Chapitre : 22

Ecrit par MoïchaJones

Je dégage lentement la couverture, et pose un pied à terre. Le bon sens me conseille de rester au chaud, mais je le balaie du revers de la main. J’ai cru entendre un bruit venant du couloir. C’était fin, comme le murmure du vent, mais ça a réussi à me tirer de mon sommeil. Le regard fixé sur la porte close, je commence à douter de ce que j’ai cru entendre. Le silence est maître. Est-ce  mon esprit qui me joue des tours. Je détourne les yeux vers Imani. Son corps frêle est couché n’importe comment sur le lit, tandis qu’elle est profondément assoupie. Sa respiration est lente et régulière. Mes yeux cherchent activement le moindre espace, qui puisse laisser passer un courant d’air, mais rien. La pièce est hermétique.  


Je me recouche sans plus attendre. Ferme les yeux et tente de nouveau de m’endormir. Mais une nouvelle fois, je l’entends. Ce même bruit qui m’a réveillé. Je me redresse lentement, la main sur le cœur. Il s’est déchainé, comme lui seul sait le faire quand cette sorte de sixième sens s’empare de moi. Mon esprit aventurier prend le dessus. Je me lève définitivement. Impossible que je fasse celle qui n’a rien entendu. Je vais coller mon oreille à la porte et me concentre sur les sons venant de l’extérieur. Un pas s’éloigne discrètement dans le couloir. Je sais bien que ça ne peut-être que lui à cette heure-ci. C’est évident. Ce qui l’est encore plus c’est que je n’ai plus du tout envie d’être au courant de ses magouilles. Ca ne m’a pas vraiment réussi la dernière fois. 


J’hésite à rejoindre le lit qui me fait de grands signes doux, comme une invite à me faire un gros câlin. La meilleure chose que je puisse faire là, en ce moment c’est de me laisser porter et de retrouver mes rêves. Mais faut croire que quand il s’agit de bon sens, je réponds aux abonnés absents. 10 minutes passent, et il ne revient pas. J’ai vraiment envie de savoir. J’arrête de lutter quand la 12e minute s’affiche sur le réveil matin. Un dernier coup d’œil à Imani qui dort et j’ouvre la porte. Je me félicite d’arriver à l’ouvrir sans une once de bruit. Le couloir est plongé dans le noir. Aucune raie de lumière ne filtre de nulle part. J’avance à tâtons et rejoins rapidement l’escalier. Plus aucun bruit ne se fait entendre. Il doit s’être enfermé dans le bureau de Joseph comme la dernière fois. 


Le porte du bureau est fermée, pas de lumière non plus, ni de bruits d’ailleurs. Je vais vers le salon et une fois dans le couloir, je l’entends chuchoter au bout du couloir qui conduit aux cuisines. Je me rapproche lentement. S’il fait demi-tour, je suis cuite. Aucune échappatoire possible. Pas une seule porte ne donne dessus à part la cuisine. Il parle au téléphone, et je ressens de l’énervement à sa voix.  


- Comment cela a-t-il bien pu arriver ?


Je réussis à entendre. Il est dos, accoudé à la balustrade. Sa chemise mise à la va vite flotte autour de lui comme une cape. C’en est effrayant. Je le regarde, mon dos contre le mur, le cœur battant la chamade. 


- Un gamin de 12 ans qui réussit à vous filer entre les doigts, non mais… Tu la fermes !


Sa voix tonne, j’ai du mal à intégrer ce qu’il vient de dire. Un gamin de… Ca veut dire que… Depuis tout ce temps. Non ! Ca ne peut pas être ça. 


- Quand je vais mettre la main sur celui qui était chargé de sa surveillance, il va finir six pieds sous terre. 


Je continue d’écouter, mais je dois avouer que le bruit de mon cœur ne m’aide pas trop. Si je doutais encore qu’il soit dangereux,  là,  j’en ai la confirmation. Mon Dieu, Jason. Il faut que je regagne ma chambre avant qu’il ne s’aperçoive de ma présence. Je longe le mur en silence et avant que je ne sois suffisamment loin, sa phrase m’arrête.


- Et pourtant Uhu vous a laissé des consignes claires le concernant avant de s’en aller. 


Je manque de m’étouffer sur place. Je me mords le poing assez fort pour ne pas faire le moindre bruit, mais je réussis quand même à laisser échapper un gémissement. 


- Attends une minute !


Je me précipite dans la cuisine et me mets derrière la porte. Le cœur battant. Ses pas se rapprochent, passent, puis reviennent et il continue sur la terrasse. Je n’arrive plus à bouger. Je suis tétanisée. On m’aurait annoncé la fin du monde que je n’aurai pas été autant surprise. Uhu ! Mon Uhu. Non c’est impossible. Je refuse d’y croire. Je me dis en me laissant tomber lentement le long du mur. Une main sur le cœur, l’autre dans la bouche. Ca ne lui ressemble tellement pas que je n’arrive pas à le croire. J’ai du mal. Bien que son attitude ces derniers temps, sèment le doute dans mon esprit, mais la pilule est dure à avaler. 


Tout me revient en mémoire. Cette détermination avec laquelle il m’a empêché de rechercher Jason. Non mais dite moi que je rêve. C’est un cauchemar et je vais bientôt me réveiller. Depuis tout ce temps. Cette entente subite entre les deux frères, je comprends tout maintenant. J’ai vraiment du passer pour l’idiote de service. Mon Dieu, qu’est-ce qu’ils ont bien dû rire de moi. Je n’ai rien vu venir, folle que je suis. 


Je ferme les yeux un instant et tente de contrôler ma respiration. C’est un choc sans précédent. Mon Uhu… Mais pourquoi ? Pourquoi enlever un enfant innocent. Il ne lui a rien fait, il ne le connaissait même pas il y a 1 mois. Et Imani, sa propre fille. Pourquoi lui faire du mal ? Tout le sang qui a été versé… 


J’étouffe de justesse un sanglot. J’ai envie de crier. Mais je n’ai pas droit à l’erreur. S’ils savent que je suis au courant de quoi que ce soit, ils n’hésiteraient pas à me tuer. Surtout avec Uhu à mille lieux. Jomo ne se gênerait pas, au contraire. 


Le temps passe et je continue de ressasser le moindre petit signe que j’aurai ignoré. Le moindre petit geste qui m’aurait orienté. Le moindre petit indice qui m’est passé sous le nez.


- Petite madame ? 


Je porte un regard hagard sur la servante d’Amaya. Elle doit me prendre pour une folle. Assisse à même le sol, derrière la porte de la cuisine, avec le visage en larme. Le jour a finit par filtrer à travers les fenêtres et je suis toujours dans la même position. Je n’arrive toujours pas à bouger. 


Elle s’approche de moi et essaie de me relever. Je la regarde faire comme s’il ne s’agissait pas de moi. 


- Qu’est-ce qui vous arrive ?


Mon regard passe au travers de son corps, avant de se reporter dans le vide. Je ne pense à rien, ne réfléchis à rien non plus. N’envisage rien. Je suis une loque humaine. Je n’arrive pas à me ressaisir. 


Elle m’abandonne probablement pour chercher de l’aide, car finalement elle revient avec un des hommes à tout faire, qui me prend dans ses bras. Il me ramène dans ma chambre sans qu’on ne croise qui conque dans le couloir. Imani est toujours dans le lit, comme si je ne l’avais jamais quitté. Tout est exactement à la même place, comme s’il ne s’était rien passé. Malheureusement mon monde vient de s’écrouler. Je me serai attendu à tout de la part de Jomo, mais Jamais de mon mari. Pas celui que je connais. 


Je ferme les yeux, et me laisse emporter. 


Mon téléphone me réveille et je tends automatiquement la main pour répondre. Aba !


- Bonjour Aba, qu’est-ce qu’il se passe de si bonne heure.


Il rigole un instant et m’annonce qu’il est 15 heures. Je me redresse précipitamment sur tout mon séant. Nous samedi et il est 15 heures. Je vais chez mes parents dans moins de 48 heures et mes valises ne sont pas complètement bouclées.


- Oh ! Oui, qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

- Il faut qu’on se voie. 


Sa voix est vive et sérieuse. 


- Euh bien sûr. C’est pour quoi ?

- On ne peut pas en discuter au téléphone. 

- D’accord j’arrive à dire malgré tout le mystère qu’il fait. 


Trois heures plus tard, je me gare dans la cours de la maison. Il est déjà, il m’attend adossé à la carrosserie de sa voiture. Il me regarde approcher, ses lunettes de soleil toujours suspendu à ses yeux. 


- Bonsoir madame.

- Alors de quoi il est question ?

- Une surprise. Comme convenu.


L’information que mon cerveau a passé toute la journée à rejeter refait surface avec force, manquant de me faire perdre connaissance. Mes yeux s’embuent instantanément et je porte une main à mon cœur.


- Oh mon Dieu, alors c’était vrai ?


Il ouvre la portière arrière de la voiture et je vois la petite silhouette frêle de Jason sur la banquette arrière. J’éclate en sanglot en me rapprochant de lui. J’hésite à le prendre dans mes bras et le réveiller par la même occasion. 


- Jason ? Je chuchote. 


Il remue lentement avant d’ouvrir les yeux et de me voir. Il me semble si faible. Amaigris. Je vois presque ses os en travers de sa peau. 


- Mon  pauvre bébé, C’est fini.


Je l’accueille dans mes bras et tous les deux finissons en pleurs. Je pleure de joie pour cette retrouvaille, mais je pleure aussi parce que tout cela veut dire que ce que j’ai entendu dans la nuit était vrai. Uhu… Non je ne veux plus y penser. Pas pour le moment. 


- J’ai eu tout ce que vous m’aviez demandé pour lui. 


La voix d’Aba me pousse à me retourner vers lui. Ca me prend une minute pour que je me souvienne qu’on avait un plan de prévu. Je m’essuie le visage du revers de la main, mais n’arrive pas à me résoudre à lâcher Jason. Je crois que même si je le faisais, lui ne me laisserai pas. Ses petites mains m’enserre à me briser les côtes.


- Allons à l’intérieur. Je dis en entrainant mon doublon à l’intérieur. 


Je tremble en ouvrant la porte, et une fois dans le hall, je revis ma dernière scène dans cette maison avec Uhu. Je revois tout et je me dis que c’est le même qui m’a trahit ainsi. Je secoue la tête pour tout chasser d’un seul coup. J’aurai bien le temps d’y repenser plus tard. Pour le moment je dois nous sortir de là avant que Jomo ne retrouve son ancien prisonnier. 


Aba pose sur la table basse du salon un sac que je n’avais pas remarqué jusque-là. Il en sort des papiers que je reconnais au premier coup d’œil. Deux passeports, une carte consulaire et  un acte de naissance. Je regarde de près et n’arrive pas à déceler la preuve d’une quelconque fraude. 


- Tout y est, vous pouvez les utiliser sans aucune crainte. Celui qui les a faits est un professionnel.


Il le dit en remettant le tout dans la grande enveloppe blanche de laquelle il les avait tirés un peu plus tôt. Je récupère l’enveloppe qu’il me tend et la pose sur mes jambes. Au moment de me lever, je sens le petit corps fragile qui s’accole à moi se raidir. Jason ne veut pas me lâcher. On dirait qu'il est accroche à une bouée de sauvetage. Je pose une main sur sa tête et lui fait un bisou au sommet du crâne.


- Je vais juste ranger ça,  je reviens.


Je dis doucement en lui caressant les cheveux. J'en connais un qui aura besoin d'une bonne coupe.


Il ne bouge toujours pas, au contraire sa tête se retrouve dans mon sein et ses mains ne quittent pas mes reins.


- Jason, chéri.

- Ne me laisse pas. 


J’arrête de bouger. Ses paroles me montrent à quel point il est brisé. Le contraste avec l’adolescent fier que j’aie rencontré au début est frappant.


- Plus jamais ! Je t'en donne  ma parole... mais là il faut que j'aille mettre ces papiers en lieu sûr. 


Même avec des paroles douces je n'arrive pas à lui faire lâcher prise. Je souris tristement et l'évalue de pied en cape. Il a beaucoup maigri,  j'arriverai facilement à le soulever, mais je pense qu'il n'apprécierait pas le geste. Même dans ce moment de perdition. Aba veut intervenir, mais je lui enjoins de ne rien faire, car seul le temps peut panser les plaies les plus profondes. 


Il finit par s'endormir, et même la,  le décoller de moi reste un challenge. Aba l’installe dans son ancienne chambre et moi je vais mettre les documents dans un porte vu que je glisse sous le matelas. J'y ai également mis tous les documents important qui pourraient m'être utiles dans mon escapade. Car je compte bien m'enfuir de ce guêpier dans lequel j'évolue sans m'en rendre compte. Les liens de sang sont plus forts que le reste. C'est maintenant plus qu'une évidence. Uhu et Jomo, un même ADN, un même être.  Ca me tue rien que d'y penser,  mais je serai encore plus idiote de faire fi de tout ça. 


Je rejoins Aba dans le salon et nous finissons de mettre au point notre journée du lendemain. Je dois retourner chercher Imani, mais le plus dur sera de faire comme si rien n'avait changé. En deux semaines il s'est passé tellement de chose que j'ai l'impression d'avoir vécu plusieurs vies. Je ploie sous le poids de toute cette mauvaise expérience qui me tire vers le bas. 


Faire la route pour rejoindre la ferme m’a pris plus de temps que d’habitude. J’ai eu besoin de faire plusieurs arrêts sur le bord de la route pour me remettre de mes émotions et me composer un visage neutre. Je ne devais rien laisser transparaitre, l’avenir de mes enfants étaient en jeu. Oui je sais, ce que je fais est passible d’emprisonnement, mais c’est mieux que de le laisser livrer à cette bande de monstres. 


Imani m’accueil quand j’arrive et je lui annonce que nous allons passer la nuit dans notre maison. Elle râle un peu, mais je ne lui en tiens pas rigueur. Elle ne sait pas ce qui est en train de se passer, et même, elle ne comprendrait pas vraiment. Je monte rapidement faire nos bagages et les descends dans la voiture comme une voleuse. Une fois le tout en sécurité dans le coffre, je vais faire mes adieux à Joseph. J’appellerai Amaya de la maison et Jomo, j’espère ne jamais le voire. 


La voiture à peine garée dans la cours, Jason sort de la maison timidement et nous observe avec ses yeux ronds. Le cri d’Imani me fait sursauter, mais la regarder courir dans les bras de celui qu’elle a vite considéré comme con grand frère me réconforte. Elle saute sur lui, et  lui, la câline affectueusement. Je m’accoude sur ma portière toujours ouverte et ne résiste pas à mes larmes qui inondent mon visage ; Que c’est beau, de les voir ainsi, dans les bras l’un de l’autre.


- Maman regarde, c’est Jason. Me dit Imani dans un autre cri de joie.

- Oui ma chérie, c’est Jason. 

- Tu étais où. Elle lui demande en se tournant vers lui. Maman n’a pas arrêté de te chercher partout. Papa a dit que tu jouais à cache-cache et que tu as fini par te perdre. 


Mes yeux rencontrent ceux interrogateurs de l’adolescent, et je ne sais quoi lui dire. Je lui souris et lui fait un clin d’œil complice qu’il semble comprendre. Je ferme la voiture et les guide rapidement dans la maison. 


Le bruit du portail qui s’ouvre attire mon attention et le cœur battant je reviens sur mes pas pour voir Jomo garer un 4x4 noir juste devant la mienne. Mon cerveau disjoncte et des circuits se créer rapidement pour en sortir un plan de sauvetage. Il descend avec Trois gaillards à sa suite. Je ferme la porte avec un cri plaintif et ordonne aux enfants d’aller s’enfermer sur la terrasse. 


- Ouvre cette porte Belinda. Je savais que c’était toi qui étais derrière de toute cette merde. 


La vitre qui nous sépare me laisse entrevoir une image assez floue de lui.  


- Qu’est-ce que tu viens foutre ici, tu n’es pas le bienvenu chez moi. 


Ma voix vibre de toutes les mauvaises ondes qui me parcourent l’échine. Bon Dieu, comment a-t-il put savoir… Si vite. Seul le silence dans la maison me répond. Aba ! Seigneur. Je porte une main à ma gorge en me souvenant que je ne l’ai pas vu depuis que je suis arrivée. Je l’ai laissé en partant et là je ne le vois nulle part. Et si c’était lui, ce ne serait que logique. Il est l’employé d’Uhu. Comment ai-je put continuer d’être aussi bête. 


- Ouvre cette porte salope. 


Il frappe de coups violents et la grande vitre vibre dangereusement. 


- Je vais appeler la police. Va-t’en !

- Avant qu’ils n’arrivent, j’aurai eu le temps de tout casser et de vous mettre la main dessus. 


Mon regard va de gauche à droite à la recherche d’un objet assez solide pour que je puisse nous défendre, mais je ne vois rien de suffisamment lourd sans que je ne ploie sous son poids.


- Belinda, je veux juste le garçon.

- Jamais !

- Ne joue pas les héroïnes, tu ne peux rien contre nous à toi toute seule. Nous sommes armés. 


Il a raison, mais mieux vaut encore mourir que de le reconnaitre.


- Vous ne me faites pas peur. 


Je fourrage dans mon sac à main et récupère mon téléphone. Je lance l’appel au commissaire de police qui avait mené l’enquête il y a 2 semaines. Je m’applique à parler d’une voix assez forte pour les obliger à décamper. 


- Je t’aurai sale chienne. Tu vas regretter tout ça. 


Il donne un dernier coup sec à la porte et je vois les silhouettes s’éloigner. Je vais à la recherche des enfants et on va attendre l’arrivée des éléments de police dans ma chambre. Le téléphone de Aba ne passe pas, et je me demande où il a bien pu disparaitre. 

Jamais sans elle