
Chapitre 26
Ecrit par Verdo
Sika était assis dans un coin sombre de son salon. Une lumière tamisée projetait des ombres vacillantes sur les murs nus. Depuis son retour de Fongbé-Zogbédzi, il n’avait trouvé ni sommeil ni paix. Les mots de Sélinam, le regard déchiré de Nadine, et surtout la disparition mystérieuse de son fils, tournaient en boucle dans son esprit.
La révélation de l’homme de Dieu avait été un coup fatal. "Ce sont les esprits de votre pacte qui ont pris l’enfant." Cette phrase le hantait. Il se souvenait alors du moment dans le gouffre où il s'était porté volontaire pour être le pont entre les mondes. À ce moment, il avait cru que son sacrifice suffisait à sceller le pacte. Il n’avait pas compris que le prix de son salut était beaucoup plus élevé qu’il ne l’imaginait.
Sous l’effet d’un profond désespoir, il décida de quitter la maison pour un endroit reculé où il pourrait prier. Il marcha jusqu’à une ancienne colline à la périphérie de la ville, un lieu connu pour son silence et sa solitude. Là-bas, il s’agenouilla sur un tapis de terre, le regard tourné vers le ciel étoilé.
– Seigneur, murmura-t-il, pardonne-moi pour mes fautes. Montre-moi un chemin pour retrouver mon enfant.
Mais le silence de la nuit fut brisé par un vent glacial qui semblait surgir de nulle part. Une brume épaisse s’éleva autour de lui, et soudain, la silhouette sombre de la sacoche noire apparut devant ses yeux.
– Tu es revenu à nous, Sika, dit une voix grave et tonitruante.
Autour de la sacoche, des figures translucides se matérialisèrent. C’étaient les ancêtres de Fongbé-Zogbédzi, leurs visages solennels illuminés par une lumière surnaturelle. Mawugno était parmi eux, son regard perçant transperçant l’âme de Sika.
– Vous… vous m’avez trompé ! cria Sika, la voix tremblante. Vous avez pris mon enfant !
– Tu savais ce que tu faisais, répondit Mawugno calmement. Le pont devait être scellé. Nous t’avons épargné dans le gouffre, mais le prix devait être payé.
– Mais c’est mon fils ! rugit Sika, tombant à genoux. Prenez ma vie, prenez tout ce que j’ai, mais rendez-moi mon enfant !
Les ancêtres échangèrent des regards silencieux avant que Mawugno ne reprenne la parole.
– Le pacte est scellé, Sika. Il n’y a plus de retour en arrière. Ton fils est maintenant un lien entre les vivants et les morts, un gardien du passage. Nous ne pouvons le libérer sans déstabiliser l’équilibre des mondes.
Sika sentit un poids immense s’écraser sur lui. Chaque mot était comme une pierre lancée sur son cœur.
– Alors tout ceci n’a servi à rien ? Mes sacrifices, ma souffrance… rien ne peut ramener mon fils ?
Une vieille femme parmi les ancêtres s’avança, son visage ridé éclairé d’une étrange bienveillance.
– Rien n’est jamais totalement perdu, murmura-t-elle. Mais pour retrouver une partie de lui, tu devras accomplir ce que tu n’as jamais fait auparavant : te libérer de l’égoïsme et des attaches terrestres. Ton amour pour ton fils devra transcender ton désir de le posséder.
Ces paroles laissèrent Sika muet, le visage baigné de larmes.
– Que dois-je faire ? demanda-t-il finalement, la voix brisée.
– Rentre chez toi et passe à autre chose. Répondit Mawugno. Il n'y a plus rien à faire.
Avant qu’il ne puisse répondre, la brume s’évanouit, emportant les silhouettes avec elle. Seule la sacoche noire resta un instant suspendue dans l’air, avant de disparaître dans un éclat de fumée.
Sika resta là, agenouillé, le souffle court et les pensées en ébullition. Le poids de ses choix passés était devenu insupportable, mais il savait qu’il ne pouvait pas abandonner. Pour son fils, pour Sélinam, pour les vies qu’il avait marquées, il devait affronter son destin.
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La maison de Sélinam était plongée dans un silence presque funèbre, seulement rompu par les pleurs étouffés des deux bébés restants. Depuis la disparition inexplicable de son troisième enfant, Sélinam n’était plus la même. Elle errait dans la maison comme une ombre, ses pensées consumées par une colère et une douleur qu’elle n’arrivait pas à contenir. Nadine et sa mère essayaient tant bien que mal de la consoler, mais leurs paroles se perdaient face au tourment de Sélinam.
Un jour, la tension monta à son paroxysme lorsqu’elle apprit, par le biais de Nadine, que Sika avait été aperçu dans les parages, pas loin de chez elles et qu’il portait la responsabilité de ce qu’il s’était passé.
– Il doit venir te parler, insista Nadine, bien qu’hésitante. Vous devez éclaircir cette histoire.
Sélinam serra les poings. Elle savait qu’elle ne pourrait pas rester silencieuse plus longtemps.
Quand Sika arriva enfin, les traits tirés et l’air coupable, Sélinam se tint à l’entrée de la maison, les bras croisés et le visage fermé. Il n’avait même pas encore franchi le seuil qu’elle se mit à lui hurler dessus.
– Comment as-tu osé venir ici ? Après tout ce que tu as fait ! cria-t-elle, les larmes roulant sur ses joues. Tu as pris mon fils, Sika ! Mon enfant ! Tu viens de gâcher pour une deuxième fois ma vie!
Sika baissa les yeux, incapable de soutenir son regard.
– Je n’ai jamais voulu que cela arrive, murmura-t-il. Ce n’était pas ce que je voulais, Sélinam.
– Pas ce que tu voulais ? répéta-t-elle, sa voix emplie de sarcasme. Depuis le début, tu n’as fait que détruire ma vie ! Et maintenant, tu viens me dire que tu ne l’as pas voulu ?
Les cris de Sélinam résonnaient dans la maison, réveillant les deux bébés qui se mirent à pleurer. Nadine, impuissante, les emporta dans une autre pièce, laissant le couple seul pour confronter leurs démons.
– Explique-moi, exigea Sélinam en pointant un doigt accusateur vers lui. Explique-moi tout ! Qu’as-tu fait pour qu’ils prennent mon enfant ?
Sika, le visage ravagé par la culpabilité, s’assit lourdement sur une chaise. Il prit une profonde inspiration avant de raconter toute l’histoire : le gouffre, le pacte, le rôle qu’il avait accepté sans comprendre pleinement les conséquences.
– Je pensais que tout était terminé là-bas, avoua-t-il, les larmes aux yeux. Je croyais que mon sacrifice suffirait. Mais les ancêtres avaient un autre plan. Ils ont pris… ils ont pris notre fils comme prix du pont.
Le silence qui suivit ses paroles fut assourdissant. Sélinam le fixa, incrédule, avant de s’effondrer sur le sol, submergée par l’émotion.
– Tu savais, murmura-t-elle, la voix brisée. Tu savais que tu jouais avec des forces que tu ne comprenais pas, et tu as quand même pris ce risque !
– Je voulais protéger tout le monde ! se défendit Sika. Je ne savais pas qu’ils prendraient notre fils. Je ferai tout pour le ramener, je te le promets.
Ces mots, pourtant pleins de détermination, ne firent qu’enflammer davantage la colère de Sélinam.
– Des promesses ? cria-t-elle, se redressant brusquement. C’est tout ce que tu sais faire ! Des promesses vides ! Où étais-tu quand on avait besoin de toi ? Où étais-tu quand notre enfant a disparu ?
Elle se détourna, les larmes coulant librement, et prit une grande inspiration pour retrouver son calme.
– Écoute-moi bien, Sika, dit-elle finalement, la voix tremblante mais ferme. Je ne veux plus te voir. Tu n’es plus le bienvenu ici.
Sika la regarda, dévasté.
– Sélinam, supplia-t-il, ne fais pas ça. Je vais tout arranger, je vais…
– Non ! hurla-t-elle en le coupant. C’est fini ! Si tu veux vraiment réparer les dégâts, commence par partir et ne reviens que lorsque tu auras une solution. Pas avant !
Elle lui ouvrit la porte, son regard glacé ne laissant aucune place à la négociation.
Sika se leva lentement, le cœur lourd, et sortit de la maison sans un mot de plus. À l’extérieur, il s’arrêta un instant, le visage levé vers le ciel.
– Je te retrouverai, murmura-t-il à l’adresse de son fils disparu. Peu importe le prix, je te retrouverai.
Il marcha ensuite dans la rue déserte, une ombre parmi les ombres, portant le poids de ses erreurs et l’espoir ténu d’un futur où il pourrait réparer l’irréparable.
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Le village de Fongbé-Zogbédzi était en ébullition. Depuis que la nouvelle de la disparition mystique du fils de Sika s'était répandue, les habitants se déchiraient. Dans les ruelles, dans les cases, même au marché, on ne parlait que de cela. Les anciens, qui avaient cru voir la fin des troubles avec la disparition du gouffre, se rendaient compte que les ombres de cette histoire planaient toujours sur la communauté.
– C'est un signe ! cria un jeune homme lors d'une discussion animée près du puits central. Les ancêtres sont furieux ! Nous aurions dû laisser Éthiam périr dans le gouffre.
– Et pourtant, répliqua une femme d’âge mûr, d’une voix empreinte de défi, c’est grâce au sacrifice de Sika que nous sommes encore là. Vous parlez de colère divine, mais peut-être qu’il s’agit plutôt d’un test d’unité.
Les voix montèrent d’un cran, certains villageois prenant à témoin les esprits et d’autres s'en prenant directement au chef, accusé de faiblesse dans sa gestion des événements.
Le chef du village convoqua une assemblée au cœur de la place centrale. Les villageois y affluèrent, leurs visages marqués par l’inquiétude et la fatigue. L’atmosphère était tendue, presque électrique. Les murmures incessants formaient une rumeur grondante, interrompue seulement par le claquement du bâton du chef sur le sol.
– Silence ! tonna Togbui. Vous êtes en train de déchirer notre village. Cela doit cesser !
La foule se calma quelque peu, bien que des murmures persistants trahissaient la colère sourde de certains.
– Nous savons tous que des choses que nous ne comprenons pas se sont produites, poursuivit le chef. Mais accuser les uns et les autres ne fera qu’aggraver nos malheurs. Les ancêtres nous observent ; ils veulent notre unité, pas notre division.
– Mais comment pouvons-nous être unis ? lança un homme, la voix tremblante d’émotion. Ce village est maudit ! Le gouffre est peut-être disparu, mais il nous a laissé des cicatrices. Le fils de Sika a été emporté ! Et vous nous demandez de rester calmes ?
Des murmures d’approbation montèrent dans la foule, mais une vieille femme, appuyée sur un bâton, s’avança.
– Togbui a raison, dit-elle d’une voix claire et assurée. Les ancêtres ne punissent pas sans raison. Peut-être que ce qui est arrivé est un appel à la réconciliation. Nous devons chercher à comprendre leur volonté, pas à nous déchirer comme des chiens autour d’un os.
Alors que le chef s’apprêtait à reprendre la parole, un phénomène étrange se produisit. Une brise froide traversa la place centrale, faisant frissonner les villageois malgré la chaleur habituelle. Les flammes des torches vacillèrent, puis s’éteignirent presque simultanément, plongeant l’assemblée dans une semi-obscurité.
Un enfant poussa un cri :
– Regardez là-bas !
Tous les regards se tournèrent vers l’ancienne case de Nomagno, le père de Marie. Une lueur étrange s’en échappait, pulsant comme un cœur battant. Les villageois, terrifiés mais fascinés, s’approchèrent à pas prudents. Togbui Anani leva la main pour leur faire signe de s’arrêter.
– N’avancez pas ! ordonna-t-il. Cela pourrait être un avertissement des ancêtres.
La lumière vacilla, puis disparut brusquement, laissant une odeur de terre brûlée dans l’air.
– Les esprits sont toujours parmi nous, murmura une voix dans la foule.
La peur se lisait sur chaque visage. Togbui Anani, bien que lui-même troublé, reprit son bâton et frappa à nouveau le sol pour ramener l’attention.
– Cela prouve une chose : nous devons agir avec sagesse. Je vais envoyer des messagers aux anciens d'autres villages pour chercher des conseils. En attendant, personne ne doit s’approcher de la case de Nomagno. Et surtout, restez unis. Les ancêtres n’aiment pas le désordre.
Mais malgré les paroles du chef, la division persistait. Certains, convaincus qu’il fallait purger le village, se réunirent en secret pour discuter de rituels anciens. D’autres, comme la vieille femme au bâton, prêchaient la patience et la prière.
Au cœur de cette tourmente, une question brûlait sur toutes les lèvres : qu’allait-il encore arriver à Fongbé-Zogbédzi ? Le gouffre avait disparu, mais son emprise sur le village semblait plus forte que jamais.
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De retour à Lomé, Éthiam poussa un soupir de soulagement en apercevant les rues familières de la capitale. Le chaos de Fongbé-Zogbédzi était derrière lui, mais il savait que tout n’était pas encore terminé. Il se souvenait des avertissements implicites des ancêtres et des âmes dans le gouffre, ainsi que des étranges sensations qui l’avaient envahi depuis son retour à la surface. Pourtant, il espérait trouver un semblant de normalité en rentrant dans sa grande villa à Avépozo, un lieu qui avait toujours représenté sa réussite et sa sécurité.
Mais en arrivant près du quartier, il sentit quelque chose d’étrange. L’air était imprégné d’une odeur âcre de brûlé, et une fumée noire semblait encore s’élever à l’horizon. Il accéléra le pas, un mauvais pressentiment pesant sur sa poitrine. Lorsqu’il arriva devant sa propriété, il s’arrêta net, abasourdi.
La villa qui s’élevait jadis majestueusement sur le terrain n’était plus qu’un amas de cendres et de gravats. Les murs blancs, les toits de tuiles rouges, les grandes baies vitrées… tout avait disparu dans un incendie dévastateur. Les palmiers qui ornaient l’entrée avaient été réduits à des troncs calcinés, et les débris fumaient encore légèrement sous le soleil du soir.
Des voisins s’approchèrent timidement, l’air compatissant mais aussi intrigué par le retour d’Éthiam.
– C’est arrivé il y a trois jours, murmura une femme d’un certain âge. Le feu est parti d’on ne sait où, et rien n’a pu être sauvé. Nous avons essayé de vous joindre sans succès.
– Même les pompiers n’ont rien pu faire, ajouta un homme. Le feu semblait… étrange. Comme s’il ne venait pas d’ici.
Éthiam resta silencieux, son regard fixé sur les cendres. Il ne répondit pas, car au fond de lui, il savait. Cela ne pouvait pas être une coïncidence. Les esprits, les ancêtres, la sacoche noire… Tout cela faisait partie d’une chaîne d’événements qu’il ne pouvait plus ignorer.
Après un long moment, il se détourna et se dirigea vers sa voiture, garée un peu plus loin. Il voulait vérifier ses comptes bancaires pour évaluer ce qu’il lui restait. Mais lorsqu’il se connecta via son téléphone, une nouvelle douche froide l’attendait.
« Solde : 0,00 FCFA »
Toutes ses économies avaient disparu, comme évaporées. Aucun relevé ne montrait de transactions suspectes, et pourtant, il n’y avait plus rien. Chaque compte, chaque investissement qu’il avait soigneusement bâti au fil des ans, était vidé.
Un rire amer s’échappa de ses lèvres. Il aurait dû s’y attendre. Ce n’était pas une punition injuste, mais plutôt une conséquence logique des forces auxquelles il avait été confronté. Les ancêtres ne lui avaient pas fait grâce pour qu’il continue à vivre dans l’opulence et l’arrogance. Ils l’avaient ramené à la case départ, littéralement.
En rentrant dans sa voiture, il sentit une étrange sérénité l’envahir. Pour la première fois depuis longtemps, il ne ressentait ni colère, ni frustration. Il était vivant. Ayélévi et son enfant étaient vivants. Tout le reste n’était que matériel, éphémère.
Il se rendit à une auberge modeste en périphérie de Lomé, où il prit une chambre pour la nuit. Assis sur le lit, il sortit une vieille photo de sa poche : un cliché d’Ayélévi, lui et leur enfant, pris quelques mois auparavant. Il la contempla longuement, un sourire triste sur les lèvres.
– C’est tout ce qui compte, murmura-t-il pour lui-même.
Ce soir-là, il fit une prière. Une prière sincère, dénuée de demandes ou de récriminations. Une prière pour la paix intérieure, pour la force de reconstruire, pour une chance de faire mieux.
Le lendemain, il se leva tôt. Il savait qu’il devait commencer quelque part. Peut-être que la vie ne lui offrirait pas de raccourci cette fois-ci, mais il était déterminé à avancer, peu importe la lenteur. Le passé était derrière lui, et bien que les cendres de son ancienne vie soient encore visibles, il voyait déjà les germes d’un futur différent. Un futur qu’il voulait construire avec patience, humilité et, peut-être, un peu de foi.
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Le soleil pénétrait timidement par la fenêtre de la chambre d’hôpital, baignant l’espace d’une lumière douce mais insuffisante pour dissiper l’aura pesante qui régnait. La pièce était d’un silence troublant, seulement perturbé par les bips réguliers du moniteur cardiaque. Marie était allongée sur le lit, son visage pâle et ses traits tendus trahissant l’intensité des épreuves qu’elle venait de traverser.
Depuis son arrivée à l’hôpital, plongée dans un profond coma, les médecins avaient peu d’espoir. Les lésions invisibles qu’elle portait semblaient dépasser leur compréhension.
Ce matin-là, cependant, un miracle inattendu se produisit. Les paupières de Marie frémirent doucement, puis s’ouvrirent lentement, révélant ses yeux fatigués mais conscients. Une infirmière, présente pour son tour de routine, s’arrêta net.
— Elle est réveillée ! s’écria-t-elle avant de courir alerter les médecins.
En quelques minutes, une équipe médicale était au chevet de Marie, vérifiant ses signes vitaux et parlant doucement pour ne pas l’effrayer. Mais quelque chose n’allait pas.
Marie essaya de parler, ses lèvres tremblant légèrement comme si elles cherchaient à former des mots. Pourtant, aucun son ne sortit. Sa gorge était sèche, certes, mais ce n’était pas seulement cela. Elle sentit une panique monter en elle. Elle tenta de lever une main, un bras, de bouger ses jambes, mais son corps restait obstinément immobile. Seule sa tête obéissait encore à sa volonté, bougeant faiblement d’un côté à l’autre.
Les médecins échangèrent des regards inquiets en notant les observations. L’un d’eux s’approcha, posant une main rassurante sur son épaule.
— Marie, si vous pouvez nous entendre, clignez des yeux deux fois.
Elle le fit immédiatement.
— Très bien, vous êtes consciente, c’est une bonne nouvelle. Nous allons faire d’autres examens pour comprendre pourquoi votre corps ne réagit pas encore, d’accord ?
Deux nouveaux clignements confirmèrent qu’elle avait compris, mais des larmes commencèrent à couler sur ses joues. Elle savait que ce n’était pas une simple paralysie passagère. Quelque chose d’étrange, de profondément troublant, pesait sur elle.
Amavi, son amie arriva peu après, alertée par les médecins, elle poussa un cri de soulagement en voyant les yeux ouverts de son amie.
— Marie ! Oh, Marie ! Merci Seigneur !
Elle se précipita à son chevet, prenant délicatement sa main inerte dans les siennes.
— Tu es réveillée ! Ne t’inquiète pas, tout va s’arranger.
Mais en croisant le regard humide de Marie, elle comprit qu’elle le savait déjà.
Le lendemain, les résultats des tests confirmèrent ce que les médecins redoutaient. Marie était atteinte d’une paralysie totale, à l’exception de sa tête. Les causes restaient floues : il n’y avait ni lésion apparente, ni raison médicale logique. Un médecin osa murmurer ce que d’autres pensaient tout bas :
— Peut-être que ce n’est pas seulement physique… Peut-être que c’est quelque chose de… spirituel.
Dans les jours qui suivirent, Marie apprit à communiquer par des clignements d’yeux ou des mouvements subtils de la tête. Mais chaque moment passé à l’hôpital renforçait en elle un sentiment d’impuissance. Elle, si forte et si vive, se retrouvait prisonnière de son propre corps, dépendante des autres pour le moindre besoin.
Lorsqu’elle était seule, son esprit retournait sans cesse au gouffre, à cette explosion de lumière qui l’avait projetée à la surface. Elle revoyait les âmes, Mawugno, Nomagno son père, et cette foudre qui avait scellé son sort. Était-ce là le prix qu’elle devait payer pour avoir affronté les esprits ?
Un soir, Amavi s’assit à son chevet, les yeux rougis par la fatigue et l’inquiétude.
— Je ne sais pas si tu te souviens de tout, mais… Marie, je crois qu’il y a des choses que nous ne comprenons pas encore. Ce qui t’est arrivé dépasse l’entendement.
Marie la regarda intensément, clignant des yeux lentement, une fois. Oui, elle comprenait.
Mais dans son esprit, une question subsistait : si elle avait été épargnée de la mort dans le gouffre, alors pourquoi avait-elle été laissée dans cet état ? Qu’attendaient les ancêtres d’elle ?
À suivre…
Écrit par Koffi Olivier HONSOU, Prix des jeunes écritures PJE AUF 2019.
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