CHAPITRE 24

Ecrit par Maylyn

-Risna !


-Oui Patron !


-Arrête de m'appeler comme ça sinon je te jure que je te renvoie !


-Ok Patron ! 


Elle éclata de rire devant mon air faussement sévère. 


-Bon d'accord ! Que puis-je faire pour toi ?


-J'ai besoin du rapport de la dernière réunion avec les investisseurs.


-Tout de suite ! 


Elle sortit de mon appartement pour se rendre dans le sien situé un étage plus bas. Risna ! C'était une belle jeune Burkinabé à l'allure gracile et déterminée et aux formes généreuses. Cela faisait un mois environs qu'elle travaillait pour moi. Lorsque je l'avais trouvée devant ma porte ce matin-là, ma stupéfaction avait vite fait place à l'amusement puis à de la reconnaissance. Sûrement un coup de Nick, mon associé pour me forcer à relâcher un peu. Se sentant presqu'obligé de prendre soin de moi à cause de son amitié avec mon père, il n'arrêtait pas de me recommander de travailler moins et de penser plus à moi. D'ailleurs, ils avaient, nos deux autres associés et lui, longtemps hésité avant de me confier la direction de ce projet faramineux, pas parce qu'ils doutaient de mes capacités mais plutôt parce qu'ils avaient conscience que j'utilisais le boulot comme remède à mon mal. Aujourd'hui, je pouvais affirmer qu'il avait bien choisi parce qu'en plus d'être très compétente, elle avait une nature taquine, exubérante et surtout facile à vivre qui représentait pour moi une vraie bouffée d'oxygène. Dès le début, je lui avais demandé de me tutoyer. Après tout, nous nous retrouvions tous les deux dans ce pays étranger, loin de nos familles respectives et surtout sans amis. Alors, pourquoi ne pas instaurer une certaine camaraderie entre nous ? Une secousse de la table à manger me fit revenir à la réalité. Je vis l'un des deux portables parfaitement identiques vibrer. En le prenant, j'eus la confirmation qu'il s'agissait du mien. Yélen ? L'inquiétude s'empara immédiatement de moi.


-Allô Yélen ! Qu'est-ce qui se...


-Allô Pierre-Marie ! C'est Maman !


-Maman ? Mais qu'est-ce que tu fais à New York ?


-Et toi ? Qu'est-ce que tu fiches à Dubaï alors que ta femme et ta fille sont seules dans cette grande maison ?


-J'y suis pour le travail Mam...


-Oh épargne-moi ces prétextes bidons tu veux ?! Qu'est-ce qui est le plus important ? Le boulot ou la famille ? Comment peux-tu t'éloigner d'elles à un moment pareil ?


-Eh bien, je n'ai plus de soucis à me faire alors puisque ta fille chérie t'a à ses côtés ! M'écriai-je un brin d'amertume dans la voix.


Je l'entendis pousser un soupir. Puis elle reprit d'un ton radouci :


-Mon Chéri, je sais que c'est ta manière à toi d'accuser le coup mais ce n'est certainement pas en t'enfuyant de cette manière que les choses s'arrangeront tu sais ? Je ne prends le parti d'aucun de vous deux ! Vous êtes mes enfants et je vous aime autant l'un que l'autre ! Elles sont besoin de ta présence Mon Fils ! Comme tu as aussi besoin de la leur ! C'est TA FAMILLE Pierre-Marie ! S'il te plaît, rentre à la maison ! Je vois bien que votre couple ne va pas très fort actuellement mais tout peut s'arranger et cela seulement si tu es là ! Tu comprends ?


J'eus un moment d'hésitation. Que devais-je faire ? Rentrer et prendre le risque que les choses empirent ? Que mon épouse et moi nous déchirions encore plus ? Au moins, tant que j'étais loin, il y avait un certain statut quo. Non, je ne me sentais pas prêt pour un retour à New York ! Pas maintenant !


-Je suis désolé Maman mais les choses sont un peu compliquées ici. J'ai pleins de choses à résoudre, entre autres le projet qui a pris du retard et les investisseurs qui commencent à s'inquiéter. Ce n'est vraiment pas le bon moment pour rentrer. 


-D'accord, j'ai compris. Mais tu me promets de prendre soin de toi et de ne pas t'abrutir de travail hein !


-Oui promis ! C'est bien que tu sois avec elles. Je suis plus tranquille. Tu sauras veiller sur elles en attendant que je rentre. Tu es là pour combien de temps ?


-Je ne sais pas encore. Une durée indéterminée pour le moment. 


-Et Papa est avec toi ?


-Non. A 68 ans, il n'est plus tout jeune tu sais. 


-Maman ! Tu en as 65 je te signale.


-Et alors ? Je n'ai peut-être que 3ans de moins que lui mais moi au moins j'ai encore l'énergie de mes 20ans !


Je pouffai de rire. Sacré El Dragón !


-Tout le monde va bien à Abidjan ?


-Oui ça va. C'est ta Grand-Mère qui est tout le temps alitée ces temps-ci. Tu sais, les décès successifs de Sami puis de ton Papy Etienne l'ont vraiment touchés alors il faut s'attendre au pire. Nous nous y sommes tous résignés là-bas et tu ferais mieux d'en faire autant Mon Chéri. Mémé Mado va bientôt nous quitter.


-C'est triste. Mais elle aura bien vécu en tout cas.


-C'est sûr ! Renchérit Maman, un rire dans la voix. Bon, je te laisse maintenant. J'emmène les filles faire du shopping.


-Amusez-vous bien !


-Je leur dirai que tu les embrasses !


-Oui c'est ça ! Fais-leur un coucou de ma part ! Bye Maman !


-A bientôt Mon Fils.


J'entendis la porte d'entrée s'ouvrir dès que je raccrochai. Bravo Risna ! La félicitai-je intérieurement. Beau timing ! Même inconsciemment, tu arrives au moment opportun.


-Quoi ?


-Quoi quoi ?


-Je ne sais pas trop...Tu me regardes avec un sourire bizarre. J'ai une tâche ou quoi ? Demanda-t-elle en se regardant.


-Mais non ! Ce n'est rien. 


-Je demande cela parce qu'il faut que je t'avoue que je me suis encore laissée tenter par ces pâtisseries arabes ! J'en ai encore chez moi. Si je continue comme ça, je ne pourrai bientôt plus passer la porte ! Et là tu auras la bonne excuse pour me virer vraiment. Tu te rends compte, j'ai...


-Risna !


-Quoi ?


-Le rapport !


-Ah oui pardon ! Le voilà ! 


Elle me le tendit et en le parcourant, je me rendis compte encore une fois de son efficacité. Elle s'assit en face de moi, un autre exemplaire ouvert devant elle.


-Tu sais quelle heure il est ?


Je jetai un coup d'œil ma montre.


-17h30. 


-Nous travaillons depuis 8h ce matin. A peine, avons-nous touché à notre déjeuner. 


-Mais tu as pu te rattraper avec ces friandises non ? Ajoutai-je railleur.


-C'est ça moque-toi ! N'empêche qu'aujourd'hui, j'avais prévu de nous faire un vrai dîner ! Tu n'en as pas marre de passer ton temps à manger de la nourriture livrée ?


-Euh...non. 


Elle leva les yeux au ciel.


-Tu es vraiment un homme ! Moi en tout cas, j'ai envie d'un repas fait maison ce soir. Alors, je vais te laisser à tes jouets favoris et je vais nous faire à manger. Quel est ton plat favori ?


Je faillis lui répondre mais je me retins à temps. J'avais promis à Yélen de ne jamais manger un yassa de poulet fait par d'autres mains que les siennes. Et malgré nos griefs, je me sentis incapable de trahir cette promesse. Alors, je répondis :


-Oh je ne suis pas difficile tu sais ? Fais selon ton inspiration ! Je suis certain que ce sera très bon de toute façon.


-Je ne veux pas me vanter...mais c'est vrai que je suis un véritable cordon bleu !


Son rire franc et mélodieux remplit l'espace. 


J'étais tellement absorbé par mon travail qu'il fallut qu'elle élève la voix pour que je l'entende.


-PIERRE-MARIE !


-Pardon ! Oui ? Dis-je en me tournant vers le coin cuisine qui était derrière moi.


-Le dîner est prêt ! Donc tu vas me faire le plaisir de m'enlever tous ces plans et autres documents sur la table de la salle à manger s'il te plaît ! Je vais faire la table !


-Déjà ? Qu'elle heure est-il ?


-Bientôt 21h ! Allez oust ! J'ai faim moi !


Quinze minutes plus tard, elle déposait un gratin de pomme de terre qui avait l'air très appétissant devant moi. Elle prit mon assiette et me servit une part.


-Goutte-moi ça ! 


-Hummm un vrai délice ! 


-Alors, j'avais raison non ? La cuisine faite maison est la meilleure n'est-ce pas ?


-Tu ne vas pas t'y mettre aussi ! 


-Comment ça ?


-Les femmes de ma famille se targuent d'avoir toujours raison sur tout ! Surtout ma mère et Yélen !


-Ah mais c'est sans doute vrai ! Ne me demande pas de te défendre ! La solidarité féminine avant tout ! Rétorqua-t-elle rieuse. Au fait, elle doit terriblement te manquer non ?


-Qui ça ?


-Comment ça « qui ça » ? Ta femme bien sûr ! Elle est tellement belle ! Eh Allah si je pouvais avoir sa taille et sa forme ! Tous les hommes seraient à mes pieds ! Je ne sais pas comment tu fais pour la laisser à la merci de tous ces mâles séduisants qui gravitent autour d'elle !


-Parce que j'ai confiance en elle ! Yélen ne me ferait jamais ça ! Pourtant, à un moment, j'ai douté d'elle tu sais.


Je lui racontai l'anniversaire qu'elle avait organisé en secret.


-Waouh ! Elle doit vraiment t'aimer pour penser à t'offrir un tel truc ! Parle-moi encore d'elle, je suis curieuse de découvrir la vraie « Angel ». Je suis une très grande fan tu sais !


-Je croyais que c'était plutôt de moi que tu étais fan !


-Oui toi aussi ! J'admire tes réalisations et j'espère devenir un jour aussi talentueuse que toi ! Mais, elle c'est autre chose ! Cette classe naturelle qu'elle a ! Sans parler de sa détermination pour arriver ainsi au sommet malgré ce que certains qualifieront d'handicap ! Allez, dis-moi tout ! Ta famille l'a adopté je crois.


-Oui c'est cela. 


-Elle a eu beaucoup de chance alors de tomber sur vous. Malheureusement, les albinos sont tellement stigmatisés chez nous ! 


Je recommençai à lui parler de mon épouse. Je lui racontai pleins d'anecdotes de Yélen enfant, adolescente et adulte, certaines amusantes, d'autres émouvantes, quelques unes un peu tristes. Je ne me rendis pas compte du temps qui passait tellement j'étais pris dans mes souvenirs. 


-Je ne me suis pas trompée sur elle, ni sur votre couple d'ailleurs. Conclut-elle.


Devant mon air interrogateur, elle reprit :


-Elle est comme je l'imaginais : aussi belle que généreuse, intelligente et drôle. Et quand tu parles d'elle, ton visage a une expression que je ne t'avais jamais vu. Tu as les yeux qui brillent, un sourire qui m'a fait découvrir tes fossettes et tu as même eu vrai un rire ! Tu es amoureux de ta femme Pierre-Marie ! Je n'aurais aucune chance face à elle ! Ajouta-t-elle dans un murmure. 


-Quoi ?


Elle éclata de rire en se levant et se mit à débarrasser.


-Non non rien. Encore un peu de vin ?


-Non merci. Tu peux le ranger. Mais ne change pas de sujet. Qu'as-tu voulu dire par là ?


-Je te taquinais ! Je n'essaierai jamais de sortir avec mon boss. En plus, tu es trop vieux pour moi ! Ricana-t-elle.


-Moi vieux ?


-Beh oui ! Tu auras 40 ans dans quelques semaines alors que je viens tout juste d'en avoir mes 26 ! Tu pourrais presque être mon père !


-Non mais qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ! Laissez-moi vous signaler Mademoiselle Derma que 40 ans est un très bel âge, surtout pour un homme !


-Libre à vous de vous consoler avec cette pensée Monsieur Aka ! 


Nous nous mîmes à rire.


-Bon, tout est dans le lave-vaisselle. Je te laisse maintenant. 


Je l'accompagnai jusqu'à l'ascenseur et juste avant d'y entrer, elle me fit un baiser au coin des lèvres. J'eus juste le temps de voir son sourire malicieux et de l'entendre dire avant que les portes ne se referment:


-Bonne nuit Patron !


***


Ce soir-là, je regardais les infos à la télé, assis dans mon salon, un verre de vin dans la main. C'était le jour de mon anniversaire et la première fois de toute ma vie que je le fêtais seul. Même l'année dernière, j'avais eu droit à un gâteau et des cadeaux de Yélen, Lily et certains de nos proches. Maman m'avait suggéré de rentrer une ou deux semaines pour la Pâques mais j'avais refusé, le boulot s'accumulant ici. Je ne pouvais d'autant plus pas me le permettre puisque j'avais donné deux semaines de congés à Risna. La pauvre méritait bien un petit répit avec toute la pression que je lui mettais. Elle en avait profité pour aller rendre visite à une amie à elle qui vivait à Abu Dabhi. Affublé d'un vieux jean et d'un tee-shirt, je m'étais juste accordé une journée de repos total pour marquer cette date. Je zappais inlassablement, désespérant de ne trouver un programme qui me plairait quand j'entendis la sonnerie de la porte d'entrée. Je me levai aussitôt, pensant que c'était ma commande de pizza qui était enfin arrivée. 


-JOYEUX ANNIVERSAIRE PATRON !


-Risna ! Mais qu'est-ce que tu fais là ?


-C'est bien ta fête aujourd'hui non ? Je ne me suis pas trompée n'est-ce pas ?


-Oui c'est le jour de mon anniversaire mais je croyais que tu étais à Abu Dhabi !


-J'y étais et c'était trop bien ! Mais je t'en dirai plus si tu voulais bien me laisser entrer ! Mes bras chargés commencent à me faire mal et en plus je ne crois pas que la robe que j'ai portée soit réglementaire dans ce pays. Et je ne te parle même pas de la bouteille de champagne que je tiens ! Si je vais en prison, tu viendras me voir de temps en temps ?


J'émis un petit rire en la laissant passer et lui pris le petit gâteau et la bouteille qu'elle tenait dans les mains.


-Vu comme cette robe te sied à merveille, je suis certain qu'ils seront indulgents. Tu es magnifique !


-Merci ! S'écria-t-elle souriante en tournant sur elle-même. 


C'était une robe portefeuille noire qui drapait ses formes généreuses et dévoilait un décolleté plongeant et ses longues jambes. Des escarpins à très hauts talons venaient compléter sa tenue. Sa coupe au carré mettait son ravissant visage en valeur. Oui, elle était vraiment séduisante ce soir. 


-Alors, on l'ouvre cette bouteille ?


Elle prit deux coupes dans le buffet et quand je fis sauter le bouchon s'écria de nouveau:


-JOYEUX ANNIVERSAIRE PATRON !


Nous éclatâmes de rire. Je me surpris presque à être euphorique. Cette petite surprise me faisait vraiment plaisir. Trois verres de champagnes plus tard, nous étions affalés sur mon canapé, riant de tout et n'importe quoi. La bouteille de vin que j'avais entamé avant son arrivée n'avait rien arrangé. Heureusement que nous venions de terminer la pizza et de déguster plusieurs parts de gâteau. Après une énième blague nulle de mon répertoire, elle hoqueta :


-Pour rire de ça, je dois vraiment être complètement saoule !


-C'est sûr ! 


Elle se leva les pieds nus et se dirigea vers la baie vitrée.


-Quelle vue magnifique ! 


Mon regard s'attarda sur elle.


-Oui magnifique !


-Attention Pierre-Marie ! Si tu continues de me reluquer de la sorte, je vais finir par croire que tu as envie de moi !


-Qui te dit que je te regarde ?


-Pas besoin ! Je sens ton regard posé sur moi.


-Et cela te gêne ?


-Seulement si tu ne fais rien ensuite.


Elle défit la ceinture de sa robe qui se retrouva en un instant à ses pieds. Puis elle vint lentement vers moi et grimpa sur mes genoux, un pied de chaque côté. Elle se pencha, ses lèvres pleines à quelques centimètres des miennes.


-J'espère que mon cadeau d'anniversaire te plaira.


Quand elle m'embrassa enfin, je la pressai contre moi, soudain impatient de découvrir ce corps sensuel et tout en courbes généreuses. J'approfondis notre baiser, lui tenant la nuque pour mieux savourer cette bouche tendre et sucrée. Elle m'enleva mon tee-shirt et moi son soutien-gorge. Bon Dieu ! En contemplant ses seins volumineux, je me dis qu'ils étaient un véritable appel au péché. Je sentis sa main explorer ma poitrine puis descendre plus bas pour ouvrir ma braguette. De mon côté, je lâchai ses lèvres pour m'emparer de son mamelon gauche, ma main s'occupant du droit. Je l'entendis gémir et la sentis se mouvoir contre ma virilité pleinement réveillée. La tenant toujours contre moi, je me levai et la portai jusqu'à ma chambre dans laquelle on entendit bientôt des halètements, des gémissements et des cris de plaisir.


Le lendemain, je me réveillai fourbu. Le soleil entrait par la fenêtre grâce aux rideaux qui n'étaient pas tout à fait fermés. La nuit d'hier me revint en mémoire. Malgré le sentiment que culpabilité que j'éprouvai, je dus reconnaître que je ne m'étais pas senti aussi vivant depuis bien longtemps. Je mis un pantalon de pyjama et fis un petit tour dans la salle de bain puis je me dirigeai vers la cuisine. Je trouvai Risna en train de faire cuire des œufs. Elle était vêtue de mon tee-shirt et je trouvai qu'il lui allait plutôt bien. Elle sursauta légèrement quand je l'entourai de mes bras.


-Bonjour! Je me doutais bien que l'odeur de mes œufs brouillés te réveillerait.


-C'est vrai que j'ai une faim de loup. Répondis-je en l'embrassant dans les cheveux.


-J'ai fait du café. Sers-toi en attendant que je termine.


Quelques minutes plus tard, nous étions l'un en face de l'autre, savourant un petit-déjeuner complet. 


-Pierre-Marie ?


-Oui ?


-Je tiens à te dire de ne pas t'en faire d'accord ? Je sais que tu es amoureux de ta femme et que tu ne la quitteras jamais pour moi. D'ailleurs, je ne te le demande pas. Je souhaiterais juste que nous profitions de l'instant présent. J'aime te voir cette expression détendue et sereine et si je contribue à ça, alors moi ça me va. 


-Tout ce que je peux te dire, c'est que j'ai adoré cette nuit et j'espère que ce ne sera pas la seule. Je sais que c'est égoïste de te dire ça mais je te dis les choses comme je les sens. 


-Oui je vois et j'y adhère complètement. Et puis, finalement, je dois avouer que pour un vieux, tu ne te débrouilles pas mal. 


Ce fut le vibreur du téléphone qui interrompit nos rires. Pensant que c'était le sien, elle décrocha : 


-Allô !...Oh Pardon Madame Aka!


Elle parut d'abord déstabilisée mais sut se reprendre très rapidement.


-Je suis Risna Derma, la nouvelle assistante de votre époux...Oui il est là ! Ne quittez pas, je vous le passe !


Elle me tendit l'appareil en chuchotant des excuses. D'un geste, je lui signifiai de ne pas s'en faire. Je me levai pour aller dans ma chambre.


-Allô Yélen ?


-Oui c'est moi ! Enfin tu décroches ! Avec Maman et Lily, nous avons plusieurs fois essayé de te joindre hier après-midi et ce jusque tard dans la nuit ! Où avais-tu mis ton téléphone ?


-Oh sans doute, j'étais déjà endormi. Tu sais qu'il y a au moins 8h de décalage horaire et hier, je me suis couché tôt. Je suis désolé. 


-Ce n'est pas grave. Tu as répondu donc je suis rassurée. J'avais juste peur qu'il ne te soit arrivé quelque chose. 


Mon sentiment de culpabilité s'accentua.


-Pardonne-moi Chérie ! Je ne voulais pas t'inquiéter !


-Laisse tomber. Alors, qu'est-ce que cela fait d'entrer dans la quarantaine ? 


Son ton taquin m'arracha un sourire.


-Je sens comme un début de rhumatisme.


Je l'entendis glousser.


-Mon pauvre Chéri ! On va te ménager dorénavant. 


-Sinon ça va ? Tout va bien à la maison ?


-Oui ça va. Tu connais Maman ? Elle a tout pris en charge ici donc on peut dire que je peux souffler un peu. Elle m'a même changé de psy. D'après elle, l'autre n'était bonne qu'à me droguer. Quand tu viendras, je te la présenterai. Elle est très sympa.


-D'accord. 


-Au fait, je ne savais pas que tu avais une assistante.


-Oui c'est Nick qui me l'a envoyé pour m'aider ici. Elle est très compétente. Elle a décroché le téléphone par erreur parce que le sien est pareil au mien. 


-Oui je comprends. Je demandais juste pour savoir.


Un silence gênant s'en suivit.


-Bon, je vais te laisser. Il est 2h ici et je tombe de sommeil. Maintenant que je sais que tu vas bien, je peux dormir.


-Encore désolé. Embrasse Maman et Lily pour moi et dis-leur que je me connecterai ce soir sur Skype donc nous pourrons bavarder. 


-D'accord ! Prends-soin de toi.


-Toi aussi ! Bisous !


Pourquoi avais-je eu l'impression de parler à une étrangère ? Il s'agissait de ma femme bon sang ! Je refoulai mes pensées négatives et je vérifiai mes appels en absence. Effectivement, j'en avais plusieurs et presque tous venaient de New York. Je poussai un soupir et me rendis au salon. Risna regardait la télé. Je m'assis près d'elle et elle me prit la main.


-Tout va bien ?


-Oui ça va. 


-Que dirais-tu de faire un tour en ville ? Allons aux souks de Deira ! Ce sera amusant ! Dis oui s'il te plaît !


-Bon, d'accord ! Mais on n'y passe pas toute la journée hein ! Nous avons du boulot !


-D'accord Patron ! Donne-moi quelques minutes pour prendre une douche rapide.


Elle me fit un baiser rapide, ramassa sa robe et ses chaussures qui trônaient toujours au milieu de la pièce et se dirigea vers la sortie.


-Attends, tu ne comptes pas sortir dans cette tenue quand même ?


Juste avant de refermer la porte derrière elle, elle se tourna, un sourire coquin aux lèvres :


-Bien sûr que si ! Et si jamais on me met en prison, quand tu viendras me voir, je pourrai enfin assouvir mon fantasme de faire l'amour derrière des barreaux. 


Je fixai la porte d'entrée, charmé par l'audace de cette jeune femme.


Les mois qui suivirent se passèrent dans une atmosphère insouciante et détendue. Grâce à ma compagne, je me sentais un autre homme. Douce et toujours à mon écoute, elle n'interférait jamais dans mes affaires familiales. Parfois, quand je lui demandais un avis sur un souci quelconque, j'étais surpris à chaque fois qu'elle prenne la défense de Yélen. Elle était aussi pleine de conseils avisés pour désamorcer une dispute. Elle savait se montrer discrète quand j'avais besoin d'être seul et très présente quand il fallait me changer les idées. Je pouvais sans me tromper affirmer qu'elle était devenue une très grande amie. 


Et c'est ainsi qu'elle fut à mes côtés quand j'appris le décès de Mémé Mado. Ma grand-mère s'était tranquillement éteinte dans son sommeil, tous ses fils et filles à ses côtés. Même Maman avait pu être présente. Prévenue une semaine avant de la santé précaire de sa mère, elle était rentrée sur Abidjan, emmenant avec elle Lily qui était en vacances d'été et Yélen. Après une nuit à évoquer quelle femme était Mémé Mado à Risna, celle-ci se chargea de tout concernant mon voyage sur Abidjan. Après des obsèques à sa mesure, Ma grand-mère put enfin reposer auprès de son premier mari dans le caveau familial. Grâce à ces retrouvailles familiales, je pus constater que Yélen semblait aller mieux. Elle n'avait plus ces larges cernes sous les yeux et ses joues n'étaient plus creuses. Elle s'autorisait même à rire de temps en temps. Le lendemain de l'enterrement, nous allâmes rendre une petite visite à notre petite Sami. Nielini posa les fleurs qu'elle tenait devant l'écriteau en marbre sur lequel était écrit le nom de sa petite sœur. Nous lui dîmes à quel point elle nous manquait et quand toutes les deux se mirent à pleurer, je les pris tendrement dans mes bras. Je fus presque surpris que Yélé me laisse faire. Elle s'appuya même contre moi, me serrant t

YELE, Lumière de ma...