Chapitre 22 : Le cœur moins lourd

Ecrit par Jojo D

Suzy


*** Trois ans plus tard ***

*** DRINNG DRINNG ***


     Je tâte la table de chevet à tâtons afin d’arrêter le réveil, je prends quelques minutes pour reprendre mes esprits avant de m’assoir sur le lit. 5H30, Depuis le temps je devrais déjà être habitué à ce réveil qui sonne chaque jour à la même heure mais rien y fait, j’ai toujours du mal à me lever, j’ai toujours l’impression que quoi que je fasse mes nuits seront toujours courtes et un peu tourmenter surtout à cette période de l’année. Je me lève du lit direction la salle de bain pour me mettre à l’aise, me rincer le visage et brosser mes dents, une fois finit je vais dans mon dressing ; collant noir, body rose, un haut assez large au-dessus qui dénude un peu mon épaule droite, baskets aux pieds et je suis prête pour mon sport matinale. Avant de sortir j’attache ma coiffure en chignon que je mets sous une casquette, prend ma banane dans laquelle j’y fourre mon téléphone après avoir actionné ma Play List, écouteur aux oreilles je sors de la chambre. Arrivé au salon je jette un coup d’œil sur la montre mural ; 6H, je suis dans les temps, dans tous les cas nous sommes samedis aujourd’hui alors pas besoin de me prendre la tête.

       

      L’ascenseur s’arrête deux fois pour laisser entrer 4 autres personne qui vont a la même salle de sport que moi, juste un hochement de tête en guise de bonjour suffit, je ne fais pas « amis-amis » avec les voisins, je n’en vois vraiment pas l’intérêt, le bonjour quand on se croise est plus que suffisant. Une fois aux rez-de-chaussée pendant que mes voisins vont démarrer leurs voitures moi je décide de faire le trajet à pied. Franchement pour moi ce qu’ils font là c’est du gaspillage d’essence, la salle de sport est à peine a 10 minutes de marche de l’immeuble. J’arrive assez rapidement à la salle, salue mon coach, prend une bouteille d’eau sur le comptoir ; la séance de sport peut commencer.  2 heures plus tard je refais le chemin inverse pour la maison, à cette heure du matin les routes sont déjà un peu bruyante avec des taxis et des motos dans tous les sens, je vois la femme qui tient un call box pas loin de l’immeuble déjà en train d’installer sa marchandise. En entrant dans l’immeuble je vois que le concierge est déjà là, un salut de la main et je continue ma route pour mon appartement. Comme à chaque fois que je rentre d’une sortie, je suis toujours aussi contente de retrouvé mon chez moi, mon cocon, mon havre de paix.

 

     Il est 13h quand je me réveille, j’ai eu le temps une fois rentré du sport de faire le ménage, prendre le petit déjeuner et de bien me reposer. Je vais me rafraichir un peu et me faire un petit maquillage super léger, toujours en chignon je passe une robe légère sur moi, sandales plates aux pieds et je sors. Comme chaque samedi depuis que je vis ici à Yaoundé je fais un tour dans ma boutique juste en bas de l’immeuble histoire de compenser mon absence de la semaine et de surveiller mes affaires. Peu de gens dans l’immeuble savent que je suis la propriétaire de la boutique et appart le concierge personne ne sais que je suis la propriétaire de l’immeuble, on ne traite jamais directement ensemble, tout se fait par le biais de mon huissier, je fixe juste mes prix et il fait le reste. L’année passée j’ai augmenté les prix que ce soit pour les appartements meublé et les non-meublé, nous sommes quand même situé à Bastos, en bordure de route, très bon emplacement, un grand parking, des caméras de surveillances dans les couloirs, les étages et le parking et deux gardiens, alors niveau confort ils sont très bien donc mettre le prix ne devrait pas les dérangés mais ils sont nombreux qui se sont plaint chez l’huissier comme quoi depuis des années qu’ils y sont les prix n’ont jamais changé, es ce que moi je gère ca alors ? Qu’ils comprennent qu’ils ont une nouvelle propriétaire et celui qui n’est pas content prend la porte, si tu décides de rester alors tu te plies à mes règles.

 

    Une fois dans la boutique je  vois l’une de mes vendeuses assises entrain de manipuler son téléphone, dès qu’elle remarque ma présence elle se lève précipitamment et fait semblant d’être en train de travailler. Il y’a à peu près 5 clientes dans la boutique mais madame est confortablement assises les pieds croiser entrain de naviguer sur le net pendant que sa collègue travaille, ce n’est pas la première fois que je l’a surprend à faire ce genre de chose mais quand je vais couper son salaire pour ça elle va venir crier dans mes oreilles. 3 des clientes sont des habituer, je vais leur faire la bise et je les aide à faire leurs achats, pendant qu’elles vont régler leurs achats je m’occupe des nouvelles clientes qui assez satisfaites vont régler leurs factures.

 

Moi : (assise derrière le comptoir) Carole je passe mon temps à te reproché les même choses, tu ne peux pas être assises les pieds croiser entrain de surfer comme une grande dame quand il y’a les clientes dans la boutique (dis-je sur un ton de reproche)

 

Elle : (assise les pieds croiser) Blanche étais là, elle pouvait bien s’occuper d’eux (dit-elle hautaine)

 

Moi : continue ton effronterie et a joué les hautaines, quand ton salaire va souffrir à la fin du mois ne vient pas me faire le bruit… (Dis-je avec humeur)

 

Elle : (énervé) c’est toujours mon salaire qui souffre ici…

 

Moi : (calme) parce que c’est toujours avec toi qu’il y’a des problèmes. Mets-toi bien dans la tête que tu es encore ici parce que je n’ai pas la tête a cherché une nouvelle employé, continue de faire le malin avec moi, je te regarde seulement… 

 

     Elle grommèle quelques choses dans sa barbe et à l’aide de Blanche elles vont arranger le désordre causé par les clientes pendant que je regarde les comptes. Une fois finis je laisse quelques consignes pour la semaine parce que je ne serais pas là et je rentre à la maison.

 

      Assise sur le balcon a regardé les voitures et les gens passer je fais un petit récap de ma vie pas très glorieuse. Douala ne me réussissait plus, rien ne me retenais plus dans cette ville surtout que je suis devenu « orpheline ». Yaoundé n’est pas aussi chaud que Douala et je trouve que les gens qui vivent ici sont un peu coincé. Les premiers mois je pensais me contenter de mes boutiques pour vivre mais je suis vite devenu folle a force de rester à la maison à ne rien faire, j’en ai parlé à l’une de mes fidèles clientes depuis Douala et elle m’a aidé à avoir le poste de Concepteur-Rédacteur dans la boite de son mari, ce n’est pas tant la recherche d’argent supplémentaire qui m’a fait chercher ce travail mais le besoin d’échapper à la solitude. La seule condition que j’ai émise est qu’à cette période de l’année je devrais me prendre une semaine de congé qui devra être déduite de mes congés annuels.

 

      Il m’arrive souvent de penser à Martin, me demandant ce que serait ma vie s’il était toujours en vie, si j’avais gardé son enfant, enfaite tellement de « si » qui ne le ramènerons jamais à la vie. Je ne pourrais jamais autant le remercier pour tout ce qu’il a fait pour moi parce que c’est grâce à lui que j’ai cette aisance financière. Tout ce que j’espère c’est qu’il n’avait pas une si mauvaise opinion de moi avant sa mort et j’espère de tout cœur que son âme repose en paix…

 

    Nous sommes mercredi aujourd’hui et je suis en route pour le village parce que demain ce fera 3 ans que papa est mort.  Etant donné que je ne maitrise pas bien les routes je prends toujours un chauffeur pour ce genre de voyage. Une fois arrivé à destination, le chauffeur aider par quelques petits enfants du quartier décharge la voiture des vivres pour les déposer dans la cuisine de grand-mère, une fois fini il s’en va et reviendra me cherché dimanche pour me ramener sur Yaoundé. Je suis allé saluer grand-mère et elle m’a entrainé à l’intérieur, je me suis rafraichi puis elle m’a servie a mangé. Je suis couché sur l’une des chaises du salon entrain de manipuler mon téléphone quand elle entame le sujet qui fâche ;

 

[La conversation se passe en dialecte]

 

G.M : donc tu as décidé qu’à chaque fois à cette période de l’année tu vas venir envahir mon espace hein ?

 

Moi : (agacé) wehh mbom-mbo

 

G.M : wehh de quoi ? Tu penses que si tu ne viens pas il y’aura personne pour nettoyer la tombe de mon fils ? (dit-elle avec humeur)

 

Moi : c’est la seul chose que je peux faire afin de me racheter pour sa mort (dis-je la voix cassé)

 

G.M : en venant nettoyer la terre ? Tu es drôle hein ! Tu penses peut être qu’en venant nettoyer les herbes sur son corps déjà tout pourri il va se ressuscité et venir te dire « oui ma fille je te pardonne ? » Si tu veux qu’il te pardonne prie plutôt pour le repos de son âme et arrange toi à devenir une personne meilleur et a être la fille qu’il aurait voulu que tu sois…

 

Moi : plus facile à dire qu’à faire…

 

G.M : (me donnant une tape sur la tête) ehh quitte là-bas avec le gros français. ! En tout cas tu fais ce que tu as à faire demain et jeudi tu rentres chez toi…

 

Moi : tu me chasses ? (dis-je faussement vexée)

 

G.M : oui je te chasse, c’est ma maison ou bien ? Et je ne veux plus voir ta voiture garé devant ma maison, ni l’année prochaine, ni les années à venir sauf si c’est pour mes obsèques…

 

      Je n’ai même pas voulu argumenter avec elle parce que ça ne servirais a rien. Quand elle m’a vu revenir l’année passer et pleurer sur la tombe de papa pendant que je la nettoyais elle s’est posé des questions et face à son insistance j’ai été obligé de tout  lui dire sauf la partie ou maman m’a renier. Elle m’a réconforté comme elle a pu mais difficile d’enlever la marque de la culpabilité une fois qu’elle s’est posé sur toi. Moi-même je sais que le fait de venir ici nettoyer sa tombe ne le fera pas revenir mais c’est la seul façon pour moi de me racheter et d’être près de lui, mbom-mbo a raison quand elle dit que je devrais prier pour le repos de son âme mais je ne sais pas par où commencer, je me sens toujours autant sale et impure pour demander quoi que ce soit à Dieu donc je m’abstiens.  

 

      Il est 6h du matin, vêtu de noir, menu d’une houe et d’une machette je nettoie les herbes au-dessus et aux alentours de la tombe de papa et de grand-père. Une fois fini je m’assois près de sa tombe pour lui parler…

 

Moi : (les mains dans la terre) Bonjour papa, tu vas bien j’espère ? (petit rire) Question idiote je sais mais ne dit-on pas que c’est quand on meurt que l’on se repose ? Donc je suppose que de là ou tu es la tu pètes la formes… (Triste) même si j’aurais voulu que ce soit sur terre auprès de moi que tu pètes cette forme. Déjà 3 ans et ce n’est que maintenant grâce à mbom-mbo que j’arrive à me faire une raison sur ta mort, que j’arrive à m’autoriser un peu à vivre ma vie. (Sourire triste) c’est peut-être la dernière fois que je viens te voir, en tout cas pas avant un long moment et bizarrement j’aimerais avoir ta bénédiction pour m’autoriser à vivre, a tourné la page et sourire un peu à la vie parce que ma vie est devenu trop triste, 28 ans, situation financière plus qu’au top mais le reste c’est le néant ! C’est peut-être le Karma ! (me levant) Enfin bref je vais assumer mon Karma tout en vivant ma vie, après tout la meilleur façon de rendre hommage aux morts est de profité de la vie et c’est que je vais commencer à faire à partir d’aujourd’hui. (M’en allant) Au revoir papa et une fois encore repose en paix, je ferais de mon mieux pour commencer à prier pour le repos de ton âme…

 

      Assise dans la cour avec mbom-mbo en ce jeudi matin nous discutons en attendent l’arrivé de mon chauffeur. Mine de rien après ma discussion avec grand-mère et ces quelques mots que j’ai partagés sur la tombe de mon père je me sens un peu plus légère, la conscience et le cœur moins lourds. C’est peut-être ce dont j’avais besoin pour m’autoriser à recommencer à vivre, à penser un peu à moi et à culpabiliser moins. Une fois le chauffeur arrivé je fais un gros câlin à mbom-mbo qui me fait promettre de commencer à vivre ma vie et je m’en vais, je donne la destination au chauffeur et on s’en va …  

Ma vie, Mon Karma...