Chapitre 3 : Une épouse pour le prince.
Ecrit par Mandy93
Chapitre 3 : Une épouse pour le prince.
*** Quelques jours plus tard ***
Muna Kamsi épouse Mpoté
Ça fait six jours exactement qu’on a annoncé la mort du roi de notre royaume. Nous en avons tous été affligés… Six jours que toutes les activités ont cessé. Heureusement que Honoré, mon mari est chasseur et que nous avons toujours de la viande de brousse séchée ici. Nous avons avons toutes sortes de légumes étant donné que j’en vends au marché. C’est vrai que rester à la maison me fait perdre des jours de travail, mais je n’y peux rien, c’est la tradition. Je suis entrain de cuisiner un bon bouillon avec de la viande de brousse, j’aimerai que nous en mangions avec de l’igname pilée. Le créateur nous a gratifié de trois filles magnifiques, toutes de teint clair étant donné que Honoré et moi sommes clairs de peau. Il y a d’abord Pria, l’aînée que plusieurs personnes qualifient de jeune fille difficile à vivre, mais moi je dis qu’il faut juste savoir la prendre. Ensuite il y a Douceur, qui est à l’image même de son nom même si il arrive qu’elle ne se laisse pas faire. Enfin, il ya Arima la petite dernière, posée et respectueuse, elle est… comme qui dirait particulière…
Pria (se tenant à distance) : Maman, moi je suis sortie…
Moi (étonnée) : Mais où vas tu quand le royaume est en deuil ? En plus je voulais que tu me piles les ignames qui sont dans la bassine ci.
Pria : Ah maman, mes petites sœurs vont se charger de ça ! Moi je dois y aller ! Donc comme il y a deuil on ne sort plus ?
Moi : Et pourquoi tu restes à distance ? Rapproche toi ! Pourquoi tu me fais crier ?
Pria (ne bougeant pas) : Je ne veux pas sentir la fumée !
Moi (tournant la sauce) : Et tu vas donc où ?
Pria (faisant les manières) : Il me faut de nouveaux pagnes car aussitôt les jours de deuil passés, le prince cherchera sa reine. [souriant bêtement] Je dois être prête maman.
Moi (la regardant) : Tu le dépasse de 3 ans Pria ! Sois raisonnable, il n’est pas pour toi.
Pria (sur la défensive): Qui l’a dit ? 3 ans, 5 ans, ce ne sont que des chiffres ! Il sera mon mari, point. [piaffant]
Elle tourne les talons et s’en va, la mine serrée. [soupirant] Jamais ça ne s’est fait ici, un homme épouser une femme plus âgée que lui ? Qui plus est un prince ? Hum !
Moi (arrangeant le bois) : Douceur ? Douceur !
Douceur (au loin) : Maman !
Elle me rejoint moins d’une minute plus tard.
Moi (la regardant) : Tu as fini de balayer la cour ?
Douceur (me regardant) : Oui maman, je suis entrain de ramasser les herbes et feuilles séchées que j’ai entassé.
Moi : Okay finis tu viens piler les ignames ci.
Douceur (s’en allant) : Okay…
Je l’observe s’en aller de sa démarche élégante, tête haute et je ne peux m’empêcher de penser qu’elle ferait une bonne reine. Lorsqu’elle revient quelques minutes plus tard et commence à peler les ignames, je lui pose la question qui me brûle les lèvres.
Moi (attisant le feu) : Dis moi Douceur…
Elle (me regardant) : Hum ?
Moi (la regardant) : Que penses tu du prince Kirill ?
Elle (fronçant les sourcils) : Je devrais penser quelque chose de lui maman ?
Moi (découpant les oignons) : Les sept jours de deuil passé, il se lancera à la recherche de sa femme d’après ce que j’ai entendu dire. Tu ne souhaite pas comme ta sœur être la nouvelle reine ?
Elle lance une igname pelée dans le mortier avant de me répondre.
Elle (prenant une autre igname) : Il y a plus important que se battre pour conquérir un homme maman. À dire la vérité, je n’ai jamais voulu faire partie de ce cercle !
Moi : J’espère que tu ne te juges pas indigne d’épouser un prince. La royauté va bien au delà des classes sociales ma fille.
Elle : Ça c’est ce qu’on dit maman… Ça ne m’intéresse pas ce genre de combat.
C’est à ce moment que Arima passe près de nous sans nous prêter attention, elle est suivie par une maman avec son enfant qu’elle porte au dos. Sans doute un enfant malade à guérir… Le créateur lui a accordé la grâce de maîtriser les plantes, donc elle fait bon usage de son don. Nous sommes une famille qui n’est pas riche financièrement, mais je suis plus que comblée car j’estime que nous avons la vraie richesse, celle là même qui n’a pas de prix… L’amour…
Jonas Mbede
Assis dans ma cour, je tire ma pipe la mine dégoûtée. À peine Paulina mon épouse sort de la cuisine et me rejoint avec mon repas, je ne manque pas de me lamenter.
Moi (dépité) : Un notable de mon état, je n’ai pas de filles ! C’est vraiment douloureux rien que d’y penser. [la regardant] Paulina tu ne pouvais pas me donner de fille ?
Paulina (allongeant la bouche) : Moi je n’ai fait que porter la semence que tu as déposé ! Je n’y suis pour rien oh !
Elle s’avance pour disposer les couverts devant moi.
Moi (dégouté) : Pardon va avec ta nourriture ! Je n’ai pas faim ! Pendant que mes confrères notables préparent leurs filles afin que le futur roi en prenne une pour épouse, moi je n’ai personne. Je vais manger la dot des filles des gens toute ma vie ?
Paulina (s’offusquant) : Eehhh! Donc c’est de ma faute maintenant ?
Moi (fâché) : Ce n’est pas ta faute que c’est la faute de qui ? Tu m’as donné trois gros garçons avec de grosses têtes dures ! À leur âge ils n’ont pas d’activité fixe ! Tu sais où ils sont depuis le matin ?
Paulina (tournant sa tête vers le champ) :…
Moi (la regardant) : Tu ne sais pas! Et avec tout ça je vais être content comment ? Pardon pars avec ta nourriture !
Elle s’en va avec les assiettes pendant que mon ventre gargouille. J’ai quand même perçu une bonne odeur de eru, mon met préféré mais j’ai voulu faire le dur croyant qu’elle allait me supplier. C’est quelle genre de femme qu’on chasse avec la nourriture elle part aussi ? Voyant qu’elle ne revient pas, je l’appelle.
Moi (regardant la cuisine) : Paulina ? Tu ne viens pas me tenir compagnie ?
Paulina (la voix bizarre) : J’arrive !
J’attends encore une dizaine de minutes en buvant mon vin de palme et elle ne sort toujours pas. Je me lève en arrangeant mon pagne marron autour de mes reins et me dirige vers la cuisine.
Moi (la cherchant) : Mais tu fais quoi ?
Elle ne répond pas, j’entre dans la cuisine et je trouve la bonne dame assise entrain de croquer un morceau de viande. Et en plus, c’est le repas qui m’était destiné qu’elle mange, la voir ainsi fait encore plus gargouiller mon estomac.
Moi (dépassé) : Mais Paulina ça signifie quoi tout ceci ? Pourquoi tu manges mon repas ?
Elle (l’air de rien) : Quoi ? Mais tu as dit que n’avais pas faim non ? Moi j’ai faim!
Je suis tellement dépassé que je croise les bras et la regarde.
Moi (secouant la tête) : Pourquoi tu as changé comme ça ? Avant quand je boudais ta nourriture tu avais l’air mal. Aujourd’hui pour un peu que je boude tu manges ce qui m’étais destiné ? Tes fils et toi ne voulez pas mon bien dans cette maison.
Elle (raclant l’assiette) : Les temps changent mon cher ! Qui a dit que nous les femmes ont doit toujours subir vos humeurs ? S’il te plaît ne me coupe pas l’appétit !
Moi (la toisant) : Tu n’es pas différente d’une sorcière. Tu es déjà toute grasse tu ne vois pas ? C’est comme ça que tu étais à nos débuts ? Et au lieu de laisser tu continues de t'empiffrer comme un petit porc.
Insensible à mes dires, elle rit avant de m’achever.
Elle (les yeux rieurs) : Et ton gros ventre plein de vin de palme on en parle ? C’est comme ça que tu étais à nos débuts ? Moi au moins je peux utiliser comme excuse mes maternités ! Mais toi… Tu as aussi porté qui ? [Riant] Pardon si tu as faim tu me dis je te sers.
Moi (touché) : La femme est vraiment pire qu’un serpent. Après tant d’année de vie commune je vois enfin ton vrai visage ! [m’en allant]
Je retourne m’asseoir sur mon banc et, en repensant à ses paroles, je verse le vin que je buvais. Elle m’a coupé l’envie de boire. Cinq minutes après elle sort avec une autre assiette qu’elle pose devant moi en souriant.
Paulina (me regardant) : Bon appétit mon mari…
Je me contente de la toiser et une fois qu’elle tourne le dos, je ne perds pas de temps pour me laver les mains et commencer à manger. Je soupire d’aise dès la première bouchée… C’est un pur délice, ma femme a des doigts de fée ! Dès que je finis, elle vient débarrasser sous mon regard attentif.
Moi (souriant) : Merci chérie… Dis moi… et si on essayait de faire une fille ?
Paulina (s’en allant) : À quel âge ?
[soupirant] Donc je vais manger la dot des filles des gens toute ma vie ? Après un bref repos, je décide de sortir car j’aimerai obtenir une information… En chemin. Je tombe sur les notables Serges Kola et Charles Pembo qui m’ont l’air perdus dans leurs pensées, sûrement il sortent du royaume.
Moi (les interpellant ) : Notables ?
Les deux lèvent la tête vers moi et leurs visages sombres s’illuminent pour quelques instants. On se serre la main à tour de rôle.
Serges (me regardant) : Notable Mbede… Comment vas tu ?
Moi (le regardant) : Ça peut aller et toi ? [Regardant Pembo] Vous m’avez l’air préoccupés . Tout va bien ?
Serges (la mine triste) : Fhum! Comment être heureux quand le prince va faire son choix et moi je n’ai pas de fille à proposer ?
Charles (regardant le vide) : Et moi donc! Cinq garçons à mon actif ! Quand j’y pense, j’ai envie d’exploser.
Moi (compatissant) : Comme je vous comprends! Avec trois garçons, je suis moi aussi plus qu’abattu.
Charles (l’air mauvais) : Quand je pense que les autres vont nous narguer avec leurs filles !
Serges (regardant une poule qui passe) : Vous au moins avez des enfants ! Moi même demi je n’en ai pas…
Charles (le regardant) : Il faut vraiment qu’on essaye de trouver une solution à ton problème notable Kola.
Serges (piaffant) : Si vous saviez combien Eveline m’énerve en ce moment ! Incapable de me donner un seul enfant depuis tant d’années!
Charles (enfonçant le clou) : N’est ce pas tu as épousé une des plus belles femmes du royaume ?
Serges (se fachant) : Ça a quoi à voir avec ce dont nous sommes entrain de parler ?
Charles (continuant) : C’est toi qui nous rabâche les oreilles avec ça tout le temps. Tu vois ce que ça donne de vouloir absolument les belles femmes ?
Serges (sec) : Je vois que la jalousie te dérange ! Je préfère m’en aller avant que ça ne prenne une autre tournure !
Il tourne les talons et prend le chemin qui mène à chez lui, les poings serrés.
Charles (me regardant) : J’ai dit quelque chose de mal ?
Moi (le regardant) : Ce n’était peut-être pas le moment de mentionner le titre de sa femme !
Charles (amusé) : Mais c’est lui qui aime le chanter sur tous les toits !
Moi : Hum ! Vous sortiez du palais ?
Charles (arrangeant son pagne) : Oui! Toi tu vas où ?
Moi : Je dois voir baba Sikati. Tu m’accompagnes ?
Charles : Oh non ! Je dois y aller… À plus tard notable Mbede.
Moi (continuant mon chemin) : Oui !
C’est vrai que le notable Kola aime se vanter avec sa femme mais il n’était pas nécessaire de venir en rajouter quand ça se voit qu’il est dans la détresse.
J’arrive chez baba Sikati et comme toujours, un vent frais y souffle. J’attends que ceux qui y étaient s’en aillent et une fois qu’il m’autorise à pénétrer dans le sanctuaire sacré, j’y entre. La terre y est recouverte de feuilles mortes qui forment une épaisse couche. Il est assis sur un petit tabouret recouvert d’une natte rouge. Il a le visage recouvert de dessins ethniques fait avec de la poudre blanche. Comme il se doit, j’enlève mes sandales avant de m’avancer vers lui, le dos courbé.
Moi (respectueusement) : Baba Sikati!
Baba Sikati (les yeux mi clos) : Qu’est ce qui t’amène ?
Moi (m’asseyant) : Baba, bientôt le futur roi prendra femme ! Je veux savoir qui c’est… Viendra-t-elle de la famille d’un de mes confrères notables ?
Les yeux mi clos, il demeure silencieux pendant un long moment, j’ai même peur qu’il ne me réponde pas, ça me ferait trop mal de ne rien savoir ! Dès qu’il ouvre les yeux et que ses iris verts aux pupilles fines et verticales se posent sur moi, je frissonne comme d’habitude.
Baba Sikati (voix rêche) : Et qu’est ce que je gagne à te donner cette information ?
Comprenant où il veut en venir, je sors de mon pagne une liasse de billets enroulés que je pose dans la corbeille devant lui à cet effet. Les lèvres pincées, il acquiesce avant de refermer les yeux, je sais qu’il interroge le créateur… Dans l’attente, j’ai le cœur qui bat la chamade. Qui sera la nouvelle reine ?
Baba Sikati : Elle n’est la fille d’aucun des notables.
Je me redresse car je suis étonné ! Je ne cache pas que cette nouvelle me réjouis car aucun notable ne pourra se vanter d’avoir engendré la future reine de ce royaume. Le créateur est juste ! Il ne pouvait pas permettre qu’ils se foutent de nous autres qui n’avons pas de fille !
Moi (les yeux grands ouverts) : D’une autre famille royale alors ?
J’attends impatiemment qu’il finisse de consulter…
Baba Sikati : Non plus !
Eeeehhh!
Moi (le cœur battant) : C’est qui baba? Elle est la fille de qui dans ce royaume ?
Baba Sikati (ouvrant les yeux) : C’est tout ce que je peux te dire ! Il faut partir ! Tu le sauras bien assez tôt.
Moi (m’inclinant) : Merci oohh Baba Sikati!
Tout déçu, je me lève et marche à reculons jusqu’à mes sandales. Une fois que je les ai aux pieds, et que je ne vois plus baba, je me tourne et emprunte le chemin de chez moi. Donc il y a des chances que le prince épouse une fille de la basse classe ? [Riant doucement] Connaissant la reine Merena, ça risque de faire boom boom au palais d’ici peu. Les choses promettent d’être intéressantes…
Irène Soupo
[ Tapant les moustiques sur mes jambes] Quelle chaleur ! Et dire qu’aujourd’hui personne dans cette maison n’a pu prendre de bain ! Mon bon à rien de fils Romuald a fini toute la réserve, il ne reste qu’un peu d’eau pour cuisiner. Je ne sais pas ce que j’ai fait pour mériter ce genre d’enfant ! Heureusement qu’il ya ma princesse Rena qui apaise mon cœur . En parlant d’elle, je la vois arriver le visage attaché, elle me rejoint sous notre manguier dans la cour.
Rena : Maman, donc on ne se lave pas ici aujourd’hui ?
Moi (la regardant) : Ton frère a fini la réserve mama, je sais qu’il a fait quoi avec ?
Rena ( gonflant) : Et dire que c’est à partir d’après demain que les activités reprendront ? Pourquoi il est égoïste comme ça ?
Moi (épluchant une mangue) : Je ne sais pas où j’ai échoué avec lui !
Elle piaffe bruyamment puis s’assoit avec force.
Moi (l'apaisant) : Après demain on pourra prendre des bains chérie ! [la regardant] Tu sais ce qui me réjouit dans tout ça ?
Rena (intéressée) : Qu’est ce qui peut être drôle en ce moment ?
Moi (souriant) : C’est que depuis que son mari est mort, la reine n’a pris aucun bain !
Rena (ouvrant grand les yeux) : Mais pourquoi ?
Moi : Mais c’est interdit ! Tu imagines ça ? Sa toute puissante majesté plusieurs jours sans douche ?
Nous partons toutes les deux d’un fou rire. C’est ça qui m’apaise depuis. Rien que de l’imaginer dans ces conditions me réjouis pleinement.
Rena (reprenant son sérieux) : Donc le prince doit prendre femme dans de brefs délais n’est ce pas ? Les filles des autres notables sont entrain de tout mettre en œuvre pour attirer son attention.
La douleur fugace qui passe dans ses yeux ne m’échappe pas.
Moi (douce) : On a fait le bon choix ma puce ! Laisse les se battre entre elles, toi quelqu’un de meilleur t’attend, j’en ai la conviction…
Le regard dans le vide, je repense à tout ce que ce prince lui a fait et une seule conclusion me revient toujours : il ne l’emportera pas au paradis ! Heureusement que ma fille me parle de tout, sinon elle aurait sombré dans une dépression sans fin. Et dire que sa soi disant amie n’a rien vu ! Ça ne m’étonne même pas, ces gens là ne voient rien d’autres que le bout de leur nez !