chapitre 22 : la soirée 2e partie
Ecrit par leilaji
Chapitre 22
Soirée Fondation KHAN (2e parte)...
****Gabriel ****
Madame Khan me fait un petit signe de la tête en me souriant, je sens qu’elle est satisfaite par la prestation de l’entreprise Valentine. Cette soirée a été en tout point éblouissant et je ne regrette aucunement toute l’énergie dépensée à en peaufiner les moindres détails. Le budget alloué m’a permis d’étendre jusqu’à ses plus lointaines limites mon imagination et mon talent d’organisateur.
Je dois dire que ça a été un vrai régal de travailler pour elle à partir du moment où elle m’a donné carte blanche avec un budget phénoménal. J’ai laissé libre court à mon inspiration et ça a donné le fabuleux spectacle que Lola a présenté avec toute la troupe. Lola, mon diamant brut, a aujourd’hui brillé de mille feus.
Je laisse les élèves et leur parent bavarder encore un peu entre eux et me rapproche de Madame Khan. Avec sa longue robe noire en satin, ses gants de soirée et l’énorme pierre qui brille à sa main, elle est incontestablement la reine de la fête.
Mais je lui réserve encore une dernière surprise, elle ne le sait pas encore…
Je vais apporter la touche de raffinement qu’elle n’aurait trouvé nulle part ailleurs. Je sais que Madame Khan satisfaite, ce sont de nouvelles portes qui s’ouvrent à moi, des contrats avec les plus grandes entreprises de la place parce que son cabinet ne travaille qu’avec les plus grosses sociétés.
Je me rapproche d’elle finalement quand son mari s’éloigne pour saluer des connaissances à lui. Il ne m’apprécie pas beaucoup et ne s’en cache pas. C’est pourquoi je n’insiste pas pour nouer des relations avec lui. Je sais que mon côté bon chic bon genre me fait souvent passer pour un homme superficiel. Je sais aussi que ma tchatche naturelle, mon don pour la communication en exaspère plus d’un mais je ne peux pas me changer pour faire plaisir aux autres. Je suis ainsi depuis tellement longtemps que je ne sais plus fonctionner autrement. Moi qui aurais toujours dû avoir un compagnon de route, un frère, du jour au lendemain, je me suis retrouvé seul alors que mes gênes savent que nous sommes nés à deux.
C’est peut-être la raison pour laquelle je parle pour deux, je vis pour deux… à cent à l’heure.
— Madame Khan ! je l’interpelle en vérifiant que ma cravate est bien en place.
—Gabriel. Répond-elle en se retournant vers moi, je suis satisfaite et c’est peu dire. Ajoute-t-elle laconiquement.
Je ne m’en offusque pas. Les compliments des personnes chiches en éloges sont les plus valables à mes yeux. Et quel intérêt aurait-elle à me mentir ? Elle n’a besoin ni de mes relations, ni de mon argent.
— Merci. Mais ce n’est pas fini…
— Ah bon, que nous réserves-tu d’autres ?
Je lui demande de s’assoir à la table vide en face de nous et ouvre devant elle le sac de cuir que j’ai avec moi. J’en sors plusieurs présentoirs à bijoux.
— Ce sont des bracelets en argent pour les élèves de deuxième année qui quitteront l’école après l’obtention de leur CAP. Dis-je en lui en tendant un exemplaire pour qu’elle puisse l’examiner de plus près.
J’ai fait inscrire sur chaque bijou, le nom de l’élève et graver les initiales de la fondation « FK 2013», fondation Khan, promotion 2013. Un souvenir qu’elles pourront garder de leur mentor pour les moments durs qu’elles ne manqueront pas de traverser. Je sens Madame Khan émue par mon idée car ses yeux brillent d’un éclat étrange. Je continue sur ma lancée :
— Chaque bijou porte un numéro, ainsi il ne sera pas dupliqué.
— C’est … merveilleux Gabriel. Tu as pensé à tout.
— Merci. Je vous accompagne à chaque table pour que vous le remettiez en personne à chaque élève. Ca le rendra encore plus précieux à leurs yeux car certaines ne vous avaient encore jamais vu.
Je me lève et elle fait de même. C’est ainsi que de table en table, nous remettons aux élèves de deuxième année le bracelet. Elle accompagne la remise d’un petit mot personnelle destiné à l’élève mais aussi au parent qui ont assisté au spectacle. Les filles le passent à leur poignet avec empressement et remercient Madame Khan avec effusion.
***Leila Khan***
Valentine ! Il a fait un travail formidable. Je m’attendais un peu à ce qu’il tente de me rouler mais en fin de compte, il m’a sortie le grand jeu. Avec Lola, il forme un duo prometteur à condition que les yeux de la jeune fille cessent de dériver sur le frère bien entendu. J’ai été surprise de découvrir que le nouvel homme dédié à notre sécurité par Xander, et Gabriel l’homme de la fête avait le même nom de famille avant de remarquer qu’ils avaient aussi un même éclat féroce dans les yeux. Alexander m’a confirmé qu’il s’agissait non de cousin comme je l’avais d’abord imaginé mais de frères jumeaux selon son enquête préliminaire.
J’en suis restée bouche bée. Non pas à cause de la différence de couleur de peau mais parce que de toute la soirée, ils se sont évités. Pas un seul mot n’a été échangé par eux. C’est tout de même assez inhabituel une telle inimitié entre frères de même sang. La seule chose qui à mon sens les lie est leur désir commun pour Lola.
Quoi qu’il arrive, je soutiendrais Gabriel. Je le connais depuis assez longtemps pour savoir qu’il est celui qu’il faut à Lola. Il la poussera le plus loin possible, vers les étoiles. C’est un amoureux de la musique et Lola est une artiste qui fera des merveilles. Ils en peuvent que s’entendre.
***Gabriel***
Je regarde le plan de tables que Nadine m’a confectionné. Cela me permet de savoir qui est assis où et de souffler le prénom a Leila avant qu’on ne rejoigne la table en question.
— Alors ? Lisa, tu es venue avec tes parents ? demande –t-elle à une jeune élève qui la regarde avec admiration.
— Oui Madame Khan. Avec ma mère et mon père.
— Monsieur et Madame Mbadinga, vous avez de quoi être fiers de votre fille, elle a d’excellentes notes. Je suis sure qu’elle nous reviendra avec son CAP.
— Merci madame Khan, répondent les parents en cœur.
Je tends un bracelet à Madame Khan, qui le remet à l’élève.
—Pour te donner du courage. Prends en soin.
— Merci Madame Khan. La directrice n’est pas là ? Je ne l’ai pas vu de toute la soirée.
— Non, je la représente aussi. Elle est au Canada en ce moment pour négocier un partenariat pour la fondation.
—Ah ok. Merci encore Madame Khan.
— Tout le plaisir est pour moi répond-elle aimablement avant qu’on ne s’éloigne.
On quitte cette table pour une autre…
***Mickael***
Je discute des points de sécurité avec Monsieur Khan et me rends compte que c’est un homme extrêmement prudent. J’ai observé les installations de sécurité toute la soirée. Il faut être fou ou lourdement armé pour rentrer dans la forteresse que constitue la résidence des Khan.
J’ai pu voir Madame Khan dans son élément. C’est une femme très active et déterminée, je m’en réjouis d’avance. Il suffira de bien lui expliquer mes méthodes. Si on tombe d’accord, je suis convaincu qu’elle m’épargnera les surprises désagréables.
La petite Karisma par contre ne me dit rien qui vaille. On sent que c’est la petite princesse de son groupe d’adolescents boutonneux. Il n’y a rien que je déteste plus que les adolescents. Tout ce qui les intéresse dans la vie est transgression à leur âge: boisson, alcool, drogue… sexe Que l’on soit en France ou au Gabon ce n’est pas si différent que ça. Et c’est encore plus vrai aujourd’hui pour les élèves du Lycée français. J’ai été moi-même au lycée français à leur âge. J’y ai fait les pires conneries. Peut-être un moyen inconscient pour attirer l’attention de mes parents sur moi. Ca n’a pas marché des masses puisque papa m’avait déjà envoyé chez mamie.
Je regarde Karisma entourée de sa bande d’amis. A vue de nez, « des fils de » aussi pourris gâtés les uns que les autres. Je suppose que les Khan lui donnent tout ce qu’elle désire.
J’inspire un grand coup. Je verrai bien comment la gérer plus tard. Mais déjà, je ne suis pas sûr d’apprécier les regards furtifs qu’elle me jette.
— Aujourd’hui, la sécurité est relâchée à cause de la réception de ma femme. Mais à partir de demain, j’espère que tout sera remis en ordre. Je ne me sens pas tranquille quand elle n’est pas protégée.
Il n’est pas un peu parano là ! Ce n’est pas comme si on était au Brésil où les riches font souvent l’objet des pires convoitises des arnaqueurs et bandits de tout acabit. Ils ont dû traverser des moments difficiles qui les ont échaudés pour qu’ils prennent autant de précaution.
Mais après tout, l’énorme fortune des Khan peut attirer bien des convoitises. Nous marchons vers un jeune homme d’une trentaine d’année qui porte un élégant costume sombre.
— Okeu, je te présente Mickael Valentine. Comme j’en ai discuté avec ton oncle qui n’a pas émis d’objection, c’est lui qui prendra sa suite pour notre sécurité.
- Enchanté. Dit-il d’une voix froide.
Quand je lui sers la main, un frisson glacial me traverse l’échine. Je plonge mes yeux dans les siens à la recherche … de plus d’informations.
—Enchanté. Dis-je à mon tour.
Il détourne son regard et me retire sa main.
— Si ca ne vous dérange pas, je vais aider mon oncle… La soirée est terminée et les derniers invités sont en train de partir. Dit-il en s’éloignant.
Khan me regarde.
— Je ne sais pas pourquoi mais je n’ai jamais réussi à percuter avec lui. Je vous préfère et de loin.
— Je vais peut-être me joindre à eux. Dis-je avec un malaise étrange dans les entrailles.
— Ce ne sera pas nécessaires Mickael. Des bus ont été mis à la disposition des élèves ne disposant pas de moyens de transports personnel. Croyez moi, il ne reste plus rien à faire.
Je jette un coup d’œil circulaire à la salle, elle est quasiment vide. Les flutes de champagne et les restes de canapés rescapés du buffet trainent sur quasiment toutes les tables.
Je dois reconnaitre au moins un mérite à mon frère. En matière de spectacle, il s’y connait mieux que personne. Après tout, sa jeunesse dorée lui a appris très tôt à dépenser de l’argent pour contenter ses amis. Il ne fait que continuer ce qu’il sait faire depuis son adolescence. Pas étonnant alors qu’il s’en sorte aussi bien.
Je constate encore une fois à quel point nous sommes opposés. Pendant toute la soirée, il a évolué parmi les invités avec un mot, une blague pour chacun et en même temps il glissait sa carte de visite à de potentiels prospects en insistant bien sur le fait qu’il pouvait organiser tout genre d’évènements. Moi je me suis fait le plus discret possible et j’ai passé le plus claire de mon temps à observer tout le monde, à enregistrer des informations.
Couple Khan : couple solide. Aucun signe de mésentente entre eux. Respect et sentiments réciproques.
Karisma : petite chipie maligne comme un singe. A coup de grand blabla, elle obtenait ce qu’elle voulait de ses amis assis à sa table.
Gabriel : stressé au début de la soirée. A présent fier comme un paon.
Son assistante dont je ne connais pas le nom : assistante jusqu’au bout. Quand il s’est retrouvé à court de batterie, elle lui en a fourni une autre pour son téléphone et quand il n’a plus eu de cartes de visite à distribuer, elle en a sorti un lot de sa besace.
Je ne me suis pas attardé sur le reste des invités. Mais Okeu lui par contre mérite que je jette un coup d’œil à ce qu’il fait.
*** Khan***
Avec tout ce qui s’est passé, j’ai invité Gabriel dans mon bureau pour qu’on discute de collaborations futures. Les invités sont partis, je peux de nouveau me consacrer au business pendant que Xander fait visiter nos installations de sécurité à Mickael. On traverse quelques couloirs puis je lui ouvre la porte. On s’installe.
***Mickael***
Depuis le début de la soirée, il me semble que je vois trois hommes interagir étrangement. Ils furètent et ce n’est pas normal qu’ils regardent autant autour d’eux. De plus ils s’échangent des regards appuyés, alors qu’ils sont à des tables différentes. Ce ne sont pas des professeurs, ni des gens des ambassades, ni des employés de cette maison…
D’ailleurs que font-ils encore ici ? Ils ne restent plus que les intimes dans la salle…
Je ne sais pas pourquoi mais je me mets à chercher Lola. Depuis qu’elle a quitté la scène, elle n’est pas réapparue. J’ai vu les musiciens et danseurs quitter la soirée avec des bouteilles de champagne à la main. Gabriel lui a suivi Madame Khan. Je revérifie une nouvelle fois mes informations intérieurement. Il s’agit bien de ça. Monsieur khan discute avec le neveu de son ancien collaborateur.
Alors où est Lola ?
Je m’éclipse.
***Okeu Mbadinga***
Ces étrangers rentrent dans notre pays pauvres comme Job et ils se font des c… en or avec notre argent tandis nous trimons comme des chiens pour avoir juste de quoi survivre.
Me dire à moi qu’il n’a pas besoin de mes services pour prendre un demi-blanc à ma place qui me regarde de haut. Ca c’est le dikoundou ! Voila à quoi nous en sommes réduits, à mendier de l’argent à des gens qui ne le méritent pas.
J’ai vu de mes yeux des étrangers naturalisés, participer à des élections locales. Que proposaient-ils comme programme politique ? Distribution de billets de deux mille francs CFA ! Il fallait voir ce jours là mes frères et sœurs gaboma (gabonais en langage de rue) se ruer vers lui pour ramasser les billets qu’il les jetait par terre. Cet argent qu’il nous jette comme si nous étions des mendiants, c’est notre propre argent qu’il est venu voler ici. Seigneur ! Dans ton propre pays voir ce genre de scène est tellement humiliant. Pour deux mille ! Que fait-on avec deux mille de nos jours ? On prend le taxi d’un point à un autre puis c’est tout. Deux mille n’achète même pas un petit sac de riz ! Un billet de deux mille ne peut pas nourrir une famille ne serait-ce qu’un jour. Mais les gens s’humilient tout de même pour deux mille francs jetés par un étranger !
Ce pays a été trop laxiste ! Ils nous prennent tout. Nos femmes, notre argent, le bonheur qui nous est dû. J’ai fait des études, me suis retrouvé taximan pendant cinq ans avec une maitrise en économie. Putain je n’ai pas galéré à UOB (université Omar Bongo) pour ça. Pour donner du Monsieur Khan à un indien, du madame Khan à une vendeuse de gâteau devenue p… de luxe. Où ont-ils eu tout cet argent ? Hein ! Un indien et une togolaise ? Est-ce qu’en temps normal ils peuvent venir parler à un gabonais ! Et aujourd’hui, ça organise des fêtes à coup de millions et distribue des cadeaux en argent. Tous ces imbéciles là les remercie en se rabaissant comme si ce n’était pas normal que ce qu’ils gagnent comme milliards ici soit dépensé pour eux. Ce n’est pas croyable d’être aussi bête. S’il estime qu’un bracelet en argent leur suffit, moi je mérite bien plus que cela ! Et c’est ce que je vais me permettre de prendre.
Je regarde mes complices. Deux autres gabonais de Kinguélé (quartier chaud de Libreville) qui n’ont pas froid aux yeux, un nigérian baraqué comme pas possible et un joker qui n’est pas là pour le moment. Le petit nom du baraqué c’est Hulk et je crois qu’il mérite pleinement ce sobriquet.
Il est hors de question que je laisse passer ma chance. On assistant mon oncle dans son travail, j’ai eu le temps de m’apercevoir que la p… de l’indien là, n’a pas moins de trente millions dans son coffre. Si je compte les bijoux et tout ce qui a un tant soit peu de valeur… je devrais pouvoir sourire à des jours heureux dans peu de temps. Je remonterai vers le nord dans la ville d’Oyem dès cette nuit puis j’irai au Cameroun voisin. Après le Cameroun, je tenterai ma chance en Europe, si je le peux.
Je vais bientôt faire couper le courant pour un bref moment, le temps de les surprendre. Et nous pourrons nous occuper de la famille Khan. Mais il faut d’abord que j’envoie quelqu’un retrouver l’imbécile qui se prend pour un blanc là. Lui il va sentir sa douleur très bientôt.
****Lola****
Je sens une main m’agripper par les hanches et me tirer vers un coin sombre. Ma première pensée est pour Gabriel puis je me dis que ça peut tout aussi bien être Mickael.
Quand je me retourne, ce n’est aucun des deux. Mais un homme d’un certain âge, aux cheveux grisonnant qui me fait signe de me taire, avec l’arcade de son sourcil gauche coupé et ensanglanté. Il grimace de douleur. Bordel ! Qu’a-t-il eu ?
Paf. Les installations électriques sautent et on se retrouve dans le noir. Mais j’ai réussi à le reconnaitre. C’est le chef de la sécurité de Monsieur Khan. Celui qui part à la retraite comme me l’a expliqué la fondatrice.
— Qu’avez-vous eu, que se passe-t-il ? dis-je en appuyant sur l’écran de mon téléphone pour éclairer la pièce.
L’homme s’adosse au mur de la salle puis se laisse doucement glisser vers le sol.
—C’est mon neveu. Je ne comprends pas…
Il s’effondre avant de continuer sa phrase. Mais que se passe-t-il ? Je regarde l’heure sur l’écran du téléphone. Il est plus tard que je ne le pensais. J’ai dû mettre du temps avec les autres sans m’en rendre compte et ils sont partis pendant que je m’habillais pour rejoindre la soirée.
***Okeu***
Trente minutes plus tard.
Il ne reste que quelques adolescents dont une jeune indienne, les domestiques de la maison, une femme qui pleure toutes les larmes de son corps et qui apparemment travaille pour l’homme qui a organisé la soirée. Je la fais taire d’un regard. J’ai fait mettre à genou Monsieur Khan devant l’assistance. Son visage ensanglanté fait peine à voir.
— Monsieur Khan… pour la dernière fois, quelle est la combinaison du coffre.
Il ne répond rien.
—Où est ton oncle ? finit-il par me demander.
— Oh lui, surement mort quelque part. C’est le même sort qui vous attend si dans les cinq minutes qui suivent, je n’ai pas les chiffres de votre code.
— Allez au diable.
Je fais signe à Hulk qui lui donne un quatrième coup de poing qui s ‘écrase sur sa mâchoire en faisant un bruit mat. Hum, il fait moins le fier maintenant !
— Le code ?
— ...
***Karisma***
Certaines de mes amies qui sont restées pour dormir ici, ont caché leur visage entre leurs jambes pour ne plus affronter la réalité. Moi, je ne peux détourner mon regard de la scène d’horreur qui se déroule sous mes yeux.
Avec une arme braquée sur nous, ils ont confisqué tous les portables. Personne ne peut joindre l’extérieur pour demander de l’aide. Je n’arrive pas à croire que ce qu’oncle Xander redoutait tant soit en train de nous arriver. Il me disait toujours reste discrète Karisma, ne te fais pas remarquer. Et moi je lui répondais que je me suis très bien intégrée, que j’ai des amis gabonais et que personne ne me fait sentir de trop dans ma bande. Il disait que je vivais dans un cocon, coupée de la triste réalité de la grande majorité de la population qui a du mal à joindre les deux bouts. Et moi je lui répondais que la misère de l’Inde est bien plus grande que celle du Gabon. Je voulais toujours avoir raison.
Et finalement c’est lui qui disait la vérité.
Que croient-ils tous ? Qu’il a pillé les caisses de l’Etat ? Qu’il a détourné des sommes devant servir aux contribuables ? Il s’agit tout de même de sa propre fortune, du fruit du travail de plusieurs générations de Khan ! Comment peut-on lui envier ce qu’il a honnêtement gagné ?
L’homme tout en muscles aux traits haineux s’apprête une nouvelle fois à le cogner lorsque je me décide à parler… pour qu’il épargne mon oncle. Pourquoi ça nous arrive, on ne mérite pas ça ?
— Ce n’est pas lui qui a le code, c’est sa femme. Arrêtez de le frapper. Je crie de toutes mes forces.
— Tais-toi Karisma ! hurle-t-il en crachant du sang par terre.
Seigneur quelle horreur. J’ai peur, tellement peur.
Le chef de la bande fait signe à l’un de ses sbires qui part à la recherche de Leilaji. Je commence à pleurer. S’il lui arrive quoique ce soit par ma faute, oncle Xander ne me le pardonnera jamais.
***Lorelei***
Je tapote doucement la joue de l’homme et il se réveille.
— Pouvez-vous me passer votre téléphone ? Je vais appeler des hommes pour nous venir en main. Réussit-il à me dire
Je lui tends mon téléphone.
— Mais avant, il va falloir qu’on s’éloigne un peu d’ici.
— D’accord. Mais et les autres ?
— Faites ce que je vous dis.
Lorsqu’on ouvre la porte qui donne sur l’aile ouest de la maison, on se retrouve plongé encore une fois dans le noir. On avance pas à pas. Un téléphone sonne dans sa poche. Il ne décroche pas.
Alors qu’on ne s’y attend pas un homme qui semble-t-il était dissimulé dans l’ombre saute sur le chef de la sécurité.
Je me mets à hurler sans pouvoir m’arrêter. Je n’entends que des coups assénés avec force. Puis je vois l’ombre se lever. Tout ça s’est passé tellement vite que je n’ai même pas pensé à réagir, à m’enfuir! Quand j’y pense enfin, l’homme de l’ombre me retient par la main.
— Lola, reste là.
Est-ce lui ? Mais pourquoi aurait-il frappé le chef de la sécurité qui me venait en aide.
— Mickael ?
Il appuie sur l’interrupteur et la pièce s’éclaire enfin. C’est lui. Il a battu le chef de la sécurité à mort. Sa main a viré au rouge sang. Et sa chemise est tachée du sang de l’autre homme. Et malgré ce qu’il vient de faire, il reste parfaitement lui-même !
— Mais il venait me sauver. Pourquoi tu lui as fait ça ? je demande en continuant de hurler de plus bel. TU ES FOU !
***Leila Khan***
On homme armé interrompe ma discussion avec Gabriel en fracassant la porte de mon bureau. Mon sang s’est glacé dans mes veines et j’ai vu Gabriel blanchir à vue d’œil quand ses yeux se sont posés sur le fusil.
J’ai tout de suite compris ce qu’il voulait. Il m’a demandé l’argent du coffre fort situé derrière le fauteuil de mon bureau et dissimulé derrière un tableau. J’ai ouvert et glissé tous les billets dans le sac qu’il m’a tendu. Je n’arrive pas à maitriser les tremblements de mes mains. J’espère qu’ils n’ont rien fait à Xander, ni à Karisma. A la minute où je finis de tout remplir, il pointe de nouveau son arme sur nous et nous demande de passer devant lui pour rejoindre les autres dans la salle de réception.
Quand on arrive enfin, je tente de courir vers Xander à genoux dans la salle mais l’homme me retient par les cheveux. Il tire tellement fort que je lâche un crie de douleur. Xander se tourne vers moi. Il est dans un sale état… Mon cœur se serre douloureusement mais en même temps je suis tellement contente de le voir en vie. Karisma ? Je regarde autour de moi. Elle va bien. Heureusement.
Un autre des malfrats, descend de l’étage supérieur avec un sac.
— Type, les gens là ont mal le dô (les gens là ont beaucoup d’argent). Kié ! A l’étage là bas c’est mal dingue hein mani !
Quand je pense que Xander a fait bâtir cette maison qui est une réplique de dimension moindre du Taj Mahal, pour me prouver à quel point il m’aimait et qu’ils sont en train de la dévaliser… Qu’ils emportent tout ce qu’ils veulent, tout. Et qu’ils laissent ma famille tranquille.
— Il reste ça. Dit Okeu en pointant du menton ma bague et mes pendants d’oreilles en diamant.
Il se rapproche de moi. Xander tente de se lever. Ils doivent s‘y mettre à deux pour le maintenir à terre. Je le supplie des yeux pour qu’il reste tranquille. Mon homme ne sait pas maitriser ses colères. C’est un trait de caractère qui se transmet inévitablement aux hommes dans leur famille. Une fois en colère, il devient complètement fou et souvent rien ne peut l’arrêter. Mais moi tout ce que je sais, c’est que sa colère ne pourra rien contre une balle. Absolument rien ! Pourvu qu’il reste tranquille.
J’enlève ma bague et mes boucles et les remets à Okeu. Son regard tombe aussi sur le bracelet en or que je porte à mon poignet. Non pas ça. Ils ont déjà quasiment tout pris… Mais ce bracelet est le premier cadeau offert par Xander. A mes yeux il vaut plus que cette maison et tout ce qu’il y a à l’intérieur. A l’origine c’était une chainette avec un médaillon représentant un cadenas.
Je sens une douleur vive éclater sur mon visage. Mon corps est propulsé par terre. Okeu m’a gifflée ? Mon oreille siffle et je vois pendant un court instant des étoiles défiler devant mes yeux. On ne m’avait encore jamais frappée aussi fort. Je lui jette un regard méprisant et porte la main à mon visage.
— Donne-moi tout. Le bracelet aussi.
— Okeu, s’il te plait… Ce n’est qu’un simple bracelet… S’il te plait.
Il éclate d’un rire mauvais.
— Rhoooo. Où est passé ton « bouloualou » (verve) habituel ? Quand tu passais les épaules en haut là, tu n’imaginais pas un seul instant que tu aurais à me supplier n’est- ce pas ? On fait la fête pour montrer qu’on est riche…
—Cette fête c’était pour mes élèves !
— Pardon laisse moi l’histoire là. Vous avez fini de vendre vos âmes, vous en cherchez d’autres oui.
Comment peut-on être aussi… idiot. Sait-il seulement ce qu’est travailler ? Pas travailler, c'est-à-dire se lever à 6 heures du matin, allez au boulot et finir à 15 heures 30. Non ! Pas travailler comme la plus part des gens d’ici. Mais travailler comme moi. Se lever à 5 heures du matin, vérifier que tout est prêt pour mon mari et ma nièce, donner des consignes aux domestiques, résoudre leurs problèmes quotidiens, être à mon cabinet à 7 heures moins le quart et user mes yeux sur mes dossiers, prendre une pause déjeuner de vingt minutes, partir du cabinet à 21 heures, rentrer chez moi, m’occuper de Xander et Karisma, vérifier les problèmes de la Fondation pour aider Elle, m’occuper des deux autres sociétés que Xander et moi avons en commun, dormir à minuit passé et le lendemain recommencer le même manège. A-t-il déjà travaillé ainsi ?
Pourquoi voir la réussite des uns fait aussi mal aux autres ?
Pensent-ils que l’argent se ramasse ?
Xander qui vient d’une famille très riche me disait toujours : « ne perds pas ton temps à courir derrière l’argent Lei, ça n’attire que la jalousie et la convoitise… Et je lui répondais qu’il pouvait se permettre de le dire parce qu’il n’a jamais eu besoin de quoi que ce soit. Moi j’ai connu la faim et l’incertitude, j’ai pris des taxis bus bondé, j’ai même marché quand je n’avais rien. » Je terminais en disant : « la richesse procure la sécurité »
Et maintenant qui avait raison ?
***Gabriel***
Lola n’est pas là ! Dieu merci. Nadine est calme dans son coin à côté de la nièce de Madame Khan. Dieu merci, encore une nouvelle fois. Elle a un mari et une jolie fille qui l’attendent à la maison. Ce ne serait pas juste que parce qu’elle m’assiste à une cérémonie il lui arrive quelque chose. Elle ne le mérite pas. D’ailleurs personne ne le mérite.
Moi qui voulais que cette soirée soit parfaite pour Lola comme pour moi. Moi qui me disais que si ça se passe bien, on pourra passer à la vitesse supérieure avec Lola. J’en ai marre de la désirer à distance. J’en ai marre de ne pouvoir lui donner toute cette partie de moi qui crève d’envie de la rendre heureuse. Je lui ai fait la promesse d’attendre. Mais d’un commun accord nous pouvons rompre cette promesse et repartir sur de nouvelles bases.
J’ai été tellement dur avec elle lors des répétitions, d’une part parce que j’étais stressé mais aussi parce que je voulais qu’elle donne le meilleur d’elle-même. Et elle a tout subi de moi. A aucun moment, elle n’a joué des sentiments que j’ai pour elle afin de me faire flancher, de lâcher la bride. Elle a bossé et nos relations sont restées professionnelles.
Lola n’a vraiment rien d’une Sydney. Absolument rien.
***Lorelei***
— Il allait te tuer.
— Quoi ?
Je suis maintenant certaine que Mickael est fou. Il voit des meurtriers partout !
— Ils sont en train de braquer les Khan en ce moment même et ils sont armés.
J’écarquille les yeux de stupeur.
— Je dois leur porter secours mais je voulais d’abord te mettre en lieu sûr.
Alors c’est ça ?
— Les téléphones ont tous été confisqués. Mais lui a gardé le sien. J’en déduis qu’il est dans le coup avec son neveu. Je crois qu’il voulait t’attirer loin des autres, te violer et te tuer.
Mes jambes se mettent à trembler. A l’instant où je m’écroule, Mickael en un geste rapide me rattrape. Me violer ? Mais… qu’est-ce qui se passe ? A l’idée de ce à quoi j’ai échappé, je me mets à pleurer… Les Khan ne méritent pas ça… Mon Dieu Gabriel et Nadine ? Mon Dieu Gabriel !!!
—Je vais te le ramener ton Gabriel. Dit-il comme s’il avait lu dans mes pensées.
— Ce n’est pas mon Gabriel, c’est TON FRERE.
— Je n’ai jamais eu de frère Lola, donc qu’il crève ou pas ne change rien à ma vie. Mais je n’ai pas envie de te voir malheureuse à cause de lui. Je vais te le ramener. Arrête de pleurer. S’il te plait.
Malgré ses propos durs je souris et le laisse essuyer mes larmes. Mes yeux se posent sur ses taches de rousseur. Je n’ai jamais eu autant envie de les embrasser une à une.
— C’est l’une des plus longues phrases que tu m’as adressée depuis qu’on se connait.
— Tu me rends … bavard.
Il enlève sa veste, me la pause sur les épaules et commence à plier les manches de sa chemise. Malgré la chaleur que me procure ce tissu sur ma peau, je tremble comme une feuille. Mes mains sont toujours aussi froides qu’auparavant mais mon cœur se réchauffe peu à peu. Je ne sais pas ce qui s’est passé entre les deux frères mais ça ne peut continuer ainsi.
Il plie et déplie son poing ensanglanté, une lueur étrange dans les yeux. J’ai l’impression que petit à petit il redevient l’homme effrayant dont j’ai senti la présence la première fois que je l’ai vu.
— Tu as déjà tué quelqu’un ?
Il me regarde longuement. Comme s’il hésitait entre partir maintenant et rester encore un peu avec moi. Finalement il ne me dit rien et fouille l’homme qu’il a presque battu à mort. Il en sort un téléphone qu’il me tend.
— Je suis diplômé de Saint Cyr donc militaire de formation et j’ai … participé à des missions spéciales pour libérer des otages français dans le monde entier. Je suis spécialisé dans le traitement de l’information et le maniement des armes. Et oui j’ai déjà tué. Je n’ai fait que ça depuis que je suis né. Murmure-t-il tout en continuant à attacher les mains de l’homme contre le pied d’une lourde table avec le tissu de son nœud papillon.
De toute manière l’homme a reçu tellement de coups que je ne suis pas sur qu’il pourra encore se lever. Quand il finit sa besogne, il revient vers moi.
— Tu as de nouveau peur de moi.
— …
— Bon, il faut que j’y aille.
Avant qu’il ne parte à l’assaut de je-ne-sais-quoi, alors qu’il n’a aucune arme sur lui et qu’apparemment les braqueurs sont armés, je lui dis en espérant qu’il comprendra:
— Je ne juge jamais un livre à sa couverture. C’est toujours le contenu qui m’intéresse.
Et c’est vrai. Depuis la naissance de mon petit frère, et tous les problèmes qui nous sont arrivés par la suite, j’ai appris à ne jamais juger selon les apparences mais à connaitre avant d’avoir un avis tranché. Raphael est peut-être sourd et jeune mais il est bien plus intelligent que la plupart des gens qui se moquent de lui en singeant la langue des signes. Madame Khan peut paraitre arrogante, mais au fond, elle ne veut que notre bien nous les filles de la Fondation. Gabriel peut sembler superficiel, mais il a bon cœur. Et Mickael ?
Un coup de feu retentit. Je me fige complètement alors que lui n’a même pas sursauté. Cet homme n’a pas du sang dans les veines mais de la glace à l’état pur. Quelque soit la situation, il reste maitre de lui-même, de ses réactions, de ses émotions. Il ne les partage jamais.
Il me sourit pour me rassurer et me fait signe de m’en aller appeler les secours. Mais à ce moment précis je n’ai aucune envie de partir, j’ai juste envie de me blottir dans ses bras pour qu’il continue de me rassurer. On se sépare ainsi, après avoir échangé un long regard.
Le mien hésitant et le sien plein de regret, comme si on n’allait plus se revoir…