Chapitre 3 : La fuite

Ecrit par Dalyanabil

Chapitre 3 : La fuite

 

Fadia.

 

Je sursaute le souffle coupé, je suis entouré par un silence de plomb et aucune lumière ne filtre. Je suis partagé entre le soulagement et la panique quand le souvenir des récents évènements me reviens mais le soulagement l’emporte. Au moins je suis seule, je me rallonge les yeux grands ouvert fixé sur le plafond. ‘’Tu possèdes deux qualités aimées d’Allah : la mansuétude et la patience.’’ Pour quelqu’un qui ne m’as jamais dit un mot en douze de vie commune, Jida s’est assuré de rattraper toutes ces années. Ces derniers mots n’ont pas arête de défiler dans ma tête, ils tournent en boucle, je voudrais les comprendre. Est-ce des qualités que j’ai ? Que je devrais cultiver pour survivre ? Que je devrais arrêté d’en vouloir à tous ceux qui m’ont abandonner ? Pardonner à ceux qui m’ont fait du mal ? A cette dernière pensée je me crispe, jamais je ne pourrais, il y’a des jours où j’ai envie de me venger, de leur faire payer, chaque humiliation, chaque coups, chaque viol, chaque larmes… et des jours où j’ai envie de levé les mains au ciel et de questionné Allah sur le pourquoi des choses.

 

Quand Jida est morte, son petit-fils est revenu et juste comme ça j’étais de nouveau un objet dont personne ne voulait, dont personne ne se souciait, à nouveau j’étais une esclave. Il n’avait pas le temps pour s’occupé de moi, ni l’envie cependant il a décidé de m’emmener avec lui malgré mes protestations du moins je l’ai cru. Les enseignements que Jida m’avait inculqué l’espérance nécessaire pour aspire à plus, pour exiger plus, pour être assez brave pour lui demander de me laisse vivre dans la case de Jida seule. Je revois encore cette conversation dans ma tête, tout à commencer à la lecture du testament. Étant certain d’être le seul héritier de la vieille dame mais surtout qu’elle n’avait pas grand-chose il était convaincu de régler les affaires de Jida rapidement. Il n’était pas très content d’avoir été obligé d’abandonner ses activités pour venir s’occupé des affaires de Jida. Il avait raté l’enterrement mais devait quand même être présent pour emballer ses affaires mais surtout il se devait d’être là pour réclamer le lopin de terre de sa grand-mère sinon l’usufruit de ce dernier allait revenir aux habitant du village et il devrait attendre une décennie pour la réclamer à nouveau passer un délai de trente jours.

 

On a tous été surpris quand l’iman du village voisin est venu lire le testament de Jida, personne ne semblait savoir quand elle avait eu le temps d’aller jusqu’au village voisin pour le rédiger, je ne savais pas ce qui semblait le plus choquer les gens : le fait qu’elle ait eu l’intelligence de le faire ou qu’elle ait pu penser avoir quelconque richesse à léguer. Une fois que j’ai pris possession de mon héritage mais surtout de son contenu j’ai couru au marigot situé juste à la sortie du village caché mon paquet dans la brousse, dans un panier que j’ai place en haut d’un arbre de loin on dirait un nid d’oiseau. J’espère qu’après toutes ces années rien n’as bougé, je dois vraiment trouver un moyen pour m’enfuir. Je n’ai plus de patience si jamais j’en ai eu, aujourd’hui ils ont… Non rectification : IL. Et C’est un IL a presque réussi à me briser il y‘a quelques heures. Si je reste encore un jour de plus, je n’aurais plus aucune chance de survivre, je mourrais ici, je me laisserai mourir ici.

  

C’est un ‘’IL’’ toutes ces années ça toujours été un ‘’IL’’. Finalement, le petit-fils de Jida ne m’a pas ramené en ville avec lui mais m’as vendu à un berger qui était de passage. Je ne saurais pas dire exactement comment la transaction avait été conclue sauf que le jour de son départ il l’a ramené à la maison et m’as informé qu’à partir d’aujourd’hui je n’étais plus sa responsabilité. J’étais tellement choqué que le temps que je réagisse j’étais assise derrière une charrette tire par des bœufs, dirigé par un vieil monsieur tout aussi âgé que Jida avec les traits anguleux et l’air sévère. Durant tout le trajet qu’on faisait de nuit, je me suis assuré de mémoriser le trajet, de me faire minuscule, sans jamais rien réclamé même si je mourrais de faim. J’ai observé en silence la mort dans l’âme, toutes les possibilités de liberté que venait de m’offrir Jida s’éloigne. Mais aujourd’hui il est temps, au diable la patience s’il y’a une chose que toutes ces années de captivité m’on apprise c’est que personne ne viendra m’aider, je dois être mon propre chevalier sur ce coup, sinon je mourrais. Hors je me suis promise de survivre, Jida m’as montre comment et je survivrais.

 

Pour la première fois depuis des heures j’essaie de bouger, j’ai atrocement mal mais je dois le faire, si mes estimations sont exactes ils sont tous au champ ou à vaquer à leur occupation ça doit être ma seule ouverture avant que la cour ne recommence à grouiller de monde et que je doive un soir de plus subir les assauts d’un des hommes de cette famille. Je me traine difficilement sur le sol, rassemble le reste d’énergie qui me reste et pousse la trappe au-dessus de moi, mon cœur bat à la chamade si j’ai mal calculé mon coup et que l’un d’eux me surprend il y’aura de terrible conséquences, je le sais. Je tends l’oreille mais aucun bruit, j’ouvre grand, sors et avance à petit part, à cette distance j’entends les coqs remuent dans le poulailler, le bruit du vent qui frôle les arbres, du murmure du sable quand il souffle un peu fort et aucun bruit de pas, ou de voix. Je suis maintenant à la porte, j’ai les mains moites, la veille robe en pagne que je porte me colle au corps et à certains endroits je sens des coups de vents à cause des trous. Je sursaute à chaque fois car l’air frais m’apporte un mélange de sensations : de la fraicheur à cause de la température très élevé du sous-sol mais aussi de la douleur quand elle colle les bouts du boubou sur mes plaies. 

 

Toujours à pas de loup, j’ai réussi à sortir dans la cour maintenant je suis derrière la case principale, mon estomac gargouille, j’ai tellement faim que je dois me plier en deux à cette réalisation. Un peu comme si mon cerveau venait juste de prendre conscience que la dernière fois que j’ai avalé quelque chose c’était il y’a trois jours, c’était du couscous de mil accompagne de légumes qui à l’odeur ne devait plus être très bon mais que j’avais mangé malgré tout car je voulais survivre. J’ai soif, ma gorge me brule, elle pique, j’ai la bouche tellement sèche que sur ma langue je goute du sang. Je ne peux pas partir sans manger, ça serait du suicide mais s’ils me reviennent et me surprennent ‘’IL’’ m’abattra.

Mon cerveau en ai là à débattre quand je me retrouve dans la cuisine une calebasse à la main droite, dans la main gauche le couvercle de la petite marmite d’eau. Je ne sais pas comment je suis arrivé ici, est-ce que pendant que je pesais le pour et le contre mon corps à continuer d’avance sans ma permission ? J’arrêté de tergiverser, plonge la calebasse dans la grande marmite d’eau et boit d’un trait. La sensation de l’eau surtout bu à cette vitesse me rend tellement malade que je me retrouve à genoux à vomir, je me fige car je suis presque certaine que le vacarme que j’ai causé vas rameute quelqu’un. Un. Deux. Trois… rien. Cette fois je recommence l’opération par petite gorge, marquant une pause entre chaque guettant une réaction de rejet de mon corps qui réagit plutôt bien à ce rythme.

 

Mon énergie retrouvée, je fouille la pièce du regard, c’est la cuisine. Les premières années j’y ai passé beaucoup de temps, avant que la jalousie et la libido ne fasse de moi un esclave d’un autre genre donc je sais exactement où me dirige pour rassemble des bols, deux en tout, un sac et un petit bidon de cinq litres. Je remplis le premier bol de légumes frits, le deuxième de patates douces cuit à la vapeur, sur le feu qui est d’ailleurs presque éteint se trouve une grande casserole de maïs cuit à point, je jette quelques épis dans mon sac, rempli mon bidon d’eau et cours vers la sortie à mi-chemin je reviens sur mes pas car une idée me vient.

 

Quelques instants, plus tard je me dirige d’un pas qui se veut nonchalant vers la sortie du village en coupant par le derrière des cases, de loin me parvient le bruit de conversations, des enfants qui jouent ci et là. Pour sortir de sa concession bien que assez éloigner du village on doit la traverser, je suis consciente que ça va être le premier endroit où ils viendront me chercher quand ils découvriront que je suis partie, mais j’espère que ma petite ruse vas me faire gagner un peu de temps. Chaque pas que je fais est mesuré, je marche la tête baisse, le sac tantôt sur mon dos tantôt trainant au sol car les épis chauds de maïs sont encore brûlants. De loin j’ai l’air d’une folle qui passe pied nu, les cheveux en bataille, les vêtements déchirés, les yeux rivés sur le sol. Je marmonne du moins ça doit être l’impression que je donne mais en réalité je récite juste la sourate du trône :

 

Bismi l-lâhi r-Rahmâni r-Rahîm - au nom de dieu, le tout miséricordieux, le très misericordieux.

 

Allahu la ilaha illa huwa l-hayyu l-qayyoom, - Allah ! Point de divinité à part Lui, le Vivant, Celui qui subsiste par lui-même “al-Qayyum”.

 

la ta-khuthuhu sinatun wala nawm, - Ni somnolence ni sommeil ne Le saisissent.

 

lahu ma fi ssama wati wama fi al-ard - A lui appartient tout ce qui est dans les cieux et sur la terre.

 

man da lladi yashfahu hindahu illa bi-idnih - Qui peut intercéder auprès de Lui sans Sa permission ?

 

yahlamu ma bayna aydihim wama khalfahum - Il connaît leur passé et leur futur.

 

wala yuhitoona bishay-in min hilmihi illa bima sha - Et, de Sa science, ils n'embrassent que ce qu'Il veut.

 

wassiha kursiyyuhu ssamawati wa al-arda wala yaooduhu hifduhuma - Son Trône 

“Kursiy” déborde les cieux et la terre, dont la garde ne Lui coûte aucune peine.

 

wahuwa l-haliyyu alhadim - Et Il est le Très Haut, le Très Grand[font.

 

Je la récite encore et encore, et encore, une fois à la sortie du village je n’arrive pas à croire ma chance. Quand j’entends un cri d’effroi, suivi de jurons. Seraient-ils déjà rentrés ? Pendant une seconde je vois le groupe de vieux en train de jouer au sorgho en l’entrée du village se figer et moi avec, avant de détaler le plus silencieusement possible en direction de la brousse à l’instant où ils ont tourné leurs têtes vers l’endroit d’où provenaient les jurons. Une seule idée m’obsède : « JE SUIS ENFIN LIBRE. »

 
Survivre à l’enfer d...