Chapitre 25

Ecrit par Lilly Rose AGNOURET

 


 

Le lendemain...

 

Je m'habituerai sûrement un jour à l'idée que ma mère reste ma mère. Je comprendrai peut-être un jour que c'est un être humain comme tout le monde, avec ses fêlures, ses blessures, ses douleurs, ses peines, ses incohérences.

Je pourrai peut-être accepter son manque d'instinct maternel envers moi.

Mais à l'instant, je préfère simplement me boucher les oreilles pour ne pas l'écouter. Quand j'estime que j'en ai trop entendu, je me lève du salon où nous nous tenons et vais faire un tour dehors dans le jardin.

Nous avons dansé toute la nuit, Pédro, Christian, Salima et moi. Nous sommes rentrées au petit matin. Il était 9h quand Salima a été réveillée par le coup de fil de ma mère. Elle lui a raconté ses déboires. Là, mon amie l'a simplement invitée à venir déjeuner avec nous ce midi. Madame ma mère est arrivée à midi moins le quart en pestant contre la vie.

« Ils m'ont volé mon passeport ! J'ai fouillé mon sac, j'ai fouillé mes poches. Y avait rien. Comme si l’hôtesse qui s’occupait de l'enregistrement avait oublié de me rendre mon passeport. Il faut que je la retrouve.

Cela fait une heure qu'elle est là. Nous avons commandé le repas dans un restaurant et Pédro nous l'a apporté. C'est lui qui a répondu à la vieille :

« Elle n'est vraiment pas sérieuse cette hôtesse ! Je parie qu'elle a dû le foutre de côté sans plus se fatigué. Il faudra faire une déclaration de perte au commissariat de police. »

Le sujet n'en est pas resté là. Si je sors de la pièce à cet instant, c'est parce que celle qui me sert de mère se plaint du fait que le fameux ami qui l'attendait à Dubaï est furieux et la traité d'imbécile. Du moment qu'il ne lui demande pas de rembourser les millions envoyés par western union...

L'air est frais ce dimanche midi. J'observe le mouvement des fleurs qui se laissent caresser par un petit vent taquin. J'observe souvent la nature quand tout va de travers. J'aime la verdure dans les parcs de Londres tout comme les couleurs de ces hibiscus face à moi, me font pensé à un arc-en-ciel et me donnent le sourire. Mon téléphone vibre 10 minutes plus tard. C'est Salima qui m'envoie un message m'intimant de revenir dans la chambre. Je respire un grand coup avant de faire le chemin inverse. Quand j'arrive sur place, ma mère et elle sont en grande conversation alors que Pédro tourne machinalement les pages d'un magazine de foot. Je tire une chaise, m'assois en croisant les jambes. J'entends Salima dire tendrement à ma mère :

« Une mère c'est très précieux. Je ne serais pas celle que je suis si ma mère ne s'était pas tenue à mes côtés pour me relever quand je tombais  et essuyer mes larmes quand je pleurais. »

Là, je vois ma mère qui se tord les doigts, lance furtivement des regards à gauche à droite avant de lever le visage vers Salima et lui dire :

« Hum, je sais que quelqu'un a déjà mangé mon nom (sali mon image) au point que tu te dis que tu connais toute ma vie. Mais est-ce que quelqu'un peut vraiment comprendre que la vie de la femme est difficile dans ce Gabon-là, quand tu es née pauvre dans une famille de sorciers et de jaloux ! »

« Je comprends que chacun ait ses blessures et ses insuffisances. Je ne suis pas là pour juger ou vous imposer de longues discussions. Nous allons éviter les fâcheries et parer au plus urgent. Je voulais juste vous annoncer, Albertine, que Merlie a décidé de vous offrir une maison. Vous pourrez ainsi déménager et vous installer définitivement dans une maison descente qui sera à vous. »

Je vois le visage sceptique de ma mère qui semble à la fois me chercher et vouloir m'évite et là, elle demande :

« Oh ! C'est la vérité, ça ? Moi, Albertine Malanga ? Une maison ! Ah, j'ai l'impression qu'on va me balancer là dans une baraque pourrie en me faisant croire que c'est une villa. Je ne suis pas bête, Salima. Ça c'est quelle maison que ta copine va m'acheter alors qu'elle n'arrive même pas à me regarder sans ressentir l'envie de vomir ? Pardon, faut me laisser dans mes problèmes ! Faut pas te moquer. »

Là, elle plie ses deux mains devant elle et fige son regard vers un point sur le mur en face d'elle ; Salima ne perd pas le fil de ses idées et lui lance :

« Je vous dis la vérité. Dès demain, nous nous mettrons à la recherche de ce logement. Nous n'avons plus que quelques jours à passer ici. Nous espérons que la transaction sera bouclée avant notre départ et que vous serez en sécurité loin du quartier dans lequel vous habitez aujourd'hui. »

« Wèèèèè ! Donc il y a vraiment un Dieu là-haut dans le ciel ? Popopo ! Pardon, je veux d'abord voir pour croire. Wèèèèèè ! Albertine, donc quelqu'un te connaît  là-haut dans le ciel ? »

Doit-on lui dire à ce moment-là que les personnes qui la connaissent et vont cracher tout cet argent, sont là sur terre et non au ciel ?

Je décide de rester spectatrice de tout son cinéma. Dès lors, je garde ma langue dans ma bouche pour éviter tout risque de mésentente. Plus vite j'aurai signé le chèque pour lui offrir cette maison, plus vite elle sortira de mon champ de vision.

La voilà qui se lève et se met à danser dans la pièce en entonnant un cantique que je ne connais pas : « Je suis dans la joie, une joie immense, je suis dans l'émotion, car Yavhé m'a libérée... »

« De quoi t'a t-Il libérée ? », suis poussée à lui demandé.

Madame ignore ma question, se  tourne vers Salima et lui souffle :

« Je te dis, Salima, mon ventre ne m'a servi à rien. Il s'est gonflé 2 fois pour en faire sortir des ingrates. Ma fille, habille-toi seulement et je vais t'emmener visiter mon palais ; tu verras où vit une femme qui a deux filles qui ont réussi là-bas en France ou aux Etats-Unis où elles sont parties. Je ne parle plus trop. Allons seulement. »

Je vois Salima qui se lève, va vers la chambre et reviens correctement vêtue et maquillée, dix minutes plus tard.

« Tu viens avec nous ? », me demande ma copine.

« Partez sans moi. J'ai besoin d'un peu de solitude. A tout à l'heure. »

Elles s'en vont en compagnie de Pédro et me laisse là dans mes pensées.

Je me retrouve seule et décide donc de me reposer et de me vider l'esprit en ne pensant à rien. De toute façon, plus le temps passé ici s'allonge, moins je me souviens de ce que j'attendais de ce voyage en prenant l'avion.

 

Je reste couchée sur mon lit pendant près de 3 quarts d’heure et tente de me vider l’esprit. Les infos en continu, défilent à l’écran du téléviseur et je ne retiens rien de ce qui est dit. Sentant que c’est l’ennui et la frustration qui gagneront, je décide de me lever pour aller prendre l’air dans les jardins de l’hôtel. Je change de robe et porte quelque chose de léger m’arrivant après le genou. Je me mets juste un peu de parfum et me voilà partie, sans sac, juste avec l’intention de tourner en rond en me parlant à moi-même.

Alors que j’arrive à la réception de l’hôtel, je suis surprise par une voix suraigüe d’un homme qui s’en prend au réceptionniste. Et on peut dire que le type ne connait pas la bienséance vu comment il tance le jeune homme. Il faut l’entendre crier :

« Vous êtes un couillon, vous ! Vous ne me connaissez pas ? Vous ne m’avez pas reconnu ? Tout le monde me connait dans ce Gabon ? Vous voulez peut-être que je vous fasse virer pour vous apprendre la vie ! Espèce de bon à rien ! Appelez-moi le directeur. Je ne traite pas avec des types de bas étages. », Vocifère le type.

Je le regarde et mine de rien, je l’aurais moi aussi ignorer s’il était venu vers moi. Ce type est aussi insignifiant que le costume gris anthracite qu’il porte. A vrai dire, le costume semble beaucoup trop grand pour lui dont on imagine le corps tout frêle.

Je décide de ne pas m’hasarder à regarder l’homme. Ma curiosité pourrait me créer des problèmes. Je passe donc, me contentant de saluer de la main, le jeune homme à la réception, lui souhaitant par mon sourire, du courage. Là, cet homme obséquieux qui apparemment se prend pour le centre du monde, se met à hurler après moi :

« Hey, vous là ! Pourquoi vous prenez vous pour faire des grimaces dans mon dos ? Vous savez qui je suis moi ? Vous voulez que je vous apprenne la politesse ? Revenez ici quand je vous parle ! »

Je me retourne et regarde dans sa direction. Je vois un homme banal, sans intérêt, le visage émacié, amaigri semble-t-il par la fatigue et peut-être la maladie. Qui est ce type qui se croit pour le roi du monde ? Vu que tout le monde est censé le reconnaitre, je suppose que c’est l’un de ces idiots qui se croient au-dessus de tout parce qu’il aurait un titre, un grade ou un lien de sang avec les gens de la République. J’ai envie de lui dire mes quatre vérités, histoire qu’il comprenne que je ne suis pas à son service. Je me retiens car arrivant à l’extrémité de la pièce, Arcèle Adolpe Amoniè, me fait signe de me taire. Ses yeux sont suppliants. Je comprends alors que je dois faire gaffe. Je lance donc à mon « agresseur », avec le plus beau des sourire un : « Sorry mister. I’am not gabonese. »

Le type sourit, toussote et appuie sur les mots en disant :

« Encore une pute camerounaise. Vous fuyez les plages de Limbé pour venir vendre vos charmes ici. Les contrôles aux frontières deviennent laxistes, ma parole ! »

Bien. Je vois que  j’ai affaire à un triple idiot. Je tourne les talons et décide de sortir de là. J’entends alors ce grossier personnage me lancer :

« Je n’ai pas fini. Je paie vos services en dollar. Il vaut combien votre cul ? »

Je ne m’offusque pas, me contentant d’avancer et de sortir alors que cet imbécile peste contre ces putes qui se prennent désormais pour des reines.

Qu’est ce qui ne faut pas entendre ! Comment est-ce possible d’être aussi mal élevé ?

Je sors. Je me laisse accueillir par cet air frais qui me caresse le visage. Je me sens un peu mieux au bout de quelques minutes et vais m’installer sur une chaise longue au bord de la piscine. Là, quelques instants après, le réceptionniste qui s’est fait insulter comme un enfant, arrive vers moi. Il semble contrarié. Il m’approche et poliment me dit :

« Madme Anderson, je vous apporte cela de la part de ce monsieur. Il n’est autre que Bertrand Makaga. Le grand Bertrand Makaga. »

« Je suis désolée pour vous, jeune homme, mais je ne sais pas qui est ce monsieur. Tout à l’heure en lui parlant, je ne feignais pas de l’ignorer. C’est bien simple, je ne le connais pas. »

« Oh ! Je comprends. Vous venez surement de loin, c’est normal. Ce type est simplement une plaie. Mais ne le répétez à personne. C’est un être exécrable. Et nous sommes obligés de l’accueillir dans cet hôtel parce qu’il le désire et paie grassement, alors même qu’il a de nombreuses villas dans Libreville. »

« Je ne comprends pas ! Pourquoi venez-vous me raconter tout cela alors que je viens de vous dire que je ne connais pas ce monsieur ? »

« Ah ! Euh… Je viens à vous car il a laissé ça pour vous. », fait le réceptionniste en me tendant une enveloppe A4 de couleur blanche.

Je me saisis de l’enveloppe en question, sans trop bien savoir ce qu’elle contient.  Je l’ouvre et remarque de l'argent. Le réceptionniste s'écrie alors:

« Merde alors ! Seigneur Jésus ! Ce type est aussi fou qu’il est détestable. Il doit y avoir au moins 1 million dans cette enveloppe. »

Je regarde et à vue d’œil, il doit y avoir plus. Cinq grosses liasses de billets de 10 milles francs cfa. Du neuf.

« Ce type sort surement d’un asile psychiatrique ! », fais-je en refermant l’enveloppe.

« Oh ! Il mérite bien une place dans un asile pour fous mais il n’y mettra jamais les pieds. Seule la mort nous débarrassera de cette vermine. »

...CA VA SE SAVOIR