Chapitre 33:

Ecrit par Max Axel Bounda

  


Ce soir-là, Monsieur Nzué Robert, sortit de la maison suivie de sa petite fille de six ans, qui dandinait comme un crapaud d’un nénuphar à un autre, avec un bonbon rouge à la main.

— Ne te salis pas hein, sinon maman va se fâcher, tu as compris?

Une femme dans la trentaine apparut à la porte de la maisonnée.

— Elle va se fâcher pourquoi? Elle ne sait pas laver un enfant? Je ne sais même pas ce que tu fais encore avec elle.

— Liza, tu sais que les choses ne sont pas aussi simples que ça. Laisse-moi du temps et je vais arranger ça.

— Ça fait deux ans que tu me répètes la même chose, je suis fatiguée. Je ne vais pas gâcher ma jeunesse avec toi. Tu ne veux pas m’épouser ni me faire des gosses et le temps passe, nous les femmes on n’est pas comme vous. Elle se tut et jeta un regard empreint de colère à l’homme debout au milieu de la Terrasse. Attends Nzué! Je vais aller prendre une grossesse chez quelqu’un d’autre et tu sauras. L’homme lui lança un regard noir qui voulait dire «Essaie, tu verras.»

— Ne dis pas ça, on en reparlera. Je dois aller déposer la petite et passer chez Ogoula, tu sais que le corps du chef de département sort dans bientôt et nous avons des sessions de soutenances. On doit préparer les détails avec les autres. Yitu était notre ami à tous, il mérite qu’on lui rende un vibrant dernier hommage.

— Oui, vous étiez de vrais amis même dans les coups fourrés pour sortir avec les petites filles de l’Université, rétorqua la femme. Je me demande ce qui a été le plus difficile pour sa femme. D’apprendre la mort de son mari ou de savoir qu’il la trompait avec une fille de 25 ans. Les petites bordelles de l’université là!

— Pardon, je suis en train de partir, je ne veux pas le bruit. Comme tu oublies que c’est grâce à elles que l’on s’est connu. Et que je t’ai sorti de ta vie de…

— Il fallait me laisser là où j’étais, je ne souffrais pas, répliqua la femme. En tout cas, si j’apprends que tu baises encore une de ses filles, tu me connaîtras Nzué, je jure. Au moment où elle allait ajouter quelque chose, le téléphone de son amant sonna.

«Ah! C’est même eux», dit-il.

— Oui, moadzang[1], je quitte de chez Lisa, je vous rejoins. Mais je ne vais pas durer avec vous.Je suis avec la petite Astrid.Je l’ai emmené se faire tresser comme sa mère est occupée avec son agence de mariage là. Il souriait en parlant, mais son visage changea soudain de coloration. Il prit un air grave et devint blanc comme un linge, ses yeux s’ouvrirent grandement. Quoi? Comment ça? Des vidéos de nous? OK j’arrive vite!

— Y’a quoi Nzué? Qu’est-ce qui se passe?

— Tes salopes de copines… Elles vont nous mettre dans la merde! dit-il. Astrid, monte dans la voiture, ma chérie. La petite fille qui s’amusait toute seule s’exécuta aussitôt, elle monta sur la banquette arrière.

— Quelles copines? demanda la femme.

— Tchips… rendit l’homme en démarrant son véhicule en trombe.

 

Liza ne comprit rien, impuissante et confuse, elle se contenta d’observer le véhicule de son amant s’éloigner dans la pénombre de dix-neuf heures.

Derrière elle, les lumières de la maison se mirent à clignoter. Un vent glacial souffla autour d’elle. Elle sentit un frisson l’envahir entièrement. Elle se retourna, semblant entendre des pleurs d’enfant dans la maison. Sauf qu’elle n’avait pas d’enfants. Pas un seul. Elle se hâta de rejoindre rapidement le salon et aperçut comme une femme, assise sur le divan. Elle ne put s’empêcher d’entrer dans la maison, mais elle comprit très vite qu’elle venait de faire une erreur quand la porte se referma derrière elle.

Le lendemain, l’on retrouva Lisa Nzamba, la jeune femme de 35 ans, étudiante en sciences maritimes, noyée dans son bain, avec des traces de strangulation sur le cou. Sa mort aurait été anodine si Robert Nzué son amant n’était pas mort dans la même nuit et sa fille retrouvée au bord de l’eau par les pêcheurs Kalaba10 du pont Nomba11. Apparemment la voiture de son père était passée par-dessus bord. Personne ne comprit comment Astrid, une fillette de six ans, avait fait pour se retrouver là, sans aucune égratignure. Alors que son père avait fini noyé au volant de son véhicule.

  

Robert Nzué

 

Il pleut depuis bientôt trente minutes, mais seulement dans la zone d’Owendo. Il y a des éclairs et du tonnerre. La chaussée est glaçante. Je dois conduire prudemment. La petite dort à l’arrière. J’aurais dû la déposer avant d’aller chez Ogoula, mais… C’était trop important. La nouvelle qu’il m’a annoncée… m’a complètement bouleversé. Oh non! Comment ces filles ont-elles fait pour nous filmer? Et si elles mettent les vidéos sur internet?!

On doit à tout prix empêcher ça. Mais ce n’est pas le pire, elles veulent nous poursuivre en justice pour harcèlement sexuel. Et puis, qui est cet étudiant en Sciences politiques, d’où sort-il? De quoi se mêle-t-il?

J’entends Astrid parler derrière, elle s’est réveillée. Qu’est-ce qu’elle dit? Je tends l’oreille. Il fait de plus en plus froid. Un froid bizarre. J’augmente le chauffage, en espérant que ça passe. La petite, risque d’attraper une grippe ou autre.

«C’est une fille, elle est jolie. Quel est son nom?... Elle s’appelle, Sam? Comme Sam Sam, le petit héros cosmique. J’ai une amie à l’école. Elle s’appelle Sam… Mais elle n’est pas gentille avec moi… Pourquoi tu pleures? Mon papa, t’as fait du mal?»

Je me retourne, il n’y a personne avec elle. Astrid est assise seule sur la banquette. Elle tient quelque chose entre les mains.

— Chérie, tu parles avec qui?

— Avec ma copine, le Papillon. Regarde ce qu’elle m’a donné. Mon cadeau est beau!

Elle me tend une chainette, en or. J’écarquille les yeux. Je l’ai déjà vu quelque part. C’est la chainette que ces putes portent toujours sur elles. Mon cœur se met à battre très vite.

— Où est-ce que tu as eu ça ma chérie?

— Mais c’est le Papillon qui m’a donné, non? Tu ne vois pas?

Elle fait un geste comme pour me montrer qu’il y a quelqu’un près d’elle. Mais je ne vois rien. Une voiture klaxonne sur ma gauche. Il faut que je me concentre sur la route. Je me retourne, je saisis le volant.

— Arrête de mentir Astrid. Tu l’as eu chez maman Liza? Je lui pose la question en levant la tête vers le rétroviseur. Et là, mon Dieu. Rhianne est assise à côté de ma fille.

Je me retourne, mais il n’y a personne derrière. Astrid est toute seule. Je regarde à nouveau le rétroviseur qui me confirme que la petite est bien seule sur la banquette arrière. L’image de Rhianne que j’ai cru voir tout à l’heure doit faire partie de mon imagination. Ce n’est rien. Tout va bien. Il faut que je me calme. Demain, il faut que l’on parle avec ce garçon.

Je reviens peu à peu à moi. Je dois me concentrer sur la route. Je baisse le regard sur la route. Il y a une silhouette là-bas devant. J’aperçois une femme à deux ou trois cents mètres. Elle ne bouge pas. Qu’est-ce qu’elle fait? Je klaxonne, mais elle semble ne pas entendre, et la voiture avance à vive allure. Je vais la tamponner, j’essaie de freiner, mais la pédale de frein ne répond pas. Je n’ai rien touché, mais je vois l’aiguille du tableau de bord monter. La vitesse du véhicule augmente. 100 km/h, 120 km/h. J’appuie avec insistance sur la pédale de frein. Elle ne répond pas.

Je continue de m’acharner sur la pédale de frein, soudain je sens une présence à mes côtés. Je tourne la tête vers la droite… Rhianne est assise à côté de moi!

Mon esprit veut s’évader et mon corps aussi, je veux fuir cet endroit, je veux ouvrir la portière et sauter, mais Astrid est dans la voiture. Je regarde Rhianne, ses yeux… Ils sont tous noirs. Je me retourne pour voir ce qu’elle a fait de ma fille. Je touche maladroitement le volant de la voiture qui vire sur la droite. Nous sommes sur le pont Nomba, la voiture fonce tout droit sur les garde-fous. Je n’arrive pas à la redresser, on va tomber dans la mer… Nooonnn…



[1]

Sombre Affaire V4