Chapitre 22
Ecrit par Myss StaDou
Chapitre 22
Assise dans la voiture d’Olivier, fixant le vide, j’étais toujours sous le choc de ce que j’avais cru voir. Donc mes envies se matérialisent déjà.
« Eh Ngono tu deviens folle. Cette fois, c’est vrai ! »
Victor ? Ici ? Maintenant ? J’ai dû me tromper. La voiture d’Olivier roulait vite et à cette distance, difficile de vraiment distinguer les visages. Et si Victor était rentré, il m’aurait fait signe, comme il l’avait promis. Je me frappe la tête en tchipant.
« Idiote, comment l’aurait-il fait comment ? Ton numéro ne passait pas ».
J’espère qu’il fera vite signe alors. Qu’il rentre. Trois semaines, c’est long !
Olivier me dépose à la maison pour se rendre à un repas avec des collègues. Je passe la soirée avec Junior à découvrir les gadgets de mon nouveau téléphone. J’ai beaucoup de boulot, car il faut récupérer tous les numéros que j’ai perdu. Pour la famille, ça va. Junior me les a passé. Mes amis et camarades, ce sera chaud. Même Victor, je n’ai plus son numéro.
Le lendemain, mercredi, je peux enfin trouver une minute après un cours pour parler à Jeanne. Je l’approche. Elle est de dos et discute avec une camarade. Je lui tapote l’épaule, elle se tourne et sursaute en me voyant. Serait-elle en train de forcer un sourire ou je vois mal ?
− Bonjour, dis-je à l’autre fille. Coucou Jeanne, c’est comment ?
− Salut, répond Jeanne. Ça va et toi ?
− Suis là. J’ai cherché hier à te coincer mais c’était chaud.
− Ok.
− Junior m’a dit que tu étais à la maison dimanche. Tu avais besoin de quelque chose ?
− Non. J’étais en ville et j’ai décidé de venir te saluer.
Je la regarde suspicieuse. Elle ne le faisait que très rarement. Soa était un peu retiré de la ville de Yaoundé (dans les 30minutes en voiture). Donc ce n’est pas tous les jours que les étudiants qui avaient la chance de résider dans des mini-cités universitaires là-bas se rendaient en ville. Sa visite chez moi aurait-elle à voir avec notre rencontre le vendredi soir de la boutique de prêt-à-porter ? Je n’ose pas trop pousser. Il ne faut pas que ça se retourne contre moi.
− Ok. Ça va alors, dis-je en souriant. Ça me rassure. Je croyais que tu avais besoin de quelque chose.
Jeanne a l’air soulagée :
− Non.
− Au fait, tu peux me passer ton numéro ? J’ai changé de phone et j’ai perdu beaucoup de numéro.
− Un nouveau portable ? demande-t-elle, surprise. Ça vient d’où ?
− Tata Caro, ma tante de Paris me l’a fait parvenir par un cousin qui venait au pays, dis-je en en mode mensonge. Je suis trop contente.
− Ok. Prends-le donc.
Je vois bien qu’elle écarquille des yeux devant le téléphone en question, mais elle n’ose rien dire. Je n’ose pas aussi lui demander le numéro de Victor. Une fille qui ne connaît pas le numéro de son gars par cœur ? Quelle honte ! Voilà alors les effets secondaires de la technologie. Nous nous séparons rapidement et je m’en vais, le cœur un peu lourd. Jeanne et moi, nous nous entendons plutôt bien. J’espère que ma relation avec son cousin ne gâchera pas tout.
Si Victor était rentré, elle me l’aurait dit. Son attitude m’intrigue. Mais je ne peux que croire à ce qu’elle dit. Le plus étrange est que j’ai l’impression qu’elle m’évite un peu. Me cacherait-elle quelque chose ou elle me soupçonne de tromper son frère ? Je ne sais pas pourquoi les gens ne peuvent pas parfois aller droit au but au lieu de tourner autour du pot.
Je finis la journée en douce et la vie reprend son cours petit à petit. Olivier doit rentrer sur Douala le samedi et il m’invite à diner le jeudi soir. Il passe me prendre à la maison vers 18h. C’est encore assez tôt pour diner. Il m’emmène tout d’abord au supermarché Mahima au centre-ville pour faire quelques emplettes. Nous faisons des tours en bavardant. J’en profite pour prendre pleins de biscuits, des jus de fruits et autres. Mes moments solitaires dans ma chambre sont assurés ! Avec toutes les montées et descentes que je fais depuis un certain temps et la bonne bouffe que j’avale, je sens que je prendrai bien le poids. Nous allons ensuite dans un restaurant chinois de Bastos, Chez Wou. C’est la première fois que je vais manger de la nourriture chinoise.
Je vais tout vivre avec Olivier. C’est l’extase que vous voulez voir ? Ce mec m’élève à un niveau si haut que j’oublie à quelle classe de la société j’appartenais. Arrivée sur les lieux, je regarde le restaurant ébahie. Olivier rit tout doucement, mais se dit heureux de pouvoir me faire plaisir. Il passe la commande de je ne sais quoi. Ce qui est sûr, c’est que c’est mangeable ! Une serveuse nous apporte nos repas. Mon plat est arrivé en fumant bruyamment, comme si il y avait encore le feu dessous. Un vrai spectacle pour les yeux et l’odorat. À part des légumes frais, du riz et apparemment des champignons sauvages, je ne connais pas quels ingrédients sont dans mon plat. Nous commençons à manger en bavardant. Et c’est plutôt bon.
Nous parlons de tout et de rien, de nos souvenirs de l’époque, de notre week-end. Je lui parle même de la jeune femme et le portier que j’ai attrapé en pleine action, sans bien sûr lui dire que cette nuit-là j’ai aussi croisé la sirène venant sûrement de sa chambre. L’atmosphère est assez détendue et nous n’avons pas trop conscience de ce qui se passe autour de nous. En plus, je suis trop concentrée à savourer chaque bouchée de mon plat avec un bon jus de mangue.
Soudain un groupe de personnes entre bruyamment dans le restaurant en bavardant. Je les regarde furtivement avant de retourner à mon plat. Mais Olivier demeure tout d’un coup calme. Son attention s’est portée sur un des messieurs qu’il n’arrête pas de dévisager de temps en temps. Le groupe s’installe, passe les commandes en bavardant et riant. Je parle à Olivier mais il ne me répond que sur le bout des lèvres. Ça m’intrigue tout ça.
− C’est quoi ? Il y a un problème ?
− Non… Juste un collègue de travail que j’ai reconnu.
− Ok.
Il reste encore un moment, avale ses bouchées lentement. Il est si calme et semble réfléchir. À quoi ? Je me demande. S’essuyant d’ailleurs la bouche avec une serviette, il se lève de son siège.
− Attends un instant. Je vais le saluer.
Je le regarde intriguée. Pourquoi cette attitude bizarre ? Il s’éloigne et s’approche du monsieur qui se lève pour le saluer. Malgré la musique et les bruits de conversation ça et là, j’arrive à entendre leur conversation, car le monsieur était visiblement très heureux de voir Olivier et parler très fort.
− Mais ça fait longtemps, dit le monsieur avec bonne humeur.
− Oui, quand même.
− Comment va madame ?
J’ouvre les yeux en grand. « Quoi ?! Olivier est marié ? Oh le salaud…. » J’attends sa réponse. Je ferme les yeux et prie pour qu’elle soit négative.
− Elle se porte très bien, merci. Et votre femme ?
− On est là. Il y a la santé. C’est le plus important. Vous vous êtes déjà installé à Yaoundé ?
− Non. Je suis ici pour le boulot.
« Boulot hein… Pour détourner les filles des gens oui !!! Vraiment les hommes… »
− Ok. C’est bien. J’avais entendu que votre femme avait accouché un deuxième enfant. Comment va-t-il ?
Deuxième enfant ? Donc il y avait d’abord un premier ?! Je suis dépassée !!! N’est-ce pas cet homme m’a dit qu’il était seul et sans attache ? En même pas trois ans il est déjà marié avec deux enfants ? J’ai dû rater un épisode de ce film.
− Elle se porte bien, répond Olivier en riant. C’est encore un nourrisson qui nous donne des nuits blanches. Je dois vous laisser. Je suis ici avec une amie. Bonne soirée.
Moi, une amie… Ce n’était pas faux. Mais il m’avait menti une fois de plus le salaud ! Je respire profondément, essayant de me calmer.
« Ngono, calme-toi… Est-ce que c’est ton gars ? Tu te fâches pourquoi ? Tu as joué la vie derrière lui sans rien donner. Tu as eu de bons moments et un beau portable. Toutes les bonnes choses ont une fin. »
Mais les hommes savent mentir ! Si je m’amusais à tomber dans ses avances, j’allais me casser la gueule ? Il revient à table et nous continuons à manger. C’était difficile de continuer à faire bonne figure alors que j’étais déçue par son comportement. Olivier essaie de bavarder, mais quelque chose s’est cassé. L’ambiance n’est plus la même.
Les gens vont et viennent dans le restaurant, certains pour diner sur place, d’autres pour prendre des plats à emporter. Soudain une jeune femme entre dans le restaurant et son allure me semble familière. Oui… ça me revient. C’est l’une des femmes que j’ai vu devant l’hôtel Hilton quand j’ai cru voir Victor. Elle se dirige vers la réception et semble être là pour récupérer un repas commandé. Elle reste un moment à attendre. Elle se tourne de temps en temps vers la porte d’entrée, parle et souris avec une personne se trouvant à l’extérieur. Elle lui fait signe d’entrer et là je n’en crois pas mes yeux. C’est Victor ! Cette fois, aucun doute n’était possible. Je le vois bien d’où je suis assise.
Je suis tellement surprise que je laisse ma fourchette tomber bruyamment dans mon plat, sans arracher mon regard de Victor. Olivier semble sûrement intrigué par l’état de choc dans lequel je me trouve soudain, avec la bouche grande ouverte.
− Nicole, tout va bien ?
Je me tourne vers lui, perdue.
− Euh… Oui… ça va …
− Tu es sûre ?
− Oui. J’ai juste cru reconnaître quelqu’un que je n’ai pas vu depuis un bon moment, dis-je en serrant les dents de colère.
C’est la France de Victor ici ? Eh les hommes ! Je serre le cœur face à la tentation, pensé au gars casse-tête alors que monsieur est visiblement tout ce temps en bonne compagnie. La femme s’approche de lui et vient lui tenir la main. Elle lui parle tout en jouant avec les cordes de sa chemise. Ils semblent tous les deux assez intimes. Ça me fend le cœur.
Victor se tient de profil devant moi. Il est si beau ce soir... Dans un ensemble en lin blanc. C’est fou ce qu’il m’a manqué… Je frissonne de la tête aux pieds d’excitation. Damn ! Pourquoi me fait-il toujours autant d’effet ?! Il ne faut pas qu’il me voie avec Olivier. Déjà qu’il complique les choses en se ramenant ici avec une autre femme, si il me voit, alors là….
Le téléphone d’Olivier sonne et il décroche, bavardant avec son interlocuteur. J’essaie alors de me faire toute petite dans ma chaise pour que Victor ne me voie pas. Une autre personne entre dans le restaurant. Ah, je la reconnais elle aussi ! C’est la deuxième femme qui était avec eux devant l’Hôtel Hilton. Elle est plutôt grande et assez belle. Elle s’approche d’eux et se tient à côté.
J’observe attentivement les accompagnatrices de Victor. Il faut bien connaître l’adversaire. Elles sont plutôt bien habillées, je dois avouer, malgré le côté relax de leurs tenues. Impeccables de la tête aux pieds. J’ai presque l’air ridicule avec ma robe bouffante rouge à pointillés blancs et mes ballerines rouges aux pieds. Moi qui me sentais super belle ce soir, j’ai l’impression tout d’un coup d’avoir l’air délabrée. À voir les allures et les tenues plutôt sophistiquées des deux femmes, je dois dire qu’elles ne vivent sûrement pas ici au pays. Ils sont trop… autres… Leurs peaux brillent comme si elles se lavent dans du lait tous les jours. Avec de longues greffes brésiliennes sur leurs têtes. Elles n’ont pas peur des bandits. Ce sont sûrement des expatriées. Victor est fatigué des petites étudiantes ! Maintenant il fait dans les mbenguistes (expatriées) !!!
Ils bavardent tous les trois, semblant se raconter des histoires drôles. Mon cœur devient de plus en plus lourd. Ce spectacle extrait seconde après seconde l’énergie que j’ai dans mon corps. J’aimerais disparaître dans le sol. J’ai eu ma dose ce soir. Après ce que j’ai appris sur Olivier, je suis déjà assez dégoutée. Maintenant ça ! Heureusement qu’Olivier est concentré dans son appel. Je lève la tête, les larmes au bord des yeux. Mais comme la chance me fuit, c’est exactement à ce moment que Victor décide de se tourner en riant vers la salle et de jeter un coup d’œil rapide. Nos yeux se croisent directement. Son sourire s’efface tout doucement.
Eh bon sang, vous devriez voir la surprise qui se dessine sur son visage….