chapitre 34
Ecrit par leilaji
Chapitre 34
*** Six mois plus tard***
***Elle***
Aucun homme n’est parfait. Malgré tout l’amour que je lui porte quand Adrien essaie de faire la vaisselle dans ses moments perdus, j’ai juste envie de le chasser de la cuisine. Il lave une assiette en laisse une autre, verse l’huile de friture dans un verre pour la conserver et n’y touche plus, choisit les gobelets des tous derniers, les lavent puis décide de ne pas toucher aux marmites. Pour tout dire, c’est un vrai désastre. La vaisselle ce n’est vraiment pas son truc, de même que le repassage ou tout ce qui crée le cocon familial.
- Bon tu fais quoi là ? je lui demande en croisant les bras les sourcils froncés.
- Toujours fatiguée ? demande-t-il à son tour sans même me regarder pour éviter de répondre.
Oui je suis fatiguée en permanence. Saloperie de maladie. Avec tous les efforts que mon corps a dû consentir pour se maintenir en vie c’est très difficile pour lui de récupérer comme ça en clin d’œil. J’espère juste que ça ne deviendra pas une fatigue chronique comme pour d’autres patientes qui en parlaient en salle de chimiothérapie. Je fais de mon mieux pour rester en forme. Deux soirs par semaine, je fais de la marche rapide avec Adrien qui reste à mes côtés pour me booster quand je veux abandonner. Marcher ça aide à éliminer les toxines et au cours de la chimio, ce qui est clair c’est que j’ai dû en accumuler des toxines ! J’évite autant que faire se peut tout ce qui contient des colorants et conservateurs et mange aussi frais que possible. C’est dire si le régime alimentaire de quasiment toute la famille à changer à cause de moi.
- Oui je suis fatiguée mais laisse je vais ranger, je me suis assez reposée en plus tu sors de garde. Laisse s’il te plait…
- Tu reprends le boulot bientôt, tu vas être encore plus fatiguée. Il faut vraiment que tu te ménages et qu’on trouve une solution...
- J’ai enfin trouvé une ménagère. Elle commence demain. Tu ne seras plus obligé de bricoler la vaisselle quand je sens que je vais m’effondrer de fatigue.
- Seigneur Jésus merci ! dit-il en rinçant rapidement ses mains un sourire aux lèvres.
Pauvre chou ! Je pouffe de rire et lui tends un torchon pour qu’il s’essuie. Est-ce que les hommes ont des gênes anti ménage parce que pour être aussi peu doué ça doit forcément être inscrit dans l’ADN! Pourtant chez lui c’était toujours propre quand on habitait chacun de son côté. Maintenant qu’on n’est tous les deux dans la même maison, il ne fait plus aucun effort. Je ne lui en veux pas vraiment. J’aime prendre soin de chez nous quand j’en ai la force et le laisser vaquer à ses occupations. C’est comme ça que j’ai été éduquée. C’est à la femme de s’occuper de son intérieur.
- Ca va aller tu es sure ?
- Oui ça va. Je réponds en m’adossant contre l’évier.
Il se rapproche de moi et me regarde intensément. Son regard me fait frissonner comme toujours.
- T’es en pleine rémission, alors oui je crois que ça va. Finit-il par dire tout doucement en me prenant dans ses puissants bras.
C’est ma place préférée. Quand ses muscles s’adaptent à mon corps pour le réchauffer et le protéger, je me sens juste … choyée.
Mais les bras d’Adrien en peuvent me protéger de tout, des turpitudes de la vie.
J’ai lu je ne sais plus où que le taux de survie relative à 5 ans est de 75 à 80% pour le cancer du sein. J’avais une chance sur quatre d’y passer et je suis toujours là, bien entourée et plus heureuse que jamais. On ne peut pas encore parler de guérison, il est trop tôt pour s’en réjouir mais je suis sur la bonne voix.
Je suis en pleine rémission, ce qui signifie qu'il n'y a plus aucune trace de cancer dans mon corps après mon traitement.
Je respire fort et chasse de ma tête toute pensée négative. Ca ne sert à rien d’avoir déjà peur de l’avenir, de ce qui pourrait m’arriver ou pas. Le souffle de vie est un don si merveilleux ! Pourquoi le gâcher avec des inquiétudes ? Parce qu’il existe toujours un risque de récidive du cancer ou d'apparition de métastases. Il existe toujours un RISQUE de rechute et c’est en raison de cela que je ferai tous les six mois des examens de contrôle pendant les cinq prochaines années.
Quand on voit des films sur des personnes qui se sont battues contre le cancer et s’en sont sorties, on pense comprendre ce qui s’est passé, comment ils ont lutté. Mais en fait, on est très loin de la réalité du malade et des sacrifices que l’entourage doit faire pour le soutenir. C’est dur, très dur surtout lorsque c’est ton propre corps qui essaie de te détruire. On n’en sort pas indemne. On en sort transformé. Frôler la mort ouvre de nouvelles perspectives sur la vie. Pas à tout moment ou pour tout le monde évidemment. Car en fin de compte, une fois le danger immédiat écarté, certains restent absolument les mêmes. Ce n’est pas parce qu’il a eu un cancer qu’un con devient forcément moins coin ou plus charitable. Non. Il y a des malades qui ont subi des chimios en même temps que moi et sont restés aussi détestables que le premier jour que je les ai rencontrés. Ils traitaient les infirmières qui préparaient leur perfusion comme des moins que rien et souhaitaient tout de même être mieux traités que les autres patients, comme si leurs vies avaient plus de valeur que celles des autres à cause de leur compte en banque rempli de chiffres à multiples zéros.
Mais les âmes fortes, celles qui savent que chaque épreuve est en réalité une chance de réussir quelque chose d’extraordinaire, de se dépasser, saisissent l’opportunité de briller quand l’adversité se montre.
Et j’estime désormais être une âme forte. J’ai lutté vaillamment et jamais je n’ai baissé les bras. Sinon je ne serai pas là. Je me suis prouvée à moi-même tellement de chose avec cette maladie ! J’ai brillé devant l’adversité avec l’aide d’Adrien.
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Mon souffle est comme suspendu à ces examens de contrôle. Le premier je l’ai fait il y a quelques jours et le centre m’a appelé hier pour rencontrer l’oncologue et récupérer les résultats. Adrien n’a pas pu m’y accompagner mais j’ai eu beaucoup de mal à me décider à y aller. On aurait pu croire qu’après avoir lutté tellement fort pour vivre et obtenu gain de cause, le courage me viendrait naturellement pour affronter la suite des évènements mais non. Ca ne marche pas toujours ainsi. La capital courage que l’on acquiert après chaque épreuve est remis en jeu devant toute nouvelle difficulté. Et encore une fois, il faut serrer le poing et livrer bataille comme si c’était la toute première fois. Une fois en salle d’attente, et à la sortie d’une femme en pleurs, j’ai eu envie de rentrer chez moi et de continuer ma vie avec mes enfants et Adrien comme si de rien n’était.
Prendre mes jambes à mon cou !
Puis je me suis rendue compte que c’est parce que j’ai affronté ma première bataille que je suis encore là, en vie. Fuir m’aurait conduit à la mort. Alors je suis entrée en salle…
Et pour le moment, il n’y a rien à signaler. En rentrant, je me suis mise à genoux et j’ai prié de toutes mes forces. Tout mon corps tremblait et il a fallu qu’Adrien, rentré de consultation dans sa clinique, me serre très fort dans ses bras pour que peu à peu je me rende enfin compte que le médecin m’a dit exactement ce qu’il devait me dire : rémission … pas de trace de cancer.
J’avais tellement peur lors de cette mammographie. Tellement peur de croire en la rémission et d’entendre finalement qu’il faut tout recommencer!
Je respire de nouveau et me demande quand est-ce que tout cela sera derrière moi ? Quand est-ce que je pourrai me réveiller et ne plus voir écrit sur mon front à l’encre invisible de la vie : SURVIVANTE.
Pour me calmer, surtout lorsqu’Adrien est là et me rassure, je me dis que Dieu ne l’a pas laissé me ramener d’entre les morts pour me faire subir une nouvelle fois une telle épreuve ! Ce serait tellement … méchant et Dieu n’est pas méchant. Il a forcément un plan pour moi.
***Le lendemain***
Avec tous les enfants en même temps, c’est compliqué de faire les courses car chacun te tiraille d’un côté ou l’autre du magasin selon ce qu’il a envie que tu lui achètes et la pire de tous c’est Annie et son sourire candide. Sa tactique en cas d’extrême urgence c'est-à-dire en présence de « miel pops » c’est de pleurer. Annie et ses grands yeux ! Quand cette gamine pleure c’est tout un spectacle. Dans ces cas là, Adrien la soulève et la porte sur ses épaules et ils vont de leur côté avec un second caddie immédiatement suivis par Obiang qui écoute toujours l’avis de son ventre : suis tonton Adrien ! Ils sont mignons ensemble Adrien et Annie et le plus beau c’est que ce n’est pas forcé.
Tout homme sait que lorsqu’il a une relation avec une mère de famille, il a intérêt à ne pas se faire détester par les enfants de celles-ci. Ca donne souvent lieu à un peu d’hypocrisie de leur part. J’ai déjà vu un homme dire à sa copine que sa fille était très mignonne alors que la petite fille en question même à travers les yeux d’Annie (qui l’a traité de petit « gongongon ») n’était pas très … jolie il fait bien l’avouer.
Adrien a un contact très facile avec les enfants. Il suffit de le voir circuler en salle d’attente parmi les mamans de ses patients et prendre un bébé en pleurs. Il a « ce truc » que peut-être seuls les enfants sentent immédiatement, cette bonté qui fait qu’ils l’adoptent sans rechigner et le respectent parce qu’il ne fait pas semblant avec eux. Adrien n’est pas pédiatre par hasard, c’était son destin de l’être. Il pense avoir réalisé les volontés de sa sœur mais moi je dis que c’était son destin de prendre soin des enfants.
- Bon, je crois que là on a fini, je dis en jetant un coup d’œil au caddie rempli à ras bord, famille nombreuse oblige.
- Il manque les yaourts, me fait remarquer Oxya tout en manipulant son téléphone.
- Toi tu es encore sur facebook hein ?
- Non !
- T’es trop petite pour ça oh.
- C’est bon, je ne suis plus une gamine maman. Même tonton Ad l’a dit quand j’ai fait toute seule la cuisine la dernière fois.
Pffff ! Elle va me ressortir ça combien de fois. Juste parce qu’elle a réussi à faire des crêpes pour tout le monde ça y est ça se proclame grande cuisinière. Les enfants !
- Bon, moi je prends les yoplaits. C’est pas la peine d’aller soulever les Elle et Vire, je ne veux pas dépasser mon budget.
- Tonton Ad va tout payer, dit tout simplement Ekang habitué à ce que son père paie tout.
Au fond de mon cœur je me dis : « mon bébé si tu savais tout ce que tonton Ad paie déjà, tu n’allais pas lui ajouter cette charge en plus ! »
On rejoint le rayon laiterie et j’aperçois au loin Adrien discuter avec une femme. Il est de dos, il ne me voit pas venir. Ils rigolent si fort que je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’ils se racontent de si drôle. Je me redresse, sors mon porte monnaie du sac pour rapidement vérifier l’état de mon maquillage sur le petit miroir intérieur et m’approche tout doucement d’eux.
- Elle est toute belle ta fille.
- C’est pas mon père. Répond Annie. Lui c’est docœur mais Oxya et les autres l’appellent tonton Adrien. Mon père s’appelle Etienne.
- Wo c’est une vraie pipelette ! s’exclame la femme en riant.
- Je ne te le fais pas dire. Annie dis bonjour ma puce.
- Bonjour.
- Bonjour Annie.
- Alors Adrien. Ca fait vraiment longtemps. Mais je ne vois pas de bague au doigt là, toujours célibataire allergique au mariage ?
- Je suis peut-être pas marié mais en couple t’inquiète.
- Donc quand tu m’as laissée là vite vite, c’est pour toujours rester célibataire !
Adrien rigole et moi je n’aime pas du tout cette conversation.
- Le mariage ce n’est pas trop mon truc tu le sais.
Pardon ?! on croit toujours connaitre une personne comme si on l’avait faite et au détour d’une conversation à laquelle on en participe pas, on découvre …
- Mais t’as quand même des enfants dis moi.
- Nan ! Ce n’est pas dans mes projets.
- Ah ça. Gabonais très exceptionnel hein. J’ai revu Dave la dernière fois, on a un peu bavardé. Tiens-toi bien, il a sept enfants avec cinq mères différentes et là il vient de doter une qui est enceinte de lui.
- Dave, je ne vois pas trop qui c’est.
- Si… un mec fang de l’estuaire, mince, noir de teint, spécialité gynécologie !
- Ah oui Daveslas ! Venant de lui ça ne m’étonne pas. Il a toujours dit qu’il allait peupler le Gabon.
La jeune femme éclate de rire. Peupler le Gabon, qu’il y a-t-il de drôle dans cette phrase ? A chaque fois qu’elle rigole sa poitrine opulente se soulève. Mais quelle idée de mettre pareil top avec un aussi gros attribut ! On a presque l’impression qu’un simple éternuement pourrait vous faire sauter le tout au visage. Je fais encore avancer mon caddie.
- Bon je vais retrouver ma moitié, elle doit être perdue quelque part dans les rayons.
- Quoi donc toi tu ne te divises qu’en deux… Un tiers ça ne te tente pas ?
- Tu ne changes pas toujours aussi directe !
- Pourquoi changer une équipe qui gagne dit-elle en baissant les yeux sur ses seins. C’est ce que tu aimais non ?
Je jette un regard piteux sur mes seins à moi. Pour ça, il n’y a rien à redire, c’est des citrons qu’il me reste, comparé à ses pastèques ! Elle sort finalement de son sac son téléphone et regarde Adrien.
- Donne moi ton numéro s’il te plait, tu as maintenant une clinique non ? J’ai une petite sœur qui est infirmière et elle cherche un stage. Pardon fais quelque chose hein, au nom de notre … « amitié passée ».
Puis comme si elle cherchait quelque chose pour amadouer Annie qui doit la regarder étrangement, elle lui propose un des chocolats de son panier. Adrien lui donne son numéro et elle lui sourit…
- Pourquoi tu prends le numéro du docœur, tu veux le crédit ?
J’ai bien envie d’éclater de rire mais la suite de la conversation m’intéresse tellement que je me retiens.
- Il faut pas lui donner docoeur à elle comme ça! En plus elle est pas belle même comme maman Elle.
- Annie ! s’exclame Adrien en la faisant descendre de son cou. Excuse-toi.
- Non, ce n’est pas grave. Elle défend le territoire de sa mère, dit-elle en remettant le chocolat en place.
Merci Annie, tu es une vraie fille fang, tu protèges les intérêts de la famille ma chérie. Je pousse enfin le caddie jusqu’à frôler Adrien qui se retourne.
- Quand on parle du loup…
***Plus tard en soirée chez Leila Khan***
- Depuis que tu t’es installée avec docteur tatoo, est-ce que tu connais encore la route qui mène chez moi ?
- Ah pardon, ne me fais pas de bruit. Je suis fatiguée. Dis-je en portant le verre d’eau à ma bouche.
Je suis venue rendre une petite visite rapide à Leila qui m’a beaucoup soutenue pendant la période difficile. Elle a su quand il le fallait me dire les mots que j’avais besoin d’entendre.
Leila sourit et pose ses lunettes de lecture. Elle me regarde longuement.
- Il n’y a rien de plus jolie qu’une femme amoureuse. T’es toute belle…
- Merci.
Je me mets à l’aise et ôte mes talons. On se met à bavarder de tout et de rien, on rattrape le temps perdu à ne parler que de ma rémission en se rappelant du bon vieux temps où on espérait encore tant de choses de la vie.
- J’ai vu Samantha la dernière fois … C’est à peine si elle a répondu à mon bonjour comme si je suis responsable de la gifle que tu lui as donnée.
- Pardon, le dossier là est classé depuis.
Elle se met à rire et délire un peu sur les sales petites manies des voleuses de maris.
- Justement, il est où ton fou d’indien là ?
Elle ne répond pas et me demande de tendre l’oreille.
- Je n’entends rien tu sais…
- Justement. Il n’y a rien à entendre dans ma maison. Elle est désespérément vide ! ajoute-t-elle avec un brin d’amertume que je ne lui connaissais pas.
Je ne réagis pas d’abord et digère sa phrase.
- Leila ça va ?
Elle serre les lèvres, secoue légèrement sa tête. Les larmes lui montent lentement aux yeux et elle détourne la tête.
- Leila ça va ?
- Ca va…
Elle se lève et se rend à la cuisine. Que va-t-elle y chercher alors que la table à laquelle on est installée est déjà fournie en boissons et amuse gueule. Au bout de quelques secondes, je comprends qu’elle a besoin d’un petit temps pour se reprendre. Je ne lui demande plus rien. Elle revient s’asseoir quelques instants plus tard les yeux un peu rouges.
- Tu crois vraiment que je vais te faire l’affront de me plaindre de ma vie alors que toi tu viens d’échapper à la mort ?
Maintenant qu’elle en parle, je dois bien avouer que depuis la soirée du mariage où je les avais vu si heureux, il me semble que je n’ai plus croisé Alexander.
- Où est ton mari ?
- Je ne sais pas ! Dubai ou Hong-Kong. J’en sais rien. Je suppose que le vide de la maison l’incite à se balader dans le monde et fructifier son empire pour mieux revenir la remplir.
- Ne dis pas ça. Il a toujours été comme ça. Bosseur et toi aussi… Tu ne peux pas le lui reprocher. Il ne fuit pas, je crois qu’il essaie de son mieux de te gâter pour que tu sois heureuse, c’est tout.
- C’est lui que je veux… pas son portefeuille Elle. Pas son portefeuille. J’ai tout et en même temps … je n’ai rien. Un mari qui veut un enfant que je ne saurai lui donner Elle. Depuis le temps qu’on essaie…
Ah Leila. Le mariage ce n’est jamais facile. Que te dire si ce n’est de ne pas désespérer ! Moi et mon bonheur flambant neuf, je me sens coupable devant son air désespéré alors je me confie aussi.
- Ce n’est facile pour personne Leila. Tu sais comment je suis très traditionnelle dans ma manière de vivre. Je me suis mariée avec le premier homme avec lequel j’ai couché. Les aventures, ça n’a jamais été mon dada, c’est par la force des choses que je me suis retrouvée la dedans alors quand j’entends Adrien confirmer à une de ses ex qu’il est toujours aussi allergique au mariage moi aussi je me pose des questions. Quoi est-ce qu’il a l’intention d’être un éternel célibataire sans enfants ? Et si moi j’ai envie de plus… ? Je n’ai pas l’âme d’une célibataire, tu me connais j’adore pouponner… Avec la petite Annie en plus à la maison, je me sens pleinement heureuse, je voudrais … aussi plus d’Adrien… Un engagement.
- Mais Elle tu viens à peine de sortir de la lutte contre ton cancer, laisse le temps au temps !
- J’ai 35 ans… Combien de temps me reste-t-il exactement ? Il faut vivre tout en sachant qu’on n’est pas éternel c’est ce que la vie vient de m’apprendre Leila. Ce que ton cœur désire, cueille-le avant qu’il ne soit trop tard !
- Oui mais toi contrairement à moi, ta maison n’est pas vide !
***Chez le couple, la nuit***
Je me regarde dans le miroir de la douche. Encore une fois, je touche la cicatrice sur mon sein puis laisse ma main descendre timidement vers mon ventre que je caresse tout doucement. Puis je me mets de profil et repense à mes grossesses passées qui ont laissées des traces indélébiles sur mon corps.
Ce sont mes fiertés… pour chaque enfant porté.
Envie de bébé ?
Est-ce normal après un cancer surtout quand on ne sait pas tellement quelle sera la suite des évènements ? D’autant plus qu’il est trop tôt encore. Je ne suis même pas sure d’être en mesure de porter un enfant après un traitement du cancer du sein. Je sais que certains agents chimiothérapeutiques employés pour traiter le cancer du sein, comme la cyclophosphamide, peuvent causer des troubles de la fertilité. Surtout chez nous les femmes âgées de plus de 30 ans lors du traitement. Normalement, j’aurai dû prévoir la possibilité de préserver ma fertilité lors de la chimio mais j’étais tellement concentrée sur la sauvegarde de ma vie que je n’y ai pas pensé.
Mais lors de ma dernière visite avec l’oncologue, la réapparition de mes règles qui avaient disparues pendant mon traitement m’a donnée l’envie de savoir.
Le médecin m’a expliquée qu’une femme devrait attendre au moins 6 mois afin de permettre à ses ovules endommagés par le traitement d’évacuer son corps. J’ai largement dépassé les six mois il me semble. Dans certains cas, l’équipe de soins peut recommander d’attendre entre 2 à 5 ans, puisque la plupart des cancers récidivent au cours de cette période.
- Cela correspond au temps de récupération de votre traitement, souvent au temps de reprise du fonctionnement de vos ovaires, a dit le médecin en me souriant. C’est aussi la période où le risque de récidive est le plus élevé, et il est toujours difficile de traiter une rechute de la maladie en cours de grossesse. A l’inverse, si une grossesse démarre malgré tout dans cette période, il n’a pas été démontré que cela était plus dangereux.
C’est facile de dire à une jeune femme de 20 ans de patienter 5 ans. Mais moi, dans cinq ans j’en aurai 40. Comment ferai-je alors pour donner un enfant à Adrien qui n’en a même pas. Est-ce que je verrai aussi ma maison désertée comme celle de Leila ?
Que faire ?
Vouloir un enfant de l’homme qu’on aime après autant d’épreuve, est-ce une échappatoire de ma part ou tout simplement une manière de dire : la vie continue, je n’ai pas peur de mon futur, j’ai confiance, tout ira bien. Je ne parle pas de tomber enceinte immédiatement mais j’aimerai que cette possibilité me soit accordée dans un futur pas trop lointain. Adrien est un homme comme les autres. Tôt ou tard, il voudra des enfants, du moins je l’espère car moi j’e veux un dernier, avec lui. Je veux porter son enfant. Je l’aime tellement. Je veux donner un frère aux miens… Est-ce trop demander ?
- Tu crois que ton corps n’ a pas encore subi assez de dommage comme ça Elle? Tu te remets à peine. Tu sais l’effort qu’une grossesse demande au corps d’une femme et toi tu… N’y pense même pas ! me dit une voix dans mon dos.
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