Chapitre 31
Ecrit par Hübsch
Aéroport national de Lomé.................
Notre vol venait d'atterrir.Ce fut le vol le plus long que je connaisse. On a fait escale deux fois, à Toronto et à Paris.Il était 19h30 quand on arriva à Lomé. Heureusement que je voyageais léger parce que la chaleur fut la première chose qui nous accueillit. Un vent si chaud qu'on a envie de se débarrasser de ses vêtements et d'être toute nue. On n'avait pratiquement pas de bagages et on a pu se passer des formalités interminables. Papa est un habitué. Ce qui veut dire qu'il a l'habitude de filer des billets de 10mille francs aux soldats pour leur service chaque fois qu'il voyage ; alors sachant que leur gagne pain était aux alentours ils se sont mobilisés pour être à nos soins. On attendait dans le salon VIP le temps que tout soit réglé. Je ne suis pas du tout enthousiaste et ça je faisais tout pour le montrer. Une fois nos passeports à jour, on pouvait maintenant rentrer. On appela un taxi et celui ci ne se priva pas de nous taxer. C'est toujours comme ça avec les étrangers. Une fois que mon père se mit à parler le vernaculaire, il compris que ce n'était pas son jour de chance et proposa un prix plus raisonnable. Lomé, la belle. Les rues de Lomé toujours peuplés, le paysage, les taxi moto, les revendeuses au coin de rue,l'ambiance qui régnait la nuit et les lumières qui brillaient à travers la rue. Tout cela m'a vraiment manqué. La vie est tellement simple et intéressante ici. J'étais perdue dans la contemplation et ce sont les cris du chauffeur qui me sortirent de ma rêverie. Lui et un conducteur de taxi moto communément appelé "Zed" se lançaient des insultes.
Taximan: Imbécile, sorcier, si tu veux mourir faut mourir seul.
Zed: Assassin, tu as appris à conduire au village ? Ici c'est la ville, idiot.
Ha ha ha ha ça m'a vraiment manqué ça aussi. Le chauffeur prit un virage et mon coeur se mit à battre. C'est vrai qu'il se fait tard et Ça fait peut être longtemps que je ne suis pas rentré mais je ne pourrais jamais oublier ce quartier. J'y ai vécu. J'en connais tous les coins et recoins.
_Où allons-nous ?
_Chez ta tante.
_Et pourquoi ?
_C'est là bas que tout se passe pour les funérailles.
_On va loger là bas ?
_Oui c'est plus pratique. Si on loge à la maison, ça fera trop d'aller retour.
_Je ne peux pas y aller papa. Je préfère loger à la maison ou à l'hôtel.
_Miranda ça va ? Mais c'est chez ta tante que tu as toujours vécu non, où est le problème si tu loge là bas.
_Je suis désolé papa mais je ne peux pas mettre les pieds dans cette maison. Je t'expliquerai plus tard mais ne m'emmène pas là bas s'il te plaît.
_D'accord comme tu veux. En plus il se fait tard et on a une journée chargée demain. On en reparlera.
Il donna de nouvelles instructions au chauffeur et celui ci fit demi tour. J'ai cru que mon coeur allait lâcher. Non je suis pas prête. Je suis pas forte.
Après qu'il soit venu me ramener à Montréal, mon père avait construit une maison dans le quartier d'Agoe où il passait ses séjours à Lomé. Quand il n'était pas là c'était Mammie qui y vivait. C'est la bas qu'elle est morte mais je préfère encore aller dans cette maison que chez ma tante. Je n'ai jamais mis pied dans la maison de mon père, vu que je ne suis plus revenue depuis toutes ces années mais il m'a quand même envoyé des photos. On a roulé quelques minutes et on étaient arrivés.Des enfants que je ne connaissais pas se dépêchais de prendre nos bagages du taxi et répétait en vernaculaire "Gnine woezon" qui veut dire "Bon arrivé mon oncle ".j'étais quand même impressionné et j'avais en même temps honte. J'ai tourné le dos à ma famille surtout à mon père. Je n'ai plus montré d'intérêt pour ce qu'il faisait de sa vie en dehors de moi. La maison était très belle. C'était une villa de deux étages avec un jardin, une terrasse et même une piscine. Il y avait des femmes dans la maison et mon père me présenta comme sa fille qui vit à l'étranger .Elles se sont mis à parler en même temps .Apparemment mon père leur a beaucoup parlé de moi et ils sont enfin ravis de me rencontrer en personne. Elles m'ont présenté leurs condoléances en arborant une mine triste. Je fis tout mon possible pour être la plus polie possible. Je comprenais toujours le vernaculaire et je le parlais très bien. J'ai juste un accent un peu rigolo. Après les présentations, on me conduisit à ma chambre. On aurait plutot dit un appartement au deuxième étage.Il y'avait une chambre à coucher, un salon et une cuisine. Tout était parfaitement aménagé .Le salon et la chambre étaient climatisé, il y avait une télé au salon un tapis et des sofas, Dans la cuisine il y avait une machine à café un gaz et un mixeur. En plus on y faisait le ménage comme si quelqu'un y vivait mais ça se fait voir que personne n'a jamais vécu dans cet appartement. Tout était encore nouveau. Mon père avait pensé à tout. Il n'a jamais cessé de penser à moi. Je réalise maintenant que j'ai été un peu égoïste. Je ne me suis jamais demandé ce qu'il pouvait ressentir.
_La chambre est magnifique.
_Ravi qu'elle te plaise. Je te laisse t'installer. Le voyage a été long, repose toi et n'oublie pas ta crème contre les moustiques. Ma chambre est juste à côté de la tienne si tu as besoin de quelque chose.
_Merci papa .bonne nuit.
Toute seule dans cette chambre à la fois chaleureuse et étrangère je ne pense qu'à une chose Ari. Je ne pouvais pas dormir sans écouter sa voix. Mais malheureusement je n'avais pas encore acheté de carte SIM et il n'y a pas de Wi-Fi à la maison donc pas de chance. Il doit sûrement être inquiet vu qu'il doit faire jour là bas. Bon c'est pas grave, je le ferai demain. Pour le moment je suis très fatigué. Je vais prendre une douche et m'assoupir.
Franck Harisson :
Flash back 10ans
Il eut un époque où j'étais l'homme le plus heureux du monde. J'avais une femme splendide et une petite fille impressionnante .Je suis un homme d'affaires donc je voyage beaucoup. De malentendu en malentendus, un jour ma femme prit les voiles, nous laissant seuls, moi et ma fille. Ma Miranda. Elle était la prunelle de nos yeux. Je ne comprends toujours pas comment Rosalie a pu laisser sa fille. Elles étaient très proches. Bref voilà comment je me retrouve avec un enfant de 10ans sur les bras. Je dirige une société de transport donc je ne suis pas la plupart du temps là. Où vais je laisser Miranda sans encore plus bousculer son équilibre. C'était ma préoccupation. Alors quand ma mère me proposa de la faire venir à Lomé qu'elle ne fut ma joie .Elle allait être entouré de la famille et elle oublierait sa mère .Elle pourra ainsi évoluer .En ce moment là je n'avais pas encore construit à Lomé. Ma mère quant à elle vivait au village et c'était une vielle femme, Miranda ne serait qu'un fardeau pour elle même si elle dira le contraire. Mais ma soeur par contre vivait en ville avec son mari et n'avait malheureusement pas d'enfants.Là bas Miranda aurait accès aux meilleures écoles. Alors après avoir beaucoup réfléchi je pris ma décision. Si seulement je savais que cela allait nous éloigner ! Mais qu'aurait je pu faire d'autre.Me remarier n'était pas non plus une bonne idée. Voilà comment lorsqu'elle avait 10ans elle s'est retrouvée à vivre avec sa tante en ville.Au début elle était un peu triste, je me souviens qu'elle n'a pas dit un mot et quand je devais repartir elle a même refuser de m'adresser la parole. J'ai décidé de faire tout mon possible pour construire une maison et m'installer avec ma fille à Lomé. Alors j'ai travaillé d'arrache-pied .Les deux premières années tout se passait bien.Elle avait réussi à s'intégrer, elle avait de bonne notes à l'école et elle se faisait des amies. Elle avait de nouveau retrouver le sourire et cela me suffisait largement. À partir de ses 13 ans tout commenca par aller de travers. Sa tante se plaignait tout le temps de son comportement. En premier lieu je me suis dit qu'elle s'amusait un peu trop à l'école alors j'ai appelé pour la réprimander. Quand elle eut 15 ans ses notes à l'école ne faisait que chuter, ses profs se plaignaient qu'elle n'était plus concentré. Elle était en classe de première et à cette allure elle allait rater son probatoire (BAC1). Sa tante disait qu'elle avait beaucoup changé et qu'elle mentait tout le temps. Selon son oncle elle était sûrement amoureuse. Quant à ce que ma mère m'a dit ,elle était tout le temps triste et recroquevillée sur elle même. Elle souriait rarement et s'enfermait dans sa chambre la plupart du temps. Elle ne fréquentait même plus ses amies. C'est là que j'ai su qu'il fallait que je rentre parce que ma petite fille à moi ne correspondait à aucune de ces descriptions et je ne regrette pas de l'avoir fait. Ce que je vis me fendit le coeur. Ma petite fille n'était que l'ombre d'elle même. Elle était malheureuse et je pouvais le voir.Elle avait beaucoup maigri et son visage était vide. Qu'est ce qui avait changé ? Je ne le savais pas. Quand elle me vit elle ne faisait que pleurer. Mon coeur de père était blessé. Avais je mal fait de la laisser avec sa tante ? J'ai tenté de savoir ce qui n'allait pas mais elle n'a rien voulu me dire. J'étais totalement perdu, vu qu'elle n'était visiblement pas maltraité. Mais je ne pouvais pas la laisser dans cet état. Alors je reparti en France avec elle. Elle était assez grande maintenant pour se débrouiller toute seule et on allait s'en sortir.Depuis ce jour notre relation ne fut plus jamais la même. On étaient plus aussi proche qu'avant. J'ai l'impression de l'avoir abandonné au même titre que sa mère.
Aujourd'hui :
Le regard suppliant qu'elle m'a lancé il y a dix ans quand je suis venue la voir chez sa tante elle avait le même regard aujourd'hui quand je lui ai dit qu'on allait loger là bas. Miranda est grande aujourd'hui et il y'a beaucoup de choses que je ne peux lui imposer. Mais j'aimerais vraiment savoir ce qui s'est passé pour qu'elle se soit renfermé d'un jour à l'autre. Aujourd'hui elle paraît quand-même plus heureuse et plus à l'aise. Mais avec moi elle est toujours si distante. Je ne sais pas ce qui se passe dans sa vie en dehors des études et elle n'en parle jamais avec moi. J'ai construit cette maison il y a 5 ans et à chaque fois que j'ai suggéré la faire venir en vacances elle s'est catégoriquement opposé. C'était soit par des pleurs, soit par des choses qu'elle avait à faire. Ma fille est devenue pour moi une inconnue. Elle a grandit toute seule je n'étais présent qu'en spectateur et j'espère pouvoir rattraper le temps perdu. Ce séjour est pour l'enterrement de sa grand mère mais je compte aussi faire tout mon possible pour resserrer nos liens.