CHAPITRE 24: LA REINE DES NEIGES

Ecrit par L'UNIVERS DE JOLA

CHAPITRE 24 : LA REINE DES NEIGES.

**MARWANE MEZUI**

Je prends une tomate découpée dans l’assiette devant moi et je la porte dans ma bouche. La seconde d’après je répète le geste mais cette fois-ci avec une carotte.

Mommy : (Tapant sur ma main) Tu ne vas pas arrêter de grignoter ça ?

Moi : (Retirant ma main en souriant) Aïe Mommy, ça fait mal.

Mommy : Si tu avais mal, tu ne devais pas le faire.

Moi : J’ai faim Mommy. Je n’ai pas mangé depuis hier.

Mommy : Et pourquoi donc ?

Moi : J’étais très occupé entre les au revoir au boulot et ranger mes affaires. J’ai pas eu le temps de cuisiner quoique ce soit et j’étais tellement crevé que même faire une simple commande m’a dépassé.

Mommy : Si tu te serais trouvé une femme, tu n’aurais pas tous ces problèmes.

Moi : (Souriant) Y a-t-il une femme qui puisse me nourrir et prendre soin de moi mieux que toi ?

Mommy : Il y en a de milliers dehors ici.

Moi : (Faussement surpris)Et où sont-elles ? Pourquoi je ne les vois pas ?

 Mommy : (Me fixant dans les yeux) Tu sais que tu es vilain quand tu mens ?

Moi : (Souriant) Je suis Pinocchio, mon nez a poussé.

Elle a bougé sa tête de gauche à droite avec un sourire sur les lèvres avant d’aller ouvrir le réfrigérateur pour sortir un grand plat de salade. Elle a servi une assiette qu’elle a posé devant moi avec du pain, de l’eau, du jus et les couverts.

Mommy : Mange ça en attendant.

Moi : (Souriant de toutes mes dents) Merci Mommy. Voilà pourquoi je ne me cherche pas une femme, j’ai la meilleure de toutes ici. 

Mommy : (Attrapant l’assiette pour me la retirer ) Dans ce cas.

Moi : (Bloquant en riant) Pardon Mommy, pardon. C’était une blague. Je ne vais plus dire ça encore.

Mommy : (Me poussant la tête) Vilain garçon.

J’ai ri et je me suis mis à manger tout en discutant avec elle. Cette femme est pour moi comme une mère et je suis content d’avoir suivi Loyd ici pour la rencontrer. Depuis mon retour ici après mes études, j’ai vécu avec Loyd pendant un an et Johanna m’a aidé à trouver un travail comme elle me l’avait dit. Quand Loyd a été muté en Afrique du Sud, j’étais tenté de le suivre car je ne savais pas si je pouvais rester ici tout seul. C’est vrai que je me suis tout de suite bien entendu avec la famille Dumelo mais Loyd avait toujours été là du coup, je me disais que peut-être ça changerait avec son absence. Alors j’avais prévu d’arrêter de travailler pour partir avec lui en Afrique du Sud, seulement Mommy m’avait pris à part pour me parler un soir que nous étions en visite chez eux. Elle m’avait demandé si je comptais partir avec Loyd et je lui avais dit oui. 

Mommy : (Après m’avoir longuement regardé) Reviens demain après le boulot. Je veux te parler seul à seul.

Moi : (Intrigué) D’accord.

On avait rejoint les autres et la soirée avait suivi son cours. Quand on était rentré, j’avais passé toute la nuit à me demander ce qu’elle voulait me dire et le lendemain en après midi j’y étais allé. Après des salutations et échanges divers sur le travail et autre, elle m’avait dit.

Mommy : De quoi as-tu peur ?

Moi : (Souriant comme à mon habitude) Je n’ai pas peur Mommy.

Mommy : (Sérieuse) Je ne suis pas en train de rire Marwane.

Moi : (Silence)

Mommy : (Me regardant dans les yeux) Pourquoi tu t’accroches à Loyd ? De quoi as-tu peur ?

Moi : (Silence)

Mommy : Même s’il t’aime, tu ne pourras pas indéfiniment t’accrocher à lui, à un moment donné il faudra que tu le lâches pour commencer à te construire comme il est en train de le faire. Loyd trace son chemin avec ses défis et tu dois faire de même. Vos vies sont différentes et vos parcours aussi. (Me fixant) La façon dont on commence la vie, ne détermine pas comment nous allons la finir. Ils ont été méchants et cruels avec toi.

Mes larmes s’étaient mises à couler toutes seules.

Mommy : Mais ne les laisse pas continuer à avoir de l’ascendant sur toi. Ne les laisse pas te gâcher le reste de ta vie. Christ t’a délivré de ton passé alors tu ne dois pas continuer à croire que tu es esclave de ces gens et du regard des gens autour.


Comme elle voyait que je pleurais maintenant beaucoup, elle m’avait prise dans ses bras et gardé dans cette posture jusqu’à ce que je me calme avant de demander de m’allonger sur le canapé et poser ma tête sur ses cuisses. Elle s’était ensuite mise à me caresser les cheveux au point où je m’étais endormi. Lorsque je m’étais réveillé, j’étais tout seul au salon. J’avais entendu des voix dehors et j’étais allé la trouver avec Loyd.

Loyd : Tu t’es enfin réveillé ? Tu n’avais pas dormi depuis des lustres ou quoi ? 

Moi : J’étais fatigué.

Loyd : C’est sûr au point de dormir pendant 5h de temps. J’ai même cru que tu étais malade. (Regardant sa montre) C’est toi que j’attendais pour rentrer. Il est près de 22h.

J’étais moi-même surpris et après avoir dit au revoir à Mommy, nous étions partis. En chemin, je lui avais demandé si c’est lui qui avait dit à Mommy ce qui m’était arrivé plus jeune et il avait dit non en me demandant ce qui s’était passé. Je lui avais dit que Mommy avait évoqué un pan de mon enfance et je me demandais si c’est lui qui le lui avait dit. Il m’avait dit que Mommy avait des révélations et que certainement elle en avait eu sur moi. Nous étions rentrés à la maison et deux jours après, j’étais moi-même retourné la voir. 

Moi : Bonjour Mommy.

Mommy : Bonjour Marwane. Ça va ?

Moi : Oui.

J’avais eu du mal à m’exprimer et même à la regarder dans les yeux. La vérité est que j’avais honte. J’avais pris l’habitude de faire le pitre pour essayer de masquer cette facette de ma vie avec laquelle je luttais dans le secret. J’étais reconnaissant à Dieu pour le pasteur Lilian et sa famille, ainsi que le pasteur Charlemagne qui avaient pris soin de moi après cette histoire sinon j’aurais très certainement mis fin à mes jours tant j’avais honte de que j’étais et ce que j’avais fait par le passé avec tous ces hommes. Je revoyais dans mon esprit les scènes de sexes individuels ou en groupe que j’avais passées avec ces hommes dans ces soirées, des photos et vidéos de moi qu’on avait filmées en plein ébats me faisant traiter comme un déchet et j’avais honte. Je me sentais sale, souillé et plein d’autres choses qui faisaient en sorte que j’avais du mal à penser quelque chose de bien de moi. J’ai passé des nuits entières à pleurer et à me demander pourquoi Dieu m’avait laissé subir ces choses, pourquoi il avait laissé les gens me détruire et surtout comment j’allais pouvoir vivre avec un tel passé ? Comment j’allais réussir à me défaire de cette identité qui m’avait collé toute ma vie et à laquelle je m’étais identifié ? J’ai passé des nuits sombres et des journées sans joie. Cette identité de femme était telle que j’avais réalisé avec effroi que mon sexe me servait uniquement qu’à pisser et ce depuis des années parce que je ne m’en étais jamais servi. À l’époque cela ne me dérangeait pas parce que je me considérais justement comme une femme, maintenant qu’il fallait être un homme, j’avais compris le problème. Quand les pasteurs avaient réussi à me convaincre que ma vie avait de l’importance et que Dieu ne voulait pas que je meurs, j’avais cherché un point d’encrage et ce point justement je l’avais trouvé en Loyd. Il était le seul de notre entourage au courant de cette histoire qui ne me regardait pas avec de la pitié dans les yeux car les autres, inconsciemment, me rappelaient sans cesse cette réalité que j’essayais de fuir. C’est la raison pour laquelle je ne voulais pas rentrer au Gabon et que j’avais préféré aller ailleurs où personne ne me connaissait et ne connaissait mon passé. Alors oui, je savais que je suscitais des interrogations étant donné que j’étais efféminé mais au moins cela s’arrêtait à ce niveau. Que Mommy en parle m’avait à nouveau fait me sentir honteux et j’avais surtout peur de revoir ce sentiment dans ses yeux.


Mommy : Marwane relève la tête, un homme ça regarde les gens dans les yeux. 

Je l’avais fait et aussitôt j’avais croisé son regard que j’avais à nouveau baissé le visage. Elle s’était approchée de moi et avait pris mon visage en coupe avant de me redresser et me fixer dans les yeux. 

Mommy : (Droit dans les yeux et me tenant toujours le visage) Tu es un homme Marwane. 

Cette parole m’avait pénétré à tel enseigne que j’avais eu la chair de poule sur tout mon corps.

Mommy : (Dans la même position) Répète après moi : Je suis un homme. 

Moi : (Soutenant son regard) Je suis un homme.

Mommy : Répète le plus fort pour que ton être intérieur l’entende.

Moi : Je suis un homme.

Mommy : Encore.

Moi : Je suis un homme.

Mommy : Une dernière fois.

Moi : Je suis un homme.

Mommy : Tu es un homme Marwane tu m’entends ? (J’ai remué affirmativement la tête en coulant des larmes) Quelque soit ce qu’ils t’ont fait faire, cela ne change pas ton identité. Tu es né homme et tu mourras homme, tu comprends ?

Moi : (Reniflant) Oui. 

Mommy : Je ne veux plus jamais que tu baisses les yeux devant qui que ce soit même s’il s’agit d’un individu avec lequel tu as été intime. Tu ne peux pas changer ton passé mais tu peux te servir de lui pour devenir la meilleure version de toi-même. Et crois moi, tu es fort, courageux et plein de ressources qui font en sorte qu’aujourd’hui encore tu tiennes debout. Ta vie est devant toi et il faut que tu la vives pleinement en la façonnant non pas en te cachant derrière Loyd mais en te présentant au monde tel que tu es. Tu es Marwane Mezui, un très beau jeune homme qui a beaucoup à offrir à la société. ( Me caressant tendrement le visage)Le Seigneur ramassera chaque morceau brisé et remplira des paniers avec ta vie pour nourrir des milliers des gens de sorte qu’aucun morceau ne se gaspille. Si le Seigneur Jésus a pu nourrir plus de 5000 hommes avec 5 pains et 2 poissons donnés par un jeune garçon et que plus tard il l’a refait pour nourrir plus de 4000 hommes, il le fera également avec ta vie, tu comprends ?

Moi : Oui.

Mommy : (Me tirant la tête sur son épaule) Allez viens là et cesse de te cacher car tu n’as pas à avoir honte de qui que ce soit. D’accord ?

Moi : (Reniflant) D’accord. 

Mommy : Je suis là et je vais t’aider à te retrouver d’accord ?

Moi : (Bougeant affirmativement la tête) 

Elle m’a gardé dans ses bras pendant longtemps avant de me caresser la tête et me la relever. 

Mommy : (Essuyant mon visage en souriant) Je ne savais pas que j’avais autant d’enfants au Gabon, il serait peut-être temps que j’envisage la possibilité d’y faire un tour.

Moi : (Esquissant un faible sourire) Nous serons ravis de t’accueillir. 

Mommy : Et vous avez intérêt. Je vais me préparer ici afin que le Seigneur m’ouvre la porte et si c’est bon, j’appellerai mon fils Lilian pour lui dire de me recevoir. 

C’était ainsi qu’on avait continué la journée à parler tous les deux. En rentrant à la maison le soir, j’avais dit à Loyd que j’allais rester au Ghana et après m’avoir demandé si j’en étais sûr, il avait accepté. J’avais également fait part de ma décision à mon père qui n’avait pas compris mes motivations de rester tout seul aussi loin maintenant que Loyd quittait le pays. Il avait même fait le déplacement quelques mois après le départ de Loyd pour venir voir comment j’allais et si je vivais bien. Il a vu que j’avais un travail correct, un petit appart correct et que j’étais assez bien entouré, alors il était rassuré. J’ai continué à me confier à Mommy et après 4 ans à l’étranger, j’ai décidé de rentrer au Gabon, prêt à vivre auprès des miens et surtout prêt à faire face à ce passé que j’ai longtemps essayé de fuir. Mommy m’a demandé de penser à fonder une famille, j’ai déjà 34 ans mais je ne sais pas si je suis prêt pour ça. J’ai certes appris à m’accepter tel que je suis avec mon passé mais trouver une personne prête à l’accepter également est une autre paire de manches. Dans tous les cas, ce n’est pas une priorité pour moi.

Blessing : (Depuis le salon) Maman, je suis rentrée.

Mommy : À la cuisine.

Blessing : Ça sens extrêmement bon et je meurs de…

Elle a ralenti dans son élan après avoir vu que j’étais là. Elle m’a toisé avant de se diriger vers Mommy à qui elle a fait la bise sur la joue.

Blessing : Je serai dans ma chambre là haut.

Mommy : Tu ne salues pas ?

 Blessing : Je viens de te faire la bise .

 Mommy : Suis-je la seule dans cette pièce ?

 Blessing : Yes, i don’t see anyone else.

Moi : (Amusé) Encore heureux que tu souffres de myopie parce qu’un tel visage ne mérite pas d’être contemplé par ce genre d’yeux ternes.

Mommy : (Me regardant de travers) Marwane.

Moi : (Soulevant mes deux mains au ciel) Je n’ai rien dit.

Blessing : (Visiblement énervée) Que fout ce type ici ? Pourquoi il est toujours chez nous ?

Moi : Je n’ai pas vu ton nom sur le titre foncier de cette maison. 

Blessing : C’est la maison de mon père et donc c’est la mienne.

Moi : Paroles des gens qui n’ont rien et sont pauvres.

Blessing : C’est toi le pauvre idiot.

Moi : Dit la fille sans cerveau aigrie et frustrée parce qu’elle a été supplantée par une petite fille de rien du tout. 

Elle a sauté sur moi et nous sommes tombés tous les deux au sol. Elle essayait de me taper pendant que je bloquais ses mains. Mommy est venue nous séparer.

Mommy : Non mais vous allez m’arrêter ces enfantillages ?

Blessing /Moi : ( En chœur) C’est elle/lui qui a commencé. 

Mommy : Je me fiche de savoir qui a commencé ou non. Attends j’ai à faire à des enfants ou des adultes plus que responsables? Vous avez quel âge à toujours vous chamailler comme des chiffonniers ?

 Nous : (Silence) 

Blessing : (Ramassant son sac pour partir) Idiot.

Moi : Elsa. 

Elle s’est retournée pour venir me taper son sac sur l’épaule. 

Mommy : Blessing tu vas m’arrêter ça bon sang.

Blessing : Dis lui de ne plus m’appeler Elsa. 

Mommy : Mais qui est cette Elsa à la fin ?

Blessing (Énervée)/Moi(Amusé) : (En chœur) La reine des neiges… 


L'AMOUR SUFFIT-IL? T...