Chapitre 25

Ecrit par Verdo


CHAPITRE 25 

Le gouffre semblait vivant, vibrant d'une énergie à la fois effrayante et mystique. La lumière émanant de la sacoche noire pulsait comme un cœur battant, illuminant les visages déchirés de Marie, Ayélévi, Sika, et Éthiam. Leurs ombres dansaient sur les parois du gouffre, créant une scène digne d’une peinture apocalyptique. Les âmes des victimes flottaient toujours autour d’eux, imposantes et silencieuses, attendant le dénouement.

Mawugno s’avança, son regard incandescent plongé dans celui d’Éthiam. Sa voix était grave, presque sépulcrale, mais étrangement apaisante.
« La sacoche noire n’est pas qu’un instrument de vengeance et de destruction. » Déclara-t-il. « Elle est aussi une clé. Une clé pour la rédemption et la réconciliation. Mais cette clé exige deux prix symboliques. »

Éthiam, à genoux, tremblait sous le poids de la culpabilité et des douleurs accumulées. Ses yeux suppliants rencontrèrent ceux de Mawugno.
« Que dois-je faire ? » demanda-t-il d’une voix tremblotante.

Mawugno s’approcha, la sacoche noire lévitant à ses côtés comme une entité vivante. « Premier prix : tu dois renoncer à ta richesse, à tout ce que tu as amassé par la tromperie, la manipulation et le sang. Es-tu prêt ? »

Éthiam hocha la tête sans hésiter. « Oui… Je suis prêt. Prenez tout. Je n’en veux plus. Je veux juste… » Sa voix se brisa, les larmes ruisselant sur son visage. « …reposer en paix. »

Un murmure parcourut les âmes des victimes, comme un souffle collectif. La sacoche noire sembla réagir, son éclat diminuant légèrement, comme si elle avait absorbé cette première offrande. Mais Mawugno n’en avait pas fini.

« Second prix : un cœur pur doit être le pont entre les ténèbres et la lumière. » Sa voix devint plus profonde, presque menaçante. « Ce pont exige un sacrifice. L’un de vous doit mourir pour que la balance soit rétablie. »

Un silence glacé envahit le gouffre. Marie, Ayélévi, Sika, et Éthiam échangèrent des regards incrédules. La gravité des paroles de Mawugno pesa sur eux comme une pierre.

Sika se leva lentement, son visage empreint de calme et de détermination. « Si un sacrifice est nécessaire, je me porte volontaire. »

Marie éclata en sanglots. « Non ! Vous n’avez pas à faire ça ! Ce n’est pas à vous de payer ce prix. »

Mais Sika poursuivit, ignorant les protestations. « Toute ma vie, j’ai causé des dégâts. J’ai blessé ceux que j’aimais. J’ai perdu ma famille. Ils m’en veulent encore. Je n’ai plus rien à perdre. Si je peux devenir ce pont et permettre à Éthiam et à vous tous de sortir vivants de ce gouffre, alors ma vie aura enfin eu un sens. »

Marie secoua la tête, en proie à une colère et une tristesse immenses. « C’est insensé ! Pourquoi devrions-nous jouer leur jeu ? »

Éthiam, malgré sa faiblesse, leva une main tremblante. « Non… Tu n’as pas à porter mon fardeau, Sika. Prenez-moi. Prenez-moi et laissez tout le monde en vie. »

Sa voix se fit plus forte, presque désespérée. « Je mérite de mourir ! Je mérite de payer pour ce que j’ai fait ! »

Mawugno observa l’échange avec une intensité effrayante, attendant la résolution. Ayélévi s’agenouilla auprès d’Éthiam, le tenant dans ses bras. « Non, tu ne mourras pas. Nous trouverons un autre moyen. »

Mais une voix, celle de Nomagno, s’éleva parmi les âmes. « Assez ! Il n’y a pas d’autre moyen. Le sang appelle le sang. Le sacrifice doit être fait. »

Le gouffre sembla trembler à ses paroles, et la sacoche noire s’ouvrit lentement, révélant un éclat doré au fond. Le choix devait être fait, et le temps s’écoulait.

Sika s’avança vers Mawugno, le regard serein. « Si c’est le prix à payer, alors je suis prêt. »

Le gouffre vibrait d’une tension presque insoutenable, comme un volcan sur le point d’exploser. Les âmes entouraient Éthiam, leurs visages oscillant entre colère et désespoir. Chaque mouvement des esprits semblait imprégné d'une rage inextinguible, leurs murmures s’élevant en un crescendo glaçant.

Mawugno, debout au centre de cette scène surréaliste face à Sika, leva la main pour imposer le silence. Sa voix résonna comme un coup de tonnerre :
« Éthiam, ton temps est venu. Chaque âme ici présente réclame justice. Tu devras répondre de tes actes, un par un. »

Éthiam, affaibli, sentit un frisson glacial parcourir son corps. Son souffle était court, et ses jambes vacillaient. Il savait qu’il n’avait pas le choix. S’il devait affronter ses victimes, il le ferait.

La première confrontation : Mawugno et sa famille
L’esprit de Mawugno avança, ses yeux brillant d’une intensité surnaturelle. Une lueur dorée entoura Éthiam, le plongeant dans une vision. Il se retrouva dans le passé, au moment où Mawugno et sa famille avaient été trahis. Il vit leurs visages terrorisés alors qu’il les attirait dans un piège.

La douleur était insupportable : celle de trahir quelqu’un qui vous faisait confiance. Il sentit chaque émotion, chaque cri, comme s’il était à leur place. Quand la vision s’estompa, Éthiam était en larmes, incapable de soutenir le regard de Mawugno.
« Pardonnez-moi… Je ne savais pas… » balbutia-t-il.

La deuxième confrontation : les investisseurs
Les âmes des investisseurs avancèrent à leur tour, leurs silhouettes imposantes et accusatrices. Éthiam fut une fois de plus plongé dans une vision, revivant le moment où il les avait attirés à la ferme. Cette fois, il ressentit leur terreur alors que leurs vies s’éteignaient sous les coups orchestrés par sa traîtrise.

Les hurlements résonnaient encore dans ses oreilles lorsqu’il sortit de la vision. Sa douleur physique était aussi vive que sa culpabilité émotionnelle.
« Je suis désolé. » tenta-t-il de se défendre.

Les âmes ne répondirent pas, mais leur silence était plus lourd que toutes les paroles.

Tandis qu’Éthiam affrontait ces confrontations déchirantes, Marie observait la scène avec une colère bouillonnante. Les larmes coulaient sur son visage, mais son esprit était clair. Elle savait qu’elle devait agir, car la situation risquait de dégénérer. Pour elle, Ethiam ne doit pas mourir dans le gouffre. Il doit croupir en prison. 

Elle s’avança, son regard fixant Mawugno et les autres âmes.
« Cela suffit ! » cria-t-elle, sa voix tranchant l’air comme une lame. « Je comprends votre douleur. Mais cette vengeance n’apaisera rien ! Vous voulez justice ? Je vous la promets. Laissez Éthiam revenir parmi les vivants, et je m’assurerai qu’il paie pour ses crimes devant les hommes. »

Les âmes hésitèrent, troublées par sa détermination. Mais la voix de Nomagno, son père, s’éleva parmi elles.
« Marie, ma fille, abandonne. Cette quête de justice te consume. Ne te perds pas comme moi. »

Marie tourna la tête, les larmes jaillissant à nouveau. « Non, papa. Je dois le faire. Pas seulement pour toi, mais pour tous ceux qu’il a blessés. »

Marie se redressa difficilement, son corps fatigué mais son esprit enflammé. Elle marcha lentement vers Éthiam, Ayélévi et Sika, toujours entourés par les âmes.
« Je ne reculerai pas, » dit-elle avec une détermination froide.

Alors qu’elle tendait la main pour attraper celle d’Éthiam, une foudre jaillit soudainement de la sacoche noire, frappant Marie de plein fouet. Un éclair illumina le gouffre, suivi d’un grondement assourdissant.

Marie tomba au sol, son corps inerte et fumant. Les cris des âmes s’élevèrent à l’unisson, accompagnés par les hurlements d’Ayélévi et de Sika.

Mawugno leva à nouveau la main pour imposer le silence. « Son acte est téméraire, mais elle a démontré un courage rare. Les ancêtres décideront de son sort. »

Les âmes semblaient se calmer, mais la tension restait palpable. Ayélévi, brisée, ramassa le corps de Marie dans ses bras, pleurant ouvertement.
« Pourquoi ? Pourquoi as-tu fait ça ? » murmura-t-elle.

Le gouffre sembla retenir son souffle, attendant que le destin de chacun se dévoile.

Autour du gouffre, l’effervescence atteignait son paroxysme. Les villageois, spectateurs impuissants, étaient témoins de phénomènes qui échappaient à toute logique : le vent hurlait comme une bête sauvage, des éclairs lézardaient le ciel dégagé, et un grondement sourd semblait venir du centre même de la terre.

Certains villageois, galvanisés par la peur et l’instinct de survie, tentaient de descendre dans le gouffre.
« Nous ne pouvons pas rester là à regarder ! » hurla une femme, son regard fixé sur le trou béant. « Marie, Ayélévi, et même le pasteur Sika… Ils ont besoin de nous ! »

Mais les anciens, inébranlables, formèrent un mur humain. Le chef du village leva un bras pour imposer le silence.
« Personne ne descendra dans ce gouffre ! » ordonna-t-il. « C’est le territoire des ancêtres, et quiconque y entre sans leur bénédiction subira leur colère. »

Un homme en colère, brandissant une machette, s’écria :
« Et si c’était votre propre fils ou fille là-dedans ? Vous resteriez ici les bras croisés ? »

Le chef croisa les bras, son regard lourd de gravité.
« Si c’était mon enfant, je pleurerais sa perte, mais je ne mettrais pas tout le village en danger. Ce rituel est au-delà de nous tous. »

Malgré la tension palpable, personne n’osa franchir la ligne symbolique que les anciens avaient tracée.

Les hurlements du vent à la surface n’étaient rien comparés au tumulte spirituel qui régnait à l’intérieur du gouffre. Mawugno se dressait au centre, imposant et inébranlable. Son regard flamboyant balayait les âmes des autres victimes, dont la colère semblait croître à chaque instant. Les murmures des esprits s’entrelacèrent en une cacophonie oppressante :

« Il doit payer ! »
« Sa souffrance ne suffit pas ! »
« Il nous a volés nos vies ! »

Nomagno, toujours agenouillé, suppliait les ancêtres.
« Je vous en prie ! Épargnez ma fille ! Elle n’a rien à voir avec cette histoire. Je suis prêt à payer le prix à sa place. Prenez-moi, mais laissez-la partir ! »

Mawugno, insensible aux suppliques, tourna lentement la tête vers Sika.
« Toi, homme de foi, te crois-tu prêt à porter ce fardeau ? Tu as cherché la lumière, mais es-tu prêt à affronter les ténèbres pour devenir le pont entre les mondes ? »

Sika, à genoux, leva les yeux vers Mawugno. Son visage était marqué par la douleur et la résignation, mais une lueur de détermination brillait dans ses yeux.
« Je suis prêt, Mawugno. Si mon sacrifice peut apaiser ces âmes et sauver ceux qui m’entourent, alors je l’accepte. »

Ayélévi, tremblante, éclata en sanglots.
« Non ! Vous ne pouvez pas faire ça ! Vous ne pouvez pas le tuer ! »

Mawugno ignora ses cris et leva un doigt. Une étincelle bleutée jaillit du bout de son ongle, puis un éclair foudroyant s’écrasa sur la tête de Sika.

L’éclair enveloppa Sika dans une lumière éclatante, son corps secoué de spasmes incontrôlables. Ses hurlements déchirèrent le silence oppressant, et une odeur de soufre emplit l’air.

Ayélévi, incapable de supporter la scène, se détourna, se couvrant les oreilles pour bloquer les cris. Éthiam, malgré sa faiblesse, rampa sur quelques centimètres, tendant la main vers Sika, mais son corps meurtri l’abandonna.

« Arrêtez ! » cria Ayélévi. « Vous le tuez ! »

Mawugno, impassible, maintenait le flux d’énergie. Les âmes, silencieuses pour la première fois, observaient la scène avec une curiosité morbide.

Soudain, Mawugno abaissa son bras, et l’éclair cessa. Sika s’effondra, son corps immobile. La lumière qui l’entourait disparut, laissant derrière elle une obscurité lourde de sens.

Ayélévi et Éthiam se précipitèrent vers lui, paniqués.
« Sika ! Réveille-toi ! » hurla Ayélévi en secouant son épaule.

Avant que quiconque ne puisse réagir, la sacoche noire, oubliée dans un coin du gouffre, s’éleva soudainement dans les airs. Elle émit une lumière intense, aveuglant tout le monde. Une onde d’énergie puissante balaya tout sur son passage, et un rugissement inhumain résonna dans les profondeurs.

En un instant, Ayélévi, Éthiam, Marie et le corps inerte de Sika furent projetés à la surface, comme expulsés par une force surnaturelle.

Les villageois crièrent de stupeur en voyant les corps surgir du gouffre. Ils se précipitèrent pour les entourer.

Marie restait inconsciente, son souffle imperceptible. Sika, bien que vivant, était marqué par les stigmates de l’épreuve qu’il venait de subir. À vrai dire, il se croyait mort. Ayélévi et Éthiam, toujours en vie, semblaient terriblement affaiblis.

Le chef du village s’approcha lentement, les traits marqués par la gravité.
« Ils sont vivants, mais le jugement n’est pas terminé, » murmura-t-il, sa voix presque noyée par le grondement lointain qui continuait de résonner sous terre.

Les anciens levèrent les yeux vers le ciel, où des éclairs zébraient encore l’horizon.
Le sort d’Éthiam, et peut-être celui de tout le village, restait suspendu à une décision qui ne leur appartenait pas.

À la surface, le silence pesant qui suivit l’explosion lumineuse fut rompu par les cris de stupeur et de panique des villageois. Certains s’agenouillèrent, les mains levées vers le ciel, croyant assister à un miracle divin. D’autres, plus méfiants, reculèrent, murmurant entre eux qu’un tel événement ne pouvait être qu’une malédiction.

Marie, toujours inconsciente, était transportée par deux hommes robustes. Sika s’appuyait sur Éthiam, dont la démarche semblait plus lourde, presque inhumaine.

Ayélévi, quant à elle, semblait perdue, son regard cherchant désespérément un repère. Ce fut un cri familier qui la ramena à la réalité :
« Ayélévi ! Ma fille ! »

Ses parents, en larmes, se frayèrent un chemin à travers la foule et se jetèrent sur elle, l’entourant de leurs bras tremblants. Sa mère caressait ses cheveux, répétant sans cesse :
« Tu es vivante, ma fille ! Gloire à Dieu, tu es vivante ! »

Son père, les yeux embués de larmes, murmura :
« Je pensais t’avoir perdue à jamais… »

Ayélévi éclata en sanglots, agrippant ses parents comme si elle craignait de disparaître à nouveau.

Pendant ce temps, un bruit sourd retentit derrière eux. Tous les regards se tournèrent vers le gouffre, qui se résorbait lentement dans un tourbillon de poussière noire. La sacoche, source de tant de mystères, s’éleva une dernière fois dans les airs avant de disparaître dans un éclat lumineux. Le gouffre se referma, laissant derrière lui un sol intact, comme si rien ne s’y était jamais passé.

Mais les effets de cette nuit surnaturelle étaient visibles. Éthiam, debout au centre de la scène, semblait un homme vidé de toute force. Son regard, autrefois fier et calculateur, était désormais emprunt d’une profonde mélancolie. Sa posture, courbée, trahissait le poids d’un fardeau qu’il portait seul.

Le chef du village s’avança au milieu de la foule, imposant le silence d’un simple geste de la main. Son visage était grave, marqué par la sagesse et une certaine lassitude.

« Les ancêtres ont parlé, » déclara-t-il d’une voix forte. « Éthiam ne peut plus rester à Fongbé-Zogbédzi. Le pardon des ancêtres est rare, mais il vient avec des conditions. Ce village ne peut plus porter le poids de sa présence. »

Un murmure d’indignation traversa la foule. Certains hochaient la tête en signe d’approbation, mais d’autres, les poings serrés, manifestèrent leur mécontentement.

« Il aurait dû rester dans ce gouffre ! » s’écria un homme, sa voix pleine de colère.

« Les ancêtres sont trop cléments, » ajouta une femme, les bras croisés. « Il ne mérite pas de marcher parmi nous. »

Malgré ces contestations, le chef du village resta inflexible.
« La décision des ancêtres est irrévocable. Ceux qui s’y opposent s’opposent à eux. »

La foule se dispersa lentement, des murmures de désapprobation continuant de fuser.

Le chef du village se tourna ensuite vers les hommes qui portaient Marie.
« Amenez-la à l’hôpital immédiatement. Sa vie dépend de la rapidité de vos actions. »

Les hommes acquiescèrent et commencèrent à descendre vers la route, où une charrette attendait pour transporter Marie.

Pendant ce temps, Éthiam, appuyé sur un bâton, s’avança vers Sika. Il tendit une main tremblante, que le pasteur attrapa sans hésiter. Les deux hommes échangèrent un long regard, où se mêlaient gratitude, pardon, et une compréhension silencieuse.

« Merci, » murmura Éthiam. « Pour tout. »

Sika hocha lentement la tête.
« Va, et fais en sorte que ce sacrifice ait un sens. Redeviens un homme que ta femme et ton enfant pourront respecter. »

Les deux hommes s’étreignirent longuement, un geste empreint de respect et d’émotion.

Éthiam se dirigea ensuite vers ses beaux-parents, qui l’attendaient avec des visages fermés. Ayélévi se tenait à leurs côtés, les larmes encore fraîches sur ses joues.

Son beau-père, le visage durci par la colère et la douleur, s’avança.
« Ma fille a risqué sa vie pour toi, Éthiam. Elle a défié la mort pour te sauver. Tâche de ne jamais l’oublier. »

Éthiam, incapable de soutenir son regard, tomba à genoux devant eux.
« Je sais que je ne mérite ni votre pardon ni votre pitié, » dit-il d’une voix brisée. « Mais je vous supplie de me donner une chance. Je suis prêt à tout pour réparer ce que j’ai détruit. »

Ayélévi posa une main tremblante sur l’épaule d’Éthiam.
« Laisse le temps faire son œuvre, » murmura-t-elle.

Son père détourna les yeux, luttant visiblement contre des émotions contradictoires, mais il ne dit rien de plus.

Alors que le soleil se levait, dissipant les ombres de la nuit, Éthiam savait qu’il entamait un nouveau chapitre de sa vie. Le chemin de la rédemption serait long et semé d’embûches, mais pour la première fois, il se sentait prêt à l’affronter.

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Le soleil était à peine levé lorsque Nadine, sa mère, et Sélinam décidèrent de se rendre chez l’homme de Dieu. L’atmosphère était lourde, empreinte d’un malaise qu’aucune parole ne pouvait apaiser. Le visage de l’un des triplés, marqué par ce dessin mystique de la sacoche noire, hantait Sélinam. Chaque fois qu’elle regardait cet enfant, un frisson lui parcourait l’échine, comme si elle était témoin d’un présage funeste.

« Pourquoi cet enfant ? » marmonna-t-elle en serrant le triplé contre elle, ses yeux fixés sur le dessin comme s’il allait lui parler.

Nadine posa une main sur l’épaule de Sélinam, tentant de la réconforter.
« Nous aurons des réponses. L’homme de Dieu saura nous guider. »

Le trajet se déroulait dans un silence pesant. Même les triplés, habituellement turbulents, semblaient ressentir l’étrangeté de la situation. Mais alors qu’ils traversaient un chemin isolé, une brise glaciale s’abattit sur eux, si forte qu’elle fit frémir les feuilles des arbres.

Soudain, l’enfant marqué poussa un cri strident, ses petits bras se débattant dans les airs. Avant que Sélinam ou Nadine ne puissent réagir, un tourbillon de poussière noire enveloppa l’enfant.

« Mon bébé ! » hurla Sélinam, tendant désespérément les bras.

Mais en un clin d’œil, le tourbillon disparut, emportant avec lui l’enfant.

La mère de Nadine, effrayée, s’agenouilla au sol, récitant des prières dans un murmure tremblant. 

Le groupe arriva finalement chez l’homme de Dieu, leurs visages marqués par l’angoisse et la fatigue. C’était un vieil homme à la barbe blanche, vêtu d’une tunique simple, mais son regard profond trahissait une sagesse hors du commun. Il les accueillit avec une douceur empreinte de gravité, les laissant s’asseoir dans sa modeste demeure.

« Je sais ce qui vous amène, » dit-il après un long silence.

Nadine éclata en sanglots, tandis que Sélinam se laissait tomber à genoux devant lui.
« Aidez-moi ! Mon enfant ! Il a disparu ! »

L’homme posa une main sur sa tête, fermant les yeux.
« Dieu voit votre souffrance, ma fille. Nous allons prier, mais sachez que les réponses ne seront pas simples à entendre. >>

Après de longues prières, pendant lesquelles Sélinam sanglotait sans relâche, l’homme de Dieu ouvrit enfin les yeux. Ses traits, d’abord calmes, étaient désormais marqués par une profonde tristesse.

« Cet enfant… a été réclamé par des esprits. »

La pièce se figea. Sélinam leva la tête, ses yeux rougis par les larmes.
« Qu’est-ce que cela signifie ? Pourquoi mon enfant ? »

L’homme soupira, visiblement accablé.
« Le père de vos enfants, cet homme… Il a scellé un pacte avec des esprits il y a sous peu. Ce pacte a laissé une empreinte sur ses descendants. Ce n’est pas une coïncidence si le dessin de la sacoche noire est apparu sur votre enfant. Ce symbole est la marque de leur revendication. »

Sélinam écarquilla les yeux, son souffle devenant saccadé.
« Non… Ce n’est pas possible ! Sika est un homme de Dieu, un pasteur ! »

L’homme posa une main réconfortante sur son épaule.
« Même les hommes de Dieu peuvent avoir un passé sombre. Peut-être a-t-il commis cet acte dans un moment de désespoir, sans réaliser les conséquences. »

Les mots résonnèrent dans l’esprit de Sélinam comme un coup de tonnerre. Son monde semblait s’écrouler autour d’elle. Elle se laissa tomber au sol, ses mains agrippant sa robe, son visage déformé par la douleur.

« Tout cela à cause de lui ! » cria-t-elle, sa voix brisée. « Mes enfants… ma vie ! Pourquoi ? Pourquoi ? »

Nadine tenta de la relever, mais Sélinam repoussa sa main, hurlant sa colère et sa douleur.
« Il m’a tout pris ! Je ne peux pas vivre avec ça ! »

L’homme de Dieu, lui, resta silencieux, le regard empreint de compassion. Après un moment, il s’agenouilla à ses côtés.
« Votre souffrance est légitime, ma fille, mais ce n’est pas une fin. Dieu vous donne la force de continuer, même dans les épreuves les plus sombres. Nous devons prier pour la rédemption de Sika et pour le salut de votre enfant. »

Malgré la lourdeur de la révélation, l’homme de Dieu continua à prier avec elles, leur promettant qu’il chercherait des réponses supplémentaires. Nadine et sa mère se tenaient silencieuses, les larmes coulant sur leurs joues, tandis que Sélinam, encore secouée, restait prostrée, son esprit luttant contre une douleur qu’elle n’avait jamais imaginée.

Au loin, le vent se leva à nouveau, faisant vibrer les fenêtres de la maison. Il semblait murmurer des mots incompréhensibles, comme un écho des ténèbres qui enveloppaient encore cette histoire.


À suivre…

Écrit par Koffi Olivier HONSOU, prix des jeunes écritures PJE AUF 2019. 

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La sacoche aux secre...