Chapitre 34
Ecrit par WumiRa
- Allô.
- Malik ?
- Quoi ?
Silence à l'autre bout.
- Désolé... se reprit-il. Ça va ?
- Ça pourrait aller, répondit Maya. Tu es toujours au bureau ?
- Pourquoi ?
- Je suis malade. Il fait nuit et je n'ai plus d'essence.
- Prends l'une des voitures dans le garage, tu sais où sont les clés.
Il l'entendit émettre un son incrédule.
- Tu... plaisantes ?
- J'en ai encore pour au moins une heure de temps.
- Je suis malade ! Comment veux-tu que je conduise dans mon état ?
- Dans ton état ? Tu allais très bien ce matin, alors si c'est pour que je rentre que tu te mets à inventer des maladies...
Un grand soupir lui parvint, avant qu'elle ne raccroche brutalement. Malik pensa d'abord à la rappeler, mais du bruit attira son attention dans la chambre avoisinant la sienne. Rachel.
Lorsqu'il ouvrit la porte, il la trouva accroupie sur le sol, en train de ramasser les débris de verre cassé.
- Qu'est-ce que tu fais ? demanda t-il.
- Excuse-moi, j'ai glissé, je crois qu'il y'avait de l'eau sur le sol, répondit-elle.
- Comment pourrait-il y avoir de l'eau ? Personne n'a utilisée cette chambre depuis des mois.
Elle ne dit rien et continua à ramasser les tessons. Il regarda autour de lui et n'ayant aucun balaie en vue, il s'approcha et à son tour il se mit à ramasser ce qu'il y'avait sur le sol.
- Désolé pour tout à l'heure, fit-il.
- Pourquoi ?
- J'étais très énervé quand je t'ai vu à mon réveil et j'ai mal réagit.
- C'était normal. Je ne l'ai pas mal pris.
Elle rangea les mèches qui lui barraient la vue, révélant par la même occasion sa poitrine plantureuse que le tissu dissimulait à peine.
- Tant mieux, poursuivit Malik. Je ne veux pas qu'il y ait de malentendus entre nous.
- Moi non plus, soupira t-elle. Mais...
- Tu devrais décrocher aux appels de Samir la prochaine fois qu'il t'appellera.
Elle s'interrompit.
- Comment...
- Comment je sais qu'il t'appelle ? Ce mec est raide dingue de toi et je l'imagine mal en train de renoncer aussi vite.
- Il m'a largué !
- Ça par contre, faudrait que je l'entende de sa propre bouche.
Elle se redressa aussitôt. Il fit de même.
- Je ne vois vraiment pas ce qui te fait penser que j'ai inventée toute cette histoire, mais si tu ne me crois pas, appelle le ! Fais le tout de suite et peut être même qu'enfin tu comprendras.
- Comprendre quoi ? Le pourquoi tu m'as fait croire qu'Hamed avait des vues sur ma femme ?
- Je n'ai rien dit de tel, j'ai dit qu'il était parti avec une femme qui ressemblait à Maya et tu t'es chargé tout seul d'imaginer la suite, parce que t'étais mort de jalousie à l'idée qu'un autre puisse...
Devant l'air nullement surpris de Malik, elle finit par changer de sujet.
- Retourne dans ta chambre. Nous sommes tous les deux fatigués et nos idées ne sont pas très claires.
- Tu as raison, admit-il. D'où je vais mettre le fait que tu te sois glissée dans mon lit sur le compte de la fatigue. On va oublier ce bref incident et je vais rentrer chez moi retrouver "ma femme".
Il fit mine de se diriger vers la sortie.
- Je t'en supplie Mal...
Il s'arrêta.
- Ne pars pas... C'est trop dur...
- Qu'est-ce qui est trop dur ? demanda t-il, en se retournant.
À présent des larmes coulaient sur les joues de Rachel.
- Tu n'imagines pas à quel point j'ai mal de te voir avec cette fille après tout le temps que j'ai mis à espérer que tu me remarques. Tu n'en as vraiment aucune idée.
- Si tu crois que...
- Ne dis rien. S'il te plaît. De toutes façons, ce que je viens de te dire ne changera absolument rien au fait que c'est elle que tu as choisie.
- Tu parles de ma femme.
Elle lueur de haine s'alluma dans le regard de la jeune femme.
- Je te parle de mes sentiments et tu continues de parler d'elle ?!
- Oui. Parce que "elle" c'est ma femme, tu comprends ? Ne parle pas d'elle comme si c'était elle qui qui te rendait malheureuse.
- Ahhh... Enfin tu peux voir à quel point je suis malheureuse ? Tu peux le voir ?
Elle secoua la tête.
- Je n'ai rien contre ta Maya, mais je ne vais pas aussi facilement renoncer à toi, Malik. Tu ne m'aimes peut-être pas encore aujourd'hui, mais je suis sûre que quand tu comprendras qu'elle n'est pas à la hauteur de tes attentes...
- Tu divagues.
- Non, je...
- Tu divagues complètement, je te dis, coupa t-il, d'une voix sévère. Si ce pauvre Samir s'est trouvé dans l'obligation de te larguer, je comprends maintenant pourquoi.
Il s'éloigna.
- Ce n'est pas ce que tu crois... Je n'ai rien contre elle...
Seul le bruit de la porte qu'on refermait, lui répondit.
***
Il était plus de minuit lorsqu'il se décida à rentrer chez lui. Il avait commencé à pleuvoir et lorsqu'il arriva, il passa au moins une quinzaine de minutes à klaxonner sans que le gardien n'apparaisse. En fin de compte,il dû sortir de la voiture et aller ouvrir lui-même, le portail. Il fit entrer le véhicule dans le garage et peu après, pénétra dans la maison, qu'il trouva vide.
- Maya ? appella-t-il, en sortant de leur chambre.
Où était-elle donc allée ? À l'hôpital ? Était-elle vraiment sérieuse à propos du fait qu'elle se sentait mal ? Son sac à main et son téléphone portable n'avaient pourtant pas bougé ; ils étaient sur le lit. Soucieux, il sortit son téléphone et composa le numéro de sa secrétaire qui décrocha à la deuxième sonnerie.
- Excuses moi de te déranger à une heure aussi tardive, mais j'ignore quels hôpitaux sont d'ouverture jusqu'à cette heure. Tu en as une idée ?
Une voix d'homme lui répondit.
- Vous payez à ma femme pour qu'elle réponde à vos appels nocturnes ? C'est son mari à l'appareil.
Le front de Malik se plissa.
- Désolé pour ce petit dérangement, monsieur, pouvez vous...
- C'est ça que vous appellez un petit dérangement ? Vous...
Il y eut un bruit, puis une voix de femme se mêla à celle de l'homme. Décidé à raccrocher, Malik eut à peine le temps d'entendre un «rends-moi mon téléphone...»
C'est fou comme certains hommes pouvaient devenir incontrôlables lorsqu'il s'agit de leurs femmes. Perdre le contrôle de soi était ce qu'il détestait le plus au monde et de toute façon, celle qui le transformerait à ce point n'était pas encore née.
L'image de Maya s'imposa à lui, mais il la chassa très vite. Trop impulsive. La fille de Fall n'était pas faite pour un homme comme lui. Il s'était trompé en pensant qu'elle pouvait l'apaiser d'une manière ou d'une autre ; d'ailleurs maintenant qu'il ne pourrait plus la toucher, elle ne lui était plus d'aucune utilité. S'il la gardait encore c'était... C'était pour quoi déjà ?
Il se dirigeait vers la porte, quand celle ci s'ouvrit et qu'apparut Maya. Et elle n'était pas seule, Sonya la soutenait, un bras enroulé autour de sa taille. Elles s'approchèrent du canapé et l'une aida l'autre à s'y allonger.
- Merci, murmura Maya, mais en même temps, Malik enregistra que sa cousine n'affichait plus cet air admirateur qu'elle avait toujours eu en sa présence. Tiens...
- Dis-toi bien que la prochaine fois que tu me mens et me tiens à l'écart, comme tu l'as fait, je te laisse te vider de ton sang ! lâcha t-elle avec mécontentement. Quand je pense à l'air stupide que je devais avoir pendant tout ce temps.
Elle se tourna vivement vers Malik qui se tenait toujours à distance.
- D'où je viens, ce n'est pas comme ça qu'on traite les femmes, monsieur "je suis plein aux as". Même une chèvre qu'on a achetée au marché mérite un minimum de respect.
Monsieur "plein aux as" n'eut vraiment aucun mal à comprendre qu'elle était au courant, parce que Maya lui avait tout dit à propos d'eux.
- Elle est peut-être naïve, mais pas moi, tu peux le croire ! Si par malheur, il lui arrivait quelque chose... Si à elle ou au bébé, tu faisais du mal...
- Sonya... se plaignit Maya.
- Toi la ferme !
Malik vit Sonya pointer son index vers lui.
- Si pour n'importe quelle raison, tu la faisait souffrir...
Il tourna la tête vers Maya qui de son côté gardait les yeux obstinément baissés.
- Je te montrerai ce dont une femme est tout aussi capable de faire dans ce pays merdique. J'ai conscience qu'elle ne représente rien pour toi, mais tu as vraiment intérêt à bien t'en occuper !
Elle gagna ensuite directement la porte et s'en alla, non s'en avoir lancé à Maya un «bien fait pour toi» en wolof.
Le couple Sylla se retrouva seul et Malik put enfin demander d'un air serein :
- C'est vrai ?
- Oui, répondit Maya.
- Le test s'est trompé.
- J'ai dû mal faire... c'est tout.
Sa voix se mit à trembler et elle se redressa.
- Je suis désolé de n'avoir pas été là, je...
- Ce n'est pas grave, ce n'était qu'une crampe d'estomac.
- Une quoi ?
- C'est sans importance.
- Écoute, tu peux me blâmer pour mon absence, mais évitons les mensonges en ce qui concerne ton état de santé.
Elle haussa les épaules.
- Ils m'ont diagnostiqué un ulcère.
Surprise.
- Un ulcère ? C'est grave ?
- Tu as peur pour ton enfant, c'est ça ?
Il y'avait tellement d'amertume dans sa question que Malik renonça à sa franchise habituelle.
- Je ne sers pas que mes intérêts, je m'inquiète pour toi.
- Oh tu t'inquiète tellement que j'aurais pu être en danger de mort, sans que tu ne daignes quitter ton bureau.
Si seulement elle savait où il se trouvait à ce moment...
- Je ne sais pas quoi te dire.
- Alors ne dis rien. Et ne fait rien non plus. Tu es tellement maladroit que je me demande à quoi est dû ton succès auprès de toutes ces autres femmes.
Elle se leva et se dirigea vers les escaliers.
Paniqué, il s'avança vers elle.
- Ne me touche pas ! s'écria t-elle, pour le tenir à distance. Je n'ai pas besoin de toi.
Elle gravit la première marche.
- Je ne te blâme déjà pas d'avoir gâchée ma vie, mais de grâce, laisse moi en paix.
Toujours aussi entêté, il ne la quitta pas des yeux et gravit les escaliers avec elle, au fur et à mesure. Dès qu'ils eurent atteint leur chambre, elle se tourna vers lui.
- J'ai besoin d'être seule ce soir, dit-elle.
- Pourquoi ?
- J'ai besoin d'espace. J'ai besoin de réfléchir à la suite des évènements.
Elle déglutit.
- À ce que je vais faire de "ça".
Malik croisa les bras.
- Quoi "ça" ?
Elle ouvrit la porte de la chambre et entra. Il la suivit.
- Je ne veux pas de cet enfant. Je ne pourrai pas l'élever.
- Personne ne te demande de l'élever, il est à moi.
Elle se retourna, les mains aux hanches.
- Mais est-ce que tu t'entends parler ? Tu me vois vraiment souffrir pendant neufs mois pour ensuite te l'abandonner ?
- Vu comment tu parles de cet enfant qui n'est même pas encore né, il est clair que tu ne ressens rien pour lui.
Ce qui n'était pas totalement faux ; elle n'avait pas désiré en avoir, c'était un accident et elle n'était pas prête.
- Tu vois ? Alors le mieux...
- Tu n'auras pas cet enfant.
Il enfouit les mains dans ses poches.
- Que vas-tu faire pour m'en empêcher ?
Elle ne répondit pas, mais il comprit assez vite ce à quoi elle pensait.
- N'y pense même pas, je te le déconseille.
- Jamais je...
- Tu n'as vraiment pas le choix, si tu comptes avorter, autant te prévenir qu'il y'a des risques.
Elle ouvrit la bouche pour protester.
- Dans ma famille, personne n'avorte, Maya.
- ...Pardon ?
- Soit tu y laisseras la vie, soit tu deviendras stérile. Ce n'est même pas envisageable.