Chapitre 3 : Suspicions

Ecrit par kaynaliah

Levée depuis les aurores après l’affreuse nuit que je viens de passer, je suis assise à la terrasse donnant à l’arrière de la maison. Ma tasse de café en main, mes yeux fixent longuement cette cour et me plonge dans mes souvenirs lorsque j’étais encore une enfant si innocente. Je me souviens que j’étais plus proche de Caroline car on n’avait que trois années d’écart. Je me rappelle de tous les jeux que nous faisions ici dans cette cour avec nos copines du quartier. Mawa était déjà dans ma vie. Tout le monde avait une confiance aveugle en mon père alors qu’il était juste un loup dans la bergerie. J’entends des pas se rapprocher et me poussant à sortir de ma torpeur.

− Bonjour Adanna. Bien dormi. Demande Claire.
− Ca peut aller mais je n’ai pas très bien dormi.
− Pour toujours le même motif?
− Oui. Dis-je en baissant la tête.
− Parle-moi. Dis-moi ce que tu ressens en ce moment.
− Honnêtement je ne sais pas. 
− …….
− Pendant des années je n’ai plus fait de cauchemars. Il a juste fallu que je passe une nuit ici pour que tout remonte à la surface. Je ne vais pas te mentir: Je n’ai pas réussi à fermer l’oeil de la nuit ni à éteindre la lumière.
− ……
− J’ai vécu une nuit dans la peur Claire. J’aime me retrouver en famille avec vous mais cela me coûte tellement car tout ce que j’ai laissé derrière moi remonte à la surface. 
− Je ne veux pas que tu te sacrifies pour nous car tu en as déjà trop fait et paie beaucoup trop le prix. La mort a été trop douce pour ce montre. J’aurai voulu le voir en prison et souvent je me demande ce qui se serait passé si tu n’avais pas appuyé sur la détente. Souvent je me demande ce qu’aurait fait Caroline? Comment aurait été sa vie? elle était si pleine de vie et avait tant de rêves à réaliser.
− Je pense trop à elle. Elle me manque énormément. Souvent je me dis qu’elle serait devenue la grande gynécologue qu’elle aurait voulu être.
− Elle aurait été encore plus folle qu’elle ne l’était déjà.
− Tu vas la voir souvent?
− Tout le temps. 
− Je ne lui en veux plus.
− Moi non plus. Je sais comment cette situation peut-être difficile. Se faire violer par son père et porter en soi le fruit de cet incident est traumatisant.
− ……
− Arrêtons de parler de choses tristes s’il te plaît.
− Tu as raison. Ca mine le moral.
− Alors tu fais quoi aujourd’hui?
− Je vais un peu me reposer et je prévois aller rendre visite aux parents de Mawa aussi avant les obsèques.
− Les pauvres. Je n’ose même pas imaginer ce qu’ils ressentent.
− Ils aimaient tellement leur fille.
− Je pense beaucoup à eux. Ca doit être tellement difficile pour eux.
− ……
− Au fait qu’avez-vous fait de son bureau depuis lors?
− Rien. On a juste rangé mais c’est toujours un bureau. Pourquoi?
− Juste pour savoir.
− Mmmh ok.

Nous sommes restées là à discuter un long moment avant d’être rejointes par les autres. Après avoir fait la vaisselle, je suis montée dans ma chambre. Il faut que j’essaye de récupérer mon sommeil après cette pénible nuit. J’enlève à peine mon peignoir que je pose sur le lit et ne tarde pas à rejoindre mon lit. Je fais une petite prière et m’endors tranquillement. 

En me réveillant un peu après midi, après avoir pris ma douche, je me rends compte que je suis seule à la maison. L’occasion est trop belle pour moi pour faire face à mon acte terrible. La dernière fois qu eje suis venue dans cette maison, c’est Nancy qui gardait les clés du bureau de notre défunt père. Heureusement que la porte de sa chambre n’était pas fermée à clé et que j’ai pu trouver la clé collée à l’aide d’un morceau de scotch contre la face verso du tableau d’un peintre ivoirien accroché à son mur. C’est à cet endroit qu’elle avait décidé de cacher cette clé pour être sûre que les enfants ne la trouvent jamais. Je la prends et me dirige vers la pièce qui m’intéresse. Plus mes pas se rapprochent, plus j’ai l’impression de ne pas pouvoir être capable de pouvoir entrer dans cette pièce qui me donne tout de même froid dans le dos. Seule la porte de ce bureau est le seul obstacle me séparant de ce lieu. Je me sens paralysée tellement j’ai peur car mes sentiments comment à s’entrechoquer dans tous les sens.

Je prends mon courage à deux mains et mets la clé dans la serrure pour la débloquer. J’actionne la poignée de la porte qui finit par s’ouvrir. Je suis en proie au doute ignorant si je dois avancer ou revenir sur mes pas. Je fais le premier choix. J’avance lentement et la première chose que je pense à faire est de me diriger vers les fenêtres pour avoir de l’air car j’ai l’impression de suffoquer ici. Je m’agrippe aux rambardes de la fenêtre et prends mon temps. Je dois le faire pour aller mieux. Je me retourne et regarde la pièce. Rien a vraiment changé ici. Les mêmes meubles sont là ainsi que ces livres de la bibliothèque. j’ai l’impression de revivre les moments heureux que j’ai passés ici. Je me souviens de toutes les fois où je jouais à cache-cache avec Caroline et papa dans cet immense bureau. C’était la belle époque vraiment. Je me rapproche de la chaise et m’y installe. J’étais assise là quand tout a commencé. Je faisais mes devoirs et je ne l’ai pas entendu entrer dans la pièce tellement j’étais concentrée sur mes travaux. Il a commencé à me toucher les bras avant de s’en prendre à mes seins. Mon cerveau s’est mis en alerte à ce moment-là. Il m’a demandé d’être gentille avec lui comme depuis toujours et de me laisser faire. Je me suis souvenue de toutes ces conversations avec mes soeurs. Mon tour était arrivé et il allait s’en prendre à moi. Il m’a tirée violemment le pied et j’ai glissé au sol. Je le vis au-dessus de moi avec un sourire carnassier. Je ne l’avais jamais vu ainsi. Il s’apprêtait à me retirer mes dessous lorsque je me suis souvenue de son arme qui est juste dans le tiroir du bas. Je n’ai qu’à ouvrir cette partie du meuble à m’en emparer.Je n’ai pas hésité à le faire.Il s’est arrêté net en me voyant le menacer d’une arme. Il la tellement rigolé en précisant que jamais je ne pourrai tirer sur lui. J’ai eu peu qu’il s’en prenne encore à moi en avançant et j’ai tiré trois fois avant de lâcher l’arme qui est lourdement tombé au sol.Il se vidait de son sang et moi je le regardais mourir. J’étais traumatisée et choquée. Je me suis prostrée sous le bureau comme une folle et c’est Nancy qui m’y a trouvé après avoir constaté que notre père ne respirait plus.

Elles ont retiré tous les tapis qui étaient au sol. Ils étaient imbibés de sang. Le parquet a au moins été refait mais malheureusement mes souvenirs demeurent. Je sens quelque chose d’humide me longer la joue. je prends ma main et touche mon visage: je pleure. Ce sont des larmes de douleur, tristesse.J’ai gâché ma vie à travers cet acte immonde. Est-ce que Dieu me pardonnera un jour?

J’ai pris mon temps depuis mon arrivée pour retarder le plus loin possible mon échéance pour affronter la réalité. En lisant le journal ce matin, je suis tombée sur le programme des obsèques de Mawa. Mon coeur a manqué un battement à ce moment là. J’ai plié le journal et ai demandé à Nancy si elle savait où se trouvait le nouveau domicile des parents de Mawa. Je me souviens que Mawa m’avait informée que ces derniers avaient déménagé à Cotonou maintenant en raison des problèmes de santé de son papa. Mais je ne sais pas où se trouve cette maison. Malheureusement elle ignore cette information. Je me souviens à ce moment là qu’une seule personne pourrait m’aider: Khaleb. Je ne saute pas de joie déjà en devant passer par lui pour avoir une information. Je demande à Nancy son téléphone. Elle me le tend et je lance l’appel.

− Allo.
− Bonjour Khaleb c’est Adanna.
− Adanna? Mais quelle bonne surprise. Je suis surpris par ton appel.
− Si tu le dis.
− Tu as besoin de quelque chose?
− J’aimerai voir Tonton Marc et Tata Alima.
− Ah? Ok.
− Sais-tu où se trouve leur nouvelle demeure?
− Je vais t’y amener.
− Ne te dérange pas. Je peux me débrouiller. Donne-moi juste l’adresse si tu l’as.
− Arrête de me fuir Adanna. Je viendrai te chercher que tu le veuilles ou non.
− ….. Comme tu veux.
− Quand veux-tu y aller?
− Le plus tôt possible.
− Très bien. Je viendrai te chercher demain.
− Merci Khaleb.
− Mais de rien ma princesse.
− Je vais faire comme si je n’ai rien entendu.
− Lol.
− Bonne journée Khaleb.
− Merci. Toi aussi.
− Merci.

En raccrochant, Nancy et Claire sont pendues à mes lèvres et s’empressent de me questionner sur ma relation soit-disante “ambigue” avec Khaleb. C’est fou comme elles se font des films. Khaleb est un homme dangereux et j’en ai fait la douloureuse expérience. Je ne compte pas la renouveler. 

Je fais les courses avec mes soeurs à EREVAN HYPERMARCHE. C’est la première fois que je sors de la maison depuis mon arrivée au Bénin il y a quelques jours. Cela me permet de découvrir ce qui a changé dans cette ville et surtout apprécier tous les recoins de COTONOU. Me soeurs se dirigent vers le rayon de la charcuterie tandis que je les devance vers celui des produits laitiers. J’aime beaucoup les yaourts et desserts. Je suis dans mes réflexions à savoir si je dois prendre des yaourts natures ou aromatisés lorsqu’une voix me pousse à sortir de mon état.

− Adanna? C’est toi.

Je me retourne et tombe sur Orlane, ma cousine paternelle.

− Orlane? Comment vas-tu? Mais que fais-tu ici? dis-je en la serrant dans mes bras.
− Comme toi je fais mes courses. Tu es une vraie femme maintenant”
− On essaye de faire comme toi”
− Tu es là depuis quand?
− Quelques jours. Mais je suis là surtout pour un décès.
− Oh désolée ma chérie. Je l’ignorais. Tu tiens le coup?
− Je n’ai pas le choix.
− Il faut qu’on se voit avant que tu ne partes.
− Bien sûr mais pas chez toi.
− J’ai pris mon indépendance tu sais. Je ne vis plus avec maman.
− Ta mère est vraiment une vraie peste. Excuse-moi du terme.
− Je te comprends car je suis de ton avis. Laisse-moi ton numéro comme ça je pourrai te joindre.
− Appelle sur le numéro de Nancy.
− Ok ça marche. Je vais les saluer et je te dis à bientôt.
− A bientôt Orlane.

Orlane est ma cousine du côté de mon père. Elle est la fille de la grande soeur du seul père que j’ai connu dans ma vie, Tante Ruth. Cette femme, du vivant de papa, a toujours été gentille, serviable, une maman pour moi. Mais dès que papa est décédé, elle nous a montré son véritable visage. D’après ses dires, je ne devais hériter de rien vu que je n’ai aucun lien de sang avec son frère. Elle est sa soeur et tout devait lui revenir de droit d’après ses propos. j’ai essuyé les insultes avec elle mais j’ai appris avec le temps à la remettre à sa place et depuis ce jour elle ne me cherche même plus. Dans cette famille, ils ont trop cru qu’on allait baisser les bras à son décès mais que neni. Le notaire nous a protégées sur toute la ligne. La famille africaine est souvent étrange. Ceux qui sont là aujourd’hui à être adorables avec toi sont les mêmes qui te poignarderont demain sans étât d’âme.

Le matin est trop vite arrivé à mon goût. Je suis fatiguée certes mais je dois aller réconforter les parents de Mawa. J’ai pris mon petit-déjeuner et j’attends patiemment l’arrivée de Khaleb. Il est dix heures et demie lorsqu’il m’appelle pour me signifier être garé devant la concession familiale. Je préviens mes soeurs de ma sortie avant de le rejoindre dans sa voiture.

− Bonjour Khaleb.
− Bonjour Adanna. Ca va?
− Oui. Et toi?
− Ca va.
− Merci d’être passé me chercher.
− Mais c’est normal.
− Merci tout de même.

Le trajet se passe en silence jusqu’à ce qu’on arrive devant un jolie concession. Khaleb se gare et on descend du véhicule. J’entends des gens pleurer dans la cour et cela me stresse au plus haut point que j’en reste paralysée. Khaleb revient sur ses pas et me prend la main avant de marcher avec moi. Je vois le petit frère de Mawa, Thomas assis à la terrasse. Dès qu’il me voit, il se lève et vient me serrer dans ses bras. On parle d’un enfant de seize ans qui vient de perdre son unique soeur. C’est triste et douloureux. Je demande après ses parents et il me dit qu’ils sont dans la maison. Je trouve tante Alima assise au salon avec un portrait de sa fille entre les mains et surtout en larmes. Mon coeur s’est brisé. Khaleb s’est rapproché d’elle et elle a pleuré de tout son soul. Je me suis assise sur un siège et elle n’a même pas remarqué ma présence. je ne sais plus sur le coup quoi lui dire. Lorsqu’elle m’a vue, elle m’a sourit et est venue m’embrasser avant de me demander de l’attendre.Elle est revenue quelques temps plus tard avec un dossier en main.

− Tu tiens le coup Tante Alima?
− Je n’ai pas trop le choix les enfants. Thomas a besoin de moi.
− C’est vrai mais cela doit être tellement difficile.
− Je ne te le fais pas dire.
− …….
− Tu sais je n’ai même pas vu ma fille ces derniers temps.
− Comment cela se fait? 
− Elle s’était comme coupée du monde extérieur et de sa famille.
− …..
− Mawa avait tellement changé. Au début de son mariage, tout se passait bien mais les choses se sont bien vite dégradées.
− ……
− Je regrette tellement de choses. Et dire que nous n’étions pas pour ce mariage.
− Ah bon?
− Oui. Je le trouvais trop vieux pour elle mais il nous a apporté des preuves de son amour pour elle et c’est son bonheur qui était le plus important.
− ……..
− Je me suis disputée avec Mawa et avec Marc c’était encore plus virulent.
− ……..
− Elle a osé ne pas nous défendre devant son mari lorsqu’il nous traitait de ploucs.
− Quoi? Comment Mawa a pu laisser un truc comme cela se produire.
− Je l’ignore mais on a été tellement choqués et déçus.
− …..
− Tout ça parce que j’ai demandé une information qui ne lui a pas plus. Il a osé nous dire qu’il a tellement payé cher notre fille lors de son mariage coutumier qu’il ne veut plus avoir à nous recevoir chez lui. Il nous interdisait de voir notre fille et j’ai l’impression qu’elle s’y plaisait.
− Je suis profondément déçue de Mawa sur ce coup.
− Marc ne parlait plus à Mawa mais on ne pensait pas la perdre si tôt. 
− Je suis profondément désolée.
− Ma petite fille a souffert en mourant.
− …..
− Elle est morte noyée. Comment cela a-t-il pu arriver?

J’ai buggé sur cette information car Mawa a toujours eu une peur bleue de l’eau et jamais ne se serait approchée d’une piscine ou de la plage. Il y a trop d’informations qui se jalonnent mais j’ai la forte conviction que Mawa est morte assassinée et je dois découvrir pourquoi. Pourquoi son mari l’a retenue prisonnière? Mais que t’est-il arrivé Mawa au point que tu te coupes de tout le monde ces derniers mois? je dois savoir ce qui lui est arrivé.

Khaleb vient de garer devant le portail.

− A quoi tu penses?
− Mawa.
− Mmmh.
− Tu trouveras cela peut-être dingue mais il y a trop d’incohérence. Elle a toujours été très famille, droite, respectueuse et je ne vois pas Mawa manquer sciemment de respect à ses parents. Tout le monde sait à quel point elle faisait attention lorsqu'il y avait de l'eau. Elle e se baignait jamais. Je crois qu’elle a été tuée.
− Par qui?
− Son mari.
− Il faut qu’on enquête sur lui.
− Et le plus tôt possible. Je n'ai jamais eu confiance en cet homme.

Adanna : En quête de...