Chapitre 22
Ecrit par Max Axel Bounda
Cinq jours entiers s’étaient écoulés
depuis l’échec du restaurant. Pourtant, Jessica semblait toujours flairer du
noir. Elle qui n’avait pas trop l’habitude des échecs, les supportait très mal.
Son humeur en était changée, son attitude était devenue morose. Elle n’avait
plus abordé le sujet Lema depuis la dernière fois. Même si je la surprenais
parfois à parler de cela toute seule. Je savais qu’elle en souffrait énormément.
Elle voulait tant les aider. Mais elle avait échoué.
La période des soutenances
approchait à grand pas à l’UPG. Jessica ne m’avait pas laissé retourner au
campus, donc je passais les journées à préparer et buché mon speech. Je devais
leur en mettre plein la vue.
Le
soir en rentrant à la maison, Jessica passa la moitié de la soirée à taper
quelque chose sur son ordinateur. Je ne voulais pas la déranger, mais il
fallait que l’on parle elle et moi.
— Que
fais-tu chéri ? Il
est près de vingt-deux heures du matin.
— Je
rédige un compte rendu pour le boulot. En principe, j’ai terminé. J’étais juste
en train de me relire.
—
Un vendredi ? Tu abuses.
—
C’est pour être libre le weekend.
— Dis,
on peut parler d’un truc un instant ?
— Oui
bien sûr. De quoi ?
— depuis
combien de temps sommes-nous ensemble déjà ?
— Bientôt
quatre ans, pourquoi ?
— Et
en quatre ans, tu n’as pas jugé important de me dire que tu as été violée ? Elle me regarda sans état
d’âme. Je ne savais pas ce qu’elle avait en tête. Comment l’avait-elle pris. Je
suis désolé, je sais que c’est douloureux mais cela fait une semaine que j’ai
du mal à t’en parler.
Jessica
se redressa. Posa sur ordinateur au chevet du lit, me fit face et soudain éclata
de rire. Je ne comprenais pas. Qu’est-ce qui n’allait pas chez elle ? Elle se foutait de moi ou
quoi ?
— Amour,
c’était du bluff. Je n’ai jamais été violée ! dit-elle en riant. Franchement, tu
crois que j’aurais caché une chose aussi grave à mon futur mari ?
— Mais
tu as dit à Sami…
— Il
fallait la mettre en confiance. À défaut d’obtenir des aveux sous la
contrainte, il faut savoir gagner la confiance de ses clients, mon cher.
Je
restai là sans mot dire, réfléchissant aux révélations de ma petite amie. Je ne
la savais pas aussi manipulatrice.
— Tu
n’es pas croyable…
— Les
gens sont plus aptes à s’ouvrir quand vous partagez quelque chose en commun. En
lui disant que j’ai été violée, j’ai emmené Lema à baisser sa garde et à me
faire confiance. Même si l’on sait comment ça s’est terminé.
—
Ce n’est pas de ta faute. Elle avait peur. Tu n’y pouvais rien.
—
Je le sais mais je ne vais pas laisser tomber. Pour Rhianne.
—
Oui, pour Rhianne.
Jessica
éteignit la lampe de chevet et s’assit sur moi. Elle commença par ôter son
t-shirt, puis se pencha pour m’embrasser. Elle retira en suite son
soutien-gorge. Puis elle baisa l’oreille.
—
Bébé, je ne t’ai jamais rien caché, me murmura-t-elle, pendant que sa langue
humide parcourait l’intérieur de mon oreille provoquant en moi une myriade
d’envies indescriptibles. Et je ne te cacherai jamais. Elle me mordit
légèrement l’oreille puis traina sa langue le long de mon cou qu’elle s’attarda
à sucer un instant. Que j’aimais ça. Les poils de corps commencèrent à
s’hérisser, mon cœur à battre un peu plus fort. Elle me tint la tête et me regarda
dans les yeux. Je connaissais ce regard. Il signifiait l’envie et le désir.
—
Je le sais mon cœur, marmonnai-je avant qu’elle ne plonge à nouveau sa langue
dans ma bouche. Et à me sucer les lèvres avec volupté.
J’accompagnais
son geste en glissant mes doigts dans ses cheveux, comme si je voulais lui
masser le cuir chevelu. Soudain, je sentis ses mains frôler mon entre jambe. Je
sursautai de surprise. Elle me regarda, sourit et reposa ses lèvres dans les
miennes. Elle défit ma braguette, enfouit une main dans mon pantalon, et la
dirigea sous mon calecif.
Au
même moment, mon téléphone se mit à sonner. Nous fîmes mine de ne pas
l’entendre, emportés par le feu brulant de nos corps embrasés. L’appel se
poursuivit plusieurs secondes. Mon interlocuteur semblait ne pas avoir envie de
raccrocher.
—
Ne décroche pas, lança-t-elle à peine audible. Elle continua sa besogne avec
plus d’envie et de désirs.
Qui
pouvait bien m’appeler à cette heure-ci ? Je tendis la main pour atteindre
mon téléphone posé au chevet du lit. Je reconnus à l’écran, le numéro de mon directeur
de mémoire.
Monsieur Mvé ? S’il
m’appelle à une heure aussi avancée de la nuit, c’est que ça doit être urgent.
Je
repoussai doucement Jessica qui opposa une légère résistance, mais j’insistai et
elle se laissa faire malgré elle, une grimace sur son visage m’annonçait
qu’elle voulait y retourner.
— Allo ? Bonsoir Monsieur.
— Bonsoir
Monsieur Mounanga. J’espère que je ne vous dérange pas.
— Pas
vraiment, rendis je. Bien sûr que tu me
déranges. C’est quoi cette affaire d’appeler les gens tardivement comme ça.
— Je
sors du décanat. Je croyais vous avoir demandé de déposer votre mémoire chez la
secrétaire, dit-il. Pour que l’on vous programme pour la prochaine session.
— Je
l’ai fait Monsieur, il y a un moment déjà.
— D’accord.
Il y’a un petit souci de rangement ici. Comme nous ne le retrouvons pas, pourriez-vous
le redéposer d’ici mardi ?
— Comment
ça on ne le retrouve pas? Je l’ai déposé depuis pourtant,
m’exclamai je.
Mon
cœur se mit à battre très fort.
Comment un mémoire peut-il s’évaporer
comme ça du décanat ?
— Calmez-vous
Thierry. Vous avez travaillé si dur ces six derniers mois. Alors, faite de
votre mieux, réimprimez votre mémoire et déposer le au plus tard mardi à matin.
Les mémoires iront chez les jurés dans la même journée.
— Vous
soutiendrez dans deux semaines au jury numéro quatre. Les listes ainsi que les
heures et dates de passage seront affichées dès ce lundi. Dans le cas
contraire, vous attendrez la prochaine session dans un mois.
— D’accord
Monsieur. Je le ferai…
— Très
bien ! Excellente soirée chez vous.
— Merci,
monsieur. Meilleur à vous.
Jessica
qui avait suivi la conversation m’interrogea du regard. Je tremblais, j’avais
une pléthore de sombres théories du complot dans la tête. Il était très étrange
que cinq exemplaires d’un mémoire disparaissent comme cela du jour au
lendemain.
— Mon
mémoire a disparu !
— Comment
ça disparu ?
— Je
ne sais pas chérie. C’est ce que Monsieur Mvé vient de me dire.
— Mais
tu avais bien déposé tous les exemplaires non ? On ne les a pas égarés ? Je ne sais pas, ils
doivent bien être quelque part.
— Oui,
je l’ai fait.
— Comment
cinq exemplaires ont-ils fait pour disparaitre ? Des mémoires ne
disparaissent pas comme ça !
— Que
veux-tu que je te réponde ?
— Humm,
votre université là.
—
Il dit que je soutiens dans deux semaines et que le jury est déjà même constitué.
— Dans
ce cas, tu n’as pas le choix. Réimprime et redépose les demain matin.
— C’est
fermé demain. Je le ferai lundi. Soudain, en prononçant cette phrase, je
réalisai que mon mémoire se trouvait dans mon ordinateur. Et celui-ci avait été
volé pendant la fouille de ma chambre une semaine plus tôt. Et le pire, était
que je n’avais aucune autre copie de la dernière version de mon mémoire disponible
ailleurs.
Mon Dieu, je n’ai que quarante-huit heures pour tout reprendre à zéro, saisir trois cents pages de recherches ou je ne soutiendrai pas
Ce vendredi-là, le conseil
scientifique du département de Sciences politiques de l’Université Publique du
Gabon s’était tenu dans la salle de réunion du décanat. Quatre professeurs du
département s’étaient donné pour mission de venir à bout d’un travail harassant
qui pourtant les attendait depuis plusieurs semaines. Évaluer les mémoires,
définir les ordres de passage et composer les différents jurys des soutenances
qui auraient lieu deux semaines plus tard.
En sommes, trente-cinq mémoires
furent examinés, mais seuls dix-sept d’entre eux avaient été validés. Parmi les
dix-huit restants, neuf furent rejetés pour non-conformité. Ils ne remplissaient
pas les critères de rédactions d’un mémoire de maitrise. Par ailleurs, aux
neufs autres, il manquait l’aval des encadreurs. Les textes étaient clairs. Les
étudiants ne pouvaient soutenir que si l’un des deux encadreurs les avait jugés
aptes à présenter leurs travaux devant un jury.
La nuit était tombée, les quatre hommes
avaient déjà passé au crible la totalité des mémoires, et le programme de
soutenance s’était dessiné de lui-même.
— Madame Gertrude, veuillez s’il
vous plaît notifier à ces étudiants de compléter leurs dossiers de soutenances,
en apportant la fiche d’émargement signé de leurs encadreurs. Nous les
programmerons pour la prochaine session. Dites-leur qu’elle pourrait se tenir après
les funérailles de Yitu, lança le Docteur Ndong Nguema.
— D’accord, répondit l’assistante.
C’était une femme ronde, joviale et qui avait plus l’allure d’une nounou que
d’une administrative. Tous les enseignants et étudiants l’appréciaient. La dame
quitta la pièce et revint quelques minutes plus tard.
Le docteur Ndong Nguema, était le
chef de notre département, par conséquent président de ce conseil. Brisant
ainsi le silence qui s’était installé dans la pièce, il écrivit les noms des potentiels
membres du jury sur une feuille. Il fit quatre rangés de quatre noms. Les jurés
avaient été regroupés en fonction de leur domaine de compétences.
Pendant qu’ils s’offraient
cette pause avant de procéder à la répartition de chaque thème de mémoire dans
un jury, deux de ses collègues avaient la tête dans leurs téléphones. Le
troisième homme, fiche en main, avait l’air plutôt contrarié.
Monsieur Bruno Mvé, considéré comme l’un des meilleurs enseignants du département
semblait préoccupé.
— Madame Gertrude, n’avons-nous pas
reçu trente-six au lieu de trente-cinq mémoires au total ?
— Ah Bruno, je n’ai plus la mémoire
fraiche comme vous autres. Tous les déposants ont rempli la liste donc tous les
noms doivent y figurer.
— Justement, j’ai vérifié. Il y’a
trente-six noms mais nous n’avons examiné que trente-cinq mémoires. Il en
manque un, celui de Thierry Mounanga.
— Ah ben oui, tiens ! Je me le
disais bien. C’est toi qui l’as encadré non Bruno ?
— Oui. Et il a déposé son mémoire en
huitième position comme mentionné sur cette fiche, mais son mémoire n’est pas
là.
— Mais il faut retrouver le mémoire
du petit. Connaissant ce jeune homme, on peut fonder beaucoup d’espoir sur lui.
Il faut qu’il soutienne.
— J’ai presque bouclé le programme
de soutenance. Nous n’avons qu’à le mettre en dernière position et lui demander
de déposer son mémoire au plus tard mardi matin pour que nous puissions l’envoyer
au jury. Je déposerai la liste des impétrants demain au rectorat.
— D’accord, je l’appelle toute à
l’heure. Mais c’est quand même très étrange de voir un mémoire se volatiliser
dans un bureau administratif.
— Il a dû être égaré. On le
retrouvera sans doute.