Chapitre 34
Ecrit par Auby88
Nadia Page AKLE
Je garde mes yeux concentrés sur l'écran du téléphone.
- Nadia, Nadia ! Quelque chose ne va pas ?
Je lève des yeux hagards vers Annie.
- Regarde ! répliqué-je en lui remettant mon mobile.
Tandis qu'elle lit le message que je viens de recevoir, son visage affiche la même mine que j'avais tout à l'heure.
- C'est bien suspect tout ça.
- Je pense exactement comme toi, Annie. Ce doit sûrement être l'oeuvre d'un brouteur ou gay-man.
- C'est bien probable ! reprend-t-elle en me remettant mon téléphone. Cependant, il peut bien réellement s'agir d'un éditeur qui a lu tes écrits et qui a décidé de te contacter via la plateforme littéraire.
- J'en doute fort, tu sais. J'ai encore trop de lacunes à combler.
- Pour moi, tes écrits sont supérieurs à la moyenne, Nadia. Alors, tente ta chance !
- Non, je ne veux pas être désillusionnée par la suite.
- "Qui ne risque rien, n'a rien". Alors dis-lui que tu acceptes de le rencontrer. Peut-être demain à ta sortie, dans un endroit public pas loin de ton lieu de travail.
- Tu crois ? demandé-je encore sceptique.
- Oui, dépêche-toi de lui écrire. Il ne faut pas laisser passer ta chance !
- Je ne suis pas convaincue que ce soit une bonne idée. Mais je le fais quand même, tellement tu insistes !
- Oui, faut faire. Vite même ! Comme cela quand tu deviendras un écrivain célèbre-là, je pourrai me vanter devant tous en criant : Celle-là, c'est ma pote sûre hein. On a mangé agoun ensemble oh, on a galéré ensemble oh, on a vécu ensemble oh…
Je ris jusqu'à me plier en deux. La vie est belle, n'est-ce pas ?
Le lendemain.
Aujourd'hui, j'ai quitté tôt le boulot pour être à l'heure à mon rendez-vous.
Depuis un certain temps, je travaille dans un Call Center (Centre d'appels). Plus précisément, je suis chargée de prendre les commandes de clients pour une société de vente en ligne sise en Europe. C'est assez stressant, je l'admets, mais j'aime ce que j'y fais.
Je vais m'asseoir au fond du restaurant et attends l'homme. Il m'a dit qu'il porterait un costume bleu. En attendant, je commande un jus de fruits.
Le restaurant n'est pas souvent pas bondé de monde, c'est pour ça que j'ai choisi ce cadre pour notre rencontre.
Je viens d'apercevoir monsieur Eliad MONTEIRO. Je ne pensais jamais le rencontrer à nouveau. Qu'est-ce qu'il fait ici ?
La réponse à ma question, je l'ai en le voyant s'avancer vers moi. Je remarque qu'il porte un costume bleu. Ma stupéfaction est tellement grande que je demeure là et le regarde s'approcher de moi.
- Bonjour PAGE
- C'était donc vous ! m'exclamé-je en me levant. Vous m'avez bien eue.
Je tente de m'en aller, mais il m'en empêche en saisissant mon bras.
- Ne t'en va pas, PAGE. Il faut qu'on parle. C'est très important.
Je libère mon bras.
- Je n'ai rien à vous dire, monsieur. Aurevoir.
Je fais un pas en avant, pour m'en aller quand j'entends :
- Tu ne demandes pas des nouvelles de Milena ?
- Je pensais que je n'en avais plus le droit ! lancé-je en regardant derrière moi.
- Elle t'envoie ceci. Une représentation, à sa manière, de vous deux vous tenant la main.
Je me ramène aussitôt vers lui et m'assois devant le dessin de Milena. Un sourire se dessine sur mon visage.
- Comment va ma princesse ?
- Elle va bien. Tu lui manques énormément, PAGE ! Tu n'imagines à quel point.
- Elle me manque aussi.
- Elle veut que tu reviennes et je n'y vois aucun inconvénient.
- Ce n'est pas possible, dis-je en poussant le dessin vers lui.
- Garde-le. C'est le tien.
Je hoche la tête, ramène le dessin vers moi et le mets dans mon sac.
- Milena s'est tellement habituée à toi que ton absence continue de la rendre triste.
- Je comprends. Mais ce n'est pas entièrement de ma faute si les choses sont ainsi aujourd'hui !
- Je le sais. Et je te demande sincèrement pardon pour t'avoir chassée ainsi de chez moi. J'aurais dû me montrer plus tolérant. Pardonne-moi, PAGE. Je comprends que tu continues d'être contrarié contre moi. C'est normal. Mais aujourd'hui, il s'agit exclusivement de Milena. Pas de moi. Je te l'assure. Alors, s'il te plaît, reviens t'occuper de ma fille. Je t'en supplie.
J'évite de regarder ses yeux. Je ne veux pas flancher.
- Je suis désolée monsieur, mais je ne peux donner suite à votre requête. Car actuellement je travaille dans un centre d'appels et…
- Je suis prêt à te payer le double de ton salaire actuel pour que tu reviennes à la maison.
Je le regarde, interdite.
- Alors le triple ou plus encore. Dis-moi ton prix !
- Allez au diable, monsieur Eliad ! crié-je en me levant.
Je ne fais même pas attention aux quelques têtes qui viennent de se tourner.
- PAGE ! Attends !
Je ne l'écoute plus. Je sors de là, aussi vite que je peux.
Journée désastreuse pour moi qui m'attendais à voir un éditeur, qui m'attendais à une vie meilleure. Au lieu de ça, je me suis retrouvée avec cet homme borné qui continue de penser que tout ce que je fais se rapporte à l'argent, ou que l'amour que j'ai pour sa fille est purement intéressé.
**************
Nadia Page AKLE
Annie revient précipitamment à l'intérieur.
- Page ! Je viens encore de l'apercevoir depuis le balcon.
- Il ne se fatigue donc jamais celui-là !
En parlant ainsi, je fais référence à monsieur Eliad qui me suit partout depuis notre dernière rencontre.
- J'en ai marre, Annie. Ça fait des jours et des jours qu'il est derrière moi.
- Il semble bien endurant à ce que je vois.
- Ça ce n'est pas de l'endurance. C'est du harcèlement, de la persécution...
- Tu penses vraiment ainsi ?
- Oui, je…,bégayé-je.
- Tu as donc oublié comment tu étais triste quand il a failli épouser la vipère.
- Oui, mais c'est du passé. Je me suis déja habituée à son absence.
- Réellement ?
- Oui, Annie. Et puis, il ne vient pas pour moi, mais pour sa fille.
- Ah, vraiment ?
- C'est ce qu'il a dit et il semblait sincère.
- Alors si c'est le cas, qu'est-ce qui t'empêche d'accepter sa proposition ?
- J'ai un nouveau boulot. Je ne veux pas le laisser.
- Ton emploi au centre d'appels est à temps partiel. Donc l'un n'empêche pas l'autre. Il te faudra juste réaménager ton temps en conséquence.
- Je ne sais pas.
- Avoue que si tu fuis autant, c'est parce que tu as peur .
- Moi ! Peur de quoi ?
- Peur de ce que ton coeur peut te pousser à faire là-bas.
- Je ne te comprends pas et je ne veux même pas te comprendre.
- Tu as peur de faiblir devant lui. Reconnais-le.
Je la regarde sans dire mot. La sonnerie retentit dans la pièce. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.
- Ce doit être ton garde du corps !
- Annie !
- Je vais lui ouvrir.
- Non. Laisse-le poirauter là comme d'habitude. Il finira par s'en aller.
- Si tu veux qu'il te laisse en paix, tu sais ce que tu as à faire.
Je secoue fortement la tête.
Elle sourit et va ouvrir.
- Bonsoir monsieur.
- Bonsoir, mademoiselle. Page ou Nadia est là ?
- Oui, entrez.
Il vient de s'introduire dans le salon.
Je me lève du fauteuil et lui fais face.
- Asseyez-vous, je vous en prie. Je vous apporte de l'eau.
- Non, merci. C'est gentil.
- Bien, je vous laisse discuter.
Je fais des clins d'œil en direction d'Annie pour qu'elle reste avec nous, mais elle feint de ne pas me voir et disparaît du salon.
- Que me voulez-vous encore, monsieur Eliad ?
- J'ai promis à ma fille que je lui ramènerai sa nounou et je ne compte pas faillir à ma promesse.
- On ne promet pas à un enfant ce qu'on ne peut pas lui donner.
- Je sais. Mais tu aurais vu la mélancolie sur son visage, que tu comprendrais combien je me sens mal pour elle.
- Monsieur Eliad, je ne…
- Il ne s'agit pas de moi, PAGE, je te le répète. Mais de Milena que tu dis beaucoup aimer. Autrement, tu crois que j'aurais osé revenir vers toi après la manière dont je t'ai chassée de chez moi ? Je reconnais que la dernière fois, au restaurant, je t'ai blessée en parlant de doubler voire tripler ton salaire. Mais c'est le père désespéré qui parlait. Je m'en excuse sincèrement... En y repensant, je me suis rendu compte qu'il était bien possible que tu continues ton boulot actuel tout en restant avec Milena. Ça ne me gênerait aucunement. L'important, c'est qu'elle puisse t'avoir près d'elle. C'est tout ce que je veux PAGE.… C'est tout ce que je voulais te dire.
Il se lève.
- Prends le temps d'y réfléchir. Aurevoir.
Il me fait dos.
- J'accepte, murmuré-je.
- Pardon !
- J'accepte de revenir.
Je le regarde sourire.
- Merci ! Merci infiniment, PAGE. Tu ne le regretteras pas.
"Je l'espère.", me dis-je intérieurement, tandis qu'il s'en va, tout heureux.