Chapitre 29
Ecrit par leilaji
The love between us
Chapitre 29
Faire bonne figure même quand je suis en colère, j’ai fait ça toute ma vie. Être fonceur et déterminé m’a aidé à surmonter tous les obstacles. Parce que ce qui ne se lit J’en ai bavé aussi. Mais ça nous ne sommes que deux à le savoir. Quand j’ai un but, je m’y tiens et je ne lâche rien. Sans cet entêtement, je me serai effondré depuis très longtemps. Je suis solide comme un roc, comme un homme un vrai doit l’être. Et je ne compte pas changer par peur de laisser tous mes démons me rattraper. L’important pour moi c’est de maitriser la situation parce que les plus grands dangers n’apparaissent que lorsqu’on perd la maitrise, que les instructions données ne sont pas exécutées comme prévu.
J’ai rencontré Manuella et j’ai dû lutter pour la conquérir. Est-ce qu’il faudra encore livrer bataille pour la garder ? Elle est tellement imprévisible depuis son accouchement. A bien y penser c’est plutôt depuis qu’elle travaille et moi non. Comme lorsque je lui avais dit de ne pas s’occuper de Carter mais qu’elle l’a quand même fait. Ça m’a fait perdre la maitrise d’une situation que j’avais sous mon contrôle. Et le pire est arrivé parce que je n’avais pas prévu que les conséquences seraient aussi désastreuses pour moi. J’ai horreur de ça. De perdre la maitrise.
J’ai dit à ma mère de ne rien organiser, mais elle l’a quand même fait malgré tout. Et il a fallu que Manu et moi composions avec la situation alors que l’atmosphère est plutôt tendue entre nous. Pourquoi les femmes ne font-elles jamais ce qu’on leur demande de faire ? C’est mon beau-père qui me posait tous les jours cette question. Et je n’ai toujours pas de réponse à donner.
— Que se passe-t-il avec Manuella ?
— Pourquoi tu poses cette question, elle t’a dit quelque chose ? je demande inquiet.
La tension qui habite mon corps depuis la réponse de Manu ne cesse d’augmenter à mesure que je me fais mille scénarios catastrophes dans la tête. Pourquoi a -t-elle dit non ? Parce qu’elle en a marre de la situation pourrie dans laquelle on se trouve et qu’elle veut me quitter ? Est-ce qu’elle ne veut tout simplement pas se marier ou c’est juste avec moi qu’elle ne veut pas se marier. Que dois-je penser de ce non ? Est-ce qu’elle s’est rendue compte qu’elle ne m’aimait pas assez pour dire oui ? Manuella peut être tellement mystérieuse parfois. Pourquoi rester avec une femme qui dit non à ta demande en mariage ? Dire non c’est dire : je n’ai aucune envie de faire ma vie avec toi. Alors pourquoi rester ensemble ?
Ma mère saisit mon menton et tourne mon visage vers le sien.
— Pourquoi toi tu me poses une telle question ?
— Pour rien maman.
— Tu es sure que ça va? Pourquoi tu as si l’air paniqué ? demande-t-elle le doute dans le regard.
Je pousse la tête pour me détacher de sa main. Elle sourit.
— Ok si tu le dis. Mais je vois bien qu’elle n’est pas dans son assiette. C’est son troisième verre je crois. Je sais que c’est un jour de fête et qu’elle veut se lâcher un peu. Elle m’a dit qu’elle faisait beaucoup la fête avant mais depuis qu’elle est avec toi, elle s’est beaucoup calmée.
— Et c’est une mauvaise chose ? Pourquoi tu le dis avec ce ton plein de reproche ?
— Hé je ne te reproche rien Pierre.
— Maman, je lis en toi comme dans un livre. Parle. Vide ton sac. Je suis d’humeur à encaisser des phrases assassines aujourd’hui.
— Tu peux dompter un animal sauvage mais seulement en brisant ses instincts au passage. C’est ce que tu veux faire ?
— Tu compares Manuella à un animal sauvage ? T’es sérieuse ?
— Très sérieuse et je sais que tu comprends parfaitement ce que je veux dire par là, je te fais pas plus idiot que tu ne l’es.
— Manquait vraiment plus que ça, que tu te mettes à m’insulter.
— Tais-toi et écoute-moi. Apprivoiser serait la meilleure approche mais moi j’ai l’impression que tu t’es donné pour mission de carrément la domestiquer. Laisse-la être elle-même. Quitte à te mettre en rogne parfois, mais ne tente pas de la changer parce que toi tu as envie de changer.
— Ne dis pas ça maman.
Je n’ai pas envie de parler de ça avec elle. Mais je ne peux m’empêcher de me justifier.
— Je lui donne tout ce que j’ai. Tout de moi. Ai-je tort de demander en retour la même chose ?
— Demander n’est pas le problème. Mais c’est exiger de recevoir qui crée le chaos.
On regarde tous les deux Manuella qui rit aux éclats entourée d’un groupe d’hommes. Elle a toujours été à l’aise avec les hommes. Parce qu’il y a une force, une lumière en elle qu’ils ont envie de toucher, pour voir si elle brule. Les femmes se méfient d’elle mais les hommes, ils sont comme subjugués. Parce qu’elle est différente et surtout parce qu’elle n’en joue pas. Je les reconnais. Ce sont nos anciens compagnons de foot. Il y a au moins la moitié de l’équipe. Quand on s’est mis à sortir ensemble, j’ai un peu lâché le groupe et elle aussi par la force des choses. Mais ils ne semblent pas lui en avoir tenu rigueur.
— Pas la peine de froncer les sourcils, je tenais à ce qu’elle s’amuse aussi. Ce sont ses amis.
— Oui mais tu as dit que tu voulais fêter l’anniversaire de ton petit-fils pas rameuter tout le monde.
— Et alors ? Quand des choses difficiles nous arrivent on a besoin de se retrouver entouré des gens qui nous connaissent et nous soutiennent. Les temps vont être durs pour nous tu le sais.
Elle parle de la visite que nous avons effectué chez un Notaire. Et ce dernier nous annonçait que la bataille pour ma mère allait être rude car au Gabon, les successions où les héritiers ne s’entendent pas ou se font la guerre, restent ouvertes indéfiniment. Que si un Notaire est désigné, la première chose qu’il fera ce sera de séquestrer tous les loyers, le temps que le partage définitif soit fait. Et au lieu de s’apitoyer sur son sort, ma mère a décidé de faire une énorme fête pour son petit-fils. Je devrais prendre exemple sur elle.
— Je lui ai demandé si elle avait des amis à inviter et elle a dit oui. De toutes manières tes amis aussi sont là n’est-ce pas ?
J’ai quelques collègues de CFAO avec lesquels j’ai gardé de bons rapports qui sont là. Mais les voir ne fait que me rappeler que je ne fais plus partie de l’équipe. De plus à chaque fois que je les entends chuchoter, je me demande s’il parle du scandale auquel est accolé le nom de ma société.
— Va leur parler. Ça te fera du bien de changer d’air. Ne reste pas à coté d’une vieille femme comme moi. Amuse-toi mon fils. C’est de ça dont on fait la vie. D’instant de bonheur. Le reste n’a aucune importance, dit-elle en prenant David des mains de la nounou qui allait lui chercher son biberon.
Je soupire et avale d’un trait mon verre de vin. Ce que maman ne sait c’est que c’est aussi mon troisième. Dès que je m’approche de mes anciens coéquipiers, un joyeux brouhaha m’accueille.
— Hum Ngouala enfin tu te décides à nous voir. La manière dont tu nous as trié dès que tu as mis le grapin sur la femme de l’autre là, ce n’est pas bien hein.
Manuella éclate de rire sous la boutade de Serge. Ils rigolent tous, de nouveau complice avec elle. Mais moi, je ne vois rien de drôle dans cette insinuation. Pourquoi se permettent-ils d’insinuer une idée aussi stupide juste en face de moi. Et pourquoi en rit-elle comme si ce n’était pas grave qu’un abruti insinue qu’elle était la femme de son ex ? Est-ce qu’elle est d’accord avec cette idée ?
Malgré la brulure insensée de la jalousie, je garde le sourire et mon air affable.
— Mais il est où même celui-là ? demande Serge, celui qui se retrouvait souvent dans nos goals parce qu’il n’aimait pas courir.
Je me rappelle que Manuella l’aimait bien parce qu’elle passait par sa société d’import-export pour faire venir les pièces des voitures de luxe qu’elle réparait. Je n’ai jamais aimé le genre qu’il se donnait. Avec ses gros doigts boudinés remplis de bague en or et ses dents de fumeurs, il me cassait déjà les couilles à l’époque.
— De qui tu parles ? demande Manuella en posant son verre vide sur le plateau du serveur qui fait le tour des invités.
— Le sénégalais. Est-ce qu’on pouvait te voir sans lui ?
— Oh. Il n’est pas là, répond Manuella en détournant son regard du mien.
— Ah OK. En tout cas, c’est une très belle fête pour votre fils. Merci de nous avoir invité et j’espère que pour le mariage aussi on sera là hein, intervient un autre.
— C’est vrai ça, après tout c’est grâce à mon club de foot que vous vous êtes rencontré, s’exclame Serge comme s’il venait de gagner au loto. Si tu avais encore de l’argent, j’allais bien t’escroquer une petite récompense.
Pourquoi dit-il : si tu avais encore de l’argent ? Est-ce qu’elle leur a parlé de nos difficultés financières ? Est-ce de ça dont ils étaient tous en train de rire avant que je ne les rejoigne ? Manuella sourit et hausse les épaules, l’air de dire: pour le mariage on verra ce que l’avenir nous réserve.
Son sourire me ramène sur terre. Je suis allée trop loin dans mes délires dans ma tête. C’est du grand n’importe quoi ce que j’imagine en ce moment à cause d’un simple non. Serge reste avec moi tandis que le reste du groupe se disperse pour aller chercher des bières.
— Tu as vraiment eu de la chance avec cette fille. Elle a beaucoup changé hein, elle est devenue belle. Avant elle était vraiment comme un garçon mais maintenant on voit que c’est une belle femme. Tu as vraiment eu de la chance.
— Si tu penses que ce que tu viens de dire est un compliment Serge c’est que tu es vraiment bête.
Plutôt que de se vexer, Serge éclate de rire.
— Toujours aussi cash hein Manu. Ne te vexe pas oh. Je voulais seulement dire que tu es devenue belle.
— Parce que tu penses que je ne l’étais pas avant ? demande-t-elle les mains sur les hanches.
— En plus, elle n’est pas comme toutes les filles de Libreville qui attendent que leur homme ramène l’argent à la maison, continue Serge à mon intention sans répondre à la question de Manuella. Elle porte le pantalon cette femme, au sens propre comme au figuré, ajoute-t-il en éclatant de rire.
Je sais qu’il pense faire de l’esprit avec sa phrase stupide. Je sais que je ne devrais pas le prendre pour moi. Clairement ce mec essaie de rentrer dans les bonnes grâces de Manuella parce que maintenant qu’elle est avec moi il la trouve désirable. Ce qui m’énerve vraiment c’est qu’elle ne l’a pas rembarré quand il a commencé ses stupides insinuations et c’est pourquoi il s’est permis de continuer.
Elle accoste un des serveurs et lui indique un groupe d’enfants dont personne ne s’occupe. Il acquiesce et se dirige vers les enfants, son plateau de soda en équilibre sur la paume de sa main.
Cette manière qu’elle a d’être décontracté alors qu’elle devrait être au moins… je ne sais pas moi, plus perturbée, me perturbe moi. Elle s’éloigne de nous pour rejoindre ma mère et récupérer David dans ses bras tandis que les enfants et petits-fils des amies qu’elle a invitées courent après le clown que maman a convié. Je sais qu’il est temps qu’on change David pour enfin souffler le gâteau d’anniversaire que maman a commandé chez son traiteur préféré. On va lui mettre un petit costume trois pièces qu’elle a commandé en France et qui lui donnera un petit air d’homme d’affaires tout mignon.
—
La suite de la fête se passe sans souci. Manuella souffle le gâteau pour son fils. Et pendant un bref instant j’oublie tous nos problèmes quand je la vois si heureuse avec son enfant dans les bras. Elle a le mérite d’avoir lutté de toutes ses forces pour se faire à l’idée d’être maman. Ça ne lui est pas venu naturellement contrairement à beaucoup de femmes. Elle a eu du mal. Il lui arrivait souvent d’oublier que David avait un rendez-vous pour un vaccin ou qu’il n’avait plus de couches. Parfois quand il se mettait à pleurer, elle avait beau essayer de le bercer, il refusait de se calmer tant que je ne le prenais pas à mon tour dans mes bras. Et ça, ça lui faisait du mal. Mais elle n’a pas abandonné et aujourd’hui, pour ses un an, je sens bien que David est ravi d’avoir sa mère à coté de lui.
Les invités partent au compte-goutte. Surtout parce que les enfants enchantés par le château gonflable loué pour l’occasion fondent en larmes à chaque fois que les parents veulent s’en aller. L’astuce a consisté à leur offrir des sacs cadeaux personnalisés rempli de jouets, de bonbons et de chocolat. Je ramasse quelques assiettes pour les ramener à la cuisine afin que la ménagère puisse les laver le lendemain. Mais Manuella s’y trouve déjà avec Serge. Elle lave les assiettes, ce qu’elle a toujours eu horreur de faire et lui se contente de siroter une canette de bière.
— La vie c’est dingue hein. On avait tous parié que tu finirais avec une femme ou avec le sénégalais dans un mariage polygamique et toi tu te fais un enfant avec Pierre, le mec qu’Idris détestait le plus dans notre groupe.
— Idris n’a jamais fait parti du groupe.
— Ouais c’est vrai. Vous vous êtes perdus de vue c’est ça ?
— Oui.
— Il s’en est bien sorti, je trouve. Le gars qui n’avait pas de voiture et te squattait tout le temps, je l’ai vu au volant d’une belle berline. Je crois que les choses marchent bien pour lui.
— Il le mérite. Il travaille si dur.
— Et pour Pierre ? sur le plan financier ? Comment ça se passe pour sa société ? Tu sais s’il la vend ; ça pourrait peut-être m’intéresser.
— Pourquoi tu n’en parles pas avec lui ? C’est un grand garçon.
— Non plus maintenant.
Elle sort ses mains de l’eau savonneuse et s‘essuie avec un torchon.
— Tu sais chez nous, il y a un vieil adage qui dit : on mesure la force d’un homme à l’épaisseur de son portefeuille.
Il sort son portefeuille de sa poche arrière et le montre à Manu.
— Tu en penses quoi ?
— J’en pense que tu es cinglé. Dégage de ma cuisine, lui dit-elle en rigolant.
— Ah moi qui te fais venir les pièces de tes clients en exprès, c’est comme ça que tu me remercies ? Fais-moi au moins la bise.
— Pardon tu es trop court pour que je te fasse une bise. Faut aller chercher une femme à Okondja au lieu de m’embêter. Je suis la femme de quelqu’un.
— La bague est où ? Ou bien même l’argent de la bague il ne l’a plus ?
— Je n’ai pas besoin de bague pour ça.
— Dis plutôt que tu as compris qu’il allait finir en prison. Je sais que tu es très maligne Manuella. Très. Je sens que tu te dis qu’il vaut mieux rester libre pour partir librement quand ça va se gâter pour lui. En tout cas, si tu ne veux plus de lui, n’oublie pas que je suis là.
C’est plus que je ne peux en supporter alors je tourne les talons et retrouve ma mère au salon, David dans les bras. Il faut que je me change les idées. Je me serre un dernier verre de vin.
— J’espère que la fête t’a plu petit David. Tu as vu tous les jouets qu’on t’a offerts ?
— Merci maman. C’était super d’avoir tout organisé.
— Ah les grand-mères sont là pour ça. Gâter les petits fils. Bon tu diras à ta femme que je suis partie. Je commence à être fatiguée, ce n’est plus de mon âge les grandes fêtes.
Je récupère mon fils et l’accompagne jusqu’à sa voiture. Une heure plus tard, tout le monde est parti, David est couché et la maison est calme. Je rejoins Manuella dans la cuisine. Elle est assise, songeuse devant un énième verre.
— Où est-ce qu’on en est toi et moi ?
— Pardon ?
Je m’adosse au chambranle de la porte pour garder une bonne distance entre nous. Je ne saurai pas expliquer pourquoi mais je sens qu’il nous faut cette distance.
— Je t’ai demandée de m’épouser et tu as dit non. Alors je veux savoir pourquoi.
— J’ai essayé de t’expliquer mais tu t’es énervé et tu crois que je vais encore essayer pour que tu me cries dessus? Me demande-t-elle d’un ton désabusé. Rêve toujours.
— Depuis quand ça dure exactement tout ça ?
— Tout quoi ?
— Ce ton hautain que tu prends quand tu me parles maintenant. Cette condescendance à mon égard comme si j’étais un chiot perdu que tu as ramassé et sauvé.
— Attends tu es sérieux là ? Tu me demandes un truc, je dis non et tout d’un coup je suis condescendante ?
— Tu t’entends ? Je te demande de partager ta vie avec moi, de nous unir, de faire savoir à tout le monde qu’on s’aime et toi tu résumes une demande en mariage par : je te demande un truc.
— Tu m’as demandé en mariage et je t’ai donné les raisons de mon non. On est dans une impasse en ce moment. Un mariage c’est beaucoup d’énergie et d’argent et je n’en ai pas pour ça en ce moment. Que veux-tu ? Que ta mère paie tout pour nous comme si on était encore des enfants ?
— Je n’ai jamais dit ca.
— Je ne compte plus mes heures au garage parce qu’on a besoin de frics. Tu as une grande maison et un certain train de vie et tout ça, ça se paie. Et je paie. Je ne te le reproche pas, loin de là. Mais je dis qu’on a plus urgent à faire en ce moment qu’un mariage. Et puis depuis le temps tu devrais me connaitre. Tu as vraiment cru que tu allais me demander de t’épouser et que j’allais sauter au plafond comme si le but ultime de vie venait d’être atteint ? Tu me parles comme si c’était une faveur d’un prince à une souillonne et que par conséquent, je ne devrais pas avoir le droit de refuser. De toute ma vie je n’ai vue aucun mariage heureux. Aucun. Je ne veux pas de ça. On s’aime c’est suffisant.
Qui doit décider de ce qui est suffisant. Elle ? Elle décrète que ça l’est et je dois me plier à sa décision alors qu’elle refuse de voir les choses de mon côté.
— Donc maintenant c’est toi qui décides c’est ça ? Tu dis que c’est suffisant et ça l’est. Je n’ai pas mon mot à dire. Après tout c’est maintenant toi qui porte désormais le pantalon dans cette maison.
— Je n’ai jamais dit ça.
— Mais tu le penses tellement fort.
— La faute à qui ? demande-t-elle en vidant sa boisson.
En quelques enjambées, je la rejoins. Je tape du poing sur la table et le verre valse loin et se fracasse sur le sol la faisant sursauter.
— Si tu veux me quitter sois courageuse et dis le maintenant. Je ne permettrai pas que tu te foutes de ma gueule comme les autres l’ont déjà fait. Pas toi Manuella.
— Pierre, tu délires complètement. Monte te coucher.
— Ne me dis pas ce que je dois faire ou pas. Ce n’est pas à toi de me le dire, je hurle la faisant sursauter.
Je lis de la peur dans ses yeux. Mais je suis tellement en colère que j’interprète cette peur comme un signe de reddition. Et ça me calme. Parce que ça me donne l’impression de contrôler de nouveau la situation. Mais la capitulation est de courte durée.
— Ne me dis parle plus jamais sur ce ton, exige-t-elle en se redressant de toute sa hauteur. Tu te prends pour qui ? Je t’aime Pierre, de tout mon être. Tu m’as fait me sentir femme pour la première fois de toute ma vie. Et je ne te laisserai pas me retirer ça en me traitant comme une moins que rien qui n’a pas le droit de te dire non. Si ce « non on n’est pas prêt » est trop lourd à porter pour toi, toi sois courageux et dis le moi. et je m’en irai, avec mon fils.
Et pourtant j’avais eu ce pressentiment qu’il fallait mettre de la distance entre nous. Mes pensées s’emmêlent. A l’intérieur je suis complétement rongé par la colère et la déception. Elle continue de parler encore et encore.
— Aujourd’hui pour la première fois depuis longtemps je me suis amusée et c’était bien. J’ai pris des verres avec les autres et on a bavardé. Je ne me sentais pas seule et perdue au milieu de TES amis. Il faut qu’on se donne de l’air ou ça ne marchera pas. La dernière fois je t’ai trouvé en train de fouiller dans mon téléphone parce que je suis rentrée très tard du boulot. Mais qu’est-ce que tu crois ? Que j’ai le temps de baiser ailleurs ? Sérieux Pierre.
— C’est normal que je réagisse comme ça quand je te vois laisser des imbéciles comme Serges te draguer, chez moi, devant moi.
Mon cœur bat à toute allure. Elle parle de s’en aller avec mon fils si je ne comprends pas ce qu’on doit faire. Si elle m’aimait vraiment est-ce qu’elle dirait pareille horreur ? Moi qui ne peut pas vivre sans elle, faire des plans d’avenir sans elle. Comment ose-t-elle me parler ainsi comme si j’étais un raté dont elle devrait se débarrasser maintenant qu’elle ne me trouve plus aucune utilité.
Je me sens impuissant et je ne trouve pas les mots pour lui faire comprendre ce que ça me fait à l’intérieur… je ne trouve pas les mots. Mais il faut que cette douleur cesse, que je fasse quelque chose pour que la confusion qui règne dans mon esprit ne m’anéantisse pas. Je suis un homme et un homme ne doit jamais perdre le contrôle sur les évènements de sa vie. Pourquoi est-ce que je lui permets d’avoir cette ascendance sur moi. Moi Pierre ! Le coup part tout seul. J'ai l’impression que par son refus, elle a réouvert toutes mes blessures.