hui !

-         C’est trop mignon ! Elle sait demander pardon… Mais ma mère ce n’est pas fini, pas encore !

Je savais ce que voulait dire avoir le regard fou et comme je m’y attendais, Oluwa n’en avait pas terminé avec nous. Il se mit à dessiner des courbes avec son arme sur le cou, la poitrine de Paul.

-         Quand mon père est mort je devais avoir l’âge de ta fille, je n’avais pas vu mon père depuis des années ! Il ne nous rendait plus visite à Lagos… Et quand il est venu enfin… Il a mis fin à ses jours dans notre maison…

-         S’il te plait ne fait rien de stupide !, lui ai-je dit espérant le toucher même si je savais que c’était peine perdu.

-         Je veux que tes enfants ressentent ce que j’ai ressenti ! Je veux qu’il te déteste d’avoir ramené dans leur vie l’homme qui a tué leur père ! annonça-t-il avec un ton glacial dans la voix.

Mon cœur battait à la vitesse d’un TGV qui déraille. Je devais faire quelque chose, les mains de Paul étaient libres mais il avait une arme dans le dos, prête à tirer.

Oluwa se pencha à l’oreille de Paul et lui murmura quelque chose qui sembla le choquer et le blesser.

Je savais exactement ce qu’il venait de lui dire, alors sans réfléchir j’ai envoyé mon téléphone que je tenais encore à la tête de mon amant, priant pour que ça le déstabilise une seconde, le temps pour moi de le charger.

Paul qui avait anticipé mon geste leva un bras et frappa son bourreau au cou avec son coude avant de se retourner et frapper avec une nouvelle fois avec un vase qui trainait sur la table basse devant eux. Tout se passa tellement vite, les cris des enfants, les hommes qui se battaient et puis moi qui ai trébuché sur je ne sais quoi, je me retrouvais au sol, observant de loin Paul se démener pour dominer un homme prêt à en découdre.

La porte principale fut défoncée, le bruit fit sursauter et pleurer les enfants qui pensaient que c’était un autre coup de feu. Mais c’était des hommes en tenue. Ils maitrisèrent les deux hommes et aidèrent à éloigner les enfants.

Rodrigue était avec eux, je ne sais pas ce qui lui avait pris autant de temps. Je lui avais envoyé un message à la seconde où je suis entrée dans la maison.

J’ai tenté en vain de me relever.

Paul fut le premier à venir vers moi, pendant que les gendarmes tiraient Oluwa à l’extérieur.

-         Véronique… Parles moi !

-         Je vais bien… Je suis désolée pour tout… pardonnes moi…

J’avais parlé trop vite, je manquais de souffle.

-         Non, bébé… Tu saignes…

J’ai baissé les yeux pour savoir de quoi il parlait. Il m’avait à moitié relevé en se tenant par le dos, alors j’ai vu la marre de sang dans laquelle je baignais.

-         Non… ne la bougez pas, intervint Rodrigue en me repoussant contre le sol.

Sol qui était bizarrement froid.

-         Ça va, je vais bien … Je ne sens rien !

Je n’avais pas senti la balle me toucher, en passant les mains sur mon estomac je n’ai rien senti, jusqu’à ce qu’un picotement bizarre traverse mon épine dorsal.

Alors j’ai baissé la tête sur mes pieds et la frayeur a pris possession de mon corps. Je me suis sentie m’enfoncer dans des sables mouvant jusqu’à la taille.

-         Paul… je ne sens rien !

-         Je suis là ! répondit-il. Calmes-toi ma belle… Je suis là !

C’est tout lui ça me répondre qu’il est là alors qu’il venait de découvrir la face cachée de la lune. Je ne méritais pas un homme comme celui-ci, mais quelque chose me disait que j’aurais plus que besoin de lui.

 
Et si demain mourrai...