Chapitre 3

Ecrit par Les petits papiers de M


 

Regina

 

Je suis dans la chambre d’Eniola. Mesure-t-elle seulement la chance qu’elle a ? Je regarde avec envie la pile de pagnes de luxe dont elle ne fait rien. Héritage de sa mère pour certains, cadeaux de sa tante pour d’autres. Elle en a tellement qu’elle ne prend plus la peine d’en acheter. Pourquoi Dieu donne-t-il toujours à ceux qui n’en n’ont pas besoin ?

-          Quand tu seras mariée à Herbert, tu pourras avoir tout ça et bien plus

Je me retourne vers ma mère en soupirant. Elle me rejoint sur le lit d’Eni et contemple avec moi sa penderie richement remplie.

-          Tout ça n’est rien à côté de ce que sa mère avait. Mais tu auras plus si tu suis mes conseils

-          J’espère. Comment tu as fait pour rester toutes ces années aux côtés de sa mère sans rien gagner, en étant l’amie pauvre ? Je n’y arrive pas maman. Des fois je suis tellement jalouse d’Eniola que des idées terribles me traversent l’esprit

-          Contrairement à ce que tu penses, mon amitié avec Yolande a été très bénéfique. C’est grâce à elle que tu as ce train de vie aujourd’hui. Et à vrai dire c’est une grâce qu’elle m’a faite en me traitant en amie alors que je n’étais que sa domestique

-          Quel train de vie maman ? Tu habites toujours dans le même studio depuis des lustres et je vis aux crochets de sa fille en me nourrissant de la bonté des hommes. Il n’y a là aucun motif de gratitude

-          Tu leur dois tes études. Si ce pays avait été moins compliqué, tu aurais un bon boulot comme Eniola.

-          Ne me fait pas rire. Le seul bon point du boulot d’Eni, c’est de me faire lire des livres gratuitement. Elle est secrétaire. Tu imagines ? Faire toutes ces études là pour finir secrétaire. Je suis sûre que sa mère se retourne tous les jours dans sa tombe en la voyant se rendre à ce travail. Après c’est pour me parler de passion

-          Ah ! L’argent n’est pas un problème pour elle, elle peut même ne pas travailler toute sa vie. Si l’argent de sa maman finit, sa tante est là pour prendre le relais. Bref, Regina, tu n’as rien pour moi ? Je dois aller à une cérémonie ce weekend

-          Maman !

-          Tu cries pour quoi ? Mon gendre m’a dit qu’il a laissé une enveloppe pour moi. J’espère que tu n’as pas déjà bouffé dedans !

Je regarde son doigt menaçant et éclate de rire en me dirigeant dans ma chambre où elle me suit. Mes relations avec ma mère ne sont pas vraiment celles d’une mère et de sa fille, plutôt celles entre deux sœurs. Elle m’a très tôt ouvert les yeux sur la vie parce qu’elle n’avait pas le choix. Elle m’a eue avec un homme marié, riche et influent en croyant le ferrer. Il l’avait purement et simplement abandonnée avec sa grossesse avant de retourner à sa femme.

Ayant abandonné l’école et fait de sa beauté son fonds de commerce, elle avait dû arrêter de travailler pour s’occuper de moi. Mais cataloguée comme une fille de mœurs légères et de surcroît handicapée par ma présence, elle n’avait jamais pu se remarier. Elle avait vivoté jusqu’à sa rencontre avec la défunte mère d’Eniola. Elle-même mère célibataire, elle l’avait prise sous son aile en lui offrant le gîte et le couvert pour nous deux. En échange, ma mère a servi de nounou et de bonne à tout faire dans sa maison. Yolande voyageait énormément pour ses affaires et ma mère se chargeait de veiller sur Eniola. Dans sa grande générosité et pour récompenser la loyauté de maman, elle avait payé mes études. Jusqu’à ce qu’un cancer l’emporte alors que j’entamais ma première année à Pigier. Et le rêve avait pris fin jusqu’à ce qu’une fois en possession de son héritage, Eni ne décide de poursuivre l’œuvre charitable de sa mère. Mais il s’était passé tant de choses entre temps.

-          (Comptant ses billets) : ah ! C’est 100 mille hein

-          Il ne pouvait pas faire moins. Tu es sa co non ?

-          Tu vois ? C’est pourquoi tu dois suivre mes conseils et faire un bon mariage. Avec ça tu nous mettras à l’abri pour toujours. J’espère que tu ne bouffes pas tout ce qu’il te donne hein

-          Non, non. J’épargne comme tu me l’as dit. Mais il n’en sait rien

-          Ok. Tu lui as parlé du terrain ?

-          Oui. Il a promis de m’offrir ça pour mes 25 ans. Il a même déjà pris mes papiers pour les formalités

-          C’est parfait. Dès qu’il aura acheté ça, je vais commencer à lui mettre la pression pour la dot.

-          Dot ? Je ne compte pas l’épouser hein. Je suis trop jeune, je dois encore profiter de ma vie

-          Gigi ! A un moment la bordellerie doit prendre fin

-          Tu ne me traites pas de bordelle quand tu as les sous pour faire Agoh les weekends et acheter les téléphones de luxe

-          En tant que jeune fille, tu as le droit de papillonner afin de faire le meilleur choix. Mais maintenant, tu dois te pauser avant qu’il ne soit trop tard. Je t’ai laissée faire toutes les expériences que tu voulais. Mais Herbert est un bon parti et tu as l’âge parfait pour te caser. Donc, commence déjà à classer tes pointeurs avant qu’il ne découvre que tu fais un double jeu

-          Je suis trop belle pour finir vieille fille. S’il ne peut pas attendre, ce sera un autre

-          J’étais belle et pourtant regarde-moi aujourd’hui. Eni est encore plus belle, mais regarde-là. Tu ferais bien de m’écouter. Et pendant qu’on y est, dis à ton sugar daddy de te trouver du boulot. Tu as assez chômé. Tu ne pourras pas vivre éternellement aux crochets d’Eni ou des hommes, conclut-elle rapidement alors que nous entendons les pas d’Eni se rapprocher.

Elle frappe à la porte et un large sourire se dessine sur son visage quand elle voit maman.

-          Iya ! Hum… donc si je n’étais pas rentrée plus tôt je ne te verrais pas ?

-          Mais c’est ta faute ma chérie. Tu passes tout ton temps au travail. Impossible de te voir en semaine

-          Et toi tu passes ta vie dans les cérémonies sans fin les weekends

-          Dis-lui bien s’il te plait. Elle est encore venue m’arnaquer pour se faire belle

-          Eeeh Iya ! Tu vas arrêter ça quand ?

-          Mais c’est ça qui m’occupe ! Vous êtes déjà grandes et vous vivez vos vies. Donc en dehors de ma petite boutique, il faut que je m’occupe. J’ai déjà pris ma part chez ta sœur pour le weekend. Tu n’as rien pour moi ?

-          Iya, Iya ! Viens. J’ai un tissu qui devrait beaucoup te plaire.

Nous la suivons dans sa chambre où nous étions il y a à peine une heure. Elle ouvre une cantine que je n’avais même pas remarqué et en sort trois tissus qu’elle tend à maman pour qu’elle fasse son choix. C’est si facile pour elle d’être généreuse. La vie lui a tout donné. Elle est intelligente, belle, mince et grande. Alors que de nous deux, c’est elle la plus âgée, on lui donnerait difficilement 25 ans avec sa belle beau noire et lisse, ses longs cheveux crépus et cet incroyable sourire qu’elle a. Elle aime dire qu’elle est bio, je lui dis souvent qu’elle est neutre et invisible. Elle ne se maquille jamais et pourtant c’est elle qui fait tourner les têtes quand nous sommes ensemble. Elle dit s’habiller simplement alors que la plupart de ses tenues sont des vêtements de créateur : KK, Nanawax, Hariel, Teed, etc… Mais il faut croire que ça ne suffit pas parce qu’elle est toujours célibataire et ça ne semble pas prêt de changer.

-          Je crois que je vais être jalouse. Maman part avec ce beau pagne là et moi qui prends soin de toi tous les jours tu me négliges ?

-          Eeeh Gigi ! La jalousie t’a fait quoi ? De toute façon j’avais une surprise pour toi

-          Quoi ?

-          Le tome 5 de…

-          The secrets ???

-          Tadaaaa ! Fit-elle en brandissant sa tablette sous mes yeux. Ce n’est pas encore sorti. Donc, tu ne pourras lire que sur ma tablette. Et ensuite motus et bouche cousue. Sinon…

-          C’est la dernière fois que tu me feras lire avant les sorties officielles

-          C’est bien ma petite. Leçon sue

Je la laisse parler tissus avec maman et vais m’allonger dans le divan au salon pour me délecter de ce dernier tome de la saga. J’adore lire et surtout quand c’est Anaïs. Aucun auteur à mes yeux n’égale son sens du suspense.

 

Eniola

-          Nanfi, je viens de voir le billet d’avion. J’étais sérieuse en refusant ton offre

-          Pourquoi tu es aussi têtue ? Tu fais quoi toute seule à Cotonou ?

-          Je travaille. Je gère les affaires de maman et les tiennes aussi d’ailleurs

-          La boutique ? Je peux la fermer demain même si c’est ça qui te retient. Tu sais que je n’en ai pas besoin pour vivre

-          Je sais bien. Mais je n’ai pas l’intention de venir vivre à Londres pour autant. Je suis béninoise, j’aime mon pays et je ne veux pas vivre ailleurs. Et tu sais bien que je n’ai pas de bons souvenirs de mon dernier séjour

-          Eni… ça fait cinq ans

-          La douleur reste la même. Mais je serais ravie que tu viennes me rendre visite

-          Pour partager la maison avec tes sangsues ? Non, merci

-          Hahaha Nanfi ! Je vais te libérer un des appartements de Fidjrossè. Préviens-moi juste à temps

-          On verra. Je suis très occupée en ce moment. Je dois préparer une nouvelle carte pour le restaurant. Et gérer en même temps tes cousins n’est pas de tout repos

-          Raison de plus pour prendre du temps pour tonton et toi. Vous les laissez avec leurs grands-parents et vous venez vous reposer ici

-          On va y penser. Sinon, toi ça va ? Un petit-ami à me présenter ?

-          Celui de Regina Hahaha

-          Arrête de jouer avec mes nerfs. Je ne dirai pas que tu te fais vieille. Mais je ne te cache pas que je serais plus rassurée de te savoir entre de bonnes mains

-          Je suis entre de bonnes mains avec Iya et Regina

-          Il n’y a que ta mère et toi pour voir en ces femmes-là autre chose que des personnes intéressées

-          Ecoute tata, intéressées ou non, elles ont toujours été là pour nous. Et elles le sont encore plus depuis que je me suis retrouvée seule ici. Et elles ne me demandent rien en échange

-          Elles n’en ont pas besoin, tu débordes de générosité comme ta mère. Tu paies toujours un salaire à Mariette non ?

-          Ça faisait partie des dernières volontés de maman. Elle lui a consacré du temps et a pris soin d’elle durant sa maladie. Il n’y a pas de plus grande preuve d’attachement. Je comprends que tu lui en veuilles de nous avoir caché la maladie de maman alors qu’elle a été la première informée. Mais elle ne faisait que respecter ses ordres

-          Si tu le dis. Néanmoins, reste sur tes gardes, ferme ta bouche et sache quoi lui confier au sujet de ta vie

-          De toute façon, il n’y a pas grand-chose à en dire en ce moment. Je vais au boulot et je gère vos affaires. Si tu l’avais voulu, j’aurais pu confier la boutique à Gigi. Elle est toujours au chômage

-          Ne me tire pas la langue pour m’accuser après de mal parler de ton amie. Elle attend toujours que tout lui tombe tout cuit dans le bec

-          Ce n’est pas vrai.

-          Tu sais bien que si. Elle veut péter plus haut que son cul. Lorsque tu me l’as passée l’autre fois, elle m’a dit que tu ne lui avais pas payé un master pour qu’elle accepte un travail de standing inférieur. Personne ne commence en haut de l’échelle. Ta propre mère a été vendeuse ambulante de pagnes avant d’avoir son stand à Tokpa. Et avant d’être chef étoilée, j’ai fait la plonge dans un nombre incalculable de petits restaurants. Merci donc de la garder loin de mon business

-          Elle veut juste le meilleur pour elle et sa mère

-          Hum… pardon, laisse Mariette et sa fille. Parle-moi d’autre chose

A court d’arguments, je laisse tomber. Il est inutile d’essayer de convaincre ma tante quand elle pense quelque chose. Elle a toujours des jugements très sûrs sur tous les sujets. Et depuis aussi longtemps que je puisse m’en souvenir, elle a toujours considéré Mariette comme une arriviste. Je comprends les positions de chacune. Vivant sur des continents séparés et très prises par leurs activités respectives, ma mère et elle n’avaient plus le temps pour tout partager comme dans leur jeunesse. Quand elle rentrait de ses voyages, sa seule interlocutrice en dehors de moi était Iya. Elle était certes la gouvernante de la maison, mais elle est restée si longtemps qu’elle est devenue plus qu’une simple employée pour maman. Et ça Katia, l’unique sœur de maman ne l’a jamais supporté.

Depuis le décès de maman, elle me met constamment en garde contre ces deux femmes que j’ai connu toute ma vie. A force, j’en suis venue à leur cacher certaines choses, car je me dis que ma tante sait peut-être des choses que j’ignore. Je ne cache pas qu’elle n’a pas tort de trouver Gigi matérialiste. Elle l’est et ne s’en cache pas. Elle ne fait aucun effort pour changer sa situation si ce n’est enchaîner les hommes. Et pourtant, en plus d’avoir payé ses études, je la nourris et la loge gratuitement. J’ai déjà essayé de lui faire entendre raison, mais elle m’a dit qu’elle pouvait toujours partir et me laisser ma maison si je pensais que ça me donnait le droit de lui dicter sa conduite. Katia avait bien failli débarquer à Cotonou pour mettre ses bagages dehors. Mais sa mère s’était chargée de lui remettre les pendules à l’heure et elle s’était excusée. Néanmoins, je m’abstenais depuis lors d’intervenir dans sa vie. Nous avions d’excellents rapports de sœurs et de colocataires, tant que je fermais ma bouche sur sa vie sentimentale.

J’aurais bien aimé qu’elle en fasse autant avec la mienne. C’est la mort dans l’âme que je mets une touche finale à ma tenue ce soir. Dans son délire, elle avait réussi à me faire accepter des rendez-vous avec des amis de son cher et tendre chéquier sur pattes. Je le soupçonnais d’ailleurs de m’envoyer ses pires contacts pour me faire voir qu’il était mieux qu’eux. Parce que ce cher Herbert continuait de me poursuivre de ses assiduités. J’avais déjà eu trois rendez-vous, tous pires les uns que les autres. Ce n’était pas pour faire la difficile, mais je ne me voyais avec aucun d’eux. Ni avec le bedonnant et terriblement bavard Roger-Marie ou encore le puant Romaric. Celui-là puait tellement que j’avais failli lui demander s’il avait signé un pacte pour sentir mauvais en échange de sa richesse. René, le troisième était d’une timidité maladive. Il avait abrégé le rendez-vous après trente minutes durant lesquelles il avait juste salué et dit son nom. Le seul bon point, c’est le plaisir que j’avais pris à raconter ces épisodes à mes abonnés. Ils attendaient impatiemment le débriefing de ce quatrième rendez-vous. Je me demandais moi-même à quoi je devais m’attendre.

Déjà, il semblait plus prévenant que ses prédécesseurs puisqu’il avait insisté pour venir me chercher à la maison. Mais quand j’ai capté le long regard qu’il m’a lancé en détaillant ma tenue, je me suis demandé si c’était vraiment une bonne idée de laisser ma voiture pour celle d’un inconnu. Nous nous sommes rendus à Le Teranga, un restaurant que j’aime beaucoup. Et j’ai été agréablement surprise de découvrir lors du dîner un homme charmant et cultivé même s’il m’a semblé au détour de quelques phrases qu’il n’était pas très ouvert d’esprit. La soirée se poursuivait calmement jusqu’à ce qu’il s’éloigne pour répondre à un appel et qu’il soit remplacé par Herbert. Encore lui…

-          Herbert…

-          Très aimée Eniola….

-          Je ne suis pas d’humeur Herbert. Tu ne vois pas que j’étais avec quelqu’un ? Dégages de là

-          Mais pourquoi tu es si méchante avec moi ? Et puis Juan est un ami, il ne le prendra pas mal

Il jeta un rapide coup d’œil alentours avant de se saisir fébrilement de ma main.

-          Pourquoi tu doutes de mes sentiments ? Je peux tout t’offrir mais tu laisses Regina te pousser dans les bras de gens qui n’ont rien à faire de toi

-          De quels sentiments tu me parles ? Tu es le fiancé de ma sœur. Je ne nage pas dans ce genre de conneries

-          Bonsoir Herbert

Ce dernier se redressa lentement en lâchant le plus naturellement du monde ma main avant de libérer la chaise de Juan. Ils se sont salués avant qu’il ne prenne congé sans un regard pour moi.

-          Vous semblez bien vous connaitre

-          Oui. C’est mon futur beau-frère.

-          Juste ça ? Vous m’avez semblé…

-          Que dois-je comprendre par ta question ? Qu’il y aurait plus entre nous ?

-          Ne t’énerve pas s’il te plaît

-          Je ne suis pas énervée. Je n’aime juste pas les procès d’intentions. Sans compter qu’il n’y a rien entre nous qui puisse justifier que je te rende des comptes sur mes fréquentations

-          Donc c'est une femme super indépendante que j'ai en face de moi ?

-          Indépendante, c'est vrai. Mais surtout une femme qui accorde de l'importance à la confiance et à la sincérité au sein d'une relation

-          Je vois. Puisqu'on parle sincérité, tu t'intéresses à moi pour mon argent ou pour moi ?

Ah les hommes ! Je n’ai pas pu m’empêcher de rire

-          C’est la première fois qu'on se voit.  Je crois qu'il est tôt pour parler d'intérêt. Quant à ton argent, je ne l'ai pas vu

-          C’est pourtant grâce à cela que tu es assise dans ce restaurant

-          Qu’un autre ou moi-même aurait pu payer

-          Je te trouve bien arrogante pour un premier rendez-vous. N’es-tu pas censée rentrer les griffes et te montrer sous ton meilleur jour ?

Il commençait vraiment à me chauffer les nerfs celui-là. Où est ce que Regina va trouver des idiots pareils ?

-          Et pourquoi je devrais faire ça ?

-          Tu ne vois pas l’évidence ? Tu es célibataire à 30 ans

-          Ah ça ! Je crois que j’en ai assez entendu. Je te souhaite une bonne soirée.

J’ai déposé quelques billets de dix mille sur la table en lui disant de garder la monnaie. Sa bêtise était trop grande pour moi. C’est en me faisant fouetter par le vent que je me suis souvenue que j’étais sans ma voiture et que ma mini combi ne me permettait pas de prendre un zem. Ne voulant pas revoir la face de cet ignoble personnage, je suis allée m’asseoir à la terrasse du Livingstone quelques mètres plus loin.

-          Me ferez-vous la faveur de me laisser m’asseoir à votre table ?

C’est avec plaisir que je reconnais Oyembo en levant la tête.

-          Mais bien sûr ! Il est temps que je vous rende la pareille

-          Je suis ravi de vous revoir. Comment allez-vous ma chère ?

-          Très bien. Vous êtes seul ce soir ?

-          Oui. Et si vous le voulez bien, je pense qu’on devrait se tutoyer

-          Avec plaisir. Alors, pourquoi viens-tu boire tout seul un samedi soir ?

-          Pour vider le stress de la journée. Elle n’était pas de tout repos

-          Tu veux en parler ?

-          Oh non, je cherche plutôt à oublier. Et toi alors ?

Je lui ai raconté ma mésaventure avec Juan et nous en avons rigolé pendant de longues minutes. Je lui ai tenu compagnie en sirotant un jus pendant qu’il dinait d’une salade. Finalement j’ai pris la meilleure décision de la soirée en plantant l’autre idiot. C’est avec joie que j’ai accepté qu’il me raccompagne.

-          (Montant dans sa voiture) je crois qu’il est temps que je te demande dans quoi tu bosses là

-          Hahaha ! Et pourquoi ?

-          N’importe qui ne peut pas se permettre un véhicule aussi luxueux dans Cotonou

-          Tu es vraiment drôle Eniola. Si ça peut te rassurer, je ne suis ni dealer, ni cyber criminel

-          En même temps, personne ne s’en réclame

-          Ce n’est pas faux. Tu connais Design intérieur ?

-          Oui ! C’est eux qui ont décoré la boîte où je bosse. Je retiens surtout la moquette ultra moelleuse qu’ils ont posée sur les sols

-          Eh bien, je suis ravi que nous ayons autant de succès. C’est ma boîte

-          Sérieux !? Je ne savais pas que menuiserie et déco payaient aussi bien. Tu n’as pas besoin d’employés par hasard ?

-          C’est juste mon activité principale. J’ai eu la chance d’avoir des investissements heureux dans l’agriculture et l’immobilier.

-          Ça doit demander beaucoup de travail et de sacrifices

-          (Sourire énigmatique) tu n’as pas idée.

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Bouche de miel, cœur...