
Chapitre 22
Ecrit par Spice light
– Victor FOKE –
Aujourd’hui, c’est dimanche. Après l’église, je ne suis pas sorti de la maison. Je profite du congé d’Elsa pour passer un peu plus de temps avec elle.
— Ton téléphone, me dit ma femme en me le tendant. Je l’avais d’ailleurs oublié.
— Ah, merci. C’est Sun qui appelle.
— Allô ?
— Allô papa, comment allez-vous ?
— J’ai connu des jours meilleurs… Et toi, le travail avance ?
— De ce côté-là, c’est calé, papa. Sinon, tu es à la maison ? Maman est avec toi ?
— Oui, j’y suis. C’est elle qui m’a amené le téléphone, d’ailleurs.
— Ok. Je revenais de l’église ce matin, et j’ai trouvé Joan allongé sur le tapis.
— Allongé sur le tapis ? demandai-je sans comprendre où il voulait en venir.
— Oui, apparemment, il a encore fait une crise d’angoisse. Il est sous surveillance à l’hôpital, mais il reste encore faible.
— Que s’est-il passé ? demandai-je, le cœur serré.
— Aucune idée, papa. Joan est comme il est, et il ne me dit rien de ses problèmes. Donc, je ne peux rien savoir.
— Ah, d’accord alors…
L’appel se coupe. Je tiens ma tête entre mes mains. Que s’est-il passé avec Joan ?
— Que disait-il ? me demande Elsa, que j’avais presque oubliée, me faisant sursauter.
— Joan a refait une crise d’angoisse. Il est hospitalisé… Ce qui signifie qu’il était dans une situation délicate. Mais laquelle ? Sun n’en a aucune idée.
— Il ira mieux. Joan, c’est un battant, me rassure ma femme.
— J’espère bien…
– Sun FOKE –
Je revenais de l’église ce matin. J’étais pressé de rentrer me changer pour sortir en ville avec Léonie et passer un peu de temps avec elle. Mais en entrant, j’ai trouvé Joan en pleine crise d’angoisse.
J’ai paniqué. J’en avais entendu parler, mais je ne l’avais jamais vu de mes propres yeux. Je l’ai aidé à sortir, j’ai stoppé un taxi et l’ai conduit dans une clinique privée.
J’ai immédiatement appelé Léonie pour la prévenir. Elle m’a rejoint quelques heures plus tard.
Joan est en observation. Une infirmière me prend à part et me dit qu’il est plongé dans un coma.
Je décide d’appeler papa, mais au lieu de lui dire la vérité, je lui dis simplement qu’il est sous surveillance. Il semble brisé… chose normale. Papa aime beaucoup Joan… peut-être trop. J’en suis parfois jaloux.
Avec Léonie, on quitte l’hôpital aux environs de 18 heures. Je la dépose chez elle (elle vit encore en famille), puis je rentre.
Une semaine plus tard
Toujours aucun changement du côté de Joan, et cela commence à m’inquiéter sérieusement. Je décide de prévenir nos parents.
— Je viens là-bas demain, me dit papa au téléphone.
— Inutile, papa. Patiente encore deux jours, et si rien ne change, tu pourras venir.
— NON. Demain, je suis là. Celui qui est dans ce coma est mon fils, au même titre que toi. Si ça ne te dit rien, tu le laisses là-bas. Moi, je viendrai prendre la relève. Il ne croupira pas.
Ses paroles m’irritent au plus haut point. Je ne suis pas un insensible, après tout. Mais il faut toujours qu’il voie Joan comme un ange, et qu’il lui donne toute l’attention qui me revient de droit. Pff… Je ne remettrai plus les pieds dans cet hôpital, dans ce cas.
Je rentre chez moi, mais le lendemain matin, il m’appelle pour que je vienne le chercher et le conduire à l’hôpital. Une de ses sœurs est même venue le voir, sûrement pour lui soutirer de l’argent. Elle qui, depuis qu’on est en ville, ne nous a jamais rendu visite ni même passé un coup de fil !
Je viens de laisser papa à l’arrêt de bus. Il a dû rentrer, n’ayant eu qu’un jour de congé au travail.
– Victor FOKE –
Je suis rentré tard dans la nuit. Sur le chemin du retour, j’ai appelé Franck, mon neveu, pour lui parler de ce qui se passe. Ce garçon est posé, et je l’aime bien.
Je ne sais pas ce qui arrive à mon fils, mais je suis prêt à donner ma vie en échange de la sienne.
Je me lève tôt pour aller au travail. J’enfile la dernière veste que je me suis achetée récemment. Je ne l’avais encore jamais portée.
— Je te sers ton petit déjeuner ? me demande Elsa.
— Non, va plutôt me mettre des unités. Je dois appeler pour savoir comment ils se sont réveillés aujourd’hui, à l’hôpital.
— D’accord.
Elle prend de l’argent dans son sac pour faire la commission. Je reste au salon pour mettre mes souliers, quand je sens une lourdeur au cœur… et je m’effondre.
– Elsa MABEKA –
Je vais faire la commission de Victor. Une fois terminée, je reviens à la maison et le trouve allongé sur le sol.
J’ai d’abord peur. Mais étant du corps médical, je me précipite pour prendre son pouls : il est faible.
J’appelle les secours en urgence tout en lui faisant un massage cardiaque.
Lorsqu’ils arrivent, ils nous embarquent tous les deux.
Depuis plusieurs heures, aucune nouvelle. Je stresse. Je tourne en rond. Finalement, un médecin sort des urgences et s’adresse à moi :
— Comment va-t-il ?
— Je ne saurais vous le dire pour l’instant. Mais… il ne cesse de demander qu’on appelle un certain Franck. Qui est-ce ?
— C’est son neveu. Il habite dans une autre ville.
— Dans ce cas, appelez-le, s’il vous plaît.
Je sors mon téléphone, que j’avais glissé dans la poche de ma robe. J’appelle Franck, mais il ne répond pas. Normal, c’est un homme très occupé.
Ensuite, j’appelle mes enfants pour les mettre au courant, ainsi que ma famille et une des cousines de Victor.
J’ai besoin d’avoir quelqu’un à mes côtés. J’appelle donc la femme de notre pasteur, qui se dépêche de venir avec deux sœurs de l’église.
— La famille de Monsieur Foke ? me demande un médecin.
— Oui, je suis là.
— Madame, avez-vous quelqu’un avec vous ?
Ce ton, ces questions… je les connais. Ce sont celles que j’utilise moi-même lorsque je m’apprête à annoncer une fatalité.
— Il est mort, n’est-ce pas ? demandai-je, en état second.
— Je suis désolé, madame. Nous avons tout essayé, mais…
Je n’écoute plus. Je retourne m’asseoir sur le banc. Mon téléphone sonne. C’est Franck. Je lui annonce que Victor vient de rendre l’âme. Il me dit qu’il se met en route immédiatement.
Quelques minutes plus tard, une sœur de l’église me remet le téléphone de Victor, qu’elle avait récupéré. L’hôpital où Joan est hospitalisé appelle à ce moment-là.
Il vient de se réveiller, mais reste faible.
Donc… le père meurt et le fils se réveille ? C’est ça ?
Il faut encore près de deux heures avant que Franck n’arrive et s’entretienne avec le médecin.
Un quart d’heure plus tard, je vois passer le corps de Victor, recouvert d’un drap blanc, en direction de la morgue.
Mes larmes coulent. Mais que puis-je faire ? Rien. Plus rien.