Chapitre 29

Ecrit par Jennie390

⚜Chapitre 29⚜ 


 Landry Ratanga  


 Je n’ai pas faim ce midi, j'achète un thé que je sirote sur mon chemin du retour à la Polyclinique. Je discute avec un collègue puis nous nous disons au revoir. À ce moment, je tombe sur le Docteur Marleyne Ovono, nous nous saluons.


—J’ai appris que votre patiente madame Makaya est décédée. Je suis vraiment désolé, ça ne doit pas toujours être facile de perdre un patient.


—Oh vous savez, c’est la vie hein? Les gens viennent et partent, dit-elle nonchalamment en se regardant les ongles. Vous êtes un petit nouveau, avec le temps vous allez vous y habituer. Et un petit conseil, si vous voulez durer dans ce métier sans perdre la tête, il faut durcir votre coeur parce que des morts vous en verrez passer des tas.


Je la regarde, je l’écoute parler et son détachement face à la mort de quelqu’un qui était sous sa responsabilité me laisse perplexe et me met mal à l’aise. À ce que je sache, elle a à peine 8 ans d’expérience, et elle est déjà aussi froide ? Pourtant à Londres, j'ai travaillé sous la supervision de certains médecins qui avaient 15 à 20 ans d’expérience. 

Malgré autant d’années dans le métier, je les voyais toujours peinés par la perte d’un patient ou au moins parlant avec beaucoup de tact et de pudeur du décès des patients.Mais celle-ci veut prouver quoi? Son attitude me dérange encore plus à cause de la mort subite de Madame Makaya.


—Je vais déjeuner, à plus tard Docteur Ratanga. 


—À plus tard...


Je la regarde s’éloigner puis je continue mon chemin. Cette histoire doit être tirée au clair, sinon je ne serai pas tranquille.


                   ~~~~~~~~~


Je suis assis dans mon véhicule garé sur le parking du laboratoire d'analyses. Annie sort du bâtiment, je déverrouille le véhicule et elle monte puis ferme la portière.


—Tu es vraiment un joli garçon et j'ai bien envie de dîner avec toi mais ce n’est pas cool de me faire perdre mon temps, dit-elle en se tournant vers moi. Je suis quelqu'un d'extrêmement occupée.


—Comment ça perdre ton temps? je demande. Je t’ai dit que c'était important, si ça ne l’était pas je ne serais pas venu te voir. Moi aussi je suis occupé.


—Quoi tu es en train de me dire que ce n’est pas une blague? Demande-t-elle en froissant la mine. Il y a un de vos patients à qui on a administré le contenu de cette poche?


—Oui ça a été administré à un patient donc non ce n'est pas une blague que je te fais.


Elle regarde devant elle et froisse la mine puis tourne la tête en me regardant droit dans les yeux.


—Landry, cette poche à perfusion peut contenir 1 litre de liquide, mais quand tu me l'as apportée, il ne restait que 700 ml de liquide.


—Ok mais quelle est la compo...


—Laisse moi terminer, cette histoire ne me plais pas du tout. Je suppose donc qu’on a donné à ce patient les 300 ml manquant du liquide qu’il y avait dans la poche. Jusque-là, on est d'accord?


—Oui, je réponds en essayant d'être patient. 


En voyant la tête qu'elle fait, je sens que les résultats ne sont pas bons du tout.


—Cette poche contenait majoritairement de la morphine à environ 70%.


Là, c'est moi qui froisse la mine. Pourquoi remplir une poche avec de la morphine ? Ça n’expose pas seulement le patient à un surdosage élevé, ça c’est la mort assurée!

—Il y avait aussi du Valium de...


—Du Diazépam? je demande, choqué.


—Oui et ce n’est pas encore fini, répond-t-elle. J'ai aussi retrouvé de la Clozapine et des barbituriques, le tout dans cette même poche à perfusion.


Elle sort une enveloppe de l'intérieur de sa blouse blanche et me la tend. J'ai les oreilles qui sifflent après ce qu'elle m'a dit, à tel point que je me dépêche d'ouvrir l'enveloppe pour lire les résultats. Je suis estomaqué, sans voix. 

 —Tu es médecin Landry, je n’ai donc pas besoin de te dire que toutes les substances que j'ai citées et qui apparaissent dans ce résultat ne doivent jamais être associées, parce qu'elles entraînent à coup sûr...


—La détresse respiratoire, le coma et la mort dans les plus brefs délais. 


—Merci, me répond-t-elle.  Maintenant dis moi que vous n’avez pas un médecin ou une infirmière à la Polyclinique qui a mis cette perfusion à un patient? Ça, ce n'est pas une erreur médicale. On est d'accord?


—Ce n'est clairement pas une erreur médicale. Merci infiniment Annie, fais moi signe pour le jour qui te conviendra pour le dîner.


—D’accord, je le ferai. Toutefois, fais attention à Landry.


—Merci ma belle.


Elle me sourit et descend de mon véhicule, je reste un moment à réfléchir avant de démarrer.Les résultats que j’ai en ma possession sont extrêmement graves. Je repense au Docteur Ovono, à son détachement, je comprends mieux, c’est une criminelle, elle et toutes les personnes qui ont travaillé avec elle sur cette patiente.

 Mais comment je prouve tout ça?


 Les résultats que j'ai peuvent facilement être contestés vu que j'ai pris la poche et je l'ai faite analyser à en cachette. On peut m'accuser de les avoir truqués pour discréditer une collègue qui jouit d'une superbe réputation.


 Quand j’arrive à la maison, je salue la petite famille qui est en train de dîner et je monte dans ma chambre. Je prends une bonne douche chaude puis je descends un peu plus tard me prendre un sandwich au jambon avec une tasse de thé. Je mange et je prends un cachet pour le mal de tête avant de m’allonger.


 Je passe une mauvaise nuit parce que je ne sais pas trop comment aborder cette histoire. Mais ce qui est sûr, je ne pourrai pas ne rien faire, ça ne me ressemble pas.

               

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Le lendemain, quand je sors de ma chambre, je trouve Hortense devant son ordi, elle lève la tête et me sourit.


—Salut toi, bien dormi?


—Bonjour Horty, ça va assez bien et toi?


—Moi ça va.


—Tu n’as pas travaillé aujourd'hui ?


—Si mais je fais du télétravail, me répond t-elle.


—Ah ok.

Je vais me servir une tasse de café, une tranche de tartine au fromage, et un jus de fruit puis je viens m’asseoir en face d’Hortense.


—Hier tu m’as eu l’air de mauvaise humeur, me dit Hortense. J'ai préféré te laisser tranquille, il y avait un souci?


Je lui raconte ce que j’ai découvert hier.


—Il pourrait peut-être s'agir d'une erreur médicale? Les médecins ou infirmiers, vous êtes des êtres humains, vous pouvez vous tromper comme tout le monde.


—Ce n’est pas une erreur Hortense, dis-je en prenant une gorgée de mon café.


— Il doit bien y avoir une raison moins horrible que ça, parce que dans la cas contraire, ça ressemble à un scénario de thriller au cinéma. Un truc de fou ! 


—Un vrai truc de fou ! 


—Mais si tu décides d’aller exposer cette histoire, tu vas t’appuyer sur quoi? Parce que si tu réussis à prouver qu'il ne s'agit pas d'une mort naturelle, le camp de l'autre côté peut dire que ce n'était pas un fait exprès mais plutôt une erreur médicale, et des erreurs on en voit tout le temps dans nos hôpitaux mon chéri.


—Tu sais, si tout de suite tu as une douleur insupportable et qu’il faut qu’on l'apaise, on va t’injecter une seringue de morphine, soit au minimum 1 ml pour les petites seringues. On peut t’injecter encore la même quantité, toutes les 15 à 20 minutes si la douleur ne se calme pas.

 Puis on va devoir arrêter parce qu’il y a une dose de morphine à ne pas dépasser par jour, parce que le patient peut développer une dépendance au produit. Quand la quantité est trop grande comme c'est le cas pour la patiente, on va tout droit vers une détresse respiratoire, surtout chez les personnes d’un certain âge. Le patient va tomber dans le coma et mourir.


Hortense me regarde en silence faire mon mini exposé.


—J’ai retrouvé cette poche avec environ 700 ml de liquide, en grande partie composée de morphine. La dose prescrite est largement dépassée. Et comme si ce n’était pas suffisant, il y avait bien d'autres produits. Hortense, même un étudiant en 1ère année d’étude de médecine, sait que ces produits ne doivent jamais être associés sinon le patient va mourir à coup sûr.

Hortense prend une gorgée d'eau puis soupire. 


—Tu sais moi j’ai peur pour toi, si tu décides d'aller dénoncer. Tu viens de commencer à bosser là bas, tous tes collègues vont te voir comme une balance. Réfléchis bien parce que si une personne est capable de tuer aussi facilement, ça doit être quelqu'un de très dangereux. Et je ne suis pas prête à te perdre.


—Je comprends ton inquiétude mais je ne pourrais pas aller m’asseoir au boulot comme si de rien n’était tout en sachant qu’il y a un assassin dans nos rangs. Quelqu'un qui souille une profession aussi noble que la médecine.


—Bon, je sais que quand tu as une idée en tête tu ne lâches pas, mais sois prudent. Gère cette histoire avec finesse. 


—Je le ferai...


Je me lève, lui fais un bisou sur la joue et je monte me préparer pour aller travailler.

                  

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                  Emile Biyoghe 


Je vais finalement faire plus d’une semaine en Guinée Équatoriale. J’ai un gros client à rencontrer et mon séjour sera hyper chargé. Je suis donc obligé de laisser a Yolande quelques provisions, même si c’est vrai que ça aurait été cool de la laisser sans rien a se mettre sous la dent. Mdr!


Je remplis un sachet avec des fruits par groupe de deux: pommes, poires, oranges, clémentines, bananes. J’ajoute un sandwich au jambon, une bouteille d’eau et une de lait. Je lui apporte le tout.


—Pourquoi autant de fruits? me demande-t-elle.


—Je pars pour quelques jours en voyage, je t’ai donc apporté des fruits parce qu'ils ne pourriront pas trop rapidement. Tu vas devoir gérer pour que ça tienne jusqu'à mon retour.


—Quand est ce qu’on verra Melissa? me demande-t-elle. Ça fait longtemps qu'on n'est pas allé à Oasis pour la chercher pour déjeuner.


—Pourquoi aller lui rendre visite vu que bientôt elle viendra vivre ici? dis-je, sarcastique. Tu pourras la voir et déjeuner avec elle tous les jours.


—Mais je peux toujours décider de la ramener plus tôt si tu veux.


—Toi même tu n'es pas fatiguée de la même chanson? me demande-t-elle.


—Je peux t'assurer que je suis très imprévisible Yolande parce qu'au lieu de la ramener ici ou tu pourras la voir tous les jours, je peux décider de l'emmener ailleurs. Je pourrai faire d'elle ce que je veux sans que tu ne puisses savoir exactement où elle est. Donc ne pense pas maîtriser ma chérie.


Elle hoche la tête sans plus rien ajouter.


Je la regarde un moment sans  rien dire puis je sors de la chambre en fermant la porte. J’ai vraiment l’impression que Yolande prépare quelque chose. Elle doit forcément prévoir un coup en douce, son attitude depuis un moment commence sérieusement à m'inquiéter. 


 J'ai intérêt à me tenir prêt à tout moment.


                              

              Germain Makaya 


Depuis que Bertille est à la morgue, l'atmosphère à la maison est devenue difficile à supporter.Les filles ne passent pas une minute sans me parler mal par rapport à la mort de leur mère dont je serais le principal responsable selon elle.je n'ai pas encore distribué de gifles parce que je comprends qu'elles soient affligées. 


Mais je ne serai pas patient bien longtemps.Je suis assis dans mon salon et je compose le numéro de la Polyclinique Saint-Honore. Ils doivent justifier la mort subite de Bertille ou alors je leur colle un procès au cul pour meurtre.


De cette façon, ils me paieront des millions en dommage intérêt pour me dédommager, je ne discute même pas avec eux. Je tombe sur la réceptionniste qui elle me passe une secrétaire, avant que cette dernière ne me passe le directeur.


—Allo, Bonjour Monsieur Makaya.


—Oui bonjour...


—Comment allez-vous? Veuillez accepter mes condoléances les plus sincères.


—Hum...


Vu que je ne dis pas grand chose, il relance la conversation, impatient.


—Comment puis-je vous aider? Ma secrétaire m'a dit que vous vouliez me parler urgemment, voilà pourquoi j'ai pris votre appel.


—Ce n'est pas comme si vous aviez le choix, je réponds nonchalamment.


—Pardon?


Qu'il soit offusqué ou pas, ou est mon problème, la dedans?


—Je vous appelle parce que je veux qu'on m'explique pourquoi ma femme est morte.Je trouve sa soudaine disparition louche donc je veux des réponses.


—Monsieur Ratanga, est ce que vous vous rendez compte de la lourde accusation que vous venez de proférer contre Saint Honore?


—Évidemment que je sais ce que je dis, je réponds. La mort de ma femme est jusqua ce jour inexpliquée. vous devez me dire ce qu'il s'est réellement passé ce jour-là pour qu'elle meure subitement.


—Écoutez Monsieur Makaya, notre établissement est en service depuis bientôt 20 ans, nous avons un personnel hautement qualifié qui a fait ses preuves dans ce pays. je ne vais pas vous permettre de vous lever un matin pour proférer de telles accusations pour...


—Monsieur le directeur, je ne vous ai pas appelé pour entendre un long discours ou les éloges de votre clinique. vu que vous n'êtes pas disposé à m'apporter des réponses par rapport au décès prématuré de mon épouse, sachez que je vais demander une autopsie puis je vais traîner les fesses de votre Polyclinique dans les Tribunaux!!!


Je ne lui laisse pas l'occasion de répondre et je raccroche.


Bonne lecture.

Dans le secret