Chapitre 26
Ecrit par sokil
Chapitre 26 :
C’est tout le monde qui nous regardait, plus personne ne parlait, tout le monde attendait qu’on le fasse… Assis juste en face de moi, il fut poussé et motivé par les siens qui l’encourageaient à se lever, de force ; et moi pareil, poussée de force par Fred et Sidonie, nous nous levâmes au même instant. C’est à ce moment là que tous les deux, mus par ce désir énorme de s’expliquer, ou de l’entendre me donner des explications qui tiennent la route, nous nous rapprochâmes tous les deux, plus près, encore plus près… Jess me prit les deux mains, je ne levais pas mon regard vers lui de peur de flancher ; non il ne fallait pas que je cède ! Non !
- Non !!! Ne me touche pas ! Tu n’es qu’un lâche !!!
- Chérie ! Chérie s’il te plait, laisse-moi t’expliquer…
Il se mit à genoux, devant moi, et devant tout le monde… Tout ce monde nous regardait, silencieux sans rien dire ! Ils attendaient le moment crucial, on aurait dit des téléspectateurs devant un match de foot où l’un des joueurs était sur le point de marquer un but ! Sa manière de me supplier me fit un petit pincement au cœur…
- Relève-toi ! Ce n’est pas de cette façon que tu vas m’amadouer !
- Je te demande pardon mon cœur, je t’aime !
- Tu n’es qu’un menteur ! Tu avais une vie de couple et moi je …
- Oui c’est vrai, je vivais avec la mère de mes enfants, je l’avoue, mais je suis venu te dire que … J’ai fais mon choix, et c’est toi la femme de ma vie…
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Fred me secoua par l’épaule, je mis du temps à me rendre compte que je m’étais laissée emportée pendant quelques secondes dans une sorte de mirage, heureusement ! C’aurait été trop facile pour lui.
- Jaïda ! Qu’est ce que tu as ? Tu m’entends ?
- Je… Excuse-moi, j’étais … un peu perdue !
Il ne manquait plus que ça ! A peine il fit son apparition que je crus que j’allais avoir une attaque, mais non, ce ne fut pas le cas ; à peine il était entré que je laissais libre court à mon imagination, celle de la suite des événements, où le malheureux apparaitrait justement la tête baissée et la queue entre les jambes, et venir jouer ce que je qualifiai tout simplement de subterfuge ; ce n’était qu’un théâtre monté de toutes pièces. J’imaginais déjà ce qu’il me tiendrait comme discours. C’était la première fois que je le voie sous cet angle, en compagnie des membres de sa famille. Timide et réservé, il était entré maladroitement et avait salué l’assistance à voix très basse ; on l’invita à prendre place et au même moment, nos regards se croisèrent…
Le mien était si foudroyant et plein de rage, tandis que son regard à lui était empreint d’une gêne et d’une honte et dont il se senti encore plus intimidé; mais ça ne l’empêcha de le maintenir par moment, ce regard implorant. Bien qu’étant abasourdie par cette apparition, et bien que m’étant imaginé la scène des explications qui allait suivre, je restai de marbre. Il était à abattre, le mot avait toute sa place ; la balle devrait l’atteindre en plein cœur. Mais ne souhaitant en aucun cas la mort de mon prochain, je décidais plutôt d’interrompre ce manège, de ne pas l’écouter, mais surtout de ne dire aucun mot.
- Papa ! Je … Je n’ai rien à dire ! Il faut tout arrêter ! Je ne peux pas ! Ce sont des histoires, il est venu pour m’amadouer… Je connais tout ça, ce sont…
- Reste assise et calme toi !
- Mais je n’ai rien à dire…
- Tu n’auras donc rien à dire, laisse les parler !
Pendant que je disais à mon frère à voix basse que je n’avais nullement l’intention de les écouter et encore moins de dire un mot, l’oncle de Jess rajouta par la suite.
- Jessé que voici nous l’a demandé, de venir auprès de vous implorer votre clémence ! Il a beaucoup insisté là-dessus… Mais nous savons qu’il vous doit à tous des explications ; d’un autre côté nous avons tenu une assise avec lui, à huis clos, lui faisant part de notre mécontentement ; il ne côtoie personne quand il vient ici, il vit en retrait et croit que le monde ne tourne qu’autour de lui ; mais il a compris, et c’est lui-même qui est venu vers nous, c’est lui-même qui a prit cette initiative de vous tenir au courant de tout ce qu’il a l’intention de faire ; il y a un proverbe qui dit que : « Les erreurs sont toujours pardonnables ; seulement si celui qui les a commises a le courage de les admettre » ; Jessé a reconnu et c’est notre fils, nous lui avons pardonné et nous avons accepté de l’accompagner ; mais nous ne pouvons pas transmettre mot pour mot ce qu’il a l’intention de vous dire à sa place, si c’était le cas nous l’aurions fait ; lui-même le fera et nous pensons que c’est mieux ainsi.
Fred prit la parole avant.
- Permettez-moi de vous dire que nous acceptons volontiers qu’il s’explique devant nous tous ! Bien que les choses ne seront pas faciles ; je dis et je le répète, elle est notre bien le plus précieux, qu’il réfléchisse et tourne bien sa langue sept fois avant de sortir un mot de sa bouche.
Pas une seconde je n’ai détaché mon regard si enragé, tendu et menaçant envers lui, si bien qu’à un moment donné, il finit par baisser longuement la tête avant de la relever ; mais c’était peine perdue, mon regard était toujours aussi poignant. Il s’était fait tout petit sur son siège ; il ne remuait presque pas, de peur de faire un geste gauche qui attirerait l’attention de tous. Lorsqu’on lui donna enfin l’occasion de s’exprimer, il prit la peine de se lever. Lorsqu’il prit la parole, aucun son ne semblait vouloir sortir de sa bouche ; presque toute l’assemblée lui intima l’ordre de parler plus fort.
- Weee ! Parle plus fort !!! Hausse le ton ! Tu n’es pas dans ta chambre ici !
Il finit par se racler la gorge comme pour nous signifier que ce n’était pas de sa faute.
- Bonsoir à tous ! Je… Je … Déjà je m’excuse de vous avoir tous mobilisés ici ce soir… Mais… C’est … c’est uniquement dans un but précis ! J’ai… j’ai décidé comme ça, de le faire parce que j’ai compris, je me suis rendu compte à quel point on ne peut pas vivre comme je le fais là dans une sorte d’autarcie ! C’est vrai, je le reconnais, je suis longtemps resté fermé et je me suis tenu éloigné de tout le monde… Je ne me suis pas vite rendu compte que cela vous affectait tous, et que cela me pourrissait l’existence… Je ne le savais pas, je ne voyais pas les choses sous cet angle là ! Je n’ai fais qu’à ma tête et je croyais pouvoir contrôler tout, tout seul ! Mais non ! J’ai justement besoin de vous, j’ai parfois besoin de votre soutien, pas matériel, mais juste des paroles et des conseils qui pourront m’aider dans le futur. J’ai longtemps causé avec papa durant tous ces derniers mois, c’est d’ailleurs grâce à lui que j’ai pu admettre et comprendre certaines choses… (Il baissa la tête, puis prit une profonde inspiration avant de continuer) C’est pour ça que je suis venu ici ce soir, mais aussi pour m’adresser à toi Jaïda, te… te dire que… que tout ce qui a pu arriver est entièrement de ma faute ; je t’ai rejetée, je t’ai repoussée, je n’ai pas voulu t’écouter, je n’ai pas voulu partager avec toi ce qu’il y avait de plus précieux, nos projets ! Je t’ai fais croire des choses alors que je savais ce que je faisais ! Je t’ai raconté des histoires pensant te tenir éloignée de moi, je t’ai menti … Et toi tu n’as fais que me croire, espérer et patienter… Je t’ai bercé d’illusions alors que moi je savais ce que je faisais… Je ne viens pas comme ça pour de te demander de me pardonner et d’oublier, c’est vraiment trop facile ! Mais je viens quand même te demander de me pardonner et je viens surtout te dire que mes sentiments n’ont jamais changés, ils sont les mêmes depuis le premier jour jusqu’à présent et…
Il fut interrompu par les bruits, les murmures que les uns et autres se mirent à faire et aussi par les claquements des mains de part et d’autre. Agacé, Fred ordonna à tous de se taire.
- Silence !!! Vas y continue, dis nous, qu’as tu l’intention de faire ? Tu es venu pour t’expliquer, et je pense que tu dois aller en profondeur ; tu nous as tous réunis ici ce soir pour ça, alors je pense que rien ne doit se cacher, ne survole pas, explique nous concrètement ce qui t’a poussé à revenir ! C’est trop facile ! Hein ? On est tous d’accord !!!
Toute l’assemblée, mais surtout les membres de ma famille acquiescèrent et lui ordonnèrent d’y aller en profondeur. Comme un accusé coupable d’un meurtre dont il niait les faits, Jess tenta de le faire tout en donnant toutes les raisons possibles ; il était troublé et perdu dit il ; il n’avait jamais souhaité que je perde le bébé ! Et bla bla !
- Je retire mes mots, j’étais partie coupable, même si je ne m’y attendais pas je devais prendre mes responsabilités, je ne l’ai pas fait, j’étais complètement troublé ! Je n’avais pas et je n’ai jamais eu de vie de famille ; ce jour là quand toi et moi on se parle au téléphone, je suis allé rendre visite à mes enfants… Ils considèrent leur grand-mère comme leur maman…Je ne t’ai pas menti au sujet de leur mère, elle est morte en donnant naissance à ma fille…
- Et c’est ça qui te fait disparaître pendant un an ? (Demanda Fred incrédule)
- Oui en quelque sorte…On peut dire… Je n’étais pas fixé ; je me sentais perdu…
Petits remous dans l’assistance. Fred se tourna vers moi, et à travers son regard interrogateur, je déduisis qu’il voulait savoir si j’avais quelque chose à dire, je secouai la tête pour dire non.
Il reprit la parole.
- Eh bien Merci Jessé d’être venu, et de nous avoir éclairé en quelques mots sur ce sujet … Notre fille comme je l’ai dit et je le répète elle nous est très chère…
Au même moment, l’oncle de Jess reprit la parole.
- C’est vrai votre fille vous est très chère, mais elle l’est encore plus aux yeux de Jessé ! Il n’arrive peut être pas à s’exprimer comme il faut, mais c’est ce qu’il nous a dit dès le départ alors… Si votre fille qui est également la notre pouvait s’exprimer en quelques mots pour nous dire ce qu’elle pense de tout ça, mais beaucoup plus ce qu’elle pense de lui Jessé, nous aimerions savoir s’il y a de fortes chances qu’il puisse espérer…
- Mes chers confrères, chère famille Mbela ! La famille Badjeck, toute aussi grande que la vôtre représente valablement cette fille ! Vous savez très bien comment cela se passe… Elle ne peut donc pas s’exprimer !
- Nous vous comprenons très bien ! Mais en tant que représentant de la grande famille Mbela pouvez nous dire ce qu’il y a donc lieu de faire ?
- Nous n’en savons rien ! C’est à vous de voir !
Ils semblaient tous désemparés ; je jetais un coup d’œil rapide en direction de Victor, de ses frères et sœurs, ils s’agitaient dans tous les sens. Jess lui, très calme, et complètement perdu, prit son courage à deux mains et se leva. Ce qui fit taire tout le monde. Il me regarda droit dans les yeux et ¨prit la parole.
- Chérie… Ecoute je ne suis pas l’homme le plus parfait ! Mais tout ce que je sais c’est que je t’aime… Si j’ai eu a disparaître et à me taire pendant près d’un an c’est parce que le courage me manquait ! Je manquais énormément de courage et je savais que tant que je ne devais pas faire les choses correctement, je ne pouvais pas avoir cette force là de venir te le demander ce soir… Il m’a fallu du temps et de la motivation, mais il fallu ce courage pour réunir tout ce beau monde ; tu me connais, tu es la seule qui me connaisse dans ce sens, tu sais que la foule me stresse, mais j’ai compris qu’il fallait que je procède ainsi pour te faire comprendre que mes sentiments sont réels, je l’ai fait pour qu’ils sachent tous que je suis venu non pas seulement pour implorer ton pardon, mais aussi pour te demander … De m’épouser ! Je n’ai pas eu de compagne comme je t’ai laissé croire ; j’ai toujours vécu seul ! Même s’il m’est arrivé d’avoir une amie à la maison qui s’est fait passer pour je ne sais quoi ! Demande à mon oncle Yves, il l’avait trouvée et je peux te jurer qu’il n’y a rien eu entre nous ! Je te demande pardon ! S’il te plait… Acceptes-tu de devenir ma femme ?
Il avait tendu sa main en ma direction, attendant que je lui donne une réponse…
Six lois plus tard…
- Maman Non !!! Elle ne me plait pas du tout ! Je veux une robe, comment dire… Le genre de robe avec un décolleté bien plongeant ! Tu vois ? S’il arrive que je ma marie ! Tiens ! Ce modèle ci n’est pas mal non plus !
- Jaïda !!! C’est trop osé ! Un peu de décence quand même !
- Ce ne sont que des suppositions, après tout on n’en pas là de toutes les façons !
- Mais tu viens de me dire qu’il vient de demander ta main !
- Oui, mais je ne sais pas, je ne suis pas sûre…
- Dans ce cas il faut être sûre et savoir ce que tu veux !
- Je sais ce que je veux… Je ne suis pas prête, je vais lui dire non !
- Tout comme tu as dit non à Jess !
- Exactement… Armand, je ne peux pas l’épouser, on se connait à peine, il ne s’est jamais rien passé, et il me propose ça tout de go ! Je préfère lui dire non !
Nous étions sorties ce dimanche après midi et après le culte nous avions décidé de faire un tour dans un restaurant de la place, question de nous détendre un peu. Fred était en mission pour un mois à l’étranger et de ce fait, tous nos dimanches après midi, nous en profitions pour se prélasser soit dans un hôtel, soit au restau ou encore à se faire une beauté dans les salons de coiffure, sans oublier manucure et pédicure. Nous n’avions que le dimanche elle et moi pour se retrouver toutes les deux. Armand, je le côtoyais tout simplement comme un ami et rien de plus. Il est clair que je n’étais pas amoureuse de lui et sa proposition de vouloir m’épouser ne m’arrangeait pas vraiment, alors je lui avais dit non ; j’avais fais sa connaissance il y a tout juste un mois et je trouvais tout cela prématuré, chose qu’il avait très mal pris.
- Tu penses toujours à lui ? C’est ça ?
- De qui tu parles ?
- De ton ex !
- Il ne s’agit pas de ça !
- Si ! Les signes ne trompent pas ! Mais pourtant tu as aussi refusé de l’épouser !
- C’est pas pareil !
Jess était reparti juste après; je me souviens encore de la manière dont je lui avais répondu devant toute l’assistance, je l’avais laissé en plan ; il m’avait tendu sa main, il attendait une réponse… Tout le monde s’était tu, tout le monde attendait de voir ma réaction. J’avais trouvé cela trop facile, qu’il revienne et que d’un simple claquement de doigts, que je me jette dans ses bras ; non c’était trop facile pour lui ! Il était resté debout devant tout le monde, tout penaud et ne sachant quoi faire ; je finis par dire quelque chose à l’oreille de Fred, je me levais et m’en allais ensuite sans me retourner. Jess venait de recevoir le choc de sa vie, l’humiliation totale. Le connaissant, la pilule lui serait tellement dure à avaler, mais j’avais préféré prendre le risque d’agir de la sorte. Fred en bon diplomate leur fit part de sa profonde désolation et les calma par la suite.
Ce soir là en remontant dans ma chambre, je m’adossai un coup sur la porte que je venais de refermer tout doucement ; je respirai un grand coup ; je venais de le frapper directement, il venait de recevoir ma réponse en plein fouet devant tout le monde ; Je venais de refuser de lui donner ma main. Il avait beaucoup insisté ce soir là, en essayant en vain de me faire comprendre qu’il avait changé ; j’avais fais la sourde oreille. J’étais persuadée qu’il referait surface et qu’il reviendrait encore ! Au fond je voulais le voir ramper à mes pieds, pleurnicher et me supplier encore et encore ! Je voulais lui faire ressentir ce que moi j’avais ressenti par la suite ! Je n’attendais que ça, qu’il revienne, même si j’avais encore des doutes dans mon esprit, je voulais qu’il revienne encore s’expliquer ! Mais Jess n’était plus revenu, ni même après une, deux voire trois semaines… Il était reparti, je l’avais appris de la bouche même de son père et de son oncle
- Jess est reparti ce week – end précipitamment! Il a eu une urgence !
Ces derniers et mes parents n’avaient pas arrêté de se fréquenter, tantôt c’est l’un qui dînait chez nous, tantôt ce sont mes parents qui dînaient soit chez Victor ou encore chez Yves. Cette fois ci c’était pour de vrai, nous avions tous les deux tourné la page, je venais de l’envoyer proprement balader et il avait encaissé cela sans mot dire, sans revenir, ni même insister par la suite! On ne reparla plus de cette histoire qui avait fait couler beaucoup de salive et beaucoup d’énergie pendant plusieurs semaines ; mes parents, surtout Sidonie, m’en ont voulu d’avoir été un peu trop dure envers Jess, mine de rien.
- Il a fait amende honorable ; tu pouvais quand même lui dire que tu allais réfléchir au lieu de le larguer comme ça devant tout le monde !
- Je sais ! Ca veut tout simplement dire qu’il ne ressent rien pour moi, ça a donc toujours été le cas !
- Je ne te suis pas !
- Si Jess m’aimait vraiment, même après ce qui s’est passé à l’assise, il serait revenu ne serait ce qu’une seule fois ; il aurait cherché à me voir, il aurait encore insisté pour qu’on en parle tous les deux, mais il ne l’a pas fait, ça veut tout dire…
- Qu’aurais tu fais à sa place ? Si on t’envoyait balader devant tout le monde et qui plus est tous les membres de sa famille ? Et les tiens ? Tu nous as montré à tous que tu ne voulais plus de lui ! Il pensait bien faire, et moi ça m’a quand même touchée qu’il se décarcasse autant et surtout qu’il reconnaisse ses torts devant nous tous ! Mais tu es une grande fille à présent et je pense que si c’est ta décision, je ne peux pas t’influencer !
Je ne voulais plus qu’on en reparle de peur de me faire culpabiliser ; je voulais me donner des raisons afin de soutenir ma décision ; Jess moi c’était de l’histoire ancienne ne cessais je de me le répéter à moi-même et à tout mon entourage. Lorsque je fis la rencontre d’Armand, inconsciemment j’avais pensé que le temps m’aiderait à passer à autre chose et que peut être avec lui, si j’acceptais ses avances je serais en mesure d’oublier. Mais à la fin, j’avais compris que non seulement on ne joue pas avec les sentiments de l’autre et pire un mariage sans amour me rendrait plus malheureuse. J’avais étudié les contours de la question avant de lui signifier à Armand mon refus de l’épouser.
En six mois, les choses semblaient me sourire malgré tout ! Tout allait pour le mieux tant dans ma vie familiale et professionnelle ! Le mois de mai tirait bientôt à sa fin et bientôt s’étaient les grandes vacances. Mes parents avaient l’intention d’effectuer un voyage en Europe ; ils m’avaient invitée à me joindre à eux comme ils le faisaient chaque année, cette fois ci je j’acceptai volontiers ! J’avais l’intention de me changer les idées, et surtout, de changer d’air. J’attendais juste que mon patron me donne son accord, même s’il était déjà au courant de la proposition qui m’avait été faite par mes parents de les accompagner. Fred avait évoqué ça au cours d’un de leurs fameux repas et Victor avait tout simplement fait mine d’avoir entendu. Le fair – play qu’il avait affiché face à mon refus d’épouser son fils n’avait pas semblé l’affecter. Mais lorsqu’il apprit mon intention de vouloir prendre des congés, son air changea brutalement, n’en parlons plus au travail. Ma demande était restée en suspens durant plusieurs jours et je n’avais pas osé le relancer, préférant éviter ses sautes d’humeur brusques.
- Eh ben s’il ne veut pas te donner la permission tu n’as pas le choix, tu vas rester, c’est le travail après tout et il sait ce qu’il fait ! Ce n’est que partie remise !
- Pour une fois que je voulais vraiment partir ! Mais tu crois qu’il agit comme ça pour des raisons personnelles ? Je veux dire qu’à cause de Jess et moi !
- Ce n’est pas maintenant qu’il va manifester, sinon il l’aurait fait depuis ! C’est un type très professionnel et rusé à mon avis !
C’était peine perdue, Victor avait tout bonnement refusé de signer ma lettre de congés. Je n’avais rien dit et encaissé la décision du patron jusqu’à ce qu’il me convoque lui-même dans son bureau.
- Jaïda, j’ai vu votre lettre… Je ne l’ai pas signée pour la simple et unique raison que je dois me déplacer pour une longue période, j’en aurai pour un mois ou deux, je verrai bien ! Alors j’ai décidé que vous n’irez en congés qu’à mon retour…
- Il n y a pas de problème Monsieur ! J’attendrai votre retour !
Ce n’est que quelques jours avant son départ que je me rendis compte qu’il effectuait un voyage purement personnel. Rien à voir avec les affaires. Ce n’était que pour des raisons familiales ; il comptait faire un tour chez ses enfants en France avant de s’attarder chez Jess. Je n’avais pas bien compris pourquoi il comptait mettre autant de temps chez ce dernier ; sûrement à cause de ses problèmes qui semblaient le dépasser, me dis je tout simplement.
- Non ! C’est plus que ça !
- Attends maman ! Il a préféré me refuser mes congés parce qu’il voulait plutôt en profiter pour prendre du bon temps chez ses enfants !
- Justement c’est plus que ça ! Yves nous a dit hier soir que le fils de Jess, a été très malade durant tous ces derniers mois !
- Quoi ?
- Nous l’avons su hier soir chez eux ! Le fils de Jess a failli mourir !
- De quoi souffrait-il ?
- Il avait la leucémie, un truc comme ça ! Il nous a dit qu’il n’a fait que faire des séances de chimio thérapie et tout ça !
- Mais Victor ne nous a rien dit !
- Victor n’a pas voulu en parler tout simplement ! Avec tous les derniers événements, il a jugé bon de se taire !
- Jess non plus n’en pas parlé !
- Non, c’est bien curieux, alors qu’ils savaient tous qu’il était déjà malade !
- Je comprends son départ précipité de la dernière fois !
- C’est sûr ! Mais ça commence à aller, paraît-il ! voilà pourquoi Victor a préféré prendre des vacances !
- C’est vrai, il n’en prend jamais !
Un mois avant son retour, j’avais quand même pris la peine d’appeler Jess au sujet de l’état de santé de son fil; mais le ton neutre et froid avec laquelle il me répondit me poussa à ne m’exprimer que par des formules de politesses toutes bâclées. Un mois après, Victor revint tout ragaillardi ; ces vacances lui avaient fait du bien même si c’était pour les raisons de santé de son petit fils. Je n’avais pas manqué de lui faire la remarque et quelques compliments, sans oublier de m’enquérir de leurs nouvelles, celle de Jess et de son fils.
- Bonjour Monsieur ! Vous avez plutôt bonne mine… Et comment se porte votre petit fils ? J’ai appris la nouvelle…
- Oh ça va beaucoup mieux merci ! Il va très bien à présent, plus de peur que de mal, tout s’est très bien passé ! Il fallait quand même que j’y sois ! Jess s’est battu comme un fou, malgré la présence des autres grands parents, mais comme sa mère à lui n’est pas là, j’ai été obligé moi aussi de le soutenir un peu ! J’étais la mère et le père en même temps vous voyez !
- Oui … C’est … c’est une très bonne chose…
- Alors ! Sinon quoi de neuf? J’attends tous les rapports ! Faites vite !
- Bien sûr ! Je les apporte tout de suite !
Tout se passa ainsi dans la bonne humeur jusqu’en soirée, jusqu’à ce qu’il me retienne un peu plus longtemps.
- Restez encore, on n’a pas fini ! J’ai besoin de tous ces états, ils doivent être prêts pour la réunion de demain, ensuite vous vous en irez !
J’étais si affairée que je ne prêtai pas vite attention aux deux enfants qui passèrent juste devant mon bureau en courant, et se dirigeant vers le bureau de Victor… Je n’avais pas vite fais le lien, jusqu’à ce que je le vis apparaître à travers la baie vitrée, c’était lui-même, Jess.