chapitre 29

Ecrit par Meritamon


De toute sa vie, le second choix crucial qui s’imposa à Serena Hann fut celui-là:

 

         -         Voulez-vous épouser Tahaa Badr ici présent, promettez-vous de l’aimer, le chérir et lui obéir jusqu’à la fin de vos jours?

 

Elle avait dix-neuf ans. Et elle était certaine que son père la renierait pour cet affront.

 

Tahaa avait conduit toute la nuit et l’aube les a retrouvés à Conakry.

Mais bien avant, ils étaient redescendus ensemble à la maison. Main dans la main, ils avaient trouvé Inna pour lui demander sa bénédiction.

 

        -         C’est ce que vous souhaitez vraiment? Avait demandé la vieille femme.

Serena avait hoché la tête, le bras de Tahaa autour de ses épaules.



       -         Oui. Nous partons tout de suite. Mon père a commencé les négociations pour la fusion de ses activités avec celle du magnat Harold Stander. Et je ne veux pas attendre qu’il lie mon destin à un autre homme que je n’ai pas choisi.

 

Inna comprenait cette décision de s’éloigner parce qu’elle savait que les pères riches et nobles marient leurs filles pour renforcer l’argent par l’argent par crainte de la pauvreté et unir la noblesse à la noblesse pour fuir l’humiliation.

 

       -         Dans ce cas, soyez bénis mes enfants. Tahaa…

  

 Inna regarda son petit-fils, émue :

 

       -         Tahaa, quand l’amour te fait signe, suis-le. Et quand il te parle, crois en lui. Je suis heureuse que tu l’aie trouvé. Partez à présent. Ne tardez pas. Amara et Nafy seront vos témoins.

 

******

À Conakry, le consulat de son pays d'origine avait été immédiatement contacté. Serena y avait récupéré des documents administratifs. Puis, Tahaa et elle se rendirent au Ministère des affaires étrangères où un officier avait pour fonction de célébrer les mariages entre nationaux et ressortissants étrangers. Il fut nécessaire de payer cet homme pour déroger à l’obligation de publier leurs bans de mariage, puisqu’ils n’avaient pas le temps d’attendre les dix jours règlementaires.

 

Serena mourrait de peur.

 

Elle avait accepté un peu par défi, un peu par provocation la demande de Tahaa. Et parce qu’elle voulait se forger un destin loin de son père. Et surtout parce qu’elle voulait savoir où cette histoire la mènerait, dans le lit de Tahaa d’abord, puisqu’il la désirait comme elle le désirait, mais aussi vers une nouvelle vie.

 

Serena avait lavé ses cheveux, les avait coiffés avec l’aide de Nafy. Elle avait mis la robe que lui avait offerte Inna, qui avait appartenu à la mère de Tahaa. Un léger maquillage. Pas de fioritures, même pas un bouquet de fleurs. Tout était dans la simplicité puisque rien n'avait été planifié. Ce qui aurait été le pire cauchemar pour son amie Noura Patel.

Quoi? Un mariage sans invités, sans célébration, ni cocktail et robe de couturiers?

 

Une cérémonie totalement dépouillée dans une petite salle en béton avec un ventilateur bringuebalant au plafond. Qui aurait eu l’idée de cela sinon des gens qui se cachent? Une union non consentie par les parents? Et ici, on parlait du père de la mariée.

 

Lorsque la jeune femme était entrée dans la petite salle qui faisait office pour la célébration, Tahaa s’était retourné en la voyant arriver dans la robe de sa mère. Il en fut profondément bouleversé. C’était elle. Serena était la bonne. Celle qu’il avait longtemps attendu. Sa poitrine se gonflait d’orgueil devant la beauté de Serena qui allait devenir sa femme, qui avait accepté de plonger dans cette folle aventure avec lui, envers et contre tout.

 

À la question, Serena avait répondu le cœur battant, en contrôlant le tremblement de sa voix.

       -         Oui, je le veux.

Au tour de Tahaa, l’homme Peul avait répondu d’un ton assuré en fixant Serena dans les yeux. Pour lui, c’était une chose évidente. Il fallait qu'elle le sache. 

 

On demanda selon l’usage s’il y avait une personne dans la salle qui s’opposait au mariage. Serena pensa à son père qui ne pouvait pas débarquer de façon impromptue pour empêcher la noce.

Elle était certaine qu’il était capable d’avoir une crise cardiaque à l'annonce de cette nouvelle, un autre scandale, une catastrophe qu'il dirait, un caprice de fille rebelle en manque d’attention. Sans compter l’oncle Charles. Serait-il aussi déçu par elle?

Quels étaient les risques? S’il y en avait, Tahaa et elle s'en sortiront-ils indemnes? Ne le mettait-elle pas ainsi en danger?



Tahaa s’aperçut de sa nervosité. Il la couva de son regard pénétrant.

        -         Je suis désolé que ça ne soit pas le mariage de tes rêves, s'était-il excusé, en ignorant ce qui la préoccupait réellement. Nous ferons une grande fête à Diarri, je le promets.

        -         Ne t’inquiète pas pour ça. Tout est parfait.

 

La cérémonie se déroula rapidement. Le célébrant était un peu expéditif puisqu’il avait cinq autres mariages à célébrer avant la fin de la journée. L'homme déclina les droits et devoirs des époux et arriva rapidement à la formule qui consacrait.

       -         En vertu des pouvoirs qui me sont conférés par la loi, je vous déclare à présent mari et femme.

       -         Je crois que la tradition impose un baiser, dit Tahaa.

 

Tahaa se pencha sur sa femme et posa un long baiser sur ses lèvres pour sceller leur nouveau lien sous les applaudissements d’Amara et de Nafy, émus, leur bébé qu’ils avaient emmené avec eux dormait à côté dans un couffin en osier tressé.

 

       -         Vois, ce n’était pas aussi compliqué que cela, nous avons survécu, avait plaisanté Tahaa.

 

Après la signature du registre de mariage, ils dînèrent ensemble dans le restaurant de l’hôtel avec Amara et Nafy, qui devaient faire le chemin retour à Diarri. Serena s’était par la suite changée. Elle avait enfilé une robe très seyante de sa garde-robe, avec des boutons de nacre, mis des talons hauts qui lui creusèrent le dos. Elle se regarda dans le miroir et sourit. Quelle folie! Elle était désormais liée à Tahaa. Peut-être à jamais.



Quand elle le rejoignit à la table réservée pour l’occasion du restaurant, l’homme glissa son regard appréciateur sur elle, il ajouta taquin :

 

      -         Comment je vais faire pour te déshabiller ce soir avec tous ces boutons?

Serena rougit quand il se leva pour lui tirer la chaise de façon galante. Il la complimenta à l’oreille.

      -         Je ne regrette pas ce choix. Tu es vraiment une très belle femme.

 

************

 

Son mari… son époux, cet homme à qui elle avait décidé de lier sa destinée, après avoir tourné le dos à son père. Le cœur battant, fatiguée du voyage, des émotions de la journée et de la cérémonie, elle l’attendait dans la suite qu’ils avaient pris dans cet hôtel en face de la mer. Les choses avaient été si irréelles qu’elle crut avoir rêvé. La journée s’était passée à un rythme effréné. Sans compter qu'elle avait lu l’impatience dans son regard comme la soirée au resto s’étirait, quand toast après toast, son frère Amara trinquait à leur union, à la prospérité du domaine. Tahaa avait envie qu’ils se retrouvent seuls et qu’il puisse enfin la faire sienne. 



Son époux entra dans la chambre nuptiale après avoir pris une douche. Tahaa a un sourire ému quand il la voit vêtue de sa nuisette, celle dans laquelle il avait rêvé secrètement des nuits entières de la voir se vêtir.

Il était aussi fatigué mais heureux. Avec émotion, il écarta ses cheveux pour découvrir son visage. Il admira sa beauté, sa candeur.

     -         Comment vas-tu Madame Badr?

Serena avait souri quand elle l’entendit l’appeler ainsi. Elle devra s’habituer de porter ce nom. Serena Badr.

Elle lui tendit une petite boite qu’il ouvrit, à l’intérieur l’anneau au diamant brillant, l’anneau de chasteté offert par son père.

     -         Je te l’offre. Je pense que je n’en aurais plus besoin une fois que je t’appartiendrais.

Tahaa est envahi par une bouffée de tendresse face à sa nervosité.

Elle pensait qu’il allait s’emparer d’elle sans formalités? Il la rassura parce qu’il la savait inexpérimentée sur les choses de l’amour. Même s’il brûlait de lui faire connaitre et apprécier le plaisir sous toutes les formes, ils avaient toute la vie pour cela.

     -        Je ne veux pas te presser pour ta nuit de noces. Et je veux que tu m’arrêtes si tu n’aimes pas, c’est compris?

 

Il savait qu’elle n’était pas prête pour l’accueillir en elle, aussi s’efforça-t-il de contrôler son désir pour explorer son corps avec toute la lenteur et l’érotisme souhaités. Et pour son grand plaisir, il y avait de quoi à découvrir et à redécouvrir chez sa femme : la vallée de son ventre, ses seins, sa peau douce qui réagissait au toucher.

 Peu à peu, Serena s’abandonna à ses caresses, gémissant de plaisir et dans l’attente de plus en plus grandissante de répondre à ce mystérieux appel qui la consumait tout entière.

Lorsqu’il la sentit prête, Tahaa chuchota tendrement :

     -         J’essaierai de ne pas te faire mal… mais je ne peux pas attendre plus longtemps.

Prenant appui sur ses avant-bras, il la força doucement, puis la pénétra. Serena se raidit crispée et laissa échapper une plainte causée par la douleur.

     -         Tahaa….

 Tahaa ne bougea pas non plus, tendu, un instant déstabilisé par la souffrance qu’elle affichait, alors qu’il était profondément ancré en elle.

     -         Je suis désolé mon amour… désolé pour ça…

Il posa de doux baisers sur ses lèvres, ses paupières, ses tempes pour la détendre, pour lui témoigner sa tendresse. Il n’était pas qu’un homme avec des pulsions primaires. Il voulait qu’elle le sache.

Ensuite, Tahaa commença à bouger lentement en elle. 

 

En expert, il évaluait la cadence, cherchait des signes de plaisir sur le visage de sa femme. Totalement soumise aux coups de reins, des gémissements franchirent les lèvres de Serena, le plaisir lui monta à la tête, lui donnant le vertige.  Le contact de la peau de Tahaa et sa fougue l’avaient domptée, à tel point qu’elle perdit toute notion du temps, aspirée dans un tourbillon. Elle adorait son corps viril, sa musculature fine, ses mains rugueuses et sa bouche qui épousait si bien la sienne. Et cette façon qu’il avait de la regarder comme en ce moment dans ce lit. Il sembla à Serena qu’il en avait toujours été ainsi, qu’elle lui avait toujours appartenue et qu’ils répétaient pour la millième fois ces mêmes gestes de possession.



Un long moment s’écoula avant qu’ils ne reprennent leurs esprits. Tahaa roula sur le côté. Mais la séparation fut de courte durée. Il la reprit dans ses bras et la contemplait avec une infinie tendresse. Enfin, elle était devenue sienne.


-         Je t’ai fait mal?

-         Au début, oui. Ensuite…

-         Ensuite quoi? demanda-t-il, taquin…

Serena eut un sourire mutin et se mordit la lèvre en laissant la question en suspens.

-         Comptes-tu faire cela souvent?


Tahaa se mit à rire.

-         Très souvent. Je sais que je ne me rassasierais jamais de ton corps.


En sentant à nouveau son érection contre elle, Serena comprit qu’il ne mentait pas.

      -         Je devrais prendre la pilule… non?

     -         Tu n’en auras pas besoin, pas dans l’immédiat. Je ne peux attendre d’avoir des enfants, Serena. Je t’en ai parlé. Je vais te mettre enceinte tous les ans s’il le faut, lui lança son mari en caressant son ventre.


      -         Combien d’enfants voudrais-tu?

Un éclair de malice traversa son regard clair.

      -         dix ou douze…

      -         Tu es fou. Je n’ai pas signé pour ça!  S’exclama-t-elle de surprise en lui lançant son oreiller au visage.

Il se renversa sur elle en riant et emprisonna ses poignets au-dessus d’elle. Il se fit langoureux.

      -         Je suis ouvert à la négociation… disons, huit gamins.

      -         Hors de question… Je veux 2 enfants, un garçon et une fille.

      -         C’est trop peu. Trop occidental. Six, et je serai comblé…

      -         Trois enfants.

Serena savait qu’elle perdait à la négociation. D’ailleurs Tahaa secoua la tête, inflexible sur la question.

      -         Cinq et c’est mon dernier chiffre. On aura 5 enfants, si Dieu le veut.

Cinq enfants? Pensa Serena. Elle avait un peu peur de ne pas avoir de mode d’emploi… surtout qu’elle n’avait été que fille unique.

       -         Tu promets que tu m’aideras à m’en occuper?

      -         Tout le monde t’aidera à t’en occuper, Serena. Nos enfants feront partie de notre communauté. Tu ne seras pas seule. Tu sais, ça prend un village pour élever des enfants.

Voyant une expression triste dans son regard, puisqu’il la connaissait, il savait ce qui la préoccupait.

      -         Et je ne doute pas que tu seras une excellente mère.

      -         Qu’en sais-tu? Je n’ai pas eu de véritable modèle…

      -         Chut…. ne dis pas ça.

Il l’embrassa.

-         Je te connais. Tu seras la meilleure mère qui existe. Approche qu’on commence ce projet si excitant...

 

************

-         Allo, Serena?

-         Jayrunda, ce n’est pas Serena…

-         Qui est à l’appareil? Où est Serena? Je veux lui parler…

-         Je suis Tahaa Badr. Serena dort à côté, elle est fatiguée…

Il y eut un silence hostile de Jay comme il essayait de saisir ce qui se passait exactement.

-         Vous savez que vous aurez des problèmes avec son père…  Qu’est-ce que vous lui avez fait?

Tahaa soupira légèrement agacé par l’hostilité de l’ami de sa femme. Le téléphone de Serena avait sonné, insistant. En voyant le nom qui s’affichait, et comme elle dormait profondément après qu’ils eurent à nouveau fait l’amour, Tahaa avait pris l’appel dans le petit salon de la suite.

Ça tombait bien. Jay Patel l’intriguait depuis le début. De ce qu’il savait, à travers Serena, Jay Patel était un esprit brillant, qui pouvait être aussi parfois torturé.

 

-         Nous sommes désormais mariés, elle et moi. Serena est ma femme. Vous êtes le premier à l’apprendre.

 

-         Putain!... s’exclama avec surprise et colère l’homme indien.

 

 Jay avait la voix brisée au téléphone. Il semblait avoir bu et reniflait sans arrêt.

-         Vous l’avez touchée, c’est ça? Comment avez-vous osé? s’écria-t-il.

-         Calmez-vous! Comme je vous le disais, Serena est ma femme. Elle a accepté de m’épouser…

L’incompréhension de Jay était à son comble.

-         Vous êtes vraiment ce que je pensais, le genre de type à déflorer des filles… fuck! Vous aviez son argent, celui qui vous sort de la merde mais ça ne suffisait pas n’est-ce pas? vous vouliez plus… comme un enfant gâté! Alors vous l’avez séduite…

Jay semblait instable et hagard. Il répétait sans arrêt Fuck!

Tahaa garda son calme.

-         Ce n’est pas exactement ce qu’il s’est passé. On se plait elle et moi. C’est fait. Je n’y peux rien. Vous l’aimez, c’est ça?

Il n’y avait que ça qui pouvait expliquer la réaction excessive de Jay Patel. Des sentiments sous le vernis de l’amitié.

Jay soupira profondément amer :

-         Ça n’a aucune importance à présent. Nous sommes amis, je ne peux pas la forcer...

Jay se reprit :

-         Serena n’est pas n’importe quelle fille. J’ignore ce qu’elle vous a trouvé, Tahaa, mais sachez que si elle vous a offert son corps… ou son cœur…

Il renifla :

-          Si elle s’est offerte ainsi à vous c’est parce que quelque part, vous comptez pour elle… ne lui brisez pas le cœur. Malgré ses grands airs, elle est très sensible…

-         Écoutez Jayrunda…  commença Tahaa, un peu agacé qu’on lui fasse la morale.

-         C’est Jay.

-         Oui, Jay. Je n’ai pas l’intention de lui faire du mal. Je ferais de mon mieux pour qu’elle soit heureuse.

-         Bien, à présent, vous lui direz que les fonds ont été transférés. Tout est prêt. De mon côté, je me concentrerais sur l’argent que votre domaine me rapportera. Les affaires avant tout.

-         Je pense que vous êtes raisonnable, Jay.

 

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Quand Jay raccrocha,  il fit ce qu’à ce moment précis, la colère lui dictait. Il téléphona à Malick Hann. Quand l’homme décrocha, Jay lui dit :

-         Je pense que vous serez intéressé par une information de la plus haute importance, Mr Hann.

-         Je t’écoute, fit Malick.

-         C’est Serena…

 
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coucou! alors dans le même chapitre mariage + nuit de noces + Jay qui déconne.

Le reste à suivre bien entendu ;-)


L' héritière