Chapitre 32 : Est-ce que je t'aime ?
Ecrit par Auby88
Margareth IDOSSOU
Un nouveau jour qui commence. Je suis pleine d'espoir en cette journée si particulière. J'ai un rendez-vous très important.
Là, je suis devant mon miroir. Je tiens à me faire toute coquette pour ce grand évènement. Finalement, non. L'image de moi que me renvoie le miroir me plaît énormément. Je ne suis jamais sentie aussi belle, aussi bien dans ma peau. Je n'ai définitivement pas besoin de quelque artifice que ce soit, d'aucun enjoliveur. Aujourd'hui, je veux être Mélanie, la jeune fille très simple et très naturelle. Je souris grandement. Je me contenterai juste d'une crème hydratante dans le visage et d'un baume nourrissant pour mes lèvres. Pas de fond de teint, ni de poudre libre, de fard à paupières, de kohl, de faux-cils, de correcteur, de blush, d'anti-cernes, de faux-ongles, de perruque…
J'hydrate mes cheveux naturels et j'en fais un chignon "bun" bien haut et bien rond. Comme vêtements, j'opte pour une jupe maxi en pagne dans laquelle j'enfonce un joli body blanc pas trop collant, tout en prenant soin de ne rien laisser transparaître en dessous. J'ajoute dans mes cheveux une barrette en forme de fleur, découpée dans le pagne qui a servi à coudre la jupe. Je troque mes talons contre des ballerines assorties, d'autant plus que je serai assez sollicitée là où je vais.
Je suis tellement fière de la femme que je suis actuellement. Néanmoins, il reste trois domaines dans lesquels je n'ai pas réussi. Du moins pas encore. Primo, me faire pardonner par mon ami David. Secundo, pardonner sincèrement à Charles, le père de ma fille. Tertio, renouer avec Dieu.
Avant je pensais que le troisième point était le plus difficile, mais je pense différemment aujourd'hui. Je me sens prête à fouler à nouveau le sol d'une église. J'ai assez de temps maintenant pour accomplir cet acte important, avant de me rendre à mon rendez-vous.
Je me mire une dernière fois puis je quitte mon appartement. Dans une église pas loin de chez moi, je vais me recueillir, je vais parler à mon Père céleste, je vais faire un premier pas pour lui offrir ma vie. Et surtout, je lui demande de veiller sur mes êtres chers et de me faire grandir en sagesse afin que je puisse dorénavant être d'une grande aide pour tous ceux qui m'entourent. L'âme en paix, je sors de là en direction du restaurant "Chez maman Sibelle" qui sera inauguré tout à l'heure.
Le nom du restaurant a été choisi à dessein par Judith. Il reste très ambigu. En effet, maman Sibelle désigne autant Judith que moi. Pourtant, j'aurais préféré agir dans l'anonymat...
Enfin, j'y suis. Le personnel s'affaire déjà. Judith et Arnaud aussi. Je suis heureuse de les voir travailler ensemble. Cela fait quelques semaines déjà qu'ils se sont remis ensemble. Arnaud a finalement fait le premier pas tant attendu et Judith a regagné son foyer.
- Margareth, tu tombes à pic ! me dit Judith dès qu'elle m'aperçoit. Nous sommes débordés.
- En quoi puis-je aider ?
Elle me donne ses directives et je m'y adonne sans tarder. J'aime bien voir Judith dans la peau d'une chef d'entreprise. Elle est vraiment une professionnelle.
Nous parvenons à tout finir à temps, en tout cas avant que les premiers invités se pointent. Judith respire un grand coup. Je la taquine en l'appelant "Chef". Nous rions.
- Au fait, Mélanie. J'étais tellement préoccupée tout à l'heure que j'ai oublié de te dire que tu es encore plus belle au naturel.
- Disons que je suis les traces de ma "grande sœur" !
Elle sourit. Moi aussi.
Peu à peu, les invités s'amènent. Je reste dans la cuisine avec Judith, tandis qu'Arnaud va les accueillir. Judith va se rafraîchir le visage, je la suis et en fais autant.
Nous rejoignons Arnaud dans la salle de réception. Je reste bien cachée. Je ne veux pas trop me faire voir. Il introduit par un bref discours et laisse Judith sur le devant de la "scène". Elle qui d'habitude n'aime ni se retrouver face à un public, ni parler en public, se débrouille plutôt bien. Et le sourire sur son visage est radieux.
- (…) Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour avoir fait le déplacement... Mon merci spécial va à l'endroit d'Arnaud da SILVA, ma moitié ; à Sibelle, ma fille ….
Tout se passe bien jusqu'à ce que j'entende :
- … et à Margareth IDOSSOU, mon amie, ma soeur de coeur, mon associée qui m'a appuyée autant moralement, matériellement que financièrement dans ce projet.
Elle tourne la tête vers moi et je me retrouve près d'elle avec un tonnerre d'applaudissements. Là, je ne m'y attendais pas. Je voulais qu'elle soit la seule à briller aujourd'hui. On m'oblige à faire un discours. Je dis quelques mots de bienvenue.
En balayant la salle du regard, je remarque deux couples que je ne pensais pas voir là. David et sa copine ; Charles et son épouse avec près d'eux une dame âgée à laquelle Sibelle ressemble beaucoup. Ce doit sûrement être la mère de Charles. Je croise les yeux de Charles puis ceux de David et de la femme à côté de lui. Ils semblent tous trois me fixer. Les hommes, peut-être à cause de mon changement de look. Mais pour la copine de David, je ne sais pas vraiment pourquoi elle me lorgne ainsi.
Je finis mon discours improvisé tant bien que mal et je vais me terrer quelque part dans la cuisine, encore troublée par ces visages que je viens de voir.
Quelques minutes plus tard, je me retrouve à nouveau dans la salle, aux bras d'Arnaud qui m'a presque tirée de la cuisine et avec l'approbation de Judith. Nous allons nous asseoir à la même grande table qu'occupent David et Charles. En face de Charles, je suis fortuitement assise. Avec courtoisie je salue le monde devant moi. David me présente sa copine Cynthia. Elle me répond à peine en prenant soin de garder la main de son homme. Je fais aussi la connaissance des femmes assises près de Charles. D'abord Larissa, une femme vraiment charmante et sans complexe. Je la regarde et je ne ressens pas la moindre jalousie. Elle ne semble pas jalouse de moi non plus. En tout cas, Charles a vraiment gagné le gros lot.
Ensuite sa mère, une femme d'âge mûr qui semble bien contente de me rencontrer. Larissa initie une discussion entre nous trois et nous nous retrouvons à parler de Sibelle, qui est assise près de nous. En ce qui concerne David et Charles, ils semblent bien occupés à discuter avec Arnaud tandis que Cynthia tantôt promène ses yeux dans son mobile, tantôt me scrute du coin de l'œil.
Une fois l'apéro fini, nous nous dirigeons vers le buffet en libre-service. Bien sûr, mon cavalier pour l'occasion, Arnaud évidemment, est aux petits soins avec moi. Il se charge de remplir mon assiette avant de remplir la sienne.
- Je suis vraiment honorée par tant d'attention, Arnaud ! Merci.
- Disons que tu le mérites. Et je ne voudrais pas te voir toute seule en un jour si spécial.
Je souris. Tous deux rejoignons nos places. Et dans la bonne humeur, nous nous régalons en jettant par moment des coups d'oeil en direction de Judith qui a tenu à rester près de son personnel pour une organisation sans faute.
Cynthia DOSSOU
Cette Mélanie ou Margareth me "sort vraiment pas les pores". Je la déteste sans même la connaître vraiment. David ne voulait pas venir mais moi j'ai insisté en prétextant que nous nous distrairons ainsi. En réalité, je savais que cette Mélanie serait là. C'est le moment idéal pour moi pour marquer mon terrain et le lui signifier. Tout à l'heure, ses yeux et ceux de David se sont croisés. J'ai bien vu comment elle semblait troublée en le voyant et comment il la dévorait du regard. J'ai donc mis mon bras sous celui de mon homme et je lui ai déposé un bisou sur la joue, tout en toisant cette Mélanie.
A présent, elle est assise là à la même table que nous, toute radieuse, toute heureuse, toute souriante et j'enrage à l'intérieur, m'efforçant de garder les yeux sur mon mobile.
David N'KOUE
Quelle surprise que la mienne quand j'ai vu Mélanie, habillée si différemment ! Je me suis cru dix années en arrière, quand nous étions encore au collège. C'est de cette Mélanie là que je suis tombé amoureuse. La revoir, naturelle comme auparavant, vient de créer un déclic en moi. je sens mon coeur battre encore plus fort pour elle, des "papillons" tourbillonner dans mon ventre. Elle est tellement belle, encore plus belle à mes yeux et quand elle sourit, j'ai l'impression que je vais exploser. Je ne peux m'empêcher de la dévorer du regard, en étant discret bien sûr pour ne pas donner raison à Cynthia.
En même temps, je reste jaloux de cet homme assis à la même table que nous : Charles da MATHA. Parce que le coeur de Mélanie ne bat que pour lui. Tout à l'heure, j'ai dû mener une conversation avec lui et Arnaud. Même si ma seule envie était de lui mettre mon poing dans le visage...
A présent, instant danse. Sur un air de salsa, Arnaud ouvre le "bal" avec sa femme, puis invite Mélanie. Je les regarde danser. J'avoue que j'aimerais bien être à la place d'Arnaud. Charles et sa femme les rejoignent. Cynthia me supplie pour que je l'invite à danser. L'idée ne me plaît pas trop mais je finis par accepter, juste pour lui faire plaisir. Cynthia adore danser. Moi pas trop. Nous nous levons et regagnons la piste de danse. Nous bougeons sur un, voire deux morceaux de salsa puis Arnaud propose qu'on change de partenaire. Plus par envie d'être avec Mélanie que par politesse, j'accepte. A peine, je m'approche de Mélanie que la musique salsa s'interrompt pour laisser place à une musique douce, le genre qu'on ne peut danser que collés, en tout cas très près loin de l'autre. Je place une main sur sa taille. Nous nous regardons. Silencieux, nous demeurons. J'ai l'impression que nous ne sommes que deux au monde : Elle et moi. Son regard sur moi est différent. Ses yeux semblent briller. Je me demande si Cynthia n'avait pas raison quand elle disait que Mélanie est amoureuse de moi. J'ai irrésistiblement envie de … l'embrasser. Sentir son corps tout contre moi me donne l'impression de brûler tout entier. Moi qui croyais avoir réussi à tourner la page "Mélanie" ! Je me suis bien trompé. Quelle tentation que celle-là, pendant que la femme qui partage actuellement ma vie est juste à côté !
Je n'ai pas le droit d'agir ainsi, je n'ai pas le droit de me comporter comme un idiot, un salaud, de manquer de respect à Cynthia, ne serait-ce que par pensée !
Je me dois de redescendre sur terre, de revenir à la réalité et de bien me remettre en tête que Mélanie ne m'aime pas. Celui qu'elle aime, c'est et ce sera toujours Charles da MATHA.
Pour me calmer, je me décide à sortir de mon mutisme et à parler à Mélanie.
- Comment vas-tu, Mélanie ?
- Couci Couça. Et toi ?
- Je ne me plains pas.
- Oui, cela se voit. Je tiens aussi à te féliciter. Ta petite-amie est très jolie. Vous formez un beau couple !
- Tu ne pensais quand même pas que j'allais t'attendre toute ma vie ! rétorque-je.
- Tu m'en veux encore, n'est-ce pas ?
- Non. Je ne t'en veux plus, Mélanie.
- Alors, pourquoi restes-tu autant distant avec moi ? Je sais que je t'ai mal traité, que je t'ai insulté et bafoué tes sentiments pour moi. Tu ne peux savoir à quel point je regrette, à quel point je suis désolée de t'avoir fait autant de mal alors que tu ne m'en as jamais fait, alors que tu as toujours été là pour moi. Je te demande pardon, David. Pardonne-moi.
Ses yeux, au bord des larmes, sont tellement sincères. Je m'apprête à lui répondre, à lui dire que je lui pardonne quand on est interrompu.
- Mélanie, si tu n'y vois pas d'inconvénient, j'aimerais reprendre mon homme !
Sans dire mot, Mélanie quitte précipitamment mes bras. Mon cœur se serre en voyant ses yeux si tristes. Je la laisse partir malgré moi. Dans ce que je pense être la cuisine, je la vois disparaître. Arnaud la suit.
Margareth IDOSSOU
J'ai tellement mal. David était sur le point de me dire s'il me pardonnait ou pas quand Cynthia nous a interrompus.
- Mélanie, tout va bien ? me demande Judith.
Je n'ai pas envie de l'inquiéter. Je hoche la tête.
- As-tu réussi à parler à David ?
- Pas vraiment, mais ce n'est pas bien grave !
Arnaud s'amène dans la cuisine.
- Dis plutôt que sa jalouse de petite-amie vous a à peine laissé le temps de vous dire bonjour. Figure-toi qu'elle a passé son temps à me marcher sur les pieds, tellement elle vous épiait David et toi !
Je souris.
- Moi, je ne lui en veux pas, dis-je. Elle ne fait que défendre son couple.
- Peut-être Mélanie. Mais l'amour, le vrai se base sur la confiance.
- Tu as raison, Judith, renchérit Arnaud. Ce n'est pas de l'amour qu'elle ressent pour David. Elle le voit juste comme sa propriété. Si Judith devait être autant jalouse de toutes les femmes que je cotoie chaque jour, crois-moi, elle serait à l'heure actuelle internée dans un asile psychiatrique !
- T'as parfaitement raison, mon amour ! dit-elle en lui déposant un bisou sur la joue.
- Attention, je suis là ! leur fais-je remarquer.
Nous rions tous.
- Au fait, Mélanie. Quand comptes-tu déclarer ta flamme à David ?
La question d'Arnaud me prend totalement au dépourvu. Je toussote.
- Quoi ! David est juste un ami, balbutie-je.
- Un ami ! Vraiment ! Judith, tu aurais dû les voir tout à l'heure. Leurs corps étaient en parfaite osmose, leurs yeux plongés l'un dans l'autre et ceux de Mélanie brillaient intensément. Je m'éclipse, achève-t-il en quittant la pièce.
- Ah bon ! s'enquiert Judith.
- N'écoute pas ce que dit ton époux. Il exagère. J'étais juste émue. C'est tout !
- Il n' y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, Mélanie.
- Arrête Judith. David n'est qu'un ami.
- Vraiment !
Je hoche faiblement la tête.
- Moi, je pense que tu l'aimes et que tu l'as toujours aimé. Mais soit tu n'as jamais daigné l'admettre, soit tu n'en étais pas consciente jusqu'à ce que tu le perdes.
Je ne sais quoi dire. Je secoue juste la tête.
- Je fais un tour dans la salle. Cogite bien là-dessus Mélanie, interroge bien ton coeur. Je suis sûre que tu seras étonnée de ce que tu découvriras. A tout à l'heure.
Elle s'en va, mais ses paroles hantent mon esprit. Pensive donc, je demeure.