Chapitre 29

Ecrit par sokil

J’ai vite fait de me dégager de lui en toute vitesse ; en même temps, j’ai senti les pulsations de mon rythme cardiaque s’accélérer, au point de devenir très perceptible à l’oreille. Je n’ai fait que faire plusieurs pas en arrière, j’ai joint mes deux mains sur la bouche. Interdit, Bill me regarde; il fronce le visage et tente de faire aussi quelques pas en avant, en ma direction; il me tend ses deux bras, comme pour me faire comprendre qu’il ne comprends pas ce qui se passe mais qu’il aimerait me calmer, m’apaiser.

- Chérie ! Qu’est ce qui se passe avec ma mère ?

- Oh mon Dieu ! C’est … c’est pas … Possible !

- Dis-moi, parle-moi, explique-moi ! Quel est le problème avec ma mère ? Pourquoi ce changement d’attitude !

- Je… Je …

Je n’arrive pas à placer un mot, je tente de reprendre mon souffle, alors que je n’ai même pas couru, ni fais un effort particulier. Je me retourne, je lui tourne le dos pour essayer de voir, ou même de comprendre que je ne suis pas entrain de rêver. Je cherche à m’assoir ou même m’appuyer quelque part, n’importe où, peu importe, mais pourvu que je reprenne mes esprits… Tiens, j’aperçois un endroit, comme une sorte boukarou, je m’ y dirige rapidement, en titubant presque. Bill ne me lâche pas et me suit également.

- Klariza ? Viens, je te ramène ! Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose à cause de moi en plus ! Mais pourrais – tu me donner une explication ? Viens rentrons à l’intérieur, je vais essayer de …

- NON ! Je rentre ! C’est mieux ! Il vaudrait mieux que je … rentre… Ça vaudrait mieux pour moi, ça vaudrait mieux pour toi, pour nous tous d’ailleurs !

- Je suis désolé d’avoir mis tes nerfs à vif ! J’imagine que ma mère t’as peut être offensée…Mais tout ce que je te demande c’est de …

- Ton père…. C’est … C’est bien Ferdinand ?

- Oui ! Mais comment ? Je … suis confus, dis-moi quelque chose s’il te plait ! Comment les as-tu connus ? Que s’est-il passé ?

- Seigneur… Pas ça ! Noooon !

Je me couvre le visage entre les mains, je suis sonnée et abattue !

- Oh nooon ! Quelle poisse !

- Parle-moi s’il te plaît, dis-moi quelque chose ; Je commence à avoir peur moi aussi !

- Nos chemins doivent se séparer Bill !

Assise, Bill s’est accroupi devant moi pour me parler, et lorsqu’il m’entend prononcer cette phrase, je le vois pâlir à la seconde !

- Tu veux par-là dire qu’ à cause de mes parents on ne …Je…je ne comprends pas !

- Je te l’ai dit, mes histoires, mes rencontres sont toujours catastrophiques ! Je ne sais pas… Je … sens que…

- D’accord ! Je … je comprends, je comprends ta vive réaction ! Mais si au moins je pouvais savoir ce qui s’est passé ? Est-ce que tu peux éclairer ma lanterne ? Je suis un peu perdu ; d’abord ma mère ensuite mon père et maintenant moi ! Tu ne veux pas de moi à... cause de mes parents ?

L’attitude de Bill finit par me faire très mal au cœur. Il est sonné je le sens, mais il fait beaucoup d’efforts pour garder son calme ; et ce qui m’étonne et me chagrine encore plus c’est sa façon qu’il a d’encaisser et de rester patient.

- Ma chérie ! Klariza ! Si mes parents t’ont offensée, je te prie de me pardonner à leur place ; je sais que je ne pourrai certainement pas effacer tout le mal qu’ils ton fait subir, mais je t’en prie, garde ton calme, si tu veux, on pourra parler en toute quiétude, quelque part, pas ici, mais là où tu veux!

- Je veux rentrer… Tout ce que je veux c’est rentrer !

- Ok ! Ok ! Je te ramène !

Sur le chemin du retour, je suis très mal à l’aise, personne ne parle. J’ai comme une grosse boule dans la gorge ; je sens parfois le regard pesant de Bill sur moi, et plein d’interrogations ; je détourne mon visage et je préfère passer le temps à regarder de l’autre côté, vers le paysage nocturne… Je ne sais pas s'il est au courant de toute l’histoire, mais chacun de nous en son for intérieur se pose des questions, chacun de nous essaie de réfléchir en silence et accuse lentement le coup. Moi, pour avoir découvert que l’homme dont je suis éprise n’est autre que le fils de Ferdinand et de Carine Abessolo… Du coup, tous les vieux souvenirs ressurgissent brusquement de ma mémoire ; le martyre quotidien, les bastonnades et les humiliations, sans oublier la haine qu’il nous manifesté en nous jetant froidement sans aucun prétexte valable.

Tout cela, il l’a fait pour se faire pardonner d’elle, sa femme légitime, Carine Abessolo, et par amour pour elle et ses enfants. Nous ne savions rien de tout cela jusqu’au jour où nous apprenions la terrible vérité. Mais à qui revenait la faute ? A ma mère ? A moi pour n’avoir été que sa fille adoptive ? Une bâtarde ? D’où vient le fait que du jour au lendemain il décide de tout plaquer pour retourner auprès d’elle sachant que cette femme était sa première et vraie épouse ? Toutes ces questions sont restées sans réponse jusqu’aujourd’hui ; nous n’avons fait que spéculer, trouver des raisons, inventer tout un tas d’histoires à ce propos. Je me souviens que les sœurs de Ferdinand juste après, nous en ont fait voir de toutes les couleurs.

La page a été tournée en quelque sorte, mais les blessures restent tellement profondes si bien que le seul fait de raviver ces souvenirs me plonge dans une sorte de braquage et de renfermement sur soi. Je n’ai jamais vu cette femme en question, Carine et pour peu que je me retrouve entrain de batifoler avec son rejeton, me fait tellement culpabiliser ; on aurait dit que je trahi cet honneur, celui de ma mère en premier et de toute la famille en second ; on aurait dit que je cautionne la haine que Ferdinand nous a voué au fil des années, ce mensonge perpétuel, cette hypocrisie, cette double vie. Je ne peux pas en être fière et par conséquent, je ne pourrai pas me mettre avec Bill, le fils de l’ancienne rivale de ma mère…

- Klariza ma chérie ? Ça va ? Nous sommes arrivés !

- Hein ?

- Nous sommes arrivés, je vais te raccompagner jusqu’à ton appart, comme ça on pourra parler en toute tranquillité au sujet de … de mes parents !

- Non ! C’est pas la peine !

- Comment ça ? Pourquoi ?

- Non ! On ne peut pas ! Il n y a rien à expliquer, c’est comme ça ! On ne peut pas… Nous ne pouvons pas continuer ! Les faits sont là et…

- Mais de quoi parles – tu ? Putain ! J’aimerai comprendre ! Je veux savoir ce qui s’est passé ! Il faut que tu me dises !

- Ok ! Voilà, ta maman est … a été la rivale de ma maman !

- Pardon ? C’est…c’est quoi ce…

- Ton père Ferdinand, il a entretenu deux ménages ! Il était marié à ma mère alors qu’il avait déjà épousé ta maman … je crois que tu étais déjà né !

- Attends ! Attends ! Je… Je … suis un peu perdu là! Tu veux dire que… que… tu es la fille de…

- Dieu merci non ! Mais je l’ai longtemps cru, avant de découvrir que je n’étais que sa fille adoptive ! Mais il … il m’a rejetée, il a fini par nous rejeter, ma mère et moi, il nous a jetées dehors comme … comme des ordures ! En dehors de ça, et je te passe les détails du martyr que nous vivions au quotidien, il nous battait pour un rien ! Il n’était jamais là ! Je comprends c’était pas facile pour lui de gérer deux ménages ! Je ne peux pas oublier ça ! Cette souffrance… Ma mère vient d’une famille pauvre … Mais Ferdinand lui a voilé les yeux, elle l’a aimé, avant d’ouvrir les yeux et de se rendre compte qu’elle a épousé un tyran ! J’ai jamais reçu de l’amour vrai venant de lui, jamais ! Il me bastonnait pour des riens et je pleurais tout le temps… J’étais sur le qui-vive en permanence, il pensait que … qu’en m’offrant tout le temps des cadeaux que ça remplaçait tout, mais il se trompait ! Plusieurs fois je me suis retrouvée à l’hôpital pour coups et blessures… Plusieurs fois ma mère…elle … elle a failli perdre la vie à cause de lui, je te passe les détails des multiples fractures dont elle a été victime… Aujourd’hui je me demande, je me pose toujours la question de savoir pourquoi ? Tout ça pourquoi ? Pourquoi cette souffrance gratuite ?, Alors qu’il avait un autre foyer, peut-être plus chaleureux plus gai et plus convivial? Pourquoi ???

Bill a accusé le coup direct, il est resté sans voix, ébahi ! Il s’est radossé et a poussé un soupir.

- Je… Je n’ai jamais su ! Tu peux me croire ! Je suis désolé ! Je te jure, je n’ai jamais su !

- Normal tu es son fils, tu ne pouvais pas voir, ni comprendre !

- J’ai toujours su qu’il avait des aventures extras, mais de là à…Merde ! je …Je suis sans voix ! Ma mère…je la plains aussi !

- C’est nous les plus à plaindre ma mère et moi !

- C’est vrai je te le dis… Et ce que j’ai envie de te dire c’est que tout ça est derrière ; maintenant tu as une vie bien meilleure, certes le passé ne s’efface pas, mais le passé peut nous permettre de nous améliorer, de changer… Et ce que je vais te demander c’est de le faire pour moi… Je suis peut être le fils de ton ex beau-père, ou ex père adoptif, mais je ne suis pas lui, je suis pas comme ça, j’ai une vie bien différente, je ne n’ai pas vécu…

- Bill … on ne peut pas c’est tout ! Tu es quelqu’un de bien je t’assure, mais…Ce serait un déshonneur ; je ne peux pas ! Ma mère… ne pourra même pas le comprendre !

- Klariza ? Non ! Je t’en prie, je tiens à toi, c’est vrai ! Pour une fois que je me range… J’ai 36 ans ! Je veux me poser…

- Tu imagines ??? Me mettre avec toi, le fils de … de… c’est scandaleux ! Je suis désolée, je dois m’en aller… Je ne regrette rien de tout ce qui s'est passé jusqu’à présent, mais nous ne pouvons pas aller plus loin !

Alors que je veux ouvrir la portière, Bill me retient par la main, il insiste, mais je résiste, il persiste mais je résiste avec force, et tout en me faisant violence, j’ouvre la portière en toute vitesse, je sors et je claque violemment cette portière.

- Klariza ??? Attends !!!

Je me mets à courir à toutes jambes, de peur qu’il ne tente de vouloir me rattraper. Une fois dans ma chambre d’hôtel, je suis essoufflée ; je suis à bout de souffle et à bout de tout … Je m’adosse pendant quelques minutes contre la porte que je viens de refermer, et je me laisse aller… J’éclate brusquement en sanglot et je pleure abondamment à chaudes larmes ; je me laisse glisser le long de la porte tout doucement mais dans un flot de larmes qui ne dit pas son nom…

Un peu plus tard, je fais l’effort surhumain de prendre une douche ; je me sens si mal, tellement mal que je laisse l’eau de la douche couler sans arrêt sur moi… j’aurais aimé me noyer sous cette eau, comme elle semble vouloir me faire du bien ! Je pleure, je gémis, je parle seule, je me laisse même mouiller les cheveux, je ne tiens plus compte du brushing que je venais de me faire quelques heures plus tôt, c’est pas si important que ça. Je sais que je ne peux pas lutter contre mes sentiments, je sais que c’est très fort, je sais que je l’aime Bill et je me déteste pour ça, parce que c’est un amour traître…

- Je t’aime si tu savais… mais c’est impossible !!! Je t’aime éperdument… mais ce serait pure trahison de ma part !!! Ne m’en veux pas, et moi non plus je ne t’en voudrai pas, mais je t’aime…Snif… snif !!!

**Bill**
- C’est pas vrai ! Mais qu’est ce qui m’arrive ? Je me sens complètement perdu ! C’est comme un rêve ! Pour une fois, pour une fois que ça m’arrive ! Je suis fou en fait… Qu’avais – je espéré ? Mais quelle terrible révélation ? Mon père !!! Sacré Ferdinand … Tu ne changeras donc jamais !!! Tu détruis presque toujours tout sur ton passage… D’abord ma mère et ensuite cette autre femme… Mais bon sang qu’est ce qui te prend ? J’ai longtemps culpabilisé en coupant les ponts avec toi et par la suite avec maman pour ce qu’elle a osé faire à Elodie, ma sœur, sa fille, votre fille… Mais là tu me donnes encore l’occasion de maintenir ma position ! J’en ai assez de tout ça !

Je viens de rentrer à l’hôtel, après avoir déposé Klariza… ma chérie ! J’aime bien l’appeler comme ça ; elle est trop mignonne, trop belle à mes yeux ; pour moi elle représente la femme idéale… Mais parfois elle me semble si fragile ; son corps son regard, et ses mains sont toutes frêles ! Quand je la tiens, ou quand je lui prends la main, je décèle en elle cette peur constante, cette envie d’être protégée, mais surtout de se sentir aimée. Elle ne l’a pas encore vécu, je l’ai senti. Ce soir tout se passait tellement bien, j’étais sur le point de lui dire que ce que je ressens pour elle est vraiment très fort ; j’étais sur le point de lui dire qu'à cause d’elle, je suis entrain de me ranger, de faire le ménage autour de moi et de lui prouver qu’ils sont bien réels, mes sentiments ; je me suis senti tellement en confiance, et même, je l’ai mise en confiance et je n’ai pas cessé de la rassurer, avant qu’elle ne m’annonce qu’elle fut la fille adoptive de mon père et que sa mère fut la femme de mon père. J’ai encaissé brutalement le coup ! Comme j’aimerai être auprès d’elle en ce moment et la consoler, lui dire que ce n’est pas de sa faute, ni celle de sa maman ! Mais que tout est entièrement de sa faute à lui Ferdinand !!!

Tout ce dont je me souviens, c’est de la sévérité légendaire de mon père; ça nous foutait une trouille monstre à moi, ma sœur et à mon dernier frère, le benjamin. Il était très dur avec nous, et son insensibilité m’a rendu si indifférent à son égard. Aujourd’hui nous ne sommes pas en très bon termes, et ça fait plusieurs années que ça dure. Je suis parti très tôt de la maison, à 12 ans ; j’ai quitté le pays pour me retrouver ici aux US, par l’entremise d’un grand ami à mes parents, Monsieur Teddy Morrison, c’est lui qui m’adopte en quelque sorte et fini par me donner son nom. Mais Teddy décède quand j’atteins l’âge de 18 ans… En toute honnêteté, je peux dire que je lui dois tout ; je ne sais pas si cet éloignement avec ma famille a été bénéfique, mais je sais une chose, c’est qu’elle m’a permis de grandir et de mûrir dans la tête ; je suis devenu un homme sans l’aide de personne, sans l’aide de mon père, ni celle de ma mère ; mais c’est elle que je plains beaucoup ; plusieurs fois elle a tenté de renouer avec moi, mais je ne me suis jamais senti prêt… Après le coup qu’elle a fait à ma sœur, j’ai eu du mal à digérer ça pour elle… A cause de ça, ma sœur a dû partir en France de toute urgence pour effacer cette grande honte, elle y vit depuis lors et de ce fait, elle n’est plus jamais retournée au pays, comme moi. Quant à mon frère, j’ai tout fait pour le prendre sous mon aile. Il a fini par devenir un petit vagabond ; il vit ici avec moi et tente par tous les moyens de s’intégrer et de se remettre sur le droit chemin…J’essaie de l’aider comme je peux.

Je ne connais pas les raisons qui ont poussé mon père à commettre un tel acte, mais mon petit doigt me dit que ma mère, à cause de son caractère l’a sûrement poussé inconsciemment à aller voir ailleurs … Carine Abessolo n’est-elle pas elle-même pas une femme si difficile et complexe ? Et quant à mon père, avec son côté aventurier hors pair il s’est complu dans les bas d’une autre pour se distraire, au point de l’épouser ! Mais il ne manquait plus que ça, que le destin me mette sur le chemin de sa fille … Adoptive. Mais je me fou de tout ça, qu’elle soit liée indirectement à mon père, ça, ça m’est complètement égal. C’est elle que je veux, et je me sens bien sonné !

Je l’ai appelée en vain ce soir, après l’avoir raccompagnée à son hôtel, elle n’a pas daigné décrocher; je peux la comprendre, j’essaie de la comprendre… Le choc est tel que moi-même j’ai bien du mal à le croire. Tout ce que je sais c’est que je suis si mal en point que je leur en veux à mes parents, je les accuse directement qu’une telle chose puisse s’abattre sur moi comme à ma sœur, il y a quelques années de cela… Mais non, je ne me laisserai pas faire… Je suis différent, je sais que je suis différent ! Klariza, je n’arrête pas de l’appeler en vain et même de lui envoyer des messages, aucune réponse, ça me fout les boules… Je fini par prendre une douche, je cogite ; je n’ai qu’elle dans mes pensées et le simple fait de l’avoir vue ce soir si meurtrie, me fait culpabiliser; oui, je culpabilise, même si je n’ y suis vraiment pour rien…

- Je ne sais qu’une chose… C’est que je suis sûr de ce que je ressens pour toi Klariza ! C’est tout ! Le reste n’a aucune importance…Le reste… ça ne compte pas !

Je me le répète sans cesse intérieurement, tout en laissant l’eau couler à flot tout le long de moi…
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**Moi**
Ce mardi, le travail a repris de plus belle au studio. Je ne me sens pas du tout en forme, j’ai en plus de tout mon lot de problèmes, une grippe que j’ai chopé la veille; je ne sais pas si cela est dû au fait que j’ai passé la plupart de mon temps à pleurnicher sous la douche à cause de cette histoire avec Bill et ses parent. Étrange coïncidence ou coup du mauvais sort tout simplement ? J’en sais rien, c’est peut-être la poisse qui me suit tout bonnement. J’ai très mal à la gorge, je tousse à tout va, je grelotte, j’ai le nez qui coule et en plus de ça mes yeux sont rouges et larmoyants ! Toute la panoplie de médocs que j’ai achetés, ne fait aucun effet.

Dans les couloirs, je viens d’apercevoir Bill ; il est censé prendre le vol dans la soirée comme convenu, mais avant ça il serait venu déposer un rapport. Vêtu d’un costume chic bleu marine, il a porté des lunettes de soleil ; je suis étonnée de constater qu’il ne daigne même pas les enlever. Longeant tout le couloir, il ne semble gérer personne et il répond vaguement aux salutations des uns et des autres qui le regarde intrigués.

- Bonjour Bill ! lui lance-t-on.

- …’jour ! Répond-il dans la gorge.

En passant près de moi, il baisse juste la tête, je fais pareil et personne ne prend la peine de saluer l’autre… Je savais que ça arriverait, ce petit malaise ! Mais qu’est ce qu’il fou encore ici ? Il aurait mieux fait de s’en aller au lieu de se torturer l’esprit… A le voir je sais bien qu’il m’en veut à mourir de l’avoir laissé en plan, mais les raisons tiennent, qu’il soit sincère ou pas. A la réunion du personnel, il est bien évidemment présent, son remplaçant en profite pour nous parler de lui Bill qui s’en va une bonne fois pour toute à Los Angeles… Il est donc obligé de faire un discours … Il porte toujours ses lunettes de soleil, à en croire selon les dires des uns et des autres qu’il serait malade ou même endeuillé…

- Mais Bill ? Que t’arrive-t-il ? What’s happening ?

Par respect, il finit par ôter ses lunettes… C’est la même mélancolie, la même tristesse dans ses yeux qui s’est emparé de lui, tout comme moi. Il n y a que lui et moi qui savons pertinemment ce qui se passe… Je dirai que nous ne sommes que des victimes, des jouets ou encore des marionnettes dans toute cette affaire rocambolesque de famille. Bill a tenu un bon discours d’Adieu, mais a promis de souvent revenir… C’est clair il va manquer à bon nombre d’entre nous ! Je mentirai si je disais que non, au fond de moi, c’est toujours plus intense et le voir ainsi, si faible et secoué me fait en même temps culpabiliser ; je n’ai pas le choix ; et si ma mère venait à l’apprendre, elle me tuerait et ne me pardonnerait pas cette fois ci. Mon expérience avec Steve je ne l’ai jamais oubliée… Alors à plus forte raison cette expérience ratée avec Bill ? Le fils de Ferdinand… Rien qu’à y penser, la migraine me prend à l’instant, ma gorge se noue, et j’ai envie de chialer.

Un petit cocktail surprise est prévu à cet effet, Bill lui-même ne s’y attendait pas ; on lui a remis par la même occasion quelques petits présents de la part de son ancien staff, sans oublier la certification d’honneur à titre d’employé modèle et autre. Lui et moi on ne s’est pas gérés de toute la journée, nous n’avons fait que nous éviter, mais pas du regard… Avant de s’en aller, place à la fameuse photo de famille, avec Bill au centre et très bien entouré de la plupart de ces collègues, des femmes, que j’appellerai ici groupies ! On voit bien qu’elles sont toutes aussi amoureuses de lui les unes que les autres. Je suis reléguée à une bonne distance de lui, à l’extrême gauche, ce qui ne me dérange pas du tout, puisque j’aurai préféré mille fois ne pas faire partie de cette photo d’ensemble ; je suis sûre que lorsque le photographe a dit : « One, two, three… Smiiiile… » Tout le monde a obtempéré, sauf moi, et je parie que lui non plus d’ailleurs…

Deux semaines plus tard…

Il est bientôt 20h 30, j’incite Rick à se mettre au lit ; tous ces derniers jours il semble s’être un peu calmé ; il n’a pas trop évoqué son daddy, ce qui me rassure un peu. J’ai pu trouver un moment de détente avec lui, et je l’ai inscrit au club de foot – ball pour les tous petits, organisé par son école. Je l’accompagne tous les week – end, il adore ça, que je le vois jouer et accomplir des prouesses, sans oublier de l’acclamer haut et fort. S’il ne reste que ça, je dirai que c’est l’idéal, même si tout n’est pas rose, je m’en contente ; même si aux dernières nouvelles Steve serait entrain de pèter les plombs ; il a appris que je suis hors du pays et passe son temps à nous réclamer.

- Maman, j’ai dit, ne le laissez pas vous faire le chantage, je le connais, il est tellement faux !

- Oui oui ! Ton père et moi on a les choses en mains ! Il tape la bouche la pour rien ! Nous le connaissons très bien !

- Voilà !

- A part ça ? Vous allez comment ?

- Assez bien, nous venons de rentrer avec Rick, de son entrainement de foot !

- Ah bon ? Il aime ce sport on dirait !

- Il adore ça ! Tout pour lui c’est foot, foot foot !

- Ahahaha ! En tout cas c’est bien, il s’épanouit !

- Oui, J’y veille quand même !

- Et toi ?

- Moi ? Ça … va ! Rien d’extra !

- A entendre ta voix, je sais que non !

- Comment ça ?

- Tu m’as l’air plus stressée que lorsque tu étais en France !

- Oh c’est parce que je me prends déjà en main, il y a une très grande différence !

- Oui c’est vrai ! Mais… Je veux parler d’autre chose !

- Comme quoi par exemple ?

- Je sens qu’il manque quelque chose !

- Ça va aller, t’en fais pas !

- Au contraire, je devrai m’en faire pour toi ! Ça m’embête un peu !

- Mais quoi donc ?

- Je ne te sens pas très heureuse ma fille… Je le sens c’est tout ! Tu sembles ne te focaliser que sur l’essentiel, ton travail, ton enfant, c’est tout !

- Oui ! C’est tout !

- Donc… tu n’as pas rencontré quelqu’un ? Je veux dire tu n’as pas un ami ou …

- Non … Pas pour le moment !

- Je comprends, mais sache que je suis de tout cœur avec toi, j’aimerai bien que tu fasses une rencontre, un jour peut - être, sans vouloir te forcer la main ; tu es libre de faire tes propres choix, ton père et moi en parlions l’autre jour et il va dans le même sens, il a dit que quel que soit celui que tu ramènes ici, s’il t’aime et toi tu l’aimes, nous l’accepterons !

- Il… Il a dit ça ?

- Oui ! Oui ! Et je suis d’accord… Tu as le droit d’aimer et d’être aimée en retour ! Je prie tous les jours pour que tu rencontres quelqu’un de bien qui sache te comprendre, t’accepter telle que tu es. Ça viendra, je prie pour ça !

- Merci maman…C’est également mon souhait…C’est très touchant !

- Voila ! Je t’exhorte aussi à beaucoup prier ! Je vais t’envoyer une prière spéciale, on appelle ça « prière pour trouver un bon mari »

- Maman tu me fais rire !

- Je suis sérieuse hein ? Et comme ça quand tu auras trouvé un bon parti, tu te marieras là-bas, nous viendrons bien évidemment et ensuite je resterai avec toi jusqu’à ce que tu tombes enceinte et que tu accouches ! Je veux être là, je te tiendrai compagnie !

- Tu me fais rêver…

- Oui je suis devenue une grande rêveuse !

- Est-ce que je peux te poser une question ?

- Mais oui !!! Vas-y !

- Que dire de cette femme ou cet homme qui viennent par exemple de se rencontrer, ils sentent que leur amour est très fort, mais par la force des choses ils ne peuvent pas se mettre ensemble à cause de plusieurs facteurs très négatifs qui salissent leur image, leur dignité ? Que faire dans ce cas-là ?

- Eh bien ! Je dirai tout simplement que seul l’amour vrai et sincère est plus fort, seul l’amour vrai et sincère surpasse tout ! L’amour peut tout !

- C’est vrai !

- Ok je vais te laisser… N’oublie pas de beaucoup prier, je vous embrasse très fort !

- Merci maman, bisous !

Seul l’amour peut tout… j’ai laissé cette phrase planer dans mon esprit. Seul l’amour peut vaincre les choses mêmes les plus difficiles, voire impossibles… Bill est parti depuis deux semaines ; ses appels ont cessé le jour où il est parti ! j’ai tout bloqué de mon côté, mais j’avoue que je me sens hyper mal ; il me manque terriblement, mais je n’ai pas le courage de l’appeler, ce serait idiot, lui aussi a pris sa décision, celle de me laisser tranquille. Alors je prie juste ; je prie tout simplement comme ma mère me l’a recommandé, afin que le Seigneur m’enlève d’abord cette poisse que j’ai en moi, de toujours tomber sur la mauvaise personne, et que sa volonté se fasse, et tout en restant positive, je laisse faire les choses…

Un soir alors que je suis entrain de rentrer du boulot, il est plus de 20h ; j’ai tardé à cause des heures supplémentaires ; mais je ne m’inquiète pas trop pour Rick, Ashley vient de me confirmer que lui et son fils ont tellement joué qu’ils ont fini par s’endormir. Rassurée et sereine, je ne me presse pas trop. A peine je longe le hall de l’immeuble que j’entends une voix bien familière qui m’appelle…Je ne me retourne pas à l’instant, j’ai le cœur qui bat ; j’attends encore un moment avant d’en avoir la confirmation et de me retourner… Nous sommes seuls, le hall est vide…

- Klariza ? C’est moi…

- Bill ?

Je me retourne.

- Bill !

- Oui ! C’est moi !

- Que fais-tu là ? Je veux dire, que fais-tu ici à Charlotte ?

- Je suis venu te voir…Je suis venu te dire que j’ai compris!

- Quoi ?

- J’ai compris que… Ce n’est pas pour rien que nos chemins se sont croisés ! Comment se fait-il que ça se produise ? Comment par un pur hasard, je fais ta rencontre ? Alors que tout nous séparait? Le message est très clair !

- Clair ? Mais Bill… Je n’attire que le malheur dans ma vie, tout est sombre et ténébreux, je …

- Je me fou que tu sois ma sœur adoptive et toutes ces conneries avec mon père et ses femmes! Nous n’avons pas le même sang !

- C’est vrai ! Mais je risque de causer du tort, je risque de trahir ma mère…Et …et…

- Et moi je prends le risque de te dire… que je t’aime !

Une lumière dans les...