Chapitre 29

Ecrit par Les Chroniques de Naty

Chapitre 29

Honoré de Balzac a dit un jour que « La haine, comme l'amour, se nourrit des plus petites choses, tout lui va. ».  Connaissez-vous le poids que peut-être un sentiment tel que la haine ? Elle vous ronge de l’intérieur, vous rend aveugle et sourd. Elle vous rend plus bas que terre et vous empêche d'être libre. Libre de rire, libre d’être en paix, libre de ressentir, car lorsque la haine trouve en vous son aise, elle s'accapare de votre être, l’empêchant de ressentir autre chose que la haine elle-même. La haine envers cette femme qui me ronge depuis mon divorce, que dis-je, bien avant cela et qui continue de me ronger aujourd'hui, grandit de jour en jour en mon fort intérieur.

Comme on le dit, on pense avoir pardonné une trahison jusqu’à ce que l’objet ou bien la personne à la base de cette trahison se tienne face à nous. On ne choisit pas vraiment de détester quelqu’un ; qui peut s’engager à ressentir une émotion capable de vous tuer ? Je n’ai pas choisi de la haïr, elle m’a plutôt forcé la main. Sinon je ne pense pas l’avoir déjà détesté autant que je la déteste à l’instant précis.  Chaque fois qu’il m’arrive de plier un genou, de fléchir mon buste pour me repentir auprès du Seigneur, je lui demande pardon pour toutes mes mauvaises pensées. Chaque jour où mes mains se sont posé sur ma bible, et que j’entre en communion avec Le Tout Puissant, Je me repentis de cette haine, mais elle revient toujours plus féroce et plus violente telle une tempête qui se déchaîne. 
Elle est présente dans mon cœur, dans ma tête et ancrée au fer rouge au plus profond de mon âme y laissant une douloureuse cicatrice qui ne guérit jamais. 

Mais à l’instant précis, ce que je ressens est plus que de la haine. J’étouffe de colère. J’étouffe mon Dieu et j’ai du mal à respirer. Nouria a remarqué mon malaise. Elle me supplie des yeux.

Faisant tout un effort surhumain, je me reprends. Mais pas sans avoir priée intérieurement Dieu pour qu’il me donne la force nécessaire pour supporter la présence de cette femme dans ma maison. Le diable est à ma porte ; et on me demande de le faire entrer. Je me demande ce qu’un bon croyant doit faire face à cette situation. Qu’aurait fait maman dans cette situation ? Je ne savais pas que Nouria viendrait avec sa mère, sinon je me serrai apprêter en conséquence. J’aurai parlé avec maman, et c’est sûr qu’elle aurait trouvé les mots pour me rassurer et m’apaiser. Malheureusement, je suis devant le fait accompli, me sentant plus seule que jamais.

Comme un dernier rempart, je serre les garçons contre mes jambes. Oui, eux peuvent me protéger. Ils me l’ont toujours dit ; qu’ils ne peuvent vivre sans moi. Alors ils ne laisseront rien ni personne me faire du mal.

La confiance est comme une femme amoureuse, elle ne connaît pas de limites et se donne complètement. Mais si vous la trompez une fois, vous ne la récupérez plus. Je ne crois plus en cette femme ; outre la haine, je ressens du dégout, de la peur aussi. J’ai peur qu’elle ne vienne foutre en l’air le peu de quiétude que j’ai pu récupérer au cours de ces trois dernières années.

Nouria fut la première à nous sortir de ce long silence gênée. Parce que si cela ne tenait qu’à moi, j’aurai depuis belle lurette claquée la porte aux nez de ces visiteurs devenus tout d’un coup indésirable.

—Ma chérie, comment vas-tu ? Commença-t-elle en me plaquant deux bises sonores sur la joue.

Je lui réponds avec un sourire crispé. Je serre ensuite la main à tonton Kouadio. Nouria avait déjà embarqué ses neveux sur le dos. Me laissant me débrouiller avec sa mère.

—Bonjour maman. Finis-je par dire.

—Bonjour Martine. Comment vas-tu ?

—Je vais bien merci.

Je ne lui demande pas comment elle va en retour, car cela ne m’intéresse guère. Elle peut crever si elle veut, je m’en contrefiche. Je lui parle en vertu du respect je voue au monsieur qui l’accompagne. Cet homme est d’une gentillesse et d’une bienveillance hors norme. Alors pour lui, je pourrai même manger dans la même assiette que mon pire ennemie.

Je les installe et part chercher des boissons rafraichissantes. Il fait une chaleur d’enfer. Ils se désaltèrent et jouent avec les enfants. A part Orphée qui est collé au basque de sa grande mère, personne d’autre ne lui parle. Nouria montre un nouveau jeu qu’elle a téléchargé à Ely ; et moi je discute avec tonton Kouadio avant de demander le motif de leur visite.

Mon plus jeune garçon ne fait nullement attention à sa grande mère. Il ne sait même pas qu’elle est un membre de sa famille et c’est tant mieux. Elle ne l’a jamais considéré comme tel, alors je ne vois pas pourquoi mon garçon en ferai autant. Par ailleurs, ce n’est qu’un enfant et il n’est nullement obligé de se coller à elle. Fût-elle sa grande mère. Elle n’a pas été là dans les premières heures de sa vie, alors pourquoi devra-t-il s’approcher d’elle ? Tout comme Je comprends que l’ainé soit autant complice avec elle, je peux comprendre aussi que le cadet ne le soit pas. Orphée a toujours aimé sa mamie alors je ne veux pas que cela change. En dépit du fait qu’il ne l’ait pas revu depuis longtemps, cela ne l’a pas empêchée de lui faire des câlins. Elle semble gênée, mais fait quand même bonne figure.

Vu qu’il est déjà midi, je demande aux visiteurs de passer à table. J’appelle Zita pour qu’elle s’occupe des enfants et je pars avec Nouria dans la cuisine afin de servir les plats. Je ne lui parle pas depuis qu’ils sont là, alors elle essaie de me sonder. Je prie juste intérieurement pour ne pas exploser. Ni de colère ni de tristesse. Car oui je suis triste. Là, dans mon cœur, je sens que je risque de m’effondrer.

J’allume la gazinière le temps de réchauffer les sauces et dresses les plats de l’entrée.

—Tu ne me parle pas depuis Martine. Qu’est ce qui ne va pas ?

Silence !

—Bon ok ! Je sais que tu es en colère pour ce qui se passe ; et tu as peut-être raison d’être en colère. Mais je veux juste que les choses s’arrangent entre vous. Ça me fait beaucoup de peine de voir ma mère souffrir. Alors je l’ai convaincu de venir te voir et te demander pardon.

Parce qu’en plus elle est là pour me demander pardon ? Quel culot !

Et ce n’est même pas de son propre fait qu’elle est là, mais plutôt parce que sa fille le lui a demandé. Hum je me demande comment cette journée finira.

—Maman souffre. Si seulement tu savais à quel point elle regrette toute cette histoire ; je crois que tu lui pardonnerais. Continua-t-elle.

Je ne peux m’empêcher d’émettre un juron.

—Oui tu as tous les droits d’être en colère. Et je te comprends ma chérie ; parce que moi à ta place je ne sais pas ce que j’aurai fait. En plus…

—Ecoute Nouria, je t’apprécie beaucoup et ça tu le sais. La coupais-je. Tu n’es pas responsable des prises de décisions de ta mère, ni des erreurs de ton frère. Alors je ne pouvais t’en vouloir pour cette histoire. Par ailleurs tu m’as toujours soutenu et pour cela, je t’en serai toujours reconnaissante. Mais, sache que je ne suis pas du tout, alors là pas du tout contente que tu sois venu avec ta mère sans m’en parler au préalable. Tu aurais pu me le dire au moins pour que je puisse prendre mes dispositions. Mais non, tu t’emmènes avec elle sans crier gare. Et tu espères que je réagisse comment ? Tu veux certainement que je lui saute au cou en lui faisant plein de câlin ? C’est ça que tu veux ?

—Non Martine ce n’est pas ce que je veux ? Mais…

—Non il n’Ya pas de mais qui tienne. La coupais-je encore. À tonton Kouadio et à sa mère je ne pouvais rien dire, mais à elle, ou sur elle je peux au moins me défouler. Car j’en ai trop sur le cœur. Tu veux que j’embrasse ta mère, et que je la remercie de m’avoir pourrie la vie durant toutes ces années ? Cela est au-dessus de mes forces Nouria. Moi je ne suis pas Jésus, je ne tends pas la joue une nouvelle fois pour recevoir une deuxième gifle. Mon degré de foi n’a pas encore atteint ce point. Et puis qu’espérais-tu en venant avec elle ici, chez moi sans me le dire ?

—Je ne voulais pas te le dire, de peur que tu ne refuses de la voir. Je sais que j’ai mal agit en ne te disant rien, et pour ça je m’en excuse. Je suis profondément désolée car j’imagine le choc que tu as dû ressentir en la voyant tout à l’heure.

—Non tu ne peux pas imaginer ce que j’ai ressenti. Parce que tu n’as pas vécu ce que moi j’ai vécu. Toi c’est ta mère et tu peux toujours lui pardonner ses écarts, mais moi je n’ai aucune dette de tolérance envers elle.

—Je le sais. Mais s’il te plait fais un effort. Pas pour elle, mais plutôt pour toi-même. Je vois combien tu souffres depuis des années ; alors en essayant de pardonner et de passer à autre chose, tu seras plus tranquille et en paix avec toi-même. Ecoute Martine, dit-elle en s’approchant de moi, je t’aime plus qu’une belle sœur. Pour moi tu as été et tu es plus que la femme de mon frère.

—Ex-femme. Rectifiais-je.

—Soit ! Ex-femme. Mais tu as été plus que ça pour moi. Tu es cette sœur que je n’ai pas. Je sais que j’en ai une physiquement ; mais toi Martine, tu es ma sœur de cœur. Tu es mon amie et ma conseillère. Tu as toujours été là pour moi et tu me comprends mieux que quiconque. Alors te voir te morfondre de la sorte chaque jour, me brise le cœur. Tu t’es enfermé dans ton monde et tu ne t’ouvre à personne. Pour quelqu’un qui t’a connu dans le passé, il est insupportable de te voir ainsi. Je veux que tu redeviennes comme avant. Et je sais que cela ne sera possible que si tu arrives à sortir cette peine de ton cœur.

—Tu l’as dit toi-même. Je n’étais pas ainsi ; si je le suis devenu, ce n’est pas non plus un concours du hasard. C’est la faute de la dame qui est assise au salon. C’est grâce à elle que je suis devenu cette Martine morne et terne que tu n’aimes pas. C’est donc à elle que tu dois tenir ce discours. Pas à moi.

—A elle je l’ai déjà dit. Raison pour laquelle elle est là. Elle veut elle aussi passer à autre chose. Vous devez toutes les deux vous pardonner mutuellement.

—Je n’ai rien à me faire pardonné. Depuis le premier jour où je suis devenu la femme de ton frère, j’ai pris ta mère à bras le corps. Je l’ai mise au même rang que ma propre mère. Sinon plus. Et que m’a-t-elle donné en retour ? Des larmes et des larmes. De la peine, de la tristesse, de la désolation et qu’en sais-je encore. C’est à elle de se faire pardonner. C’est moi la victime ; c’est à moi qu’elle a volé le bonheur.

—Oui je n’en disconviens pas. Et c’était juste une manière de parler. Dans tous les cas, le fond de ma pensée est que vous devez vous parlez et mettre tout cette tension à plat afin de repartir sur de nouvelles, mais surtout sur de bonnes bases. Faire table rase du passé. Passer à autres choses pour mieux profiter de la vie. Maman a besoin de désarmer son cœur, tout comme toi. Alors le mieux pour vous deux, c’est de pardonner l’une comme l’autre afin d’avoir la paix du cœur. Les épines de la haine vous ont longtemps fait souffrir. Alors il est temps que cela change pour notre bien à tous.

Je la regarde et mon cœur se serre. Parce qu‘elle a raison sur toute la ligne. En effet j’en fais plus que marre de ressentir autant de merde dans mon cœur. Ça fait un mal de chien de détester les gens. Je dépense en énergie de porter tout ça dans mon pauvre petit cœur. Je dois m’en débarrasser et comme l’a dit Nouria pour mieux profiter de ma vie. Et cela passe nécessairement par le fait que je puisse un jour pardonner à ma belle-mère. Elle m’a fait du mal, et c’est peu de le dire. Mais peut être qu’elle le regrette, parce que je vois dans son regard qu’elle a changé. Elle ne me regarde plus avec autant d’animosité, comme avant.

A trop vouloir tout comprendre, à toujours se chercher, souvent on se perd alors qu'il suffit simplement de vivre et d'avancer sans se poser trop de questions. La vie, le temps nous montre si l’on avait tort ou raison, et au fond qu'est-ce que ça change de se tromper, sinon le fait d'apprendre de nos erreurs, d'acquérir de l'expérience, de grandir un peu plus tous les jours. On a toujours à apprendre, y compris de nos chutes. Avoir peur de tomber, c'est risquer l'inertie, le contraire de la vie. Accepter de pardonner les erreurs des autres est aussi un signe de maturité. Ne pas en tenir rigueur à ceux qui nous ont offensés en étant soi-même un modèle permet de vivre en paix.

Je ne dois pas être l’enfant qui pleure et clame qu’il a raison. Je dois être le parent de l’enfant et être en mesure de passer outre le caprice de l’enfant.

C’est difficile et ça demande de la force d’esprit, de la grandeur et beaucoup de compréhension. Je ne sais pas si j’ai tout ça en moi, mais je vais essayer. Oui c’est toujours mieux d’essayer d’être meilleur qu’avant. On peut ne pas y arriver, à être la meilleure version de soi-même. Cela n’empêche pas qu’on aura eu le bénéfice d’avoir essayé. Par ailleurs, ne pas accepter les excuses de ma belle-mère, me rendra comme elle. En quoi serais-je mieux qu’elle, si je ne suis pas capable de faire mieux qu’elle ?

—Le repas est prêt. Aide-moi à les porter à table.

Je ne suis pas en mesure de lui répondre sur ce que je pense ou ressens. Je verrai en fonction de la situation.

Le repas fut bien. Tout se passa dans une bonne ambiance familiale. On ne dirait pas qu’il ya deux personnes qui se déteste quasiment. C’est vrai qu’on ne s’est pas adressé la parole, mais cela n’empêche pas que nous sommes restés courtoises l’une envers l’autre. Et ce ne serait-ce que dans les gestes.

Après quoi nous sommes retournés au salon afin de parler. Je pouvais enfin demander les nouvelles. Même si je sais plus ou moins le pourquoi de leur présence.

C’est tonton Kouadio qui a été le premier à prendre la parole. Comme toujours, il l’a fait avec sagesse et diplomatie.  

—Ma fille avant tout propos, laisse-moi te remercier pour cet excellent repas que tu nous as offert. Tu es une bonne cuisinière et un bon hôte. Je me suis régalé, et je suis fière de toi. Parce qu’en dépit de tout ce qui s’est passé, tu nous as ouvert la porte de ta maison, nous as nourris pour ce midi sans même demander l’objet de notre visite. J’en connais à ta place qui nous aurait chassés comme des malpropres. Cela prouve que tu viens d’une bonne famille et que tu as reçu une bonne éducation.

—Ce n’est rien tonton. Le plaisir a été pour moi. Tu sais que tu es ici chez toi et tu peux passer quand tu le veux ; ma porte te sera toujours ouverte.

—Je n’en suis pas étonné. Mais laisse-moi quand même te remercier. Je sais que tu t’interroges sur le motif de notre présence chez toi, ou peut-être pas. Je ne vais donc pas tourner autour du pot mon enfant. Nous sommes entre adultes, nous savons tous ce qui s’est passé et le pourquoi de cette petite réunion improvisée. Par ailleurs, à voir la mine que tu faisais quand nous sommes arrivés, j’en conclus que tu ne savais pas que nous venions. N’est-ce pas ?

—En effet tonton. Je n’en savais rien. Nouria m’a seulement dit qu’elle sera là avec toi, mais je ne savais pas que… que maman Justine serait également avec vous. Dis-je en glissant un regard contrit vers cette dernière.

—D’accord. Je peux comprendre alors ; et sache que moi aussi à ta place, j’aurai eu la même réaction de surprise. Dans tous les cas, c’est déjà bien que nous soyons là. Ma présence ici avec Justine n’est pas fortuite. Elle m’a appelée la semaine dernière pour me demander mon aide. Elle voulait que je l’accompagne chez toi. Ne sachant pas de quoi il s’agit, elle m’a donc, de manière très explicite fait un compte rendu de tout ce qui s’est passé depuis plus de trois ans. J’avoue que j’ai été moi aussi surpris. Très surpris même. Dans la mesure où j’ai appris des choses que j’ignorais. Ce qu’il ya Martine, c’est que ta belle-mère ici présente, veut que je te demande pardon pour elle. Elle demande que tu lui pardonne ses dérives ; elle se dit être trop éhontée pour le faire d’elle-même. Je peux comprendre pourquoi ; car il n’est pas facile pour une personne âgée de pouvoir se plier à cette règle de demander pardon à un enfant. Tu es son enfant et ce même si elle ne t’a pas mise au monde. J’ai été personnellement choqué par tout ce qu’elle m’a dit. Elle m’a ouvert son cœur, et j’ai pu voir en elle une femme meurtrie et pleine de remords.

Je me tordais nerveusement les doigts pendant que l’oncle parlait. Je ne savais pas exactement où me mettre. Parce qu’il faut le dire, je suis gênée par cette situation. J’ai mal et j’ai aussi une folle envie de pleurer. Mon pauvre cœur en a tellement supporter qu’il veut maintenant tout recracher. C’est douloureux de revenir ainsi dans le temps. Ce retour en arrière me fait penser à tout ce que j’ai enduré jusqu’ici. Je crois que je n’ai pas complètement fais le deuil de mon mariage. Car j’ai l’impression qu’il Ya une énorme boule dans mon cœur, qui remonte jusqu’à ma gorge, et qu’elle est sur le point d’exploser.

Alors sans crier gare, j’éclate en sanglot.

Ils me regardent tous surpris. Oui j’ai craqué !

Je n’en peux plus de devoir être forte. J’ai souffert, j’ai pleuré. Mais je n’avais pas encore fait le deuil, vu que cette petite partie manquait à ma guérison.

— Pleures ma fille ! a dit oncle Kouadio. C’est ton droit le plus absolue. Car moi Kouadio, je t’ai vu pleurer pur un homme qui n’en valait peut-être pas la peine. Tu t’es humilié pour lui ; et tu as fait ton devoir de femme en essayant de récoler les morceaux brisés de ton mariage. La vie en couple n’est pas aisée ; et tu l’auras certainement compris.  Aujourd'hui, beaucoup de personnes se mettent ensemble en se promettant monts et merveilles, ciel et terre, mais à la toute première faute ou erreur, ça se lâche et ça va voir ailleurs... Il faut savoir pardonner, car l'erreur est humaine, si tu ne pardonnes pas à la personne que tu as aimé plus que tout, comment ferais-tu avec une autre ? Tu ne pourras en pardonner aucune. Certes quand les limites sont dépassées, mieux vaut tourner la page. Par la suite, si tu ne pardonnes pas, tu vas enchaîner haine sur haine. Ton cœur est lourd ; alors libère toi. Pardonne à ta belle-mère, et aussi à ton mari. Il n’Ya que comme ça que tu pourras être heureuse mon enfant. Puis il se tourna vers cette dernière ; as-tu quelque chose à dire à cette jeune dame que tu as fait autant souffrir.

Elle renifla bruyamment. C’est ainsi que je me rends compte qu’elle aussi pleurait. Je ne pouvais pas le savoir puisqu’elle avait la tête baissée depuis le début. Mais lorsqu’elle la releva, j’ai vu dans ses yeux des choses que je n’avais jamais vus auparavant. Du regret, de la douleur, de la solitude, de la tristesse. Mais aussi et surtout le plus important, une supplication muette. Elle ressemble beaucoup à son fils dans cet état. Je sens ses yeux m’implorer et me supplier. Il Ya des émotions qui n’ont pas besoin de mots pour se traduire. Tout est dans la manière dont on les dégage, tout est aussi dans la manière de les percevoir. Elle me demande pardon de façon muette, je le sens dans ce regard à la fois triste et désespéré.

Je ne l’avais jamais vu ainsi. Et cela me fait encore plus de peine. Avait-on besoin d’en arriver là ? À cette extrême pour qu’elle me montre que son cœur n’est fait ni de pierre, ni de granit ?

—Que puis-je demander à Martine si ce n’est son pardon. Commença-t-elle doucement. Je sais qu’elle a souffert et continue de souffrir par mon fait. Je ne pourrais jamais vivre assez longtemps pour lui faire oublier tout ce mal que je lui aie infligé. Non seulement à elle, mais aussi à mes petits enfants qui grandissent aujourd’hui sans leur père. J’ai été la pire mère qui soit… et j’en suis consciente… pourrait-elle me pardonner ? Saura-t-elle me pardonner ? Je n’en sais rien, mais je promets de passer le restant de mes vieux jours à me faire pardonner par elle, mais surtout à lui prouver que j’ai réellement changée et que je suis une toute autre personne. Alors elle pourra toujours compter sur moi. Et pour lui prouver que tout ce que je dis n’est pas du vent, je mets à genou, je lui attrape les pieds afin qu’elle m’accorde son pardon.

Joignant l’acte à la parole, elle se jette à mes pieds pour les saisir. Mais je la rattrape assez vite, avant même que ses mains ne me touchent. Non ! Je ne peux accepter cela. Elle est la mère de l’homme que j’ai autrefois aimé, elle est la grande mère de mes enfants, je ne peux donc la laisser s’humilier de la sorte. Elle a donné vie à Moctar, qui n’est autre que le père d’Orphée et d’Ely. Alors comment pourrais-je laisser cette dernière se trainer à mes pieds ? Quoi qu’elle ait pu me faire ; quoi qu’elle ait pu m’infliger comme douleur, je ne peux et je ne pourrais jamais permettre cela.

— Non maman. Ne fais pas ça. Je te pardonne. Dis-je prestement en la serrant dans mes bras.

Seigneur j’en ai le cœur en lambeau. J’ai tellement mal, que lorsque je la serre contre ma poitrine, j’ai l’impression que celle-ci explosera d’une minute à l’autre. « Seigneur ! Mon Dieu, donne-moi la force nécessaire de pouvoir oublier tout ça. J’ai certes mal, mais toi Seul peut me restaurer. Je t’en prie aide moi ! » Ais je priée silencieusement.

—S’il te plait Martine. Ne m’empêche pas de faire cela. Ton pardon me procurera une paix que tu ne peux comprendre. Je pourrai enfin dormir sur mes deux oreilles ; le cœur en paix, mais surtout l’esprit et l’âme tranquille. Répond-t-elle d’une voix brisée par la tristesse.

—Alors sache que tu es pardonnée. Du fond du cœur. Dors en paix maman ; je ne t’en veux plus. Aucunement.

Nous pleurons toutes les deux. Nouria et oncle Kouadio nous observe les larmes à l’œil. C’est vrai que tout c’est émouvant. Mais surtout c’est triste ; car nous aurions pu éviter tout ce mélodrame et ces souffrances inutiles.

—Merci ma fille. Merci infiniment.

Elle ne cessait de me remercier. Elle ne cessait non plus de pleurer.

—Tout est Grâce ma fille. Dit tonton Kouadio. Lorsque Dieu te fait la faveur de te bénir, de te protéger et de restaurer son immense Grandeur en toi, quoi de plus normal que de le remercier et surtout de prier pour celui ou celle qui cherche encore cet immense bonheur. Alors béni son nom ; et voit en toute cette épreuve une bénédiction, car il n’éprouve que ceux qu’il aime.

Après tout ça j’ai discuté avec maman Justine et j’ai pu comprendre aisément certaines de ses réactions. Mais surtout plus je lui parle, et plus je me sens bien. Je ne savais pas que le fait de pardonner à ceux qui nous ont offensés nous rend libre. Je n’ai plus cette douleur lancinante dans le cœur. Je me sens en symbiose avec moi-même ; mais aussi avec elle. C’est vrai que nous ne serons pas amies du jour au lendemain. Néanmoins, nous aurions fait un grand pas vers le chemin de la tolérance et du pardon.

Alors à ce moment-là, je formule simplement une prière à l’endroit de ma belle-mère. « Mon Dieu accorde à cette femme la grâce de te connaître véritablement, de manifester ton caractère, de te faire pleinement confiance et d'expérimenter l'immense bonheur divin que toi seul est capable de procurer. Si tu l'as fait pour moi, tu le feras aussi pour elle. J'en suis persuadée car tu es amour. Que ton nom soit béni aujourd'hui et infiniment ».

Je sais pertinemment que si je n’avais pas eu cette confiance absolue en lui, jamais je n’aurai eu la force de pardonner à maman Justine.

Il est plus de 18 heures lorsque je les raccompagne à la voiture. Je suis suivi de près par Orphée et Ely. Ils veulent que je me souvienne de la promesse faite hier ; à savoir celle d’aller passer le weekend chez leur tante.

—Maman ! Maman. Je veux partir avec tata Nouria. Commença l’ainé.

C’est toujours comme ça avec eux. Il ne faut jamais leur faire de promesse. Et maintenant je ne sais comment me défiler.

—Moi aussi je veux partir. Renchérit Ely.

—Non ce n’est pas possible aujourd’hui. Tata est occupée.

Je venais de créer une occasion pour qu’ils se mettent à pleurer. Ce sont des larmes à n’en point finir. Je ne sais plus où donner de la tête quand Nouria vient à ma rescousse.

—Calmer vous mes gars. Demain je passe vous prendre et avec tonton Sié, on ira à Paradisia. Nous ferons du manège, mangerons beaucoup de glaces…

—Avec du chocolat non ? l’interrompt Orphée.

—Bien sur mon grand. Avec beaucoup de chocolat aussi. Mais pour cela, il va falloir que je retourne avec mamie et demain je reviens vous chercher.

Ils ne la croyaient pas du tout, et avaient des mines d’enterrement.

—Ils peuvent venir avec moi ? proposa maman Justine.

—Ils ont cours de natation demain matin. C’est la raison pour laquelle je ne veux pas qu’ils partent maman.

—D’accord.

J’ai mentis. Mes enfants ne font pas de natation ; mais je viens d’en créer un. Ce qui sous entends que je dois les inscrire au plus tôt à ces fameux cours. A vrai dire, même si je lui ais pardonné, je ne suis pas encore prête à laisser mes petits aller passer tout un week-end avec elle. Je ne serai pas tranquille d’une part, et d’autre part je me sentirai assez seule.

Pour finir, rendez-vous est pris le weekend prochain afin que les enfants aillent chez leur tata. Je sais qu’elle les enverra également chez sa mère. Mais cela n’est pas un souci pour moi ; car d’ici là je me serai un peu habitué à sa présence dans ma vie.

Cette journée fut riche en émotion. Mais elle a été concluante. Je me sens plus libre et plus en paix avec moi-même. Je goute à la saveur du pardon avec délectation. Ça fait du bien de ne pas avoir toute cette douleur et cette haine en soi ; ça change mais surtout ça permet à mon cœur de respirer. 

La nounou de mon fil...