chapitre 30: il n'y aura plus que lui

Ecrit par leilaji

Chapitre 30


Lorelei


L’ambiance est électrique à la maison. Hier après midi, alors qu’elle installait à peine sa marchandise, les agents de la mairie sont venus lui demander de payer les taxes de la semaine. Connaissant ma mère qui ne se laisse jamais faire, ça a dû tourner au vinaigre de sorte qu’ils se sont énervés contre elle et ont embarqué tout ce qu’ils pouvaient avec eux. Pour la narguer, ils ont stocké à l’arrière de leur pick-up ses fruits et légumes et sont restés devant elle un bon moment à l’appeler « la vieille » sans aucun respect. Je n’étais pas là quand ça s’est passé. C’est Raphael qui en rentrant de ses cours m’a envoyée un texto pour me prévenir du désastre en cours. J’ai dû quitter précipitamment les bras de Mickael pour voir ce que je pouvais faire afin de récupérer ses vivres frais. Mais le temps d’arriver, il ne lui restait plus rien à vendre si ce n’est un paquet de colère et quelques graines de désespoir, contre la vie mal faite et les familles pauvres. J’ai tenté de la rassurer en vain. 


Depuis hier, elle n’a pas encore décoléré. Nous sommes à table en train de manger en famille. Je bavarde gaiement avec papa pour essayer de détendre l’atmosphère tout en prenant garde de ne pas trop avaler de nourriture. Mickael et moi avons reporté notre rendez vous de la veille à aujourd’hui et je n’ai pas envie de l’embrasser, oui l’embrasser et avoir une haleine de manioc. Maman me coupe la parole au milieu d’une phrase et demande à Raphael d’augmenter le volume du son de la télévision. Je vois s’afficher sur l’écran de la première chaine gabonaise la RTG 1, le générique de l’émission "le clip de la semaine".  Habituellement, ce sont des chansons d’artistes que maman aime bien qui passent alors tout le monde se tait et la laisse regarder tranquillement. Puis l’invraisemblable se produit… Je me vois à l’écran, avec mon nom tout en bas du clip vidéo : Lola Bekale !. 


- Raphael !!! Regarde ! Oh Seigneur Valentine est fou comment a-t-il fait pour la faire passer aussi vite à la télévision ? On a bouclé le tournage hier ! 


Je n’arrive pas à décoller mes yeux de l’écran. Je ne me reconnais pas dans cette femme qui danse et parle d’amour… J’en ai les larmes aux yeux.  Est-ce que mon rêve est vraiment en train de se réaliser sous mes yeux ? Je me déhanche à l’écran oubliant à quel point la tenue est serrée sur mon corps et les plantes des pieds me font mal car à ces moments là, je voulais seulement donner le meilleur de moi-même. Et comme d’habitude, la vision que Gabriel a eu de cette chanson et le remodelage qu’il en a fait sont spectaculaires. 


Je regarde Raphael pour signer avec lui et lui dire combien de fois, je lui dois cette avancée car je sais que le chemin est encore long. Mais s’il ne m’avait pas persuadée d’accomplir mes rêves, je ne serais pas là aujourd’hui à me voir chanter sur une chaine nationale. 


Mais Raphael ne me regarde pas. Il regarde maman qui serre sa fourchette à s’en faire rougir les articulations. A mesure que le clip évolue, elle se lève tout doucement de la table et je ne sais pas pourquoi, je fais de même. Les hommes de la maison nous regardent et restent assis, impuissants face à la bataille qui va bientôt éclater. 


- Tu traines le nom de ton père dans la boue ?!

- Maman…

- Nue devant tout le Gabon ?

- Mais, c’est juste de la couleur sur moi… j’essaie de dire mais la déception que je lis dans son regard m’empêche de me justifier plus en avant. 

- Mam…


Ma tête dévie sous le coup de la gifle retentissante qui s’abat sur ma joue. Mon père se lève à son tour ainsi que mon petit frère. 


- Marie !

- Quoi Marie ? Elle rate son CAP et c’est tout ce qu’elle trouve à faire ? Chanter nue ?


Elle s’avance vers moi et je recule jusqu’à toucher la télévision qui a semé le malheur en cette journée. Je ne veux pas qu’elle abime cette journée ! Pourquoi ne peut-elle pas tout simplement être fière de moi ? Je ne me prostitue pas, je ne quémande rien à personne, je fais ma part de taches quotidienne dans la maison même quand je rentre exténuée d’une répétition. 

Pourquoi ? 


- Tu vas quitter cette maison aujourd’hui même. Va prendre tes affaires. Hurle –t-elle. 


Je sais qu’elle avait d’autres espoirs pour moi et qu’elle est doucement mais surement en train de se rendre compte que je ne serai jamais la fille qu’elle a tant imaginé avoir. L’intellectuelle, bardée de diplôme plus ronflant les uns que les autres, mariée à un homme fortuné et ayant mis au monde trois jolis gosses aux joues bien dodues scolarisés dans des écoles privées et parlant comme des blancs!

Elle se rend compte que je ne réaliserai jamais ce rêve. Et c’est cela qui lui déchire le cœur et la rend si amère envers moi.

Mais tout ce que je sais c’est que c’est son rêve à elle, pas le mien. Je n’ai donc pas à en porter le lourd fardeau à sa place. 


- Mais chanter est ce que je sais faire maman.

- Je m’en fous ! Tu n’as qu’à aller chanter hors d’ici. Je vais marcher et dans la rue ce sera maintenant « Marie la mère de la fille qui passe nue à la télévision ». Jamais, je préfère moi-même te faire sortir… 


Elle s’avance vers le couloir qui mène aux chambres de la maison. Je l’imagine déjà, le visage implacable, ranger mes affaires dans des sachets pour les jeter dehors devant les voisins. Papa malgré ses gestes lents tente de la calmer mais rien n’y fait. C’est Raphael qui réussit à se mettre en face d’elle et à lui barrer le chemin. Il s’adresse à elle. Il signe tellement vite, ses gestes sont erratiques et je n’arrive même pas à comprendre ce qu’il est en train de dire. Elle non plus n’y comprend rien. Mais quand il est en colère, il oublie qu’on ne signe pas aussi vite que lui. Et moins on le comprend, plus vite il signe… La journée de la veille a été difficile et peut-être que je ne fais que payer les pots cassés mais elle continue de vociférer des mots blessants qui finissent par me mettre hors de moi. 


- Tu vas arrêter de me parler ainsi. Je ne suis plus l’enfant que j’étais. J’ai pris mes responsabilités et je nourris cette famille. Je m’occupe des miens. C’est à ça que sert l’école n’est-ce pas ? A avoir un diplôme et un travail et pouvoir s’occuper des siens. Et ben figure toi que moi je le fais sans diplôme ! 

- Tu es vraiment une vaurienne hein… Gaspillée depuis Kinguélé. Vie ratée. Et tu te complais dans ça…


C’en est trop. Je retiens mes larmes en battant rapidement des cils et je quitte le salon pour aller m’enfermer dans la chambre. J’entends papa crier à son tour. 


- Tu vas arrêter… de mettre sur elle les déceptions de ta propre vie. Oui tu n’as aucun diplôme et tu as fait des … ménages toute ta vie. Oui tu as épousé un homme simple qui n’a … pas eu de carrière extraordinaire. Et tu sembles… le regretter. Nous sommes heureux Marie… pas riche… mais heureux… je suis fier de ce que j’ai offert à mes enfants quand j’en ai eu l’opportunité… Du respect pour chacun et de l’amour … Ne me fais pas regretter de t’avoir choisi pour être la mère de mes enfants. Je suis ... peut-être impotent maintenant. Mais je reste l’homme de cette ... maison. Alors tu vas te taire !

- Samuel ? C’est à moi que tu dis ça ? Après tout ce que j’ai sacrifié pour toi ? 

- Raphael, dis … à ta sœur de se calmer… les chiens ne font pas des chats… C’est avec ma voix et une guitare que j’ai charmé … votre mère même si elle n’en parle plus. Dis à Lola… que sa passion de la musique lui … vient de moi. Dis lui d’arrêter de… pleurer. Dis lui que je … suis fier.  


***Raphael***


Je cogne  à sa porte et rentre même si je sais qu’elle n’a pas du tout envie de me voir. Elle pleure à grosses larmes et renifle bruyamment. Il y a des moments comme ceux-ci où j’aimerai tant pouvoir porter sa peine pour elle et servir de bouclier contre les colères de notre mère.  Mais je ne peux pas, parce que je ne parle pas et qu’elles sont comme cela depuis que je les connais. 


En LSF


- Papa dit qu’il t’aime. 

- (…)

- Et moi aussi. Je suis fier de toi. Je vais pouvoir me vanter auprès de mes amis que ma sœur est une star. 

- (…)

- Si j’avais su qu’une chanson s’appelant parapluie pouvait marcher, je t’en aurai écrite une depuis longtemps tu sais.  


Elle me repousse de l’épaule pour m’éloigner d’elle. Je regarde les murs de sa chambre. Autant les miens sont couverts de livres, autant les siens sont couverts de vieux posters. Elle a pourtant dépassé l’âge mais elle n’a jamais pu se résoudre à enlever Brandy, Witney de ses murs. 


- Sérieux. Tu penses quoi de marmite pour ta prochaine chanson ? Alors parapluie, ça parle de quoi ? Tu aurais quand même pu faire mettre les paroles dans le clip par respect pour ton frère sourd…

- Ohhh Raphael laisse moi !

- Pff, un petit cri de maman et tu pleures. Tu es quel genre de femme de sensei ? La prochaine fois demande à sensei Mike de t’apprendre à faire une prise de judo que tu pourras essayer sur maman. 


Elle qui pleurait, éclate de rire et me jette un regard lourd de reproches pour avoir réussi à la faire décolérer. 


- Un jour, tu ne réussiras plus à me faire rire Raphael, et je m’en irai loin d’elle… Je ferai ma vie… loin. 

- Loin d’elle c’est aussi loin de moi Lola. C’est maman et on a qu’une mère. Tu pourrais partir loin de moi ? 


***Lorelei***


Loin de lui ? Jamais ! Mais où avais-je la tête ?


- Jamais loin de toi. Tu le sais. 


Il me sourit. 


- Tu sais maman est juste … apeurée par l’avenir. Elle veut le meilleur pour toi mais elle ne sait pas s’y prendre. 

- C’est juste qu’elle me voie comme un produit raté. Sans diplôme, sans mec alors que mes cousines vivent dans des foyers, certaines sont mariées…

- Mais t’as un amoureux maintenant. 

- Gabriel aurait fait un bon mec à présenter, affable et gentil. Mickael c’est une autre paire de manches! Quand elle va se mettre à lui parler en fang là …


On est hilare rien qu’en imaginant maman parler en fang à Mickael-monsieur-je-ne-dis-pas-plus-de trois-mots-par-phrase. 


On finit par se clamer après un moment. 


- C’est vraiment ton amoureux maintenant ?

- Oui. 

- Il continue de recevoir plein de cadeaux et de numéros de téléphone de femmes mais il n’y prête pas attention. C’est bien non ? Ca veut dire qu’il tient à toi…


C’est trop chou que mon frère essaie de me rassurer. Même lui a remarqué l’essaim de femmes qui tourne autour du ténébreux Mickael Valentine. Pffff, je dis ça comme ça mais en réalité cela n’a rien de drôle. Ca veut surtout dire qu’il doit avoir une expérience monstre de la chose et qu’il va vouloir que je lui sorte le grand jeu.  


- Je peux dormir avec toi ce soir ? demande de manière impromptue Raphael. 

- Kiéééé. Un vieux garçon comme toi ? 

- Allez s’il te plait, je vais mettre le petit matelas par terre. On ne sait jamais, peut-être que maman va venir te gifler dans ton sommeil. 


Je lui lance mon oreiller pour le faire taire. Enfin, façon de parler. Il me sourit. Raphael est vraiment un gentil garçon. Je sais qu’il n’a juste pas envie que je reste seule avec mon bourdon et les mots blessants de maman en tête.  

Je pense à Mickael qui doit venir me chercher bientôt. Peut-être qu’il vaudrait mieux annuler. Je prends mon téléphone et lui envoie un message. 


Moi : « Hey angel ! »

Lui : « Ce soir pour un tête à tête » 


Aie ! Je prends mon temps pour lui répondre à la recherche des mots justes. 


Moi : « On peut reporter à un autre jour ? »

Lui : « Ok »


Il a répondu en moins d’une nano  seconde. A croire que l’option ne lui plaisait pas tant que ça. Bah tant pis. Je ne vais pas non plus le supplier de me supplier. 


Moi : « Ok »


Heureusement qu’il ne saura jamais que c’est un ok de dépit. 


***Gabriel***


J’ai invité Bénédicte à diner au Maisha pour fêter notre collaboration. Elle est radieuse vêtue simplement d’une robe en soie mauve et d’escarpins assortis. Elle prend place à notre table après que j’ai tiré la chaise pour qu’elle puisse s’asseoir. 


- Bonsoir Gabriel. Dit-elle soudain intimidée par moi. 


Il faut dire que j’ai pris excessivement soin de mon apparence ce soir. Je ne suis pas peu fier des regards féminins qui tardent sur moi dans le restaurant. 


- On commande ? 

- Oui. 


Un serveur nous emmène la carte et nous nous plongeons dans la lecture du menu du jour. Mais quelques secondes après alors même que je n’ai pas encore pris connaissance de la moitié des plats proposés, Bénédicte referme doucement le carton et me regarde dans les yeux. 


- L’invitation c’est pour quoi exactement ? 


Comment ça ? Pourquoi une telle question ?


- Je ne comprends pas Bénédicte. On a fait un boulot formidable, toi en écrivant cette chanson et moi en la coproduisant avec ta société. 

- Il parait que le clip est déjà sorti. 

- Oui. 

- Pourquoi si tôt ?

- Parce que je veux faire d’elle un phénomène. Battre le fer tant qu’il est brulant. 

- Tu veux … l’éblouir c’est ça ? 


Je ne comprends pas où elle veut en venir. Pourquoi veut-elle compliquer un simple diner ou je lui propose de fumer le calumet de la paix. 


- Tu tiens beaucoup à Lola. 


Je pose la carte. On est dans un cadre somptueux et elle, gâche tout ! Où sont passés ses répliques incendiaires ? Pourquoi ce visage triste. 


Elle inspire fortement, boit son verre d’eau d’un trait et se met à parler :


- Encore aujourd’hui, je rêve de toi. Dans mes rêves tu as toujours tes traits d’ado. Est-ce que tu te rappelles du jour où mon sac à dos est tombé en classe et que tu t’es levé de ton banc qui était loin du mien pour venir ramasser mon sac ? 


De quoi parle t-elle ? 


- Ce jour est resté gravé dans ma mémoire comme le plus beau jour de ma vie. Gabriel Valentine, le mec le plus populaire du lycée qui se lève pour ramasser mon sac en plein cours de français. J’en ai arrêté de respirer pendant les quelques secondes que ça t’a pris pour me le rendre. Et dix ans plus tard, je m’en souviens encore comme si c’était hier alors que toi tu ne sais même pas de quoi je parle. Dix ans plus tard, je rêve encore de toi. 


Ses yeux commencent à se remplir de larmes et je me sens gêné par la tournure des choses. 


- Je … c’est la passé Bénédicte. 

- Oui je sais mais que doit-on faire lorsque notre passé hante notre présent ? 


Je vide à mon tour mon verre d’eau. Comment ose-t-elle revenir à ces moments ! 


- Le passé n’est pas un fantôme pour nous hanter Bénédicte. 

- Mais …

- Non. Hors de question de remuer cette boue alors que mon frère et moi commençons à peine à …  Non. Bénédicte. Hors de question. 


Je me lève et appelle le serveur pour payer d’avance la note avec un généreux pourboire. 

Je voulais fêter notre succès en toute amitié et elle, tente de me reconquérir !


***Bénédicte***


Pourquoi réagit-il comme cela ? J’étais adolescente, folle de lui et un peu idiote sur les bords. Mes copines me disaient : Gabriel s’intéresse à toi mais pour en être sûr, demande lui de te donner de l’argent. Je l’ai fait, imaginant bêtement qu’il penserait à m’offrir un cadeau plutôt que de l’argent. Mais il m’a donné trois cent mille francs. Je les ai acceptés, plus pour craner auprès de mes amies que pour les dépenser.  Cependant, il a continué avec sa cours de pom-pom Gab comme on les appelait à l’époque, le groupe de filles entièrement dévouées à sa cause et à son bon vouloir ! J’ai vu rouge même si je savais qu’il avait de vrais sentiments pour moi. J’ai vu rouge. A l’adolescence, le plus petit coup de vent se transforme facilement en ouragan dans les cœurs. Son frère est apparu au même moment. Je me suis dit : je vais le rendre jaloux et il devra enfin se décider… La suite a été un vrai désastre. 


J’ai fait une erreur oui, mais il m’en veut encore jusqu’à présent ? 


***Plus tard dans la nuit ***


***Lorelei***


Je dors mal, je me tourne et me retourne dans les draps chauffés par mon corps. Il n’y a qu’un vieux ventilo poussif qui tourne ses vieilles pales comme il peut en grinçant à chaque tour. J’ai chaud et Mickael me manque.


Mon téléphone caché sous mon oreiller vibre bruyamment. Je le retire rapidement de sa cachette et lis le message.


Lui : « insomnie »


Je suis contente et je retiens avec peine un cri de joie. S’il est dans le même état que moi c’est une super bonne chose n’est-ce pas ?


Moi : « Moi aussi »

Lui : « Alors donne moi un baiser »

Moi : « Muack »

Lui : « Trop irréel »


Je ne sais plus quoi écrire. Comment pourrai-je rendre le baiser réel puisqu’il n’est pas là ?


Lui : « ouvre la fenêtre »


J’ai le cœur qui cogne fort dans ma poitrine. Je jette un coup d’œil à Raphael qui dort profondément torse nu sur le petit matelas d’appoint. J’ouvre tout doucement ma fenêtre qui donne sur l’arrière de la maison…

… Et je tombe sur ses yeux de chat qui brillent fort sous l’éclat de la lune. 


- Et mon baiser ?


Il est fou ma parole! Il a failli me faire avoir une crise cardiaque. 

Je dois être tout aussi folle que lui pour être si désespérément heureuse de le voir au beau milieu de la nuit chez moi alors que mes parents dorment dans la pièce à côté. Je pose les coudes sur le rebord de la fenêtre et l’observe. 


- Il faudra venir le chercher ce baiser… 


Je ne sais même pas pourquoi je lui ai répondu ça. Envie d’être enlevée peut-être, bousculée surement… étonnée aussi ! Envie de faire quelque chose d’extraordinaire. Avec lui et seulement lui. Il s’approche encore plus de la fenêtre. Son visage n’est plus qu’à quelques millimètres du mien. Un sourire quasi érotique incurve ses lèvres. 


- Lola, Lola ne me rends pas plus dingue que je le suis déjà mon ange. 


C’est Mickael ! Il est vraiment là devant moi, les yeux ardent de désir. C’est le seul être au monde à prononcer mon nom comme une caresse. Je n’y tiens plus, son souffle chaud qui m’effleurement les lèvres est happé … par moi en un baiser intense et sauvage. Je l’embrasse, à y perdre la tête parce que je veux qu’il sache que je suis celle qu’il attendait. 

Je ne sais pas pourquoi je pense à de telles choses à un tel moment mais j’ai envie de le lui faire sentir plutôt que de le dire bêtement. Mickael est un homme d’action qui parle peu. Je sais qu’il prête plus de poids aux actes qu’aux mots. 

Ses mains passent dans mes cheveux mais l’éternuement de Raphael dans son sommeil me rappelle soudainement à la réalité. Nous ne sommes pas seuls dans notre monde mais chez moi. Et n’importe qui pourrait nous voir. 


- Viens. Dit-il tout simplement. 


Je n’hésite plus. Cette nuit est  nous.  Je lui demande de patienter et je vais réveiller Raphael pour l’implorer de me couvrir pour le lendemain matin. Il se frotte les yeux et se rendort aussitôt. J’espère qu’il a compris ! De toute manière je lui enverrai un message plus tard. Il y a si peu de lumière dans la chambre que je ne suis pas sure qu’il ait pu lire sur mes lèvres avec ses yeux ensommeillés.


Je me change rapidement, mets un jean et un débardeur puis je passe un petit pull fin au dessus. Je sors par la fenêtre que je referme derrière nous. Je me serai sentie ridicule devant un autre homme, tellement sortir ainsi est humiliant, mais je sais que Mickael ne s’attarde pas sur ce genre de détail. 


Nous marchons dans les ruelles sombres de Montagne sainte. Je suis avec lui alors je ne crains rien même s’il est très tard.  Je regarde sur mon téléphone l’heure, il est 23 h 19. La nuit n’est pas encore trop entamée. La lune embellit le ciel dégagé et encombré d’étoiles scintillantes pour nous souhaiter d’avance une bonne nuit. 

Lorsqu’on arrive sur la route principale et qu’il s’approche de sa moto, je retiens mon souffle. 


- On ne peut pas partir en taxi ?


Il secoue légèrement la tête et tire du côté latéral de sa moto un casque rose pailleté de strass. J’éclate de rire. 


- Oui. Ce casque est une insulte au motard que je suis. Mais les strass me rappellent … toi. 


Je secoue la tête. Mickael conduit sa moto comme un malade, comme s’il n’avait pas peur de mourir. Violemment. 


- Lola. Il est rose. Insiste-t-il. 


C’est ça son argument de choc ? Je regarde le casque plus longuement. C’est un vrai bijou qui en jette vraiment. Je soupire et finis par accepter de le porter. Quand je fais la balance dans ma tête, j’ai bien plus peur de le laisser repartir que de monter sur sa moto. Il me pose le casque de protection sur la tête, l’ajuste. Après qu’il soit monté sur sa moto, je monte aussi et cherche quelque chose à agripper mais il n’y a rien. Tout doucement, il prend mes bras sans se retourner et me colle à lui. Je m’adapte parfaitement à son corps et la sensation est infiniment agréable. 


La seconde qui suit, il fait vrombir son moteur et démarre sur les chapeaux de roue. La vitesse atteinte est telle que le vent me colle encore plus parfaitement à lui. Trente minutes et des poussières plus tard, il gare devant sa porte et enlève son masque avant de descendre de la moto. Je suis complètement tétanisée, il a fallu que je ferme les yeux pour ne pas crier de peur quand il nous faisait prendre des virages serrés et qu’il fallait se pencher avec lui pour ne pas nous faire basculer. 


- Espèce de salaud tu m’as fait crever de … je m’exclame en enlevant mon casque 


Sa bouche s’abat sur la mienne coupant toute parole. Mais le baiser est délibérément lent et annonciateur de douceurs encore plus exquises.  Il enfuit ses mains dans mes boucles soyeuses puis la gauche descend tout doucement sur ma nuque. Il est si prés de moi que j’ai l’impression qu’il peut entendre mon cœur battre la chamade. Pourvu que ce baiser ne prenne jamais fin. Je suis toujours assise sur la moto et comme s’il avait lu en moi il me soulève dans ses bras pour me faire passer la porte de chez lui.  Je m’accroche comme je peux et enroule mes jambes autour de ses reins. Il nous conduit droit vers sa chambre, allume la lumière sans me lâcher une seconde et me pose sur le lit avec douceur. 


Il enlève son tee-shirt et mon regard affamé court sur sa peau. J’en connais déjà la texture et mes doigts brulent de le toucher à nouveau mais il ne bouge pas d’un pouce. Qu’attend-il ? Que suis-je censée faire ? Je décide de me déshabiller à mon tour. Je me lève du lit et m’approche de Mickael sans le regarder. J’enlève le pull que je porte et le laisse tomber à mes pieds. 


***Mickael ***


Lola est une femme éminemment sensuelle. Mais il y a une innocence en elle, une inexpérience que je ne m’explique pas encore. Elle réfléchit pour chaque geste même quand il est dicté par la passion. Elle se pose des questions et se demande si elle fait bien ou pas d’écouter son corps. C’est ce que je devine de son attitude, de ses regards. Je ne m’attendais pas à ça mais depuis notre dernière étreinte, j’y ai songé mille fois. Faut-il lui laisser du temps ou encore ai-je moi-même besoin de temps pour accepter le fait d’entamer pour la première fois de ma vie une relation … particulière ? 


Je lui caresse la joue. Elle n’a pas à avoir peur de moi ou de l’ombre des femmes qui ont défilé dans mes bras. Aucune d’entres elles, n’a compté comme elle, elle compte pour moi. Aucune.  


Elle me regarde et se mord la lèvre tout en attrapant le bas de son débardeur. Je remarque tout de suite qu’elle ne porte pas de soutien gorge et m’enflamme aussitôt. La pointe de ses seins dressés caresse légèrement mon torse. Je vais devenir dingue si je ne ralentis pas les choses. Je la tourne et l’aide à enlever son habit que je fais passer au dessus de sa tête. La peau couleur chocolat de son dos appelle des caresses.  Je relève sa chevelure pour offrir à son dos toute mon attention. 


***Lorelei***


La douceur de ses lèvres sur mon dos me tire de doux gémissements. Il se plaque contre mes fesses pour me faire ressentir l’ardeur de son désir malgré le jean qui entrave encore toute communion. Je retiens mon soufle lorsque ses mains remontent de mon ventre à mes seins. Je crois que s’il arrête ce qu’il est en train de faire, je vais instantanément me briser en mille morceaux sous ses yeux. L’impatience commence à me tarauder et j’en oublie toute pudeur. 


Je pivote pour prendre ses mains dans les miennes et nous attirer vers le matelas. Je n’ai encore jamais lu autant d’appétit  dans son regard tandis que ses yeux caressent mon corps à moitié dévoilé. 

Il ne le sait peut-être pas mais ce regard affamé me libère de la pression qui pesait sur mes épaules. Avant que tout commence entre lui et moi, je l’avais déjà vu regarder … d’autres femmes. Mais jamais il ne les a regardées ainsi, comme il me regarde moi, Lola. Et je suis fière d’être celle qui le met dans cet état. Je me sens pousser des ailes. Je le pousse légèrement et il tombe sur le matelas. Je m’allonge sur son corps parfait après l’avoir dégusté des yeux et je lui donne enfin Le baiser, celui par lequel la folie des sens débute. 


Ses doigts se font timides sur ma peau. Il est dérouté par ce retournement de situation aussi bref qu’inattendu.


- Déshabille-moi. Murmure-t-il pour garder le contrôle.


Je défais le bouton de son jean et le tire pour l’en débarrasser. Il ne porte plus qu’un boxeur qui ne me cache rien de son anatomie. J’hésite et il s’empare de moi pour me faire rouler sous lui. A son tour il me déshabille. Contrairement à lui, je ne porte pas de sous vêtements et un grognement sourd s’échappe de ses lèvres lorsqu’il me découvre … nue. 


- Lola… T’es parfaite. 


Je ne peux m’empêcher de l’attirer à moi pour qu’il me fasse face. Et du bout des doigts, j’explore le corps de l’homme étendu au dessus de moi qui pour ne pas m’écraser de son poids tient sur ses bras et fait saillir ses muscles. Il me laisse faire avec toute la patience du monde jusqu’à ce que moi-même je n’en puisse plus de ce petit jeu des sens. 


- Dis moi que tu me désires Mickael.

- A un point fou Lola…


Il pose ses lèvres dans mon cou puis me mort tout doucement. De petites ondes électriques parcourent mon corps tout entier et me donne envie de plus … beaucoup plus. Je m’arc-boute pour mieux sentir son poids d’homme sur mon corps. Son désir décuple et il enlève son caleçon pour mettre fin à l’entrave. D’un geste rapide et maitrisé sur lequel je refuse de m’attarder, il se gaine d’un préservatif sorti de je ne sais où. J’encercle ses hanches de nouveau avec mes jambes pour le lier plus intimement à moi. Ses caresses qui tout à l’heure encore parcouraient tout mon corps se concentrent à présent sur un seul endroit : la partie la plus intime de mon corps. Je ferme les yeux pour mieux savourer l’exquise douceur… C’est bon, tellement bon, j’en veux encore et encore. Il ne cesse pas et me regarde me crisper sous ses doigts magiques. 


- Tu es si douce Lola. Si douce… 


Ces paroles venant d’un homme si dur me bouleversent. Je me détends complètement et il m’embrasse fiévreusement avant d’unir nos corps.

Nous sommes parfaits l’un dans l’autre. L’un à l’autre. Je me sens délicieusement emplie. Et ce qui au début n’était qu’une douce chaleur se transforme en brasier dans mon corps au fur et à mesure qu’il bouge en moi. 


***Mickael***


Je sens des frissons incontrôlables me parcourir le corps. Lola est chaude et douce à l’intérieur. Le plaisir que me procure son corps est inédit. Je n’avais encore jamais ressenti cela avec aucune autre femme. Je ne m’arrête pas de m’enfouir en elle pour me dégager aussitôt. Mais l’appétence est telle que je ne supporte pas d’être hors d’elle même une seule seconde. J’ai l’impression que le monde s’est arrêté de tourner afin de suspendre le temps et nous ouvrir les portes de l’extase. 


Ses ongles me labourent le dos et les petits gémissements qu’elle laisse échapper malgré elle, rendent la rencontre de nos deux corps plus passionnelle encore. 


- Plus fort Mickael. Plus fort. Plus … vite. 


Je ne veux pas que ça s’arrête. Mais les frissons qui me parcourent deviennent tellement intenses …

Je ne m’arrête pas. Je veux la marquer de mon corps. Nous rendre exceptionnel pour qu’elle comprenne sans mot ce que je ressens pour elle depuis le début.  

Je ne peux pas m’arrêter de lui faire l’amour. 


Lola… Lola… Je sens son corps se contracter plus fort autour de moi. Elle retient sa respiration et se concentre sur le plaisir que je lui procure. 


Le cri qu’elle laisse échapper me libère. Je la rejoins après un dernier effort. 


***Lorelei***


J’ai déjà ressenti du plaisir… mais aucun n’égale celui auquel mon corps vient de gouter. Je suis ailleurs… dans un autre monde où tout est volupté et plaisir…  

Je veux rester ici à jamais dans ses bras. Ici, il n’y a pas de combat, pas de haine, pas de gagnant, pas de perdant. Dans ses bras ce n’est que partage et possession.

Tout doucement mon corps et mon esprit qui s’étaient brisés en mille morceaux se reconstituent. Mon souffle court s’harmonise à celui de Mickael. Tout doucement. Il se retire de moi et jette le préservatif dans la petite poubelle au pied du lit.  


J’ai froid. Mon corps a besoin du sien tout contre lui. Il me prend dans ses bras puis dégage de mon visage les mèches rebelles. Je compte ses petites taches de rousseur tandis qu’il a les yeux fermés. Il les garde fermés longtemps comme s’il avait besoin de temps pour retrouver ses esprits ou pour trouver quoi me dire. 


- Lola ?

- Oui Mickael.

- Je me fiche de celui qui a été le premier. Mais je veux que tu saches qu’il n’y en aura plus d’autres à part moi. 


Je reste muette puis je ferme les yeux. 

S’il pouvait savoir à quel point ces paroles me réconfortent. Je suis tellement heureuse d’être dans ses bras et je veux y rester pour toujours car il a raison. Le premier ne comptera plus jamais. Plus jamais. 


Parce qu’il n’y aura plus que lui.

LOVE SONG