Chapitre 24
Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
Il est 20 heures cette nuit là quand l'attaché de l'ambassade
m'appelle et me dit :
« Madame Anderson, je suis heureux de vous annoncer que la
plainte contre vous a été retiré. Je viens d'en être informé. »
Je ne m'étonne de rien et me contente de dire :
« Merci. Merci pour tout. »
Je lève alors mon verre en direction de Salima et lui dis :
« Je ne sais pas comment Pédro s'y est pris, mais voilà :
plus de poursuites contre moi. Même si toute cette affaire n'aurait abouti à
rien, cela m'aurait quand même pas mal embêtée. »
Nous sommes là toutes deux à une réception donnée dans une luxueuse
villa par l'un de nos futurs clients, que Salima a réussi à introduire dans
notre portefeuille : l'entrepris : NecPlus System. L'ambiance est
conviviale, tenue correcte exigée, champagne, vin blanc et autres liqueurs
coulant à flot. Là, alors que je discute avec Salima et Alexandre Mba-Ntoum, un
banquier de la place, je vois arrivé, Clyde, le meilleur ami de Jalil. Il me
sourit et nous salue poliment. Là, il me dit :
« Puis-je te parler un instant ? »
Je laisse Salima et suis Clyde qui me dit :
« Je suis venue en coup de vent car il me fallait honorer
cette invitation pour des raisons professionnelles. »
« Oui, je comprends. Si mes souvenirs sont bons, Clyde, tu ne
m'as jamais beaucoup aimée. Jamais tu ne m'a porté dans ton cœur. Pourquoi
veux-tu me parler maintenant. »
« Je tenais à te demander pardon pour tout ce que j'ai pu dire
sur toi autrefois. Mais il faut me comprendre, Marlène. »
« Merlie ! Tout le monde m'appelle Merlie. »
« Il faut me comprendre, Merlie. Tu étais attachée à ce Nyama
qui aurait flingué Jalil s'il vous avait surpris tous les deux au lit. Te
souviens-tu de ce jour où Jalil a dû passer toute la journée sous le lit parce
que Nyama était arrivé à l'improviste ! Mon frangin a dû vous écouté faire
l'amour toute la journée. Imagine comment cette histoire a pu le
traumatiser !!! Alors, quand Victoire est rentrée dans la course, oui, je
l'avoue, je l'ai poussé à se jeter dans cette relation sans se poser de question, parce qu'elle était libre. La
preuve, ils n'ont pas attendu longtemps pour se marier. »
« Où en sommes-nous aujourd'hui ? »
« C'est le sort qui s'acharne sur elle. Elle aurait eu des
enfants, que jamais leur couple n'aurait bu la tasse comme c'est le cas
aujourd'hui. Bref, je suis triste pour eux ; je suis triste qu'elle ne
sache plus gérer ses colères et en arrive parfois à des extrêmes. Mais je pense
quand même que Jalil et toi, cela aurait été impossible. Nyama vous aurait
tués. »
« Bien ! Passons. Ma vie m'a menée ailleurs et je n'ai
pas envie de revenir sur le passé. »
« Je comprends. Je tenais tout de même à te présenter mes
excuses et surtout à te féliciter pour tout ce que tu as accomplis. Nous avons
tous fait du chemin, depuis les matitis. J'ai eu beaucoup de chance en tombant
sur Malaïka. Sans son aide et son soutien, jamais je n'aurais eu mon bac ni ne
serait allée faire des études à l'étranger. »
« Oh ! Malaïka et toi êtes toujours ensemble ? C'est
avec elle que tu es marié ? »
« Oui. Nous attendons notre premier enfant. Cela n'a pas été
évident pour elle. Sortir avec quelqu'un de 5 plus jeune qu'elle et le prendre
en charge ! Ses parents en ont perdu leur latin et lui ont coupé les
vivres. Mais comme elle travaillait, elle s'est accrochée à moi, m'a payé mes
études et aujourd'hui, elle en récolte les fruits. »
« Je vois. Je suis contente pour vous. »
Je ne m'attarde pas trop sur cette histoire car Malaïka, je ne la
connaissais que par les récits que m'en faisais Jalil. Elle et moi n'avions
jamais été amies, ni ne nous étions vraiment jamais rencontré car son père, un
homme de la république lui aussi, était une fréquentation de Nyama. Bref, une
longue histoire.
« Je vais te laisser et repartir vers mon amie. »
« Attends un instant Merlie. Il y a quelque chose que je dois
te demander. »
« Oui, quoi ? »
Il semble hésiter un instant, puis regardant à gauche à droite
comme pour s'assurer que personne ne nous écoute, il me dit :
« Depuis quand ta mère est-elle dans le réseau panthère
rouge ? »
« Qu'est ce que s'est panthère rose ? »
« Oh ! Les panthères sont gabonaises. Rouge est la
couleur sexuelle. C'est un réseau de placement de prostituées. Le cousin de
Malaïka est haut gradé dans la police de l'immigration ; il a fait
récemment quelque stage à Interpol. Donc, quand je m'ennuie parfois, je vais
discuter avec lui et il m'aide sur certaines affaires quand j'ai besoin de
faire venir des experts informatiques étrangers et que je n'ai pas envie de
m’embarrasser de paperasses et de tout le reste. Bref... il travaille actuellement
sur ce dossier qu'ils ont baptisé panthère rouge. C'est un libano-gabonais et
deux complices étrangers qui sont à la base de tout cela. Ils recrutent des
femmes d'un certain type physique pour les placer à Dubaï auprès d'émirs et
autres pontes arabes ou autres. Il se trouve que le téléphone du responsable de
ce réseau est sur écoute depuis 6 mois. L'immigration est en passe de faire
tomber le réseau en contrôlant le départ des femmes qui sortent d'ici. Et,
comme ça bêtement, j'étais dans le bureau ce matin avec le cousin de Malaïka
quand il énumérait les noms de femmes suspectées de partir vers Dubaï pour ce
réseau en question. Il a dit ce nom qui a fait TILT dans ma tête. Albertine
Malanga. J'ai tourné ce nom dans ma tête toute la journée, jusqu'au moment où
je me suis souvenu que c'était le nom de ta mère. Là, j'ai poussé la curiosité
à demandé à mon beau-frère de se renseigner sur elle. Et paf, voilà qu'il me
rappelle moins d'une heure après pour me dire, que cette Albertine Malanga est
effectivement programmée sur un vol South Africain Airways qui décolle à 23h et
qu’ensuite arrivée à Johannesburg, elle prend un vol Emirates pour Dubaï.
Depuis quand se prostitue t-elle ? »
Les bras m'en tombent. Je le regarde droit dans les yeux et lui
demande :
« Tu es sûr de ce que tu dis ? Un réseau de
prostitution ??? Elle m'a dit qu'elle voyage cette nuit pour aller
rejoindre à Dubaï un ancien amant qui l'a relancé il y quelques jours ? Le type lui a même
envoyé une grosse somme d'argent par Western Union pour qu'elle se fasse jolie
et je ne sais quoi d'autre ? »
« Oh ! J'espère m'être trompé en disant qu'elle y va pour
ce réseau. Je l’espère, ma chère. Il paraît que le réseau est déjà fortement
opérationnel au départ du Cameroun et de Guinée équatoriale. Pour le Gabon, ils
en sont aux balbutiements. Si j'étais toi, j'irais parler à ma mère pour rassurer. »
Je le regarde sans trop comprendre ce qui se passe. Puis, je lui
dis simplement :
« Merci pour l'information. Elle ne doit surement pas savoir
ce dans quoi elle s'engage. »
« Hum ! Elle t'aurait donc menti à propos de cet
ex-amant ? »
« Elle en est capable, en effet ! »
« Agis si tu ne veux pas la perdre. »
« Mais dis-moi, que deviennent les filles qui
partent ? »
« Oh, elles y séjournent 10 jours, à travailler non stop. Puis
elles reviennent avec leur pactole plein la valise, semble t-il. Ça c'est pour
les chanceuses qui arrivent à tirer
leurs épingles du jeu. Les moins chanceuse finissent mendiantes dans les rues de
l'émirat, parce qu'elles n'auront pas satisfait aux exigences des
clients. »
« Ça donne froid au dos. »
« A qui le dis-tu. Mais, excuse-moi. Je n'ai pas envie de te
juger mais, comment se fait-il que ta mère en arrive à se chercher des amants
riches, à son âge, a lors que semble t-il, tu réussis très bien dans la
vie ? Tu pourrais la mettre à l'abri du besoin, malgré tout ce qu'elle t'a
fait endurer comme mal. Je veux dire, la résilience, cela existe. Tu la
détestes toujours autant ? »
« Je n'ai pas de réponse à ta question ! », dis-je
irritée.
« Désolé de t'avoir blessée. J'espère que ça ira pour elle.
Désolé, il faut que je me sauve. Je dois me reposer. J'accompagne une amie à
l'aéroport à 4h du matin. Elle prend l'avion pour Dakar. J'ai été ravi de
discuter avec toi. »
« Merci. Bonne soirée à toi. »
Là, il s'en va et je retourne vers Salima. J'arrive là et lui
dis :
« On y va. J'ai une affaire de haute importance à
régler. »
Nous partons après avoir dit au revoir à nos hôtes.
Nous nous installons toutes deux à l'arrière de cette voiture Land
Cruiser conduite par notre chauffeur. Là, je raconte à Salima ce que m'a confié
Clyde.
« Son info est sûre ! »
« Oui. »
« Hum ! Dans ce cas, laisse-moi agir. Tu peux venir avec
moi, mais je t'exhorte à garder le silence. Sommes-nous d'accord ? »
« Ok. Quel est ton plan. »
« Tu verras une fois fait. Mais tout cela me donne à penser
que les prêtres disent vrai à l'église quand ils nous abreuvent de toutes ces
parole là : aimons-nous les uns les autres comme le Christi nous a
aimé. »
« Que veux-tu dire par-là, Salima. »
Elle me regarde droit dans les yeux et me dit :
« Je pense qu'est arrivé le moment de faire la paix avec ta
mère, la paix avec ton passé. Je pense que pour l'équilibre et le bien de tous,
tu devrais enterrer la hache de guerre et la prendre comme elle est. Je ne dis
pas que vous devez devenir les meilleures copines du monde, non. Je dis
simplement que tu devrais apprendre à la prendre pour ce qu'elle est : une
pauvre femme perdue qui ne sait plus où elle en est. Parce que pour se
retrouver à faire ce qu'elle a fait ce matin dans cet hôtel alors qu'elle a 52
ans, c'est juste borderline. Mais le fait qu'elle s'envole peut-être vers la
prostitution, ma chère, rien que pour ça, ton cœur devrait être en train de
chercher à recoller quelques morceaux. Dis-moi que tu es bousculée à l'idée
qu'elle se retrouve là-bas ! »
« Je ne suis pas insensible, si c'est ce que tu veux
savoir. »
« Ok. Dans ce cas, dis-toi que si tu dors désormais dans de
beaux draps, que tu peux voyager autant que tu veux et que t as le sourire de 3
merveilleux enfants pour t'accompagner, tu peux donc tendre une branche
d'olivier à ta mère en signe de paix. »
Entendant cela, mon cœur est légèrement bousculé. Je n'en suis pas
à vouloir prendre cette Albertine Malanga dans mes bras mais j'aimerais lui
éviter de potentiels déboires à l'avenir.
« Je comprends ce que tu veux dire, Salima. »
« Bien. Commence à réfléchir au montant que tu es prête à
dépenser pour lui offrir une maison, histoire de la stabiliser et lui passer
l'envie de se jeter de nouveau, dans ce panier de crabes, comme elle l'a fait
ce matin. Rien que d'imaginer 5 mecs en érection face à elle, j'ai envie de
gerber. Seigneur ! Je me serais bien passé d'une telle aventure. »
« A chacun ses parents, n'est ce pas ? »
« En effet ! Vu comment ma pauvre musulmane de mère était
coincée au point de fuir mon italien de père qui était très porté sur le sexe,
je peux t'assurer qu'en effet, chaque mère est différente. », conclut mon
amie.
Quand nous arrivons au parking de l'aéroport international Léon
Mba, nous descendons rapidement. Nous avançons dans le hall de départ. Là,
Salima passe la tête vers la porte menant à l'aire d'enregistrement puis me
dit :
« Elle enregistre. Nous n'avons qu'à l'attendre là. Mais c'est
comme je te l'ai dit. Je ne veux pas t'entendre une seule fois. »
« Ok, j'ai compris. »
Nous arpentons tranquillement le hall attendant d'apercevoir ma
mère sortir de l'aire d'enregistrement. Cela est chose faite dix minutes plus
tard. Elle est belle comme une diva : sapée, coiffée, maquillée. On dirait
qu'elle voyage pour aller participer à un gala de mode. Quand elle nous voit,
son sourire s'illumine comme si elle voulait se faire valoir. Elle arrive vers
Salima et lui dit :
« Oh, vous trainez par ici ? Vous chercher des blancs pour
la nuit ? »
Salima sourit et lui dit :
« En effet ! Je cherche mon bonheur. Qui sait si je ne le
trouverai pas ce soir ? Alors Albertine, puis-je vous inviter à prendre un
verre avant le décollage de votre avion ? »
« Tout à fait. On embarque dans 1 heure et demie. On peut
monter. Moi je veux une petite Heineken. »
« Ok. Je vous l'offre. Tu viens avec nous, Merlie. »
J’acquiesce et les suis. Je garde le silence en montant l'escalier.
Quand nous arrivons au café à l'étage, Salima passe commande, offrant 2 petite
Heineken à ma mère. Elle prend un verre de vin blanc et moi, un tonic indien.
Elle se met à discuter avec ma mère, comme si c'était de vieilles copines. Elles
en viennent même à s'inventer une liaison avec le banquier de la famille du roi
d'Arabie Saoudite. Ce banquier lui aurait offert son premier séjour à Dubaï,
dans le plus luxueux des hôtels.
« Ils savent y faire, là-bas ! Ils savent comment prendre
soin d'une femme, autant au lit que dans la ville. Tout cet or dont cet homme
me paraît. C'était le pied. »
Là, je vois madame Albertine
Malanga sourit et confier à Salima :
« Oh ! Je vais sûrement gouter à tous ces plaisirs. Il se
trouve que celui qui me paie le séjour à Dubaï veut me placer avec un magnat du
pétrole qui lui a demandé une femme mure qui a tout ce qu'il faut. Et comme
toujours ma poitrine parle pour moi, il mourra une fois que j'aurais dégrafé
mon soutien-gorge. Je suis impatiente d'être là-bas car on m'a effectivement
dit qu'ils offrent beaucoup de bijoux et de l'argent quand ils sont satisfaits.
En tout cas, mon ami m'a bien dit que je reste 15 jours dans une grande suite
d’hôtel à la disposition de ce milliardaire et qu'ensuite en rentrant au Gabon,
je pourrai tranquillement me payer une villa. Alors, je dirai bye bye au balais
brosse et à la serpillière. »
Elle sourit alors que Salima lui lance en levant son verre :
« Je trinque à votre santé, Albertine. Je vous souhaite un
très bon séjour là-bas ! »
Moi qui pensais que mon amie lui demanderait pourquoi elle nous a
dit qu'elle allait là-bas rejoindre un ancien amant, je suis perdue. Je regarde
le spectacle qu’elles m’offrent. On dirait vraiment de grandes copines. Je
manque d'étouffer quand ma copine en arrive à demander des conseils d'ordre
sexuel à ma mère.
« J'espère que cela ne vous dérange pas, Albertine. C'est
juste que je cherche vraiment l'amour, l'homme de ma vie, quoi. J'aimerais
pouvoir le retenir et le satisfaire autant au lit que dans la vie de tous les
jours. Ce n'est pas évident, parfois. »
Là, il semble que ma mère soit de plus en plus d'étendue. Elle se
lance alors dans des conseils de son cru, allant même jusqu'à décrire l'acte
sexuel et le moment propice pour montrer à un homme de quoi on est capable. Les
détails sont tellement crus et livrer de façons brute appelant bangala un sexe,
et autres expressions du genre, que j'aurais peut-être r i si cette femme
n'était pas ma mère.
Là, je me demande pourquoi mon amie va aussi loin. Mais je ne pose
aucune question. Le temps passe, jusqu'au moment où est appelé le vol de ma
mère.
« Bon, Albertine, je suis heureuse que nous ayons pu discuter.
Nous sommes partis du mauvais pied et je me rends compte que je serais passée à
côté de quelqu'un de génial si je n'avais pas brisé la glace entre nous. »
« Ma fille, ça été un plaisir de te parler. Il ne faut pas te
laisser influencer par toutes les conneries qu'Azizet a pu te raconter sur moi.
Elle ne sait rien des difficultés de la vie de femme, que j'ai dû affronter
depuis que je suis venue au
monde. Bon, je descends. Je ne veux surtout pas rater cette étape de ma
vie. »
Elle se lève. Salima lui fait la bise. La voilà partie.
Je regarde mon amie et lui dis :
« Etais-je obligée de faire souffrir mes
oreilles ? »
« Oui. Il fallait que je déjoue sa vigilance. Elle n'ira nulle
part ! », fait-elle en me
montrant le passeport vert qu'elle tient en main.
« Dis donc ! Comment as-tu réussi à le lui
voler ? »
« Oh ! Je me suis souvenu des tours de passe-passe dont
mes frères usaient pour piquer des sous dans le sac de maman. Allez viens. J'ai
envoyé un message tout à l'heure à Pédro pour qu'il rapplique ici. Il déposera
ta mère une fois qu'elle aura compris que cet avion partira sans elle.
C'est ainsi que nous descendons et partons de l’aéroport, sans nous
retourner.
« Et comme je te le disais, tout à l'heure, réfléchis au
montant dont tu t’amputeras pour offrir cette maison à ta mère. », me
lance Salima alors que nous sommes dans la voiture, en direction de notre
hôtel.
« Et si nous sortions danser au lieu de rester enfermées à
l’hôtel ? », lui dis-je.