Chapitre 31: Repentance

Ecrit par Lalie308

— Cette histoire fout les boules, annonça Brad pour briser le silence qui pesait sur le petit groupe après les révélations de Fiona.

— Qu'est-ce qui prouve que tu nous dis la vérité ? Paul Jones ou Peter Jones d'après ce que tu dis est un monstre, mais je me demande si une personne peut commettre de pareilles atrocités, clama Luz, méfiante.

Pourtant, elle se rappelait à présent de toutes ces images qu'elle avait vues en une fraction de seconde après son contact avec Peter Jones, mais croire qu'une personne puisse accomplir de tels actes la révoltait tant qu'elle aurait préféré que cela n'ait été qu'une illusion ou un mensonge de Fiona. « Je sais tellement de choses sur lui Axa, tellement d'atrocités qu'il a commises que je ne sais pas dans quelle partie de ma tête les mettre. » Elle se rappela tout ce que lui avait dit Cody par le passé, de la douleur qui s'était reflétée dans chacun de ses mots, preuve que cela n'avait rien à voir avec une illusion. Elle avait si mal que Cody ait pu vivre des choses pareilles. Et le père de Cody ? Le véritable Paul Jones, était-il mort à présent ? Fiona leva les yeux au ciel.

— Que vous me croyiez ou pas, je m'en fous. J'ai dit ce que j'avais à dire et vous devrez me remercier d'être aussi gentille.

— Donc, tu as vendu ton peuple pour la gloire ? s'indigna Luz en n'oubliant pas la part de responsabilité de Fiona dans cette histoire qui pourtant ne semblait rien regretter, ses prunelles ne laissaient passer aucune émotion, elles étaient de glace, profondes et effrayantes.

— Je n'ai vendu personne et je n'ai pas envie de vous raconter mon histoire, cela ne vous concerne en rien, lança sèchement Fiona pour cacher les raisons secrètes de son envie de marquer les esprits.

— Une vraie cinglée, marmonna Nerdy alors que Fiona le gratifiait d'un regard noir.

Ils étaient tous assis à l'extérieur de la grotte en plein après-midi.

— Je n'arrive pas à croire que j'ai pu être aussi idiot et aveugle, se lamenta Hongust en secouant sa tête.

— Papi, ce n'est pas le moment pour les regrets, le recala Fiona.

Luz souffla et posa un regard affectueux sur Hongust.

— Tout le monde fait des erreurs et nous allons tenter de réparer les nôtres, suggéra-t-elle.

— Tu es devenue une vraie perle de sagesse, déclara Hongust en lui souriant faiblement.

— Je ne pense pas que Cody soit mort, je sens qu'il est en vie. Il doit sûrement être à la recherche de son père, continua Luz.

— Son père ? Vous pensez qu'il est vivant ? demanda Brad.

Fiona détourna le regard, ce qui n'échappa pas à Luz.

— Je pense que Fiona a la réponse, glissa-t-elle en la regardant intensément.

Cette dernière croisa les bras sur sa poitrine, l'expression fermée.

— Ne cherchez pas à abuser de ma gentillesse, je n'en sais rien moi rétorqua-t-elle.

— Tu mens, insista Luz qui avait décelé une pointe de malhonnêteté dans le regard de sa tante.

Fiona souffla et se leva, agacée de devoir autant s'ouvrir à eux, mais si elle devait prendre ses pouvoirs et se sentir enfin aussi puissante qu'avant, elle devait passer par là, se rabaisser, chose qu'elle n'a jamais appréciée.

— Il se pourrait que je sache où se trouve le gentil jumeau, déclara-t-elle, le visage de Luz s'illumina.

— Qu'est-ce qui prouve qu'elle ne nous tend pas un piège ? Après tout, je ne pense pas que Peter Jones, aussi mauvais que vous le dites aurait pu laisser la vie sauve à son frère pendant autant d'années, intervint Nerdy.

— La dernière et je dis bien la dernière information qui sortira de ma bouche, il se pourrait que j'aie aidé cet humain à se cacher parce qu'il m'a (elle s'éclaircit la gorge puis continua) évité le pire.

Tous l'observaient, les yeux ronds.

— Notre Fiona n'est pas si mauvaise que ça alors ? se moqua Nerdy un rictus moqueur aux lèvres.

Elle roula des yeux.

— Ne penser pas que je suis gentille, les gens gentils sont de vrais cons et se font marcher dessus, n'est-ce pas grande sœur ?

Célesta déglutit, mais ne répondit rien, ne voulant pas céder à la provocation de Fiona.

— Je crois que Fiona a une discussion à tenir et des excuses à présenter à Célesta, clama Luz en se levant.

Elle vit l'expression hésitante de Fiona et passa près d'elle en lui soufflant à l'oreille :

— Cesse de jouer la gamine capricieuse et assume pour une fois, personne ne te jugera.

Fiona fit les gros yeux puis reprit son expression fermée. Tous quittèrent les lieux, s'élançant dans une longue marche dans la forêt et les laissant toutes les deux. De tous, Célesta avait toujours été celle qui a cru en Fiona même lorsque tout espoir semblait perdu parce qu'elle l'aimait énormément. Elle était sa sœur et les liens fraternels même s'ils sont divins restaient forts. Ni l'une, ni l'autre n'ouvrit la bouche pour parler. Fiona avait les yeux fixés sur un point inexistant, la mine froissée et agacée par la prise de confiance, mais surtout de cran de Luz ; Célesta, calme, la fixait de son fidèle air affectueux.

Contre toute attente, Célesta marcha vers Fiona et posa sa main sur sa joue en y passant délicatement son pouce, revoyant cette belle fillette réservée qu'elle a été dans le passé. Elle ne jouait pas vraiment avec les autres, toujours isolée. Pourtant, au départ elle semblait heureuse pendant les quelques moments où elle se dévoilait. Pendant les premières secondes, Fiona ne bougea pas, sentant son cœur qu'elle pensait n'avoir jamais eu battre dans sa poitrine et des

frissons parcoururent son corps qui n'allait pas tarder à trembler si elle se laissait gagner par la faiblesse. Elle déglutit et arracha violemment la main de Célesta en reculant.

— Je n'attends aucune excuse de ta part, je suis juste heureuse que tu sois avec moi, commença Célesta.

— Ne commence pas avec tes discours sur la bienveillance, je t'en prie, lança sèchement Fiona.

Célesta se tut pendant un moment, dévisageant sa sœur qui n'osait pas l'affronter du regard.

— Qu'est-ce-qui a bien pu rendre ton cœur aussi sombre ? chuchota-t-elle en lui caressant les cheveux.

Une vague de souvenirs remontait et Fiona n'avait pas besoin de ça, elle ne voulait plus redevenir faible. Elle serra les dents, ferma ses paupières et appuya dessus pour ne pas craquer. Cette tendresse de la part de sa sœur était tentante, mais elle ne voulait pas foutre en l'air tout ce qu'elle avait construit.

— Ils m'ont fait du mal, vous m'avez tous fait du mal alors je vous rends juste la pareille, cracha-t-elle en regardant Célesta droit dans les yeux, ses yeux perçants désarmant ceux de sa sœur.

Célesta eut le temps d'y lire une certaine détresse, une âme déchirée, mais par quoi ? Elle n'eut hélas pas le temps d'achever son investigation que sa sœur se retira en direction de la forêt. Célesta soupira et une unique larme coula sur sa joue, son menton puis dévala son cou.

*

— Tu es sûre qu'on est sur le bon chemin ? demanda Luz alors qu'ils se trouvaient dans un immense désert, ayant quitté le paysage végétal.

Les trois déesses avaient d'abord téléporté tout le groupe à la sortie de la forêt puis ils se sont mis à marcher pendant des minutes, la nuit les rattrapant en route. Ils marchaient à présent sur les terres sèches, Fiona guidant le groupe. Elle ne répondit pas à la question de Luz et s'arrêta, en plein milieu du paysage, quoique vide.

— Stop, ordonna-t-elle.

Tout le groupe s'arrêta avec des interrogations planant dans leurs esprits. Fiona prononça quelques paroles incantatrices puis devant eux, une immense cabane prit place puis la porte s'ouvrit en se déroulant vers le haut pour laisser apparaitre un homme quasi identique à celui qui tenait les rênes de Nelca. Il avait contrairement à son frère le crâne rasé et ne portait pas cette expression amère constamment présente sur le visage de Pierre Jones. Un énorme sourire se dessina sur ses lèvres et il se dégagea pour les inviter à entrer. Aucun d'eux n'ouvrit la bouche, se contentant de pénétrer dans la grande cabane qui de l'intérieur ressemblait à un refuge militaire.

La cabane était très haute, contenait plusieurs cabines en bois, une pièce centrale semblable à un laboratoire militaire, au centre de laquelle se dressait un escalier en bois qui donnait sur une autre pièce tout aussi grande. Tous étaient ébahis par la vue.

— Paul Jones, enchanté, glissa l'homme en souriant à ceux qui lui faisaient face.

Chacun d'eux se présenta alors que Luz ne semblait plus présente, jetant des regards circulaires à tout bout de champ. Lorsqu'elle remarqua les regards posés sur elle, elle déglutit et marcha maladroitement vers Paul Jones. Leurs regards s'accrochèrent un instant puis elle glissa sa petite main dans la sienne qui était assez chaleureuse.

— Luz, souffla-t-elle.

Il les invita tous à s'installer sur des chaises en bois autour d'un long comptoir dans un coin qui faisait office de cuisine.

— Je pense que nous avons beaucoup à nous dire, déclara-t-il calmement.

Pour un homme qui avait subi des malheurs, il semblait particulièrement bon et calme. Une seule question brûlait pourtant les lèvres de Luz qui se tritura nerveusement les doigts avant de se prononcer :

— Cody n'est pas ici ?

Paul Jones la considéra un moment, l'expression neutre avant qu'un léger sourire ne se fende sur ses lèvres.

— Oui, enfin il est allé à votre recherche.

— Pardon ? s'étouffa Luz.

— Ne t'inquiète pas, il a fait pareil hier alors que nous nous étions à peine rencontrés, il reviendra dans pas longtemps.

Ils n'eurent pas à attendre longtemps puisque la silhouette de Cody apparut au pas de la porte alors que celle-ci se fermait derrière lui, il avait le regard sur ses cuisses qu'il massait douloureusement. Lorsqu'il leva finalement la tête et découvrit les paires d'yeux posées sur lui, il eut un mouvement de recul puis son visage s'illumina.

— Bordel, soupira-t-il en clignant plusieurs fois des yeux.

Son regard passa sur chacun d'eux, de Fiona dont la présence ne lui semblait pas étrange, au visage amusé de son vieil ami Brad qui tenait fermement la main de Lohita dans la sienne, puis il se posa sur le visage de Hongust qui ne laissait réellement passer aucune émotion, sur celui affectueux de Célesta, sur celui neutre de Nerdy puis sur celui de Luz. Son cœur fit un bond dans sa poitrine quand il revit ces personnes — à l'exception de Fiona— qu'il avait pensé ne plus jamais revoir et à la recherche de qui il était parti après les retrouvailles avec son père.

— On t'attendait, déclara son père, vient t'asseoir.

Il posa involontairement une dernière fois son regard sur Luz ; il avait pensé ne plus jamais revoir son visage, elle lui sourit faiblement. Il s'installa alors en lui rendant son sourire timide.

— Je pense que vous vous demandez tous comment cela se fait ? commença Paul. Eh bien, après que mon frère dont je n'avais même pas connaissance de l'existence me fasse me retrouver ici, j'en ai drôlement bavé avec toutes les tortures qu'il m'infligeait (il s'arrêta et sourit tristement). Je me demandais incessamment ce qu'il en était de la terre et de Kourtney, ce que j'avais bien pu faire de si mal pour que mon propre frère me haïsse autant. Jamais je n'ai su que j'avais un fils. Pendant une période, Peter qui avait semblé m'avoir oublié m'avait abandonné dans le refuge de Fiona. Elle avait tout de suite semblé perdue à mes yeux et un peu cinglée sur les bords. Elle s'affaiblissait énormément pendant cette période, mon frère la privant de son énergie qu'elle lui avait naïvement donnée. Mon frère l'aspirait littéralement de toute sa force, elle tombait malade et à ce rythme aurait fini morte malgré son immortalité naturelle parce qu'elle avait vendu une part de son âme à la noirceur qui, aussi, la bouffait de l'intérieur. C'est peut-être dur à croire, mais j'ai toujours su que les nelcaliens existaient. Il y avait un programme secret de recherche auquel j'ai eu la chance de participer bien avant la guerre, pendant celui-ci, nous avons découvert leur existence. Nous avons appris beaucoup sur eux : leur mode de vie, leurs méthodes naturelles et spirituelles de guérison et disons que j'ai assez bonne mémoire. Fiona a toujours joué la méchante, mais elle avait toujours eu cet éclat dans le regard qui disait « Aidez-moi ». C'est pour ça que je lui ai suggéré de me libérer et que j'allais l'aider. Elle était si jeune et je la considérais comme ma fille.

Il fit une pause puis reprit son discours.

— Je sais qu'elle ne veut pas que vous soyez au courant alors je ne dirai rien de plus personnel à son sujet. J'ai tenté tant bien que mal d'être un réconfort pour elle parce que j'ai toujours eu ce côté paternel et peut-être un peu trop bon. Elle m'a donc aidé à m'installer ici et j'ai essayé de construire un petit chez moi qu'elle m'a aidé à camoufler au cas où. Elle a aussi menti à mon frère, prétextant qu'à cran, elle avait dû m'éliminer, usant du peu d'énergie qu'elle avait pour créer l'illusion dans son esprit au cas où il voudrait vérifier. Il a d'abord été coléreux de ne pas avoir été celui à me retirer le souffle, mais avait dit que de toute manière ma mort n'était pas très loin. En bref, j'ai eu les échos de tout ce que fait mon frère ainsi que de l'existence de mon fils que j'ai tellement eu envie de rencontrer. J'ai été un peu ami avec Fiona mais je n'ai jamais pu l'arrêter dans son objectif pour le pouvoir, et je pense qu'on est libre de nos choix. Aussi, je fais souvent des petites balades dans la forêt, histoire de me réapprovisionner. La plus belle des coïncidences, j'ai vu Cody inconscient et allongé au sol, couvert de boue lors de la dernière balade. Je savais à quoi il ressemblait grâce à Fiona qui m'avait laissé voir quelques souvenirs qu'elle avait de lui.

Fiona détourna de nouveau les yeux, consciente que cette histoire pouvait révéler la faiblesse qu'elle cachait en elle. Mais elle ne regrettait en rien sa relation avec Paul Jones, il ne l'avait pas encouragée dans sa lancée, mais ne l'avais pas jugée comme les autres, la mettant en garde et la priant de ne pas se faire du mal, il avait été son ami. Même si cela signifiait qu'elle était faible, elle s'en fichait. Il était l'exception, la figure fraternelle que ni Célesta, ni Fabos n'avaient pas réussi à dorer. En tant que dieux, ils n'avaient pas de parents, nés de nulle part. Cody prit ensuite la parole, évitant de regarder trop longtemps Luz, au risque de se perdre dans son regard :

— Quand mon père, enfin je veux dire mon oncle m'a dit encore une fois que j'étais un moins que rien, il m'a ajouté que j'étais comme mon père qui doit être six pieds sous terre à présent. Sa remarque m'a vraiment tourmenté, lorsque j'ai repris conscience, il n'y avait plus personne autour de moi et je suis donc sorti du village. Je ne me sentais vraiment pas bien, je pensais que Luz était morte et tout ce que je voulais c'était d'aller loin de cet endroit et m'écrouler.

Il fixa ses poings serrés sur la table.

— Mais une fois de plus, je suis retombé dans les vapes. Je me suis réveillé ici. Quand j'ai vu mon père, admirant mon visage canon, j'ai d'abord cru qu'il s'agissait de l'autre taré, mais quelque chose dans le regard de mon vrai père m'avait attendri et pas que l'admiration d'avoir un fils aussi beau.

— Et surtout modeste, rétorqua Brad habitué au narcissisme passager de son ami.

Cody lui sourit fièrement, son visage n'affichant plus la douleur qu'il a pu ressentir en pensant tout le monde dans l'autre monde.

— Il m'a raconté un peu toute l'histoire et aussi celle que Fiona lui avait racontée et m'a soigné. J'ai vraiment été heureux de savoir que je ne provenais pas d'une ordure, mais d'un vrai homme qui a survécu dans un endroit pareil. Alors, quand je lui ai fait part de mes angoisses, lors d'une visite de Fiona que mon père affectionne beaucoup d'ailleurs, elle a dit que vous étiez tous vivants. Alors, on est parti à votre recherche séparément et puis voilà. Je suis heureux de vous revoir, termina-t-il.

Un sourire perlait sur les lèvres de tous, sauf Fiona.

— Mais Fiona, tu n'avais rien voulu dire sur eux, fit remarquer Luz.

— Quoi ? J'ai le droit de m'amuser un peu à vous faire me supplier, rétorqua-t-elle, ils levèrent les yeux au ciel.

*

— Je suis contente que tu aies retrouvé ton père, intima Luz à Cody.

Cody et elle étaient assis face à face, à l'écart des autres et près d'une immense fenêtre donnant sur l'extérieur.

— Oui, il m'a fait un câlin de trois heures de temps à mon réveil, s'esclaffa Cody en posant son regard sur le ciel sombre étoilé, comme le faisait Luz.

Celle-ci eut un petit sourire aux lèvres et posa son regard sur lui.

— Je suis sûre que tu as sauté sur lui et pleuré comme une fontaine, le taquina-t-elle.

— Bon tu as raison, admit-il alors qu'ils éclatèrent de rire.

— J'ai vraiment cru que j'allais te perdre, fit Cody plus sérieusement en plongeant son regard dans celui de Luz.

— Que veux-tu ? On m'appelle immortelle, déclara-t-elle en souriant.

— Toujours aussi bête à ce que je vois, lança-t-il, pris par la maladie du rire.

— Jamais plus que toi, rétorqua-t-elle en arquant un sourcil. Je suis désolée de t'avoir accusé à tort, ajouta-t-elle.

— Ne t'inquiète pas, avec toute la pression qui pèse sur tes épaules, tu dois voir des ennemis partout. Mais moi je n'en suis pas un Luz. Je t'aime bien trop pour vouloir te faire du mal.

La déclaration involontaire de son compagnon fit concentrer tout son sang sur son visage qui chauffa de gêne alors que son cœur semblait avoir couru un marathon. Pourtant, elle avait décidé depuis bien longtemps de plus assumer ses sentiments.

— Moi aussi, rétorqua-t-elle rapidement en détourant de nouveau son regard sur la fenêtre.

Cody sourit faiblement et tira son visage grâce à deux doigts sur son menton. Leurs regards s'accrochèrent alors que des frissons les parcouraient. Leurs visages se rapprochèrent et leurs souffles se chatouillaient.

— Les amoureux, vous n'êtes pas tout seuls, je vous signale, hurla Brad qui s'empiffrait de fruits à l'autre côté de la pièce.

Le moment se brisa. Ils lancèrent des regards amusés à Brad qui leur fit un clin d'œil. Ils se sourirent une dernière fois et se séparèrent.

— Viens, dit Cody en se levant et lui tendant la main qu'elle saisit doucement.

Ils marchèrent, montèrent les escaliers pour s'isoler de cette bande de fous. Nerdy avait eu le regard braqué sur eux durant toute la soirée, brûlant en silence.

— La jalousie sent mauvais.

Il posa son regard sur Fiona alors que Luz et Cody venaient de disparaître de son champ de vision.

— Je ne t'ai pas demandé ton avis petite peste, marmonna-t-il.

Fiona leva les yeux au ciel avant de reprendre la parole, elle s'assit sur la table.

— Tu ferais mieux d'arrêter de te faire du mal, monsieur le ronchon, ils sont fous d'amour. Écoute, tu ferais mieux de te concentrer sur cette bataille et m'aider à reprendre mes pouvoirs, après tu te trouveras une gentille et jolie nelcalienne, déclara-t-elle.

— C'est facile à dire pour toi, tu ne sais pas ce que c'est que des sentiments, rétorqua-t-il en la défiant du regard.

— Tu ne me connais pas blandinet, alors tais-toi juste et arrête de souffrir pour rien. Je te dis ça parce que je te trouve pas mal dans ton style et tu le gâches, ta face fait peine à voir et tu me désespères tellement tu es pitoyable.

Nerdy reporta son attention sur Fiona. Elle semblait de plus en plus différente de la méchante à laquelle ils s'attendaient tous. Un grain de malice se dessina dans le regard de Nerdy.

— Ce cœur de pierre se fendrait-il ? demanda-t-il en souriant sournoisement.

Fiona roula des yeux et voulut s'en aller quand Nerdy la retint par le bras.

— Toi aussi arrêtes de souffrir pour rien, je dis ça parce que t'es pas mal dans le genre sorcière cinglée aussi.

Fiona réprima un sourire et retira son bras pour sortir de la cabane. Elle en profita pour lancer un regard noir à Brad qui lui en lançait un plein de sous-entendus. L'air frais de la nuit lui frappa le visage et elle plongea son regard dans l'horizon. Elle ne savait pas ce qui lui arrivait, si ces forces en elle cédaient ou si simplement elles se taisaient pour encore plus l'assommer plus tard.

— C'est absolument louable ce que tu as fait pour lui, tu vois que les gentils doivent être respectés finalement ? déclara Célesta en venant se poster près d'elle.

Elle roula arrogamment des yeux, ne lui accordant aucune réponse.

— Je suis prête à t'écouter, à ne pas te juger si tu m'expliques ce qui te fait tant mal. Tu l'as bien raconté à un inconnu alors je le mérite bien non ?

Fiona ne lui répondit pas, ne voulant pas une nouvelle fois se confronter à la réalité de sa perdition. « Toi aussi, arrête de souffrir pour rien »

— Je suis au service du mal, murmura-t-elle.

Elle fit une pause, puis continua :

— Plus jeune, contrairement à Fabos et toi je n'avais aucun charisme, aucune joie de vivre. Les autres nelcaliens me trouvaient terne et dépressive. J'étais censée être une déesse, une déesse inspire de l'admiration et sa présence est toujours quelque chose de grandiose. Vous m'avez tous mis à l'écart et même toi. J'étais renfermée, je le sais, mais j'avais besoin de soutien pas qu'on m'écarte aussi lâchement. Le problème avec vous les nelcaliens, c'est que vous voyez des bonbons partout et n'affrontez pas réellement les problèmes, les sentiments humains. C'est bien ce qu'un humain m'a apporté plus tard parce que le fait de connaître la faiblesse rend beaucoup plus fort parce qu'on sait comment elle peut être difficile et on apprend à en faire ressortir quelque chose de mieux. J'étais au plus bas, mais si jeune et pourtant je n'avais aucun soutien, pas même d'un peuple qui se vante d'être solidaire. Je pleurais tout le temps, seule dans ma chambre alors que Fabos et toi aviez toujours affiché vos plus parfaits sourires. Je ne sais pas comment, mais j'ai commencé à tous vous haïr, à désirer ce jour où vous poserez autre chose que des yeux de pitié, de négligence sur moi. J... J'ai alors rendu visite à Galista et elle m'avait écouté, elle au moins.

Célesta fit les gros yeux en entendant ce nom, un nom qu'aucun nelcalien n'avait plus jamais osé prononcer.

— Elle m'a dit que si vous l'aviez bannie c'était parce qu'elle était différente et je me suis sentie comme elle. Elle m'a fait découvrir la magie noire, m'a appris à tous vous haïr. Elle m'a écoutée et conseillée, ce qu'aucun d'entre vous n'a pu faire. Elle m'a rendue forte.

Galista était une nelcalienne, la précédente gardienne des nelcaliens qui avait développé une magie noire si puissante qu'elle avait effrayé les dieux qui l'ont exilée, principalement parce qu'elle ne comprenait pas pourquoi les nelcaliens devaient être aussi bien traités, et voulait les asservir. Fiona revivait chaque instant. La première fois où elle avait entendu sa voix lui dire qu'elle n'était pas seule, comment elle avait pris plus de place dans sa tête, comment elle s'était rendue dans son exile, de son regard froid et haineux, de l'aura sombre qui émanait d'elle, de la peur qu'elle eût d'abord ressentie et de comment la situation avait dégénéré.

— Mais à un moment, je n'en voulais plus parce que je me sentais manipulée et utilisée comme un objet, un peu comme humain et nelcalien ont pu le faire avec Luz. Comme elle n'a pas la possibilité d'agir directement dans ce monde, elle m'avait donné certains de ses pouvoirs, ces pouvoirs qui au départ m'ont fait me sentir plus puissante et plus importante. Mais après ils ont commencé à me dominer puisque la haine en moi grandissait. Ils me harcelaient incessamment. J'ai donc volé la totalité des pouvoirs de Galista parce qu'ils devenus comme une drogue dont je voulais brusquement plus, mais aussi parce qu'elle allait prendre possession de moi et condamner mon âme. Luz a eu l'occasion d'avoir un avant-gout de mes démons intérieurs quand je m'étais servie d'elle comme objet de possession. Ils m'ont changée et désormais, il n'y pas de marche arrière possible. Je ne veux plus être faible et même si j'ai coupé tout lien avec Galista qui m'exploitait de trop, je préfère rester ainsi. Ce n'était peut-être qu'un caprice au départ, mais maintenant c'est une obsession, j'ai besoin de ces pouvoirs.

Elle termina alors son discours. Sa voix avait pris un ton mélancolique et douloureux et ses yeux, pour la première fois témoignaient de ce qu'elle ressentait. Célesta se plaça en face d'elle, n'ayant jamais eu connaissance de cette version de l'histoire, de comment sous cette armure maléfique et obscure, Fiona souffrait.

— Tu n'as pas besoin de magie noire et de haine pour être puissante ou importante. Je sais que je n'ai pas assuré à cette époque et que je n'ai pas fait attention à toi comme il le fallait, j'en suis navrée. Arrête de te faire souffrir, tu peux te débarrasser de cette magie noire qui te domine si tu me laisses t'aider, tu peux devenir celle que tu es au fond de toi et que tu as montrée à Paul Jones. Tu es merveilleuse et je le sais parce que je t'aime ma sœur.

Fiona déglutit et serra de nouveau les dents. Elle aurait autrefois sauté dans les bras de Célesta pour lui témoigner combien elle avait tant voulu qu'elle soit près d'elle et qu'elle la comprenne, qu'elle écoute ce qu'elle ressent, mais elle s'avisa et la regarda dans les yeux, le mépris y siégeant de nouveau. Contrairement à ce mythe qui nourrissait des espoirs, certaines blessures trop profondes ne cicatrisaient pas, elles restaient béantes et ouvertes, tout simplement parce qu'elles ne désiraient pas guérir.

— C'est trop tard, laisse-moi être qui je veux. Je ne veux plus dominer qui que ce soit, je veux juste mes pouvoirs, balbutia Fiona.

Célesta retrouva la foi qu'il restait une once d'espoir en sa sœur et qu'elle avait juste eu le malheur de tomber sur Galista, quoi que Galista ait été la seule à avoir pris le temps de l'écouter à cette époque. « Certaines personnes ont constamment besoin de nous, mais trop aveugles, nous ne le voyons pas, mais dès que nous retrouvons la vue, il est déjà trop tard », pensa-t-elle. Célesta ne se contrôla pas et prit sa sœur dans ses bras. Celle-ci d'abord surprise ne sut quoi faire, mais sourit brièvement avant de la repousser violemment.

— Ne t'avise surtout pas de raconter quoi que ce soit aux autres, la menaça-t-elle, et encore moins de me toucher.

Célesta lui sourit malgré qu'elle ne voulût pas lui rendre son sourire. Fiona venait de se confier à elle pour la première fois. Si dans le passé elle a pensé que sa sœur était devenue un monstre et une créature diabolique, elle avait à présent l'espoir qu'elle se libérerait enfin du fardeau qu'elle s'obligeait à porter depuis l'enfance et que peut-être, le démon se convertirait, se repentirait. 



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Lalie


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