Chapitre 3 : Trahison sucrée

Ecrit par Lalie308

Mes étoiles tracent mon chemin, 


Et ma peur s'éteint.


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Michelle

Samedi après-midi, je débarque au palais des congrès de Cotonou et les trois gros bâtiments blancs cylindriques reliés entre eux m'éblouissent comme toujours. Je porte un jean moulant, une chemise beige assez classe et pour ma Tania chérie j'ai fait l'effort de mettre des talons noirs. Je marche dans l'allée, jetant des regards aux jolies fleurs parfaitement alignées et entretenues puis me dirige vers la salle où se tiendra le défilé de mode. Déjà dans le couloir qui mène à la porte d'entrée de la salle, plusieurs personnes habillées chiquement marchent et discutent comme des nobles. Et là, il y a moi qui marche comme un caillou en tentant de ne pas croiser leurs regards. J'ai dû faire un léger make-up avant de venir, j'aurais bien aimé en faire un de bien, mais c'est Tania qui me maquille d'habitude, je suis nul niveau maquillage. J'arrive donc enfin devant le garde-corps : un homme noir bien bâti aux traits acérés mitigés par des lunettes fumées posés sur son nez et couvrant ses yeux bordés par des sourcils broussailleux. Il me regarde avec dédain comme si j'étais la chose la plus insignifiante au monde. Comme je suis polie, je fais abstraction de son expression faciale et me dirige vers l'intérieur, il m'arrête de son bras et me repousse vers l'arrière. Mon air s'assombrit.

— Il y a un problème ? demandé-je en souriant, sourire factice et crispé.

— C'est un défilé privé. Invitation ou votre nom pour que je vérifie s'il est sur la liste.

Invitation ? Liste ? Mais Tania ne m'a rien dit, absolument rien. Je le regarde intensément, certaines personnes passent et je me creuse la tête pour savoir si j'ai une invitation.

— Si vous n'avez pas d'invitation, je vous prierais de partir, me reprend-il hautainement.

Je le regarde de travers et serre les poings, là j'ai envie de lui sauter dessus et de le griffer, de déchirer cette espèce de peau bas de gamme qui l'enveloppe, mais je me retiens, en bonne personne civilisée. Je respire et tente :

— Michelle Lawson.

Il a un sourire moqueur et répète mon nom avant de regarder sur la liste, sûr de ne pas le trouver. Son air s'assombrit finalement et il me regarde.

— Vous êtes attendue dans le carré VIP, grommelle-t-il.

Je suis d'abord étonnée puis me rappelle que Tania ne fait jamais les choses en petit. Je souris arrogamment et dépasse l'homme, en m'assurant de lui frapper le visage avec ma crinière touffue. Méchant loup : zéro, Michelle chaperon rouge : cent mille. Enfin dans la grande salle dont la décoration a été parfaitement fignolée, je marche assurément vers les premiers sièges, je vois mon nom et m'installe après qu'une hôtesse ait retiré la pancarte. On nous sert des amuse-bouche et ça tombe bien, j'ai une petite grosse faim. Mais comme je suis en public, je prends un petit friand et remercie l'hôtesse alors que les autres pleurent pour que je les prenne.

Le défilé commence enfin, la musique en fond est très entraînante et les mannequins se succèdent. À part certaines créations bizarres à mon gout, d'autres sont assez bien confectionnées. Le bouquet final, je vois enfin apparaître de longues jambes fines, des courbes parfaites, un visage magnifique, le tout pailleté d'une peau noir brillant qui porte merveilleusement bien la création : Tania. Pour son retour, elle me fait un clin d'œil et je ne sais pas ce qui me prend, mais je me mets à hurler :

— C'est ma pote la plus sexy !

Tous les regards outrés posés sur moi me rappellent à l'ordre et je me fais toute petite. À la fin du défilé, le styliste vient saluer le public. De petits groupes se forment après le défilé et je reste assise pour attendre Tania. Elle apparaît peu de temps après et me saute dans les bras.

— Tu as été fabuleuse, la félicité-je.

— Que veux-tu ? Je suis une bombe.

J'éclate de rire devant l'air de diva qu'arbore Tania et nous quittons finalement les lieux. Je retombe sur monsieur grognon et lui fais un beau sourire hypocrite. Bien sûr, Tania doit tenir en chemin de petites discussions pour se faire des connaissances. Je me fais donc petite, c'est son heure et elle doit en profiter. Nous arrivons finalement dans un fast-food et nous installons après avoir récupéré nos repas.

— J'ai rencontré avant le défilé un grand créateur nigérian. Il m'a invitée à l'une de ses grandes fêtes le mois prochain. Je pourrai me faire des connaissances de malade, se réjouit Tania.

— Wow, c'est génial. Je suis sûre que tu seras la star à cette soirée.

— Certainement.

J'éclate de rire devant la grande modestie de Tania et dévore mes frittes. Tania fuyait souvent mon regard pendant le diner et je la soupçonne de me cacher quelque chose.

— Tania, tu me caches quoi ? questionné-je directement.

— Rien, pourquoi ? se défend-elle.

— Je te connais T, parle, insisté-je d'une voix plus ferme.

Elle se tait durant un moment et arrête de manger, hésitant longuement sur la réponse qui franchira ses lèvres.

— Il se pourrait, peut-être que j'ai envoyé les manuscrits de ton livre à Homel, confesse-t-elle d'une voix enjoliver d'une fausse innocence.

Ma bouchée reste coincée dans ma gorge et mes yeux sortent de leurs orbites puis je me mets à tousser. Tania, paniquée me tend une bouteille d'eau dont je prends une lourde gorgée et finis par me calmer.

— Tu as fait quoi ? m'étranglé-je, sentant l'air manqué dans mes poumons.

— Disons que j'ai envoyé tes manuscrits à un correcteur pro, je les ai protégés au bureau du droit d'auteur et envoyé à Homel, m'explique-elle d'une voix posée.

— Et tu me le dis comme ça ? Comme si c'est normal ? geins-je.

— Allez, ton livre est super et même en film il serait génial. J'ai dû grave bosser cette semaine pour l'envoyer vendredi.

Je respire lentement et tente de me calmer. Je sais que Tania veut le meilleur pour moi mais elle a tendance à me surestimer.

— Tu as gaspillé ton temps Tania. Tu n'aurais jamais dû, soupiré-je.

— Allez, ferme juste ta gueule, prie et on attend, me coupe-t-elle.

À l'intérieur de moi, un stress incroyable occupe mes organes et j'ai envie de crier. J'ai vraiment peur qu'ils lisent cette œuvre, la trouvent moche et me rient au nez. Je regarde de nouveau Tania qui me sourit fièrement et soupire. De toute manière, ce qui est fait est fait.

Je suis finalement rentrée et mon stress ne s'atténue pas. Je n'arrive toujours pas à croire que Tania ait envoyé mon manuscrit. Elle ne l'a pas envoyé aux petites maisons d'édition qui peut-être auraient pu avoir pitié de moi, non, elle l'a envoyé à la plus puissante de toute. HOMEL est un empire, cette maison a réalisé le plus grand chiffre d'affaires jamais enregistré par une maison d'édition et c'est assez déroutant que Tania ait visé si haut. Elle est folle, ça je l'ai toujours su. Je m'installe dans le salon après ma douche, décide de continuer ma lecture sur wattpad.

— Michou...

Je relève la tête vers mon frère, le regarde d'un air méfiant. Il ne m'appelle presque jamais par mon prénom ou même par une partie de mon prénom sauf pour y ajouter des mots bizarres comme chiotte, quand il le fait, il y a toujours anguille sous roche.

— Démon, qu'as-tu fait ? lui demandé-je en reculant.

Il hausse innocemment les épaules et s'installe près de moi. Je plisse les yeux et comprends enfin.

— Tu es le complice de Tania, affirmé-je.

— Je m'en fou que tu sois en colère de toutes les manières, oui. Même si je sais que tu écris comme une méduse, Homel peut bien penser le contraire puisque tu as ensorcelé le monde entier. Et puis, si ça fonctionne, tu pourras me brancher de belles auteures.

Il me fait un clin d'œil et je lui donne une tape sur l'épaule. Mon frère est du genre à toujours me descendre, s'il a assez cru en moi alors je devrais aussi le faire.

— Je vais dire à papa que vous manigancer dans mon dos, le menacé-je.

Luc éclate de rire et place ses mains derrière sa tête.

— Alors, dépêche-toi ou les mouches le feront avant toi.

— Papa est aussi un complice, je comprends finalement en soupirant et m'allongeant dans le sofa.

Je mets mes pieds sur les cuisses de Luc qui tente de les retirer, mais je riposte.

— Retire tes sales pieds, m'ordonne-il mais je souris sournoisement.

— Je suis entourée de traitres, alors je le mérite.

— Gamine, soupire-t-il, m'arrachant un tirage de langue.

— Je m'en calice.

*

Nous sommes maintenant en plein début du mois de juin, je viens de quitter le travail. En fait, je n'ai pas trouvé de nouveau job et j'ai été contrainte de travailler chez mon père, ce que je ne voulais pas, mais c'est mieux que de me la couler douce et recevoir de l'argent de poche. Il est assez tard donc je décide de me coucher directement après ma douche. Lorsque je m'installe dans mon lit, je pianote sur mon téléphone et remarque que j'ai un mail. Mon cœur rate un battement quand je lis le nom de l'expéditeur. Je cligne plusieurs fois des yeux pour être sûre de ce que je vois. Peut-être veulent-ils m'annoncer que je n'ai pas le contrat ? Je prends mon courage à deux mains et ouvre le mail. Mes yeux s'agrandissent au fur et à mesure que je le lis.

De : HOMEL company

À : Michelle Lawson

Chère Demoiselle Lawson,

Nous avons bien reçu les trois manuscrits de votre œuvre « Le cercle de la dérision » et les avons lus avec attention. Ce roman qui est un parfait mélange de fantastique, science-fiction, romance et d'horreur, nous plonge dans un univers inter temporel qui trace le chemin de Nerdy qui doit passer par plusieurs espaces insolites pour rejoindre le monde des vivants après sa mort prématurée. Votre texte cohérent, intrigant et riche en rebondissements ravira nos lecteurs. C'est donc avec plaisir que nous vous offrons un contrat d'édition qui vous a été livré par courrier. Dans l'attente de votre réponse, nous vous souhaitons une bonne journée,

Kate Prinsley,

Responsable des relations Auteurs.

Je relis plusieurs fois le courrier pour être sûre de ce que je vois. Mon cœur bat la chamade et une joie indescriptible se saisit de mon être. Je n'arrive pas à y croire, c'est génial ! Je balance mon téléphone sur le lit, me lève et saute dans toute la pièce en poussant des cris de joie. Je n'arrive pas à me contenir, je remercie Dieu pour sa grâce, je remercie Tania et ma famille dans mon cœur. Je saute un peu partout et finis par me cogner le gros orteil contre un meuble. La douleur aiguë me fait pousser un cri étouffé mais n'altère pas ma joie. Je sens que je vais pleurer tellement je suis contente. Je finis par respirer un grand coup et envoie un message à Tania. Elle m'appelle directement. Je décroche, son hurlement à l'autre bout du fil me scie les tympans.

— Je suis trop contente pour toi, s'extasie-t-elle.

— Moi aussi, répliqué-je en souriant niaisement.

Je n'arrive pas à me calmer, je me trémousse et ne tiens pas en place. La porte de ma chambre s'ouvre brusquement et laisse apparaître Luc et mon père.

— On a entendu du bruit, il se passe quoi ? commence Luc en jetant un regard circulaire et tenant une cuillère en main.

Je me lève et cours vers eux, je trébuche et tombe mais me relève avec le sourire et les étreins de toutes mes forces puis je leur montre le mail. Leurs visages s'illuminent et mon père me prend dans ses bras.

— Je suis fier de toi ma puce, se réjouit-il.

— J'aurai enfin mes belles auteures, se contente de dire Luc en souriant du coin des lèvres.

Je roule des yeux.

Le lendemain, je me rends à la poste, cette fois même le chaud soleil ne me fait pas perdre ma bonne humeur. Je me rends rapidement à l'intérieur, après les formalités je prends mon colis et rentre chez moi. L'avocat de mon père y était déjà et il nous a fallu toute la journée pour bien décortiquer le contrat et pour que je le signe. À la lecture du contrat, un des points me surprend quelque peu mais je ne m'y attarde pas : Aucune relation non professionnelle n'est admise entre le personnel et les auteurs. De toute manière, si je dois tomber amoureuse, avec tous les britanniques, ce ne sera pas d'un membre de Homel, ils doivent être effrayants et hyper stricts. J'ai renvoyé le contrat par la poste le lendemain. Ils en ont accusé réception et le plus fou est qu'ils m'invitent à venir à Londres, là où se trouve le siège principal. Dites-moi que je rêve !

*

Evidemment mes proches ne me laisseraient jamais partir sans une bonne fête en famille. Je suis avec mon père, Luc et Tania dans un des plus grands restaurants locaux du pays relié à une importante ferme, elle appartient à une vieille connaissance qui est maintenant propriétaire d'une chaine de restaurants locaux en Afrique et au-delà. Nous sommes assis à notre table favorite, les parfums enivrants nous embaument les narines. Nos oreilles sont maintenant habituées au bruit constant causé par les discussions vivantes des clients en particulier. Le personnel s'active et prend rapidement nos commandes. Bientôt, j'aperçois la silhouette élégante de Tatiana, la propriétaire, qui se dirige vers nous avec un énorme sourire.

— Mes clients préférés sont là, se réjouit-elle en s'arrêtant près de notre table.

— Je ne me lasserai jamais de tes plats Tati, s'extasie mon gourmand de frère alors que nous éclatons de rire.

Le reste de la journée fut riche en rires, discussions et joie, il semblerait que tout s'arrange enfin dans ma petite vie. Londres, me voilà. 

Merci de lire, voter et commenter. 


Lalie


Tentation en édition