
Chapitre 23
Ecrit par Josephine54
Arthur
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J’avais passé une excellente soirée en compagnie de Beverly. Mon portefeuille en avait souffert, mais je n’avais aucun regret. Elle méritait bien plus que cela.
Nous étions censés passer l’après-midi ensemble avant que chacun de nous ne se rende à son boulot. Mais j’avais attendu Beverly en vain. À partir de 15 heures, j’avais commencé à l’appeler, sans succès. Je lui avais ensuite envoyé des tas de messages, sans réponse.
Tout à coup, je pris peur. Lui était-il arrivé quelque chose après notre séparation, hier ? Je l’avais laissée à quelques pas de sa maison, et cela me semblait peu probable. Comment alors justifier ce silence ?
Pris d'angoisse, je décidai de me rendre chez elle. Je toquai à la porte et cette dernière s'ouvrit sur la maman de Beverly. Son regard se mit à lancer des éclairs dès que ses yeux se posèrent sur moi.
- Que fait ce bandit chez moi ? Es-tu venu en éclaireur ?
Je sentis mon cœur se comprimer dans ma poitrine à ces mots.
- N'as-tu pas honte d'amener des bandits chez nous ? Quel exemple veux-tu donner à tes frères ? poursuivit-elle en se tournant vers Beverly qui avait déboulé au salon.
Mon regard croisa à cet instant celui de Beverly. J'y lus de l'embarras.
- Ça suffit maman, s'exclama Beverly.
- Je t'ai dit que je ne veux plus le voir ici. Je ne veux pas de bandits chez moi. Jeune-homme, que ce soit la dernière fois que je vous vois chez moi. Vous irez voler ailleurs.
Je restai pantois par autant de violence. J'étais comme hypnotisé.
- Maman, j'ai dit que ça suffit, scanda Beverly. Viens, Arthur, on y va.
- C'est ça, ouste, s'écria sa mère. Et que je ne le revois plus ici. On te demande de nous amener un homme, un vrai, et tu vas nous ramener des bandits de grand chemin.
Beverly me tira pratiquement pour m'entraîner hors de chez elle. J'étais comme dans un état second. Je ne m'étais jamais senti aussi honteux de mon vivant. Je me demandais où je trouverais le courage de regarder Beverly à nouveau dans les yeux.
On commença à marcher, sans destination précise. Beverly s'arrêta tout à coup et je vis des larmes perler dans ses yeux.
- Pourquoi es-tu venu jusqu'à chez moi ? demanda-t-elle.
- Tu as honte de moi, n'est-ce pas ?
Beverly ne répondit pas, mais baissa simplement la tête. Je me rendis compte que chaque action que nous menions avait toujours des conséquences. Une erreur de jeunesse me coûtait aujourd'hui extrêmement cher.
- J'ai compris, dis-je d'une voix morne avant de m'éloigner subitement.
- Arthur... m'interpella Beverly d'une voix molle.
J'accélérai et m'éloignai rapidement. J'avais envie de crier ma rage au monde entier. Après une soirée aussi réussie avec elle hier, comment la journée suivante pouvait-elle tourner ainsi ?
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Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
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Je me mis à marcher dans les ruelles de Yaoundé sans savoir où elles menaient. Il était désormais 18 h 30 et je devais commencer mon service à la boulangerie à 19 heures.
Je hélai un moto-taxi et donnai ma destination. Quelques minutes plus tard, je descendais devant la boulangerie.
- Bonjour Vincent. J'aurais besoin de parler au boss, s'il te plaît, dis-je à peine entré.
Mon collègue Vincent se rendit dans le bureau du patron et en ressortit quelques instants plus tard.
- Il t'attend.
J'entrai donc dans le bureau du boss et pris place sur le siège face à lui.
- Bonjour, patron. Excusez-moi de vous déranger. J’ai urgemment besoin de quelques jours de congé. Ma maman a des soucis de santé, et j’aimerais aller lui rendre visite pour quelques jours.
Pauvre maman… J’utilisais son nom et sa santé pour justifier ma demande de congé abusive. On disait chez nous que cela portait malheur de simuler une maladie, que la maladie pouvait réellement se manifester. Mais bon, je n'y croyais pas.
Je travaillais depuis moins de trois mois, et j’espérais que cette demande ne me porterait pas préjudice. Mais j’en avais vraiment besoin. J’avais besoin de me ressourcer.
- Mais bien sûr, répondit mon patron. Quand comptais-tu te déplacer ?
- Le plus tôt possible, répondis-je. Je pense que deux jours seraient suffisants.
- D'accord. Tu peux partir dès demain.
- Merci patron, répondis-je d'un ton reconnaissant.
Je pris mon service quelques instants plus tard et travaillai machinalement. J'avais vraiment l'esprit ailleurs. Était-ce possible qu'une erreur puisse coûter aussi cher ? me demandai-je sans cesse.
J'avais participé aux agressions avec mes potes pendant près de deux semaines, et encore, pas tous les jours. Je réalisai une fois de plus que chaque action, qu’elle soit positive ou négative, pouvait avoir des conséquences drastiques sur l’avenir.
Je rentrai finalement à la maison aux environs de minuit. Je m’installai dans mon lit et me mis à fixer le plafond. Je n’avais reçu ni appel, ni message de Beverly. Elle avait certes essayé mollement de me retenir, mais il était évident que cette situation était trop pour elle.
J’essayais, d’un côté, de la comprendre... Elle vivait des conditions difficiles chez elle, avec sa mère et sa sœur. Non seulement elle n’avait pas un copain riche, mais surtout, il avait un passé sombre.
D’un autre côté, avait-elle pensé à moi ? À ce que je pouvais ressentir en ce moment ?
Je pris mon petit sac et y jetai quelques vêtements. Cela me rappela mon départ précipité de Douala. J'avais passé toute la nuit dans un état d'alerte. C'était aussi le cas maintenant, mais pour des raisons totalement différentes.
Dès les premières lueurs de l'aube, je sortis de ma chambre, mon sac sur le dos. Je me rendis dans une agence de voyage qui faisait la ligne Yaoundé-Douala-Yaoundé. J'achetai fébrilement mon ticket et quelques minutes plus tard, j'étais installé dans le but, attendant avec impatience le départ de ce dernier.
Je décidai d'envoyer un message à Beverly pour la prévenir de mon déplacement. J'étais censé la chercher ces jours-ci au boulot et il fallait qu'elle s'organise avec Valéry.
" Salut, je suis en route pour Douala. Je ne pourrais pas te raccompagner après le boulot."
"Ok", répondit-elle simplement.
J'arrivai à Douala aux environs de midi. J'empruntai un moto-taxi pour me rendre dans la maison familiale. Je sentis une certaine nostalgie me gagner au fur et à mesure que la moto se démenait dans les rues de Douala.
Comme tout cela m'avait manqué ! J'avais quitté Douala il y a un an de cela et n'y étais plus jamais revenu. Mes démons du passé me hantant encore, et jusque-là, je ne me sentais pas prêt à les affronter. J'avais maintenant besoin de m'éloigner de ceux de Yaoundé.
La moto se faufilait maintenant dans les ruelles de mon quartier. Je sentis les battements de mon cœur s’accélérer tandis que nous dépassions les maisons de mes amis. J’espérais que mon retour ne leur rappellerait pas mon existence.
Maman était venue me rendre visite quelques fois à Yaoundé. Elle avait insisté pour que je me rende à Douala durant les fêtes de fin d'année, mais j'avais décliné sa proposition, prétextant des examens scolaires.
La moto gara enfin devant notre maison. Je descendis et payai le chauffeur. J'insérai la main dans mon sac et en extrait la clé.
Je l'insérais dans la serrure quand j'entendis une voix paniquée de l'intérieur.
- Qui est là ? s'écria maman.
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Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
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J'entrai finalement dans la maison pour découvrir maman au bord de la crise cardiaque.
- Mvogo, tu es même comment ?! s'exclama maman en posant une main sur sa poitrine. J'ai déjà dit que c'est l'enfant-ci qui va me tuer...
J'esquissai un léger sourire et m'approchai d'elle pour une accolade. Je la serrai ensuite à l'étouffer. J'étais là pour cela, j'avais besoin de cette étreinte pour me sentir fort. J'avais besoin d'elle, celle qui m'avait accepté avec tous mes travers.
- Mvogo, je suis ta mère hein, je ne suis pas ta femme. Qu'y a-t-il à me serrer de la sorte ?
- Haha, tu es ma première femme. Ne le savais-tu pas ? rigolai-je.
- Haha, je ne peux jamais avoir un mari têtu comme toi, plaisanta à son tour maman. Wèèè l'enfant-ci, ne pouvais-tu pas me dire que tu venais ? Je t'aurais fait un bon plat d'Okok comme tu l'aimes.
- Haha, tu vois alors quand je te dis que tu es ma première femme ?
- Haha, rigola maman. Tu ne m'avais pas dit que tu avais l'intention de venir.
- J'ai décidé sur un coup de tête. Ma mère me manquait trop, lançai-je en lui faisant un clin d’œil.
- S'il te plaît, à d'autres.
On s'installa ensuite sur le canapé au salon.
- Je suis à peine revenue du bégneitariat. Je pensais me reposer un instant avant de... Mvogo, tu m'écoutes ? s'interrompit maman.
- Euh... euh... oui maman.
- Je disais tantôt que je pensais me reposer avant... Arthur, que se passe-t-il ? s'exclama maman d'une voix inquiète cette fois.
- Désolé, maman, c'est juste un peu de fatigue.
Maman me regarda attentivement pendant un long moment avant de soupirer.
- Arthur, que se passe-t-il ? Cela fait des mois que je te demande de venir à Douala, pourquoi venir ainsi sur un coup de tête ? T'es-tu créé des ennuis à Yaoundé ? demanda maman d'une voix soupçonneuse.
Je réalisais maintenant que l'étiquette de bandit me suivrait pendant bien longtemps. Maman n'était même pas au courant de mes méfaits, mais mes mauvaises fréquentations à Douala lui faisaient douter de mes capacités de discernement.
- Mais, non, maman, que racontes-tu ?
- Que veux-tu que je te dise, mon fils ? Je n'ai cessé de m’inquiéter pour toi depuis que tu t'es installé à Yaoundé. J'avais peur que tu te lies une fois de plus aux mauvaises personnes. Tes amis sont tous en prison. Quand je rencontre leurs mamans dans le quartier, j'ai extrêmement mal pour elles. La douleur se lit tellement sur leurs traits.
- Tu n'as pas à t'inquiéter pour cela, maman, dis-je d'une voix lointaine.
- Mais que se passe-t-il, mon fils ? s'exclama maman d'une voix alarmée cette fois, se rapprochant de moi. Arthur, parle-moi, s'il te plaît.
La voix inquiète de ma mère me fit couler une larme.
- Mon fils, mon fils, qu'y a-t-il ?
- Maman, je ne sais pas pour où commencer. Je n'avais jamais voulu te dire les raisons pour lesquelles j'ai quitté Douala aussi précipitamment, en fait...
Je lui racontai dans les moindres détails mes méfaits avec mes amis, jusqu'au braquage auquel j'avais décidé de ne pas participer.
- Mon Dieu, s'écria maman en me donnant une gifle bien appliquée, le regard lançant les éclairs. Que t'a-t-il manqué pour que tu ailles agresser les gens Mvogo ? Ton frère se sacrifie pour toi et tu le prends comme un défi ? Que ne t'ai-je pas dit dans cette maison ? J'ai déjà dit ici à plusieurs reprises que tu vas m'entraîner dans la tombe, reprit maman en se mettant à pleurer bruyamment.
- Maman...
- Seigneur, combien de fois t'ai-je prié pour que tu éclaires la route de mon enfant ? Que devais-je faire pour que ma prière arrive à toi ? se lamenta maman.
Maman pleura un long moment avant de se retirer brusquement dans sa chambre. Je restai assis au salon, la tête entre mes mains, le désespoir perlant de tous mes pores.
Elle sortit de sa chambre près de trente minutes plus tard et s'assit près de moi.
- Pourquoi es-tu ici ? Que fuis-tu cette fois ? demanda maman.
- Je ne fuis rien maman, dis-je d'une voix triste. C'est juste que mon passé est en train de me rattraper.
- C'est-à-dire ?
- En fait, j'ai connu une fille. Elle s'appelle Beverly. Elle est aussi étudiante...
Je lui racontai ma relation avec Beverly. Le fait que sa famille était au courant de mon passé. La réaction de la mère de cette dernière, et surtout, la réaction de Beverly elle-même.
- Tu sais, maman, je ne m'attendais pas à ce qu'elle me lâche de la sorte.
- Bah, à quoi t'attendais-tu ? C'est encore une enfant. C'est normal qu'elle se laisse influencer par sa famille.
- Maman, je lui ai tout raconté, tout. Au fond, je ne l'ai été que pendant deux semaines...
- Et que fais-tu de tes victimes ? As-tu pensé à ces femmes qui pourraient être terrorisées à vie après une agression ?
Je restai bouche bée. J'avoue que je n'y avais jamais pensé.
- Mon fils, reprit maman d'une voix plus douce cette fois. Je suis heureuse de constater que tu as vraiment pris conscience et je crois que cette fille y est pour beaucoup.
- Elle est merveilleuse maman, tu n'as pas idée à quel point. Je t'avais parlé du boulot que je fais maintenant. C'est aussi grâce à elle. Elle travaille depuis des années pour subvenir aux besoins de sa famille, tout en poursuivant ses études.
- Wow, elle est bien courageuse, s'exclama maman d'un ton admiratif. Comment s'appelle ma future belle-fille ?
Je pris tout à coup une expression triste au visage.
- Maman, je ne sais pas si elle est capable de gérer la pression de sa famille. J'ai peur qu'elle finisse par renoncer à nous.
- Mon fils, tu dois te battre pour elle. Je pense vraiment qu’elle en vaut la peine. Lui prouver que tu as changé.
- J'espère y arriver maman, répondis-je d'une voix désespérée.
- C'est quoi ce ton ? Si tu ne réussis pas à la convaincre, ça veut dire que tu n'es pas mon enfant.
- Haha, maman, doucement, oh...
Je passai deux jours avec maman. Elle me prodigua une infinité de conseils. Je rendis aussi visite à ma sœur et à ma nièce et deux jours plus tard, j'étais dans le bus pour Yaoundé. Je me sentais plus fort que jamais. Je devais réussir à convaincre Beverly, il le fallait.