Chapitre 22

Ecrit par Josephine54

Beverly


J'arrivai le lendemain en fac l'esprit en tumulte. Je savais que la discussion avec Arthur ne pouvait être ultérieurement renvoyée.

J'étais en train d'entamer la petite descente qui menait à l'amphi où nous avions cours quand je le vis, adossé contre un arbre. Je m'arrêtai un bref moment, sentant les battements de mon cœur s'accélérer.

Je repris lentement ma marche tandis qu'Arthur maintenait les yeux fixés sur moi. J'arrivai enfin à sa hauteur et nos yeux se perdirent l'un dans l'autre. Une tristesse sans fin se lisait dans les siens.

- Bonjour Arthur, dis-je d'une petite voix.

Arthur me regarda longuement dans les yeux, semblant vouloir lire en moi.

- Bonjour chérie, dit-il enfin, le désespoir dans la voix.

On resta à se regarder dans les yeux de longues minutes.

- Peux-tu m'accorder une petite minute, s'il te plait ? demanda Arthur.

Je hochai simplement la tête et il me proposa de le suivre. On se rendit sur la portion de pelouse que nous avions occupée la fois précédente.

Nous nous installâmes sur l'herbe, et Arthur resta un long moment la tête baissée. Il commença ensuite son discours d'une voix monocorde.

- Bébé, je sais que je t’ai énormément déçue. Comme je te l’ai dit dans mon message, tu n’as pas idée à quel point je suis déçu de moi-même. Tu sais, j’ai quitté Douala principalement par peur, car je savais que franchir le cap du braquage était une limite que je ne devais pas dépasser. Tant que ce n’étaient que de petites agressions, je ne m’en plaignais pas… Puis je suis arrivé à Yaoundé, et je t’ai connue. Côtoyer une personne aussi intègre que toi m’a fait prendre conscience à quel point j’étais immature. Tu travailles, tu …

Il marqua une brève pause, puis releva enfin le visage. Ses yeux, rougis, trahissaient son émotion. Il semblait sur le point de pleurer.


Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)


- Chérie, je suis un autre homme maintenant et ceci grâce à toi. Un homme différent, qui regrette profondément ses erreurs passées. S’il te plaît, ne me rejette pas.

Arthur prit mes mains dans les siennes et ancra son regard au mien. Je ne savais que dire. Je ne me serais jamais douté qu'il avait posé de tels actes, mais je devais admettre qu’il m’avait toujours semblé honnête. Pourtant, une peur soudaine m’envahit. Et s’il n’avait pas vraiment changé ? Et si, une fois la peur dissipée, il reprenait ses sombres activités ? Après tout, trouver un gang ici à Yaoundé avec qui monter des coups ne lui serait pas difficile.

Avais-je vraiment envie d’être avec quelqu’un que la police pouvait embarquer à tout moment ? Et les personnes qu’il avait agressées, avaient-elles porté plainte ? Ma vie était déjà assez compliquée pour que j’en rajoute encore…

- Y a-t-il de plaintes déposées contre toi ? demandai-je.

- Pas à ma connaissance, répondit-il. Je n'ai jamais été recherché par qui que ce soit. Maman n'a jamais reçu de visites dans ce sens.

- Je vois.

Mon Dieu, que faire ? J'étais restée seule depuis près de trois ans pour éviter les problèmes, mais maintenant que je me mettais en couple, il avait fallu que ce soit avec un homme au passé pas très glorieux.

Je tournai la tête et mon regard croisa celui désespéré d'Arthur. Je parcourus son visage des yeux et je sus que j'étais perdue. Je n'étais pas en mesure de renoncer à lui. Je me sentais liée à lui de manière indissoluble. Je l'aimais cet homme ! Je décidai finalement de lui faire confiance. Il avait certainement changé et ne retournerait pas dans ses travers. S'il devait être repris pour ses actes du passé, je serai à ses côtés et nous affronterions la situation ensemble.

Je me rapprochai simplement de lui et le serrai fort dans mes bras. Il leva un regard rempli d'espoir vers moi et je lui répondis par un bref sourire. Il me serra alors contre lui à m’étouffer.

- On devrait aller en cours, dis-je en me détachant lentement de lui.

- D'accord, chérie, répondit Arthur avec un large sourire aux lèvres. Tu ne regretteras pas de m’avoir fait confiance. Je t’en fais la promesse, continua-t-il d’une voix grave cette fois.



Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)


Deux mois plus tard...


- T'es prête, bébé, demanda Arthur à l'autre bout de la ligne.

- Oui, chéri. Je suis prête. Viens me chercher, répondis-je.

- Je ne suis pas loin de chez vous, lança Arthur.

- D'accord, mais viens à la maison.

Arthur resta un bref moment en silence.

- T'es sûre ? demanda-t-il enfin.

- Oui, bébé, viens, je t'attends.

Je raccrochai enfin en me posant sur le lit. J'étais en couple avec Arthur depuis presque un an et il n'était jamais venu chez moi. Il me raccompagnait généralement tout près de la maison et je faisais le reste du trajet toute seule. Frédéric était assez fréquent ici à la maison et maman n'avait pas cessé de m'importuner.

- Je suis sûre que ton homme est un vaurien, c'est pour cela que tu le caches ainsi. Tu es la plus grande, mais la plus stupide. Prends exemple sur ta petite sœur, me répétait sans cesse maman.

Maman me sortait cette phrase très souvent et le petit sourire en coin que faisait Virginie m'irritait au plus haut point. Il était temps qu'elles sachent que je n'avais pas honte de mon homme.

J’entendis frapper à la porte et me décidai à sortir de la chambre. Je me rendis au salon, où maman, Virginie et certains de mes frères étaient installés.

Je me rendis à la porte et ouvris à Arthur. Je lui fis ensuite une bise et l'invitai à entrer.

- Bonsoir à tous, lança Arthur.

- Bonsoir, répondit maman, la curiosité évidente sur le visage.

- Bonsoir Arthur, répondit Arnaud.


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Les yeux de maman et Virginie s’agrandirent, et elles tournèrent brusquement la tête vers Arnaud, une question muette sur le visage.

- Je t'offre quelque chose à boire ? demandai-je à Arthur.

- Non, merci, ça ira, répondit-il.

- D'accord, on y va, alors, dis-je en prenant mon sac. À ce soir.

- Au revoir, lança simplement Arthur en me suivant.

Nous sortîmes de la maison et nous acheminâmes vers la route principale.

- Pourquoi as-tu voulu que j'entre chez vous ? demanda-t-il.

- Bah, je ne sais pas, je n'avais pas d'arrière-pensées, répondis-je simplement. C'est quoi le programme d'aujourd'hui.

- Je t'ai déjà dit que c'est une surprise.

Arthur héla un taxi et donna la destination du centre-ville. Je lui lançai un regard surpris et il me fit simplement un large sourire.

Une fois descendus du taxi, Arthur me prit la main et m’entraîna vers l’entrée d’un restaurant. Il n’était pas grandiose, mais il me semblait beau.

On entra dans le restaurant et Arthur m'installa galamment avant de prendre place face à moi.

- Hum, tu n'aurais pas braqué une banque par hasard ? demandai-je la voix rieuse.

Le sourire d'Arthur disparut à ces mots.

- Euh... désolée, bébé, ce n'est pas ce que je voulais dire, me confondis-je en excuses.

- Ce n'est pas grave, répondit Arthur, un faible sourire aux lèvres. En fait, on m'a payé mon premier salaire aujourd'hui et j'ai voulu t'offrir quelque chose de différent.

- Wow, merci bébé, dis-je en rapprochant le visage du sien pour un baiser.

On s'embrassa brièvement et Arthur me sembla plus relaxé maintenant. La serveuse s'approcha de nous et nous proposa le menu.

- Que mangeons-nous ? demandai-je.

- Je ne sais pas, je pensais à un bon plat de Eru.

- Je mangerai volontiers du poisson braisé, dis-je à Arthur.

- Haha, tu n'es jamais fatiguée de manger du poisson braisé ?

- Jamais, bébé, jamais, répondis-je en riant.

On passa un bon moment au restaurant. J'appréciais vraiment le sacrifice. Je savais que ce n'était pas évident pour lui de soutenir une telle dépense.

- Wow, c'était trop bon, dis-je en faisant semblant de masser mon ventre.

- Haha, on sent une grosse mangeuse, répondit Arthur en riant. Si tu as fini, on peut y aller.

- D'accord chéri et merci, dis-je d'une voix reconnaissante.

- La soirée n'est pas encore finie chérie. Tu auras l'occasion de me remercier après, dit Arthur en me faisant un clin d’œil malicieux.

- Haha, un gros pervers, dis-je en riant.

Arthur régla la note et nous sortîmes du restaurant. Il m'informa que la suite du programme était visionner un film au ciné.

- Wow, bébé, merci beaucoup, lui dis-je émue.

- Tu n'as pas à me remercier. Tout ceci, c'est grâce à toi. Tu m'as donné le courage de me surpasser. Je n'aurais jamais pensé à chercher un travail à Yaoundé si je ne t'avais pas vue bosser aussi dur, sans jamais te plaindre.

Sa phrase me fit énormément plaisir. Je me rapprochai de lui et lui donnai un baiser auquel il répondit immédiatement avec fougue.

Le cinéma était situé à une dizaine de minutes à pied du restaurant. On s’y rendit en conversant gaiement, se tenant par la main. Arthur paya l’entrée et nous nous rendîmes en salle immédiatement. Le film commençait dans vingt minutes. Je me rendis compte qu'Arthur avait tout prévu dans les moindres détails.

- Comment connais-tu cet endroit ? Le restaurant et tout le reste...

- J'ai demandé des renseignements à mon voisin de chambre.

On s'installa dans la salle de cinéma. Arthur m'attira immédiatement à lui et me serra très fort dans ses bras. Je me laissai simplement aller contre lui. Il posa ensuite un bref baiser sur ma tête tandis que le film commençait.

Nous étions dans une petite bulle. Je me sentais tellement heureuse. La peur que les travers d'Arthur resurgissent s'éloignait chaque jour un peu plus et je vivais pleinement ma relation.

On sortit du cinéma qu'il était déjà minuit. Arthur héla un taxi et me raccompagna à la maison.

- Haha, je pensais qu'il me fallait remercier dignement quelqu'un pour cette soirée, dis-je en lui faisant un sourire malicieux.

- Haha, pour que tu me traites de gros pervers ? demanda Arthur en riant à son tour.

J'avais passé une belle soirée en sa compagnie. Nous étions maintenant près de chez moi. Arthur m'attira à lui et on échangea un long baiser.

- Ça te dirait de passer à la maison demain ? demanda Arthur contre mes lèvres. J'ai trop envie de toi.

- Moi aussi, chéri, dis-je en répondant activement à son baiser.

Demain était dimanche et Arthur et moi avions prévu de passer une partie de la journée ensemble avant de nous rendre à nos boulots respectifs.

On se sépara avec énormément de peine et je rentrai finalement à la maison, un large sourire aux lèvres. La maison était silencieuse, signe que tout le monde dormait.

Je me rendis sur la pointe des pieds dans ma chambre et enfilai mon pyjama. Quelques instants plus tard, j'étais couchée dans mon lit. Les images de la soirée défilèrent devant mes yeux et je ne pus m’empêcher d'esquisser un sourire.

Je me levai le lendemain matin aux environs de neuf heures et commençai le nettoyage de la maison. Je chantonnai tout en poursuivant ma besogne. Je me sentais sur un petit nuage. J'étais en train de dépoussiérer au salon quand j'entendis des pas retentir dans mon dos. Je vis maman qui se rendait à la cuisine. La phrase qu'elle lança quand elle passa à ma hauteur me glaça le sang.

- On peut être bête à ce point ? On te demande un homme riche, non, madame est incapable. C'est un bandit de grand chemin qu'elle va nous ramener.

- Pardon ? hoquetai-je.

- Que n'as-tu pas compris ? Comme tu as déjà montré la maison à ton brigand, j'espère qu'il ne va pas venir ici avec ses amis pour nous braquer. D'où tires-tu ta bêtise ? demanda maman d'un ton blessant.

Mon Dieu, que racontait maman ?

- Je ne veux plus le voir ici et je te préviens déjà, si jamais nous subissons un braquage, je te tiendrai pour responsable. On ne peut pas être aussi idiote ! Inviter des bandits à son domicile.

Maman tchippa, puis poursuivit son chemin vers la cuisine. Je continuai ma tâche sans plus d'entrain. Je me rendis ensuite dans la chambre et lorsque mon regard croisa celui d'Arnaud, il baissa immédiatement la tête.

Je me rendis aux toilettes et pris une douche. J'étais censée me rendre chez Arthur, mais je n'avais plus envie. La phrase de maman avait ravivé mes peurs. Faisais-je une bonne chance à lui accorder ma confiance ? Depuis que Frédéric donnait des enveloppes dans cette maison, j'étais objet de mépris. J'avais su dès le départ que c'était une erreur de la part d'Arthur de se confier à mon frère. Si j'avais su ce qu'il avait à raconter, je lui aurais demandé de le raconter comme s'il s'agissait d'une tierce personne. Savoir maman et certainement Virginie au courant du passé d'Arthur, m'embarrassait énormément. C'était une situation que j'avais de la peine à accepter. Je ne voulais imaginer leurs commérages hier après mon départ.

Je me couchai simplement sur mon lit, l'esprit en tumulte. Mon téléphone se mit à sonner à cet instant. Je vis sans surprise le nom d'Arthur apparaitre à l'écran. Je préférai ignorer ses appels. Je m'endormis finalement pour me réveiller à 17 heures. Je vis près d'une dizaine d'appels d'Arthur et des messages de lui.

" Ça va, bébé ?"

" Tout va bien, bébé ? "

" Fais-moi signe dès que tu auras lu mes messages."

Je posai simplement mon téléphone sur mon lit et me rendis aux toilettes. Je me débarbouillai et m’apprêtai pour me rendre au travail. J'étais en train de sortir de la chambre quand j'entendis des éclats de voix au salon.

- Que fait ce bandit chez moi ? hurlait maman. Es-tu venu en éclaireur ?

Je sentis mon cœur s'affoler dans ma poitrine. Je me rendis au pas de course au salon.

- N'as-tu pas honte d'amener des bandits chez nous ? Quel exemple veux-tu donner à tes frères ? lança maman d'une voix méprisante en se tournant vers moi.

Je croisai à cet instant le regard d'Arthur et la douleur que j'y vis me serra le cœur.

Manipulation sentime...