Chapitre 27

Ecrit par sokil

Chapitre 27 :

 

Nous nous sommes croisés du regard avant que je ne fourre rapidement mon nez dans la paperasse.  A le voir, je savais qu’il n’avait pas encore digéré l’humiliation de la dernière fois ; la probabilité était donc de un sur mille qu’il s’arrête devant mon bureau, qu’il frappe à la porte, l’ouvre et me dise bonjour.  Ce serait trop ridicule pour lui …  Il marchait d’un pas assez lent, et tête baissée.  J’eus le temps de me redresser un peu et de le voir passer, sans daigner détourner le regard vers moi.  Son attitude me laissa quand même un peu perplexe et pensive pendant quelques secondes, mais je finis par hausser les épaules et me replonger dans le travail, pas tout à fait concentrée.  Il fallait s’y attendre et j’en étais consciente.  

Jess ne s’était pas attardé chez son père, chose qui m’arrangeait bien car je redoutais ces allées et venues en sa présence.  En sortant, je vis ses enfants lui emboiter le pas ; cette fois ci  je pris le temps de bien les observer ; le garçon avait le crâne rasé, et il était un peu maigre, sûrement à cause des effets de la chimio, il était la copie conforme de Jess.  Quant à la fille, il y avait beaucoup d’énergie qui se dégageait d’elle ; je me dis qu’elle avait sûrement beaucoup pris chez sa mère ; elle s’arrêta soudain et me regarda, d’un air bien curieux ; je détournais rapidement le visage, un peu gênée ; son père la tenait en même temps ; profitant d’un petit moment d’égarement de ce dernier, elle lâcha sa main et vint directement ouvrir ma porte !

-         Hé Beverly viens ici !  Ne vas pas déranger la dame !

Trop tard, elle ne l’écouta pas ; elle entra sans gêne et se rapprocha vers moi.  Me connaissant très sensible en présence des enfants, je fondis sur place, je me levai et me dirigeai vers elle, je m’accroupis juste à son niveau, je la serrai dans mes bras sans omettre de lui faire un petit bisou sur la joue.  S’ensuivirent alors une série de questions réponses en anglais et français, ce qui nous fit rire tous les deux.

-         Beverly viens on s’en va !  Laisse la dame travailler !

 

-         Oh non !  Ca va !  Elle ne me dérange pas !  Elle est vraiment mignonne  et très gentille !

 

-         Merci !  Tu dis au revoir ?  Tu n’as pas dit au revoir !

Elle fit demi-tour et c’est elle à son tour qui me fit un câlin sur la joue. 

-         Bye ma jolie !  Tu reviens me voir prochainement d’accord ?

Le garçon, plutôt réservé, se tenait à côté de son père et nous observait. 

-         Et toi ?  Tu t’appelle Ethan n’est ce pas ?  Viens me dire bonjour !

Il fit comme sa sœur ; je le pris ensuite dans mes bras et lui posais encore une ou deux questions, très surprise que tous les deux puissent s’exprimer en français sans trop de difficultés.

-         C’est étonnant !  Ils parlent français !

 

-         Oui !  Quand ils sont avec moi je leur parle français !  Ils seront parfaitement bilingues !

 

-         Il va beaucoup mieux, c’est rassurant !

 

-         Oui  ça va !

Pendant que les deux gosses m’observaient toujours avec autant d’intensité, leur père lui, il le faisait de manière très troublante ; lorsque ses yeux se posèrent sur les courbes de mon corps ; je le vis plisser des yeux à plusieurs reprises avant de se maîtriser et tenter d’avoir le contrôle de la situation.  Ma robe longue et moulante surtout au niveau des hanches n’arrangeait pas les choses. 

-         Bon beh !  Nous allons te laisser…  Passe une bonne soirée !

 

-         Merci ! 

Il tourna les talons sans demander son reste.  Les enfants, un peu distraits, me firent des petits signes de la main en souriant avant d’attraper chacun les mains que leur papa leur avait tendues.  Une sorte de mini guerre froide venait de s’installer entre nous.  Presque tous les soirs ou tous les deux jours à l’heure de la sortie, Jess ne manquait pas de faire un tour au bureau ; parfois il le faisait avec ses gosses, parfois il venait tout seul.  Une petite complicité s’était rapidement installée entre ses enfants et moi ; quand je les voyais ou alors quand ils me voyaient, ils accouraient rapidement dans mon bureau et m’embrassaient.  A ce moment là, je n’avais jamais le courage ni même la force de rentrer chez moi plus tôt.  C’était la seule manière par laquelle Jess et moi nous communiquions, par des jeux de phrases qui en disaient bien long.

-         Bervely est adorable…  Elle est très polie et très ouverte!

 

-         Ah oui ?  Elle ne tient pas ça de moi !  Ca c’est clair !

 

-         Ethan lui il est un peu timide… 

 

-         Comme son père…

Lorsqu’il venait seul  c’était différent !  Il ne gérait personne, encore moins ma présence ; nous étions tous les deux d’une indifférence flagrante.  L’orgueil prenait place et c’est chacun qui pensait avoir raison ; on se saluait à peine.  La tension était palpable même en présence de son père ; nous ne nous cachions pas et nous affichions chacun cette froideur au point de mettre notre entourage mal à l’aise.  Victor, ce vieux renard nous observait toujours avec une pointe malice ; un soir, il me fit appeler dans son bureau exprès ; à peine étais je entrée que Jess avait détourné son regard ; il n’avait pas pris la peine de me saluer en arrivant, j’avais juste encaissé ça comme un point qu’il venait de marquer contre moi.  Victor en profita pour attiser la flamme…

-         Jaïda !  Prenez ces dossiers nous travaillerons dessus demain matin à la première heure !  Vous pouvez vous en aller !

 

-         Bien Monsieur !

 

-         Au fait…  Vous n’avez pas dit au revoir…

 

-         Monsieur je vous demande pardon ?

 

-         Vous êtes entrée tout à l’heure et voilà que vous repartez sans dire au revoir ?

 

-         Vous parlez de qui Monsieur ?  Je vous ai bien salué en matinée…

 

-         Je parle de lui là !  Vous ne lui dites pas au revoir ?

 

-         Sauf votre respect Monsieur, je ne sais pas de qui vous parlez !

 

-         Ok !  D’accord !  Rentrez chez vous !

Moi aussi je venais de marquer un point, je venais d’égaliser.  Tout cela était bien grotesque et si enfantin, je savais que c’était mal et qu’à la fin nous finirions chacun par perdre tous les deux, mais pire nous finirions par nous perdre tous les deux !  Etant à deux doigts de flancher à chaque fois, consciente du fait que nous étions tout le temps bien ridicules, je ne parvenais par à baisser la garde, et lui pareil ; son comportement me m’était toujours hors de moi.  Je soufflais lorsque Victor me libérait plus tôt, ne voulant plus me prêter à ce genre de petite guerre.  Il pouvait arriver qu’on se croise devant l’ascenseur, et de s’ignorer tout simplement comme de parfaits inconnus ; il pouvait arriver que sa fille ou son fils veuille s’attarder un peu plus longtemps avec moi qu’il finissait toujours par montrer des signes d’impatience.

-         Vous ne voyez pas que la dame à des choses à faire ?  Ne lui perdez pas de temps !  Elle doit s’en aller elle aussi ; elle à sûrement un rendez-vous très important après le travail !

Piquée au vif !  Je ne pus m’empêcher de lui répondre toujours en présence des enfants.

-         Vous pouvez rester autant que vous voulez, votre père semble pressé, il a aussi un rendez – vous galant !  Quelqu’une l’attends quelque part ce soir !

 

-         Venez allons – nous en !

 

Ils sont loin ces moments que nous passions ensemble, le priant et le suppliant de rester encore un peu avec moi, de rester plus longtemps au pays avec moi, de venir régulièrement me voir …  Ils sont très loin à présent et ils sont parqués dans la boite aux souvenirs.  Jess à cette époque là n’avait pas le temps ni la possibilité de le faire !  Aujourd’hui nous étions en pleines grandes vacances, et il était encore au pays ; pour une fois qu’il s’attarde plus longtemps !  En un mois rien n’avait changé, tout avait empiré au point de devenir insupportable, au point où nous ne nous adressions plus la parole, même en présence des enfants.  Ca devenait pesant, gênant et  même très embarrassant pour tout le monde…

-         Maintenant nous n’avons plus le droit de fréquenter les Mbela à cause votre histoire ? 

 

-         C’est pas ce que je dis maman !  Je dis juste qu’en allant chez eux ça fait comme si on supplie je ne sais quoi !

 

-         Supplier quoi ?  Yves est un ami de longue date et non seulement c’est grâce à lui que j’ai pu m’en sortir dans mes affaires avant de me marier avec ton frère, mais n’oublie pas que c’est lui qui t’a donné ce boulot !  Sans ça tu serais toujours entrain de vendre les beignets au carrefour !  Ne l’oublie pas !  Alors un peu d’humilité et de décence ; tu viens avec nous chez lui ; il a reçu la médaille de chevalier d’honneur et nous ne pouvons pas manquer…

 

-         Je comprends, mais je…

 

-         C’est à cause de lui ?  Jess ?

 

-         Je n’ai pas envie de…

 

-         Il ne sera pas là bas !  Si c’est ça qui t’inquiète tant ! 

 

Quelques heures plus tard, nous étions si attablés chez Yves Mbela, et le temps nous ne le voyions pas passer ; l’ambiance était si bonne et conviviale, tout le monde était de la partie, Victor et son épouse, les enfants de Jess, et tout le reste de la famille, sauf lui Jess.  Assise à côté de Sidonie, elle me murmura à l’oreille.

-         Tu vois que ton type n’est pas venu ?

 

-         C’est tant mieux !  Il savait que je viendrais, c’est pour cette raison qu’il a désisté !

 

-         Peut être !  Il se serait senti ridicule devant tout ce beau monde !

Les enfants de Jess avaient accourus vers moi, ils m’avaient embrassés et manifesté beaucoup d’intérêt à ce que je me joigne à eux dans leur partie de jeux et tout ; avant même que je ne puisse donner une réponse, ils m’attirèrent de force ; le temps de jeter un coup d’œil à table et de voir tous les visages émerveillés, je m’excusai au près de tous et je me levai en trombe.  Ils voulaient tout simplement que je fasse partie de leur petit univers.  Nous étions assis avec d’autres enfants dans cette petite salle de jeux, j’avais pris la petite Beverly sur mes jambes et tandis que son frère s’adonnait à son jeu vidéo préféré ; dès qu’il put se libérer, il revint vers moi et tous les deux, mais surtout lui, il s’exclama en me disant ceci.

-         Jaïda…  Tu ressembles beaucoup à la dame qui est dans la chambre de papa !

 

-         Hein ?  Quelle dame ?

   

-         Sur la photo !

 

-         La photo ?

 

-         Oui !  Papa a une photo dans sa chambre à côté de son lit !

 

-         Et …  Il t’a dit que la dame sur la photo c’est qui ?

 

-         Il dit que …  C’est notre future mère et que c’est la …  la femme qu’il a toujours aimée !

 

-         C’est vrai ça ?

Beverly écoutait et secouait juste la tête en guise d’affirmation.  Ensuite elle dit.

-         C’est toi… notre…  mère ?

J’ouvris la bouche pour dire quelque chose, mais aucun mot n’en sorti, j’étais juste sans voix…  Je voulais leur expliquer certaines choses selon leur entendement pour qu’ils comprennent que tout cela faisait partie du passé ; mais j’entendis la voix de Jess ; elle venait du couloir, il les cherchait…  Il nous trouva assis tous les trois, je portais toujours la petite sur mes genoux.  Il était là, contre toute attente.

-         Bonsoir !  Ce sont eux que je cherche…  Venez on s’en va !

 

-         Ecoute Jess…  Laisse les encore un tout petit peu !

 

-         C’est pas à toi que je m’adresse ok ?  Venez !

 

-         Tu vas arrêter ça ?

 

-         Quoi ?  Euh…  Ethan prends ta sœur et allez m’attendre chez Papi, j’arrive !  Qu’est ce que tu viens de dire ?

 

-         Je dis que tu arrêtes ça toute de suite !  Ce n’est pas de ma faute si les enfants m’aiment !  Au moins eux ils sont sincères !!!

 

-         Ah bon ?  Parce que tu crois que moi je ne l’ai jamais été ? 

-         Je ne sais pas !  Beaucoup de choses se sont passées et ce n’est pas après un an que tu penses que tu allais revenir comme ça !

 

-         Merde !!!  Jaïda !  Je…  je t’ai demandé pardon !  Je l’ai fais devant tout le monde !  Tu sais ce que cela représente pour moi ?  Ton geste ?

 

-         Jess !  Moi aussi j’ai eu très mal, tu ne sais pas ce que j’ai ressenti par la suite ! 

 

-         Alors on est quittes !  Tu m’as rendu la pièce de la monnaie !  C’est ce que tu voulais non ?

 

-         J’ai eu du mal à digérer le fait que tu aies pensé que je t’ai piégé !  Tu m’as traitée de conne et d’idiote !  Tu m’as fais croire que tu vivais avec une autre femme !  J’ai fini par le perdre cet enfant que tu as rejeté !

 

-         Tu ne sais pas ce que j’endure depuis !  J’étais dans une mauvaise passe !  Ethan, on …  On venait de découvrir qu’il avait un cancer…  J’étais mal et le fait que tu m’annonces cette grossesse, j’ai eu l’impression d’étouffer…  J’ai passé la plupart du temps chez leurs grands parents !  J’ai failli perdre mon boulot à cause de ça !  Ce ne sont peut être pas des raisons qui tiennent …  Mais je suis revenu par la suite te demander pardon…  Je voulais que tu le saches, que tout le monde le sache, que j’étais désolé…  mais tu m’as largué comme un malpropre devant tout le monde !  J’aurai préféré que tu me le dises indirectement ! 

 

-         Moi aussi j’étais très mal !  Pourquoi tu ne m’as rien dit ?  Si tu me disais que ton fils était malade et tout le reste…Et d’ailleurs je n’ai jamais voulu te forcer à m’épouser comme tu l’as pensé !

 

-         Je t’ai demandé d’être patiente…  C’est donc la raison pour laquelle tu as refusé mes avances ce soir là ? 

C’est tout le monde qui était mal à l’aise, ce sont tous les regards qui étaient posés sur nous ; nous étions ressortis de là plus énervés que jamais ; tout le monde nous avait entendus; le ton était monté sans que nous ne nous en rendions vraiment compte.  Sur le retour, personne ne parlait dans la voiture, le silence était si gênant que je finis par sangloter en solo dans mon coin.  Ce n’est qu’une fois arrivés à la maison que Fred m’interpella.

-         Jaïda, j’ai deux mots à te dire…  Tout de suite !

Et comme un enfant prêt à être bastonné, je le suivi dans la chambre, pour écouter le discours qu’il me tiendrait à ce sujet.

-         Je vais juste te dire ceci « L’humilité précède la gloire, l’orgueil précède la chute… »  Je te prie de méditer là-dessus.

Rien n’avait changé depuis lors.  En l’espace de deux semaines j’avais fini par craquer ; la douleur que je ressentais venait du plus profond de mon cœur, plus ça saignait, plus ça faisait atrocement mal.  Plus personne ne gérait nos sautes d’humeur, tout le monde s’en était lassé, après avoir essayé à plusieurs reprises de tenter de nous réconcilier ; c’était peine perdue.  Mais en deux semaines j’avais fini par céder.  En deux semaines lui même n’était plus revenu au bureau comme il le faisait chaque soir.  Je l’attendais en prétextant que j’avais énormément de travail, il fallait que je le voie.

-         C’est son anniversaire aujourd’hui !

 

-         Qui ça ?

 

-         Jess ! 

 

-         Ah !   Au moins ça tu n’as pas oublié !

 

-         Apparemment il va fêter, j’ai entendu parler de ça au bureau toute la semaine, en commençant par son père !  Même certains collègues sont invités…  Sauf moi ! 

 

-         Tu en es sûre ?

 

-         Très sûre…  Sinon j’aurai été la première à être informée !

 

-         Et pourquoi ?  Vous n’êtes plus ensemble maintenant !  Ca ne devrait pas te choquer !   Je parie qu’il a une nouvelle copine et c’est elle qui sera à l’honneur !

 

-         Arrête de plaisanter maman, je suis sérieuse ! 

 

-         Quoi ?  Tu as si mal que ça ?

Je ne répondis pas, mais l’expression de mon visage lui fit comprendre que j’étais bien sonnée !  Je souffrais tous les jours et le fait de savoir que Jess s’en foutait me rendait encore plus malade.

-         Maman !  Si Jess était revenu vers moi ne serait qu’une seule fois, je lui aurais pardonné, mais il ne l’a pas fait au contraire il n’a fait que me narguer et prendre des grands airs !

 

-         Je ne prends le parti de personne, mais je crois qu’il a encore le souvenir de l’assise de la dernière fois où tu l’as rejeté devant tout le monde…  Je pense que c’est ça qui le freine !  C’est en même temps un gros peureux !  A ton avis qu’est ce qu’il allait faire presque tous les soirs au bureau de son père ?  Alors qu’il pouvait très bien l’attendre à la maison ?  Ils vivent sous le même toit ! 

 

-         Ah je sais ?  Il n’avait rien à faire…

 

-         Tu crois ça ?  Non il le faisait juste pour te voir, il le faisait pour toi, pour attirer ton attention !  De son côté je suis sûre qu’il pense la même chose que toi, que tu n’as justement plus envie de lui, voilà pourquoi il est sur la défensive !  Voila pourquoi à chaque fois quand vous vous retrouvez quelque part, chacun de vous explose et ça part dans tous les sens !

 

-         Ses enfants m’ont révélé quelque chose la dernière fois…  Il …  Il faut que je le voie !

 

-         Dans ce cas ne perd pas de temps, il est déjà dix huit heures et si la fête a lieu ce soir, il faut le voir avant !

 

J’avais fais aussi vite que je pouvais, la fête d’anniversaire avait lieu en soirée comme j’avais entendu dire ; accompagnée de notre chauffeur, je m’étais rendue au domicile familial et avec tout le protocole possible, je fus reçue à la guérite !  Jess n’était pas là !  J’insistai, mais ce fut peine perdue ! 

-         Non madame…  Monsieur Jessé est parti il y a plus d’une heure !

 

-         Il …  Il est parti ?

 

-         A l’hôtel…  Sa fête d’anniversaire à lieu à l’hôtel,  pas ici !

 

-         Ah ok merci ! Euh…  Quel hôtel  déjà ?

 

Même si je savais qu’il était peut être bien trop tard, il fallait quand même que je lui dise !  La blague de tante Sidonie ne fit que raviver mon anxiété, me rendant un peu jalouse.  Et si elle avait raison ?  Je me posais sans cesse la question de savoir pourquoi il ne m’avait pas invitée, sans doute à cause de sa nouvelle copine !  Je serrai les dents et j’avais le cœur noué !  Mais il fallait que je lui dise, quitte à ce qu’il m’envoie aussi balader comme moi je l’avais fait.  Nous venions à peine d’arriver et pendant que le chauffeur manœuvrait, un autre véhicule failli rentrer en collision avec le notre.

-         Mais c’est quel chauffard ça !  Tsuiip !  Bon laisse moi descendre…

Le chauffard en question venait aussi de garer ; pendant que je sortais du véhicule, lui aussi faisait pareil.  Mais plus j’avançais, plus je me rendis compte que le visage du chauffard en question m’était familier.

-         C’est …  C’est toi ? Jess ?

 

-         Jaïda ?  C’est …  c’est toi ?

Subitement, et sans nous en rendre compte, on avait lâché la phrase au même moment, à l’unisson.

-         Ecoute il faut qu’on parle !!!

 

-         Je suis allé chez toi et on m’a dit que tu es ici !

 

-         Ah bon ?  Moi aussi je suis allée chez toi et on ma dit à la guérite que tu es ici !

 

-         Mais…  Alors …tu  ne célèbres pas tes fiançailles ?

 

-         Mes fiançailles ???  Moi je croyais que tu fêtais ton anniversaire avec ta nouvelle copine !

 

-         Moi ???  Mais je fête rarement mon anniversaire !

 

-         Ils nous ont bien eus alors !

 

-         Je parie que c’est un coup monté par Victor et ton frère !

Voilà donc où j’en suis présentement avec Jess devant l’hôtel ; le coup avait été bien monté et ficelé par nos parents ; on avait fait comprendre à Jess que j’étais sur le point de me marier et que je devais célébrer mes fiançailles dans une salle de fêtes de cet hôtel et à moi on m’avait dit que Jess fêtait son anniversaire en charmante compagnie dans une salle de fête de cet hôtel.  Inconsciemment, ça nous a fait sourire, et même éclater de rire…  Ensuite c’est un silence, dans une gêne, et un embarras qu’on finit par se regarder, et puis comme deux aimants, on se rapproche, on se tient les deux mains, les siennes sont toutes moites, les miennes tremblent…

-         Ma chérie… 

 

Jess… Mon chéri…

Saignements du Coeur