Chapitre 35
Ecrit par Annabelle Sara
Victoire
était assise dans la voiture qui la ramenait vers l’homme de sa vie, voilà déjà
deux jours qu’ils s’étaient vu et depuis lors elle avait eu le loisir de
vérifier qu’elle était bel et bien enceinte. Elle l’était, étant donné le
nombre de test de grossesse qu’elle avait fait et qui étaient tous positifs,
alors elle pouvait affirmer aujourd’hui qu’elle portait le fils de Stéphane Medou.
Et bien que cela fusse une bonne nouvelle elle n’avait aucune raison d’être
heureuse.
La
voiture se gara et un des gardes du type vint lui ouvrir la porte, lorsqu’elle
pensait qu’à cause d’elle cette famille allait perdre son patrimoine elle avait
envie de se pendre haut et court ! Ils avaient accepté de perdre et de ne
pas la laisser entre les mains d’un individu autant odieux qu’arrogant. Dehors
c’est toute la famille qui l’attendait, elle aperçut même Ly, sa fille. Elle
n’en revenait pas de les voir autant heureux de la revoir, comme si rien
d’autre n’avait de l’importance à leurs yeux qu’elle ! Ils l’embrassèrent
tous à tour de rôle visiblement son retour était la seule chose qui leur
importait, et dans les yeux de Stéphane, elle comprit que oui, pour lui son
retour était une belle victoire. Elle lut dans son regard tout l’amour qu’il
lui portait. Que pouvait-elle répondre à cela, rien d’autre qu’un merci !
« Pourquoi ? », demanda-t-il en la prenant dans ses bras.
« Grace à vous je revois ma fille… »
« Merci à vous Victoire pour le cadeau que vous nous faites ! »,
répondit Pulchérie. « Maintenant il vous faut prendre du repos, vous en
avez besoin ! »
La
sollicitude de la mère de l’homme qu’elle aimait lui fit un grand baume au
cœur, elle inspira une bonne bouffée d’air tandis qu’ils entraient tous dans la
demeure familial.
Une
fois dans la chambre de Stéphane, elle ne tint pas en place et se jeta dans ses
bras.
« Ils m’ont vendus comme un vulgaire chien dans la rue ! Ils m’ont
vendu… », dit-elle en pleurant une fois encore sur sa famille.
« Calme toi ma belle ! Je suis là maintenant ! Je vais prendre
soins de toi ! »
« Ma sœur m’a vendu… vendu comme du vulgaire bétail… après tout ce que
j’ai fait… »
« Ne t’en fais pas, il y’a une personne qui est à leur trousse et je suis
sûr qu’elle va finir par les coincer ! »
La
foi que l’on entendait dans la voix de Stéphane faisait froid dans le dos.
« Pourquoi tu as fait ça ? », demanda enfin Victoire les yeux
incrédules.
« Tu me le demandes encore ? Tu sais très bien à quel point tu es
importante pour moi, et de plus il se peut que tu porte mon enfant. Victoire… »
« Il s’agit de ta famille, de votre nom, vous ne pouvez pas laissez un
étranger s’emparer ainsi de vos biens, de votre patrimoine… ce n’est pas
possible ! », défendit Victoire.
« C’est vrai que ce patrimoine ne s’est pas fait tout seul, mais si tu
regarde bien tout ce qu’il va nous prendre est secondaire pour nous, oncle Etienne
est un grand propriétaire terrien et immobilier, maman est une héritière et sa
fortune n’est pas à négliger, Ron est un militaire dans l’âme il peut très bien
réussir dans le milieu du renseignement et de la sécurité, Cassie est une
danseuse étoile riche et célèbre, et moi je suis Mister Chocolate tu te
souviens ? Nous avons tous réussi en dehors du patrimoine familial,
ce n’est donc pas un drame si cet homme s’installe sur le trône de la EDANG
BROS, seulement il ne fera jamais parti de notre famille, il ne saura pas ce
que c’est qu’en faire partie ! »
Victoire
se mit à réfléchir en repensant à tout ce que Sébastien lui avait avoué, sur ce
qui le motivait, quand elle pensait qu’il s’agissait d’une simple et pure
vengeance vielle de cent ans, elle n’en revenait pas du degré de haine qui
animait cet homme. Il ne vivait que pour venger ses arrières grands –parents qui
avaient tout perdu à cause des Edang et avaient été obligé de quitter le pays,
ruinés et déchus. Se réfugiant en Afrique de l’ouest ensuite en Europe.
Leur
nom avait failli disparaitre mais le grand-père de Sébastien avait tout fait
pour lui faire connaitre son pays et ses racines forçant sont père à lui donner
un nom camerounais.
Il
avait passé des années à monter cet histoire comme un puzzle, la lueur qui
brillait dans ses yeux lorsqu’il se disait qu’il était arrivé à ses fins
donnaient encore des sueurs froides à la jeune femme.
« Nous parlons… mais tu ne m’as toujours pas dit ce qu’il en
est ? »
La
demande de Stéphane était simple, il voulait être dans la confidence, savoir ce
qu’elle sait depuis quelque temps au fin fond de son être. La malice qui
remplaça l’angoisse dans son regard amusa Stéphane sans pour autant lui donner
une réponse à sa question.
« Tu veux vraiment le savoir ? »
« Victoire ! Ne joue pas à ça avec moi… les tests ils étaient… »
« Tous positifs ! »
La
joie et le contentement qui envahirent le jeune homme comblèrent la future
maman. Le ciel lui avait fait la grâce de mettre cet homme sur son chemin et
elle avait en plus eu le droit à une deuxième chance. Il la prit dans ses bras
et la fit voltiger dans les airs, ce qui lui donna une envie irrépréhensible de
vomir.
« Désolé mon amour, je suis tellement heureux ! », s’excusa-t-il
en lui tenant les cheveux tandis qu’elle vidait ses entrailles dans la cuvette
des toilettes.
« La prochaine fois évite quand même de m’envoyer dans les airs, sauf si
tu veux que ton enfant me sorte par les narines. »
La
voir dans cet état le rendait à la fois heureux mais en même temps il se
sentait fébrile, il se souvint que le jour de sa disparition il avait
l’intention de lui poser une question très importante et là, il ne savait pas
trop quoi faire. Il se demandait s’il ne valait pas mieux attendre un peu que
toute cette histoire se tasse.
« J’ai lu dans un journal que l’on me croyait morte ? »,
s’enquit-elle en se redressant.
« S’il te plait chérie ne penses plus à toute ces bêtises !
Reposes-toi un peu, ensuite nous en reparlerons. »
Stéphane
espérait pouvoir lui faire oublier cet incident en la poussant dans son lit, il
n’avait qu’une chose en tête faire en sorte qu’elle se sente bien et que son
large sourire refasse surface afin de décorer son visage.
Pendant
que Stéphane s’attelait à endormir sa dulcinée, Ronald lui avait appelé
l’inspecteur Akono afin de lui donner des nouvelles sur les récents évènements.
Celle-ci prit immédiatement rendez-vous afin de rencontrer Victoire au plus
vite car elle leur apprit qu’ils avaient peut-être une piste concernant les
individus qui l’avaient enlevés.
C’est
donc dans une certaine sérénité que l’ensemble de la famille se rassembla dans
la soirée afin de partager un diner familiale, ils étaient tous là réunis
autour de cette immense table en Iroko, partageant joyeusement ce qui semblait
être l’ultime diner de la famille bicentenaire, parce qu’à présent le
compte à rebours était lancé et dans très peu de temps qu’il n’en faut pour le
dire ils allaient devoir accueillir un parfait étranger qui n’a aucun lien avec
leur famille et qui risque prendre possession de tout. En les observant, on
voyait tout de même un certain accomplissement.
Chacun
avait trouvé un certain équilibre, une fille qui avaient trouvé celui et celle
qui l’aidaient dans toutes circonstances, qui l’épaulaient quoiqu’il arrive, un
fils qui s’était rapproché de sa mère, un autre qui avait choisi non seulement
pour lui mais aussi pour le reste de sa famille celle qui allait l’accompagner,
un oncle qui avait sauvé sa famille de la dérive et une mère comblée par
l’amour qui régnait parmi les siens.
Que
demander de plus ? N’était-ce pas cela ce que cherche tout être
humain ? L’harmonie ?
Il
faut d’ailleurs avouer que ce sont ces différentes choses qui ont fait défaut à
Jacques Esso’o, en voulant régner d’une main de fer sur les siens il avait fini
par inscrire en eux une graine de révolte. C’est d’ailleurs cette dernière qui
provoqua sa fin tout en entrainant la déchéance de sa fille. Car tous
deux se firent prendre sur la route du Congo par Djoum, à cause d’une révolte
de sa fille qui attira sur leur voiture l’attention de la police, après une
course poursuite folle ils finirent dans un ravin, ce qui valut au père les
menottes et à la fille un brancard.
Découvrir
le destin de sa famille dans les journaux, bouleversa profondément Victoire,
elle essayait de s’imaginer ce qu’aurait été leur vie si sa mère était toujours
vivante, si elle avait osé lever la tête face à son tyran de mari ? Pulchérie
lui fit vite penser à autre chose, il fallait avouer que cette dame, avait
changé de tout au tout depuis que sa fille avait fait irruption dans son monde,
et c’était pour le meilleur parce qu’au fond c’était une mère aimante et
attentive, Victoire se disait donc qu’elle avait beaucoup à apprendre d’elle.
Pulchérie
n’était d’ailleurs pas la seule dont elle devait apprendre, Stéphane ne cessait
jamais de l’étonner. Elle savait qu’il était terrible en affaire, seulement
elle allait apprendre qu’il était aussi un fin stratège, de même qu’un certain
Sébastien Melingui allait devoir tirer une leçon du dicton qui dit qu’une
vielle fortune n’est pas faite que de papier mais aussi de matière.
Tout
le monde s’attendait à ce qu’à la suite de l’audit qui avait été négatif, pour
l’ensemble de la EDANG BROS que les Edang compte parmi eux un nouveau venu
parce que le gouvernement ne pouvait pas à lui tout seul prendre possession des
affaires familiale. Immense fut la surprise de tout un chacun lorsqu’ils
apprirent qui allait posséder vingt-cinq pourcent du holding familial.
Stéphane
avait réussi à bluffer tout le monde, il avait réussi un coup de maitre et
cette particularité lui venait autant des Medou que des Edang, ces deux
familles avaient la réputation d’avoir la peau dur, ils étaient comme le phénix
qui renait de ses cendres. Personne ne s’attendait à ce qui allait se produire
et Sébastien Melingui le premier.
Il
était certain d’avoir atteint son objectif, ces pions étaient biens positionnés
sur l’échiquier, il ne comprenait pas d’où venait ce contretemps. Il voulait
tellement en avoir le cœur net qu’il décida de se renseigner auprès d’une personne
de confiance. Il était assis dans le restaurant qui lui rappelait le plus les
restaurants de Paris, il ruminait en silence en attendant de pouvoir recevoir
les explications qui lui étaient dues.
« Vous devriez peut-être commander un scotch Mr Melingui ! »,
fit une voix derrière lui.
En
se retournant il grimaça et comprit que rien ne lui serait donné dans cette
histoire. Il allait devoir perdre de la plus humiliante des manières.
« A votre place c’est ce que je ferais ! », ajouta Stéphane
avant de prendre place face à l’homme qui avait osé le défier.
« Que voulez vous que nous fêtions Mr Medou ? Votre magnifique
victoire sur moi ? »
« Vous êtes effectivement au parfum des us et coutumes du sinus Mr Melingui,
mais je doute que cela vous ait réellement servi… garçon ! Deux verres
scotch vingt-ans d’âge s’il vous plaît ! »
La
commande et le sous-entendu de celle-ci était assez clair pour l’homme face à
Stéphane. Au pays et surtout dans les habitudes des peuples du centre lorsque
vous perdez au jeu face à quelqu’un, s’il vous offre un verre, il vous invite
très clairement à retenter votre chance. Et les riches y avaient ajouté une
connotation de défi en offrant du Vingt ans d’âge au perdant ! Le message
était clair, il se trouvait en face d’un être supérieur et rien ne changera
cela.
« Je ne vous attendais pas ici Mr Medou ! », dit-il avec une
voix neutre, ce qui n’était pas le cas de son estomac.
Il
bouillait littéralement de rage contre ce type et contre lui-même.
« Je sais… Faustin Ondobo devait vous rejoindre pour votre causerie
quotidienne, seulement ce sera moi votre rencard de cet après-midi. J’espère
que vous n’êtes pas déçu ! »
Le
mot était faible pour décrire le sentiment qui traversait en ce moment le corps
tout entier de l’héritier français.
« Que voulez-vous ? »
« Discuter un peu, je dois avouer que la dernière fois que nous nous
sommes rencontrer… je rêvais de ce que j’allais vous faire une fois que je vous
aurais à ma merci ! », déclara Stéphane en prenant con verre.
« Mais à présent que je vous tiens ! Je me dis, merde ce que j’ai
envi de lui faire un câlin, il n’ya rien de pervers, mais c’est vrai j’ai envi
de vous consoler ! »
« Ne vous gênez pas pour moi, j’ai connu pire… »
« C’est aussi ce que je me suis dit en découvrant ce que vous avez fait
subir à ce directeur du ministère des finances ! Pauvre Mr Ondobo, pour
aimer ainsi faire souffrir les gens autour de soi… il faut soi-même avoir
traversé des moments particulièrement difficile. »
La
voix de Stéphane était calme, tellement que cela exaspérait profondément
son interlocuteur.
« Au fait, si je suis venu ici aujourd’hui c’est pour vous dire pourquoi
tout ne s’est pas déroulé comme vous le planifiez ! », déclara-t-il.
« Je suis tout ouïe ! »
« Hé bien c’est simple, vous n’avez pas réussie parce que quoique vous
fassiez vous n’êtes et ne serez jamais considéré comme un fils du pays, du
moins par les lois de notre belle terre qui est très rigoureuse en ce qui
concerne les bannies et leur descendance. Vos grands parents auraient
d’ailleurs dû vous expliquer, cette terre ne récupère jamais rien de ce qu’elle
a rejeté. Vous connaissez surement la sélection naturelle, ici il s’agit de la
sélection de la natalité… »
« Où voulez vous en venir ? »
La
question était posée.
« Ma famille n’aurait pas réussi à expulser la votre si Mbankomo tout
entier n’avait pas fait bloc derrière elle et si elle vous rejette encore
aujourd’hui c’est à cause de votre appartenance, on dit que le fruit ne tombe
jamais loin de l’arbre c’est exactement ce qui s’est manifesté ici dans votre
cas ! »
« Vous voulez dire que la candidature de mon entreprise n’as été retenu
parce que je m’appelle Melingui ? », demanda-t-il interloqué.
« Non, votre candidature n’a pas été retenue parce que vous faites les
louanges de personnes qui ont été reconnu coupable de trahison dans leur
nation ! », corrigea Stéphane en lui balançant un paquet de documents
à la figure. « Vous croyiez vraiment que votre famille a été bannie pour une
histoire de vente de terrain ? Ne soyez pas stupide, vous êtes l’héritier de
persona non grata… même si vous créez un orphelinat ici vous ne pourriez faire
disparaître la disgrâce qui entache votre nom… »
« Je ne comprends pas ! »
« Vous auriez dû écouter Ondobo au lieu de le menacer ! »
En
feuilletant fébrilement les documents qui venaient de lui être remis, le type
se rendit effectivement compte que ces arrières-grands- parents avaient été
banni mais pas de la façon dont ils l’avaient appris sa cousine et lui. Les
unes de presse se dressaient devant lui : Melingui conspirateur ; Melingui
ou le nom de la trahison ; le diable a des représentants parmi nous et ça
n’en finissait pas, il y avait des procès-verbaux et des transcriptions qui
expliquait leur expulsion.
« Vos ancêtres ont fait ce qui allait à l’encontre même de l’existence de
cette terre, l’esclavage était la pire chose qu’avait subi l’Afrique et encore
la colonisation ! Vos ancêtres étaient des traitres que le Cameroun entier
a chassé, vous avez eut la chance de ne pas rentrer dans les livres d’histoire,
on aurait décrit à chaque enfant ce que votre famille faisait, depuis la traite
à la colonisation et la traitrise lors de l’indépendance ! La terre de vos
ancêtres en avait assez de vos pères alors elle les a rejeté et vous vous devez
en payez le prix. Ce qui je dois dire me suffit ! »
« Vous jubilez mais j’ai tout de même réussi à faire entrer un étranger à
votre table Mr Medou ! », lança-t-il.
« Oui et cela est une très belle chose, à présent qu’elle fait partie de
la famille elle ne rechignera peut-être pas à m’appeler papa un jour… qui
sait ? »
La
mine que fit Melingui indiqua à Stéphane qu’il ne comprenait pas très bien.
« Oui parce que la firme qui détient en ce moment vingt-cinq pourcent des part
du holding est celle que la fille de Victoire a hérité de son père biologique…
la firme appartient à Cathy Ly, bon il est vrai qu’en tant que tuteur légal et
futur beau-père la gestion me revient pour les disons… quinze prochaines années
au minimum donc… je peux dire que les biens reste dans la famille ! »
Melingui
resta bouche bée. Il n’en revenait pas, exactement comme tout ceux qui avant
lui avaient appris la nouvelle.
« Je sais que lorsque vous veniez au pays, vous veniez pour une belle
chasse, je dois avouer que c’était assez excitant de rencontrer un nouveau
partenaire de jeu, seulement je ne fais pas de cadeau mais alors pas du tout
aux personnes qui osent s’attaquer aux gens que j’aime, encore moins à la femme
de ma vie ! J’espère que nous n’en resterons pas là d’ailleurs j’ai
l’intime conviction que nos chemins se recroiseront un jour. Néanmoins, je ne
tolèrerais plus que vous me menaciez ou que vous portiez atteintes à la vie de
mes proches, ou je serais forcer de vous prouvez qu’au Cameroun nous savons ce
que veut dire barbarie ! »
La
menace était clair, Sébastien n’avait pas besoin de répondre à cela d’ailleurs,
il n’aurait pas sut quoi dire.
« Une dernière chose… », dit Stéphane en ce levant. « Je vous
aurais bien laissé un faire-part de notre mariage à Vicky et moi… mais je
sais que votre vol part pour Paris demain matin à sept heure alors… je ne peux
que vous souhaiter un bon voyage et à la prochaine, Mr Melingui ! »
Jeu,
set et match, la fin de la partie avait été sonnée ! Il ne restait plus
qu’au différent parti d’accepter son destin et de se reprendre.
Stéphane
avait réussi à berner tout le monde, il préservait l’image de sa famille tout
en se débarrassant d’un malade qui jouait les vengeurs. Il avait réussi à
rendre son prestige à sa famille, la famille bicentenaire, si celle-ci avait
tenu si longtemps c’est justement parce qu’elle était atypique. Elle avait
réussi à s’accorder aux changements qu’impose le temps au lieu d’être rigide et
coincée dans un étau, les membres de sa famille avait su prendre un peu de bon
en eux et de l’offrir autour d’eux afin de se créer une bulle tout en étant en
harmonie avec le reste du monde. Ils avaient réussi à créer et à préserver les
différences dont ils sont issus, tout en faisant de leur quotidien un solide
patchwork. A présent il ne restait plus qu’a rattacher les derniers morceaux de
tissues à la toile.
C’est
donc à vitesse d’une formule un que Stéphane conduisit jusqu’à la demeure
familiale, une fois devant, il vit son frère ranger des valises dans un
véhicule tout-terrain. Qui se déplaçait ?
« Merci,
mon chéri ! », fit sa mère en descendant les marches suivit de près
par le reste de la famille qui avaient une mine des grands jours.
Où
allait Pulchérie ? se demanda le fils ainé qui n’était pas au courant des
plans de sa mère.
« Maman ? Où vas-tu ? »
« Oh Stéphane ! Je suis heureuse que tu aies réussi, je suis fière de
toi…mais je crois que je ne suis plus faites pour toutes ces
choses ! »
« Maman ! »
« J’ai besoin de temps pour moi… de vacances et d’une certaine personne
qui est chère à mon cœur ! », dit-elle d’une voix tremblante en
caressant la joue de son fils. « Je sais à présent que vous n’avez plus
besoin de moi, vous vous débrouillerez bien tout seul. »
« Tu t’en vas le rejoindre ? »
En
posant la question il savait très bien quelle serait la réponse, il pouvait la
lire dans les yeux de sa mère.
« Je vois… mais avant que tu t’en aille je voudrais que tu fasses quelque
chose pour moi. Je sais que tu as un certain attachement pour les vielles
coutumes alors je voudrais que tu… »
Il
lui tendit l’écrin qui n’avait pas quitté sa poche depuis ce fameux soir où il
avait perdu connaissance pour la première fois de sa vie. En réalité il donnait
cette responsabilité à sa mère parce qu’il ne se sentait pas capable de le
faire lui-même.
« Oh mon chéri avec joie ! », lui répondit-elle avec
enthousiasme.
La
quinquagénaire se retourna donc vers la femme qui occupait les pensées de son
fils jour et nuit en souriant. En la voyant ainsi lui sourire, les larmes
montèrent instinctivement aux yeux de la concernée, elle rendit le sourire tout
en se battant pour ne pas exploser de joie.
« Victoire Esso’o, je me présente à vous, en tant que femme, en tant que
mère et épouse, représentant ma famille, l’affection qu’elle a pour vous, mais
surtout en acceptation de l’amour que je sais profond que vous porte mon fils.
Afin, de vous demander d’accepter cet anneau en promesse de fiançailles,
promesse de vous considérer comme membre de notre famille et surtout promesse
de mon fils de vous aimer, de vous chérir, de vous respecter et de vous traiter
comme il traiterait sa propre mère, en acceptant de l’épouser ! »
Les
larmes qui coulaient des yeux des deux femmes traduisaient la force de
l’émotion qui leur était commune à travers cette demande qui traversait les
âges.
« Mon Dieu ! C’est la plus belle demande en mariage que j’ai reçu de
toute ma vie… », sanglota Victoire en levant un instant les yeux du
magnifique anneau de platine orné d’une pléiade de diamant rose, blanc et
jaune, pour les poser sur celui qui par le biais de la femme la plus importante
de sa vie la demandait d’être sienne.
En
le regardant droit dans les yeux elle tendit la main vers sa future belle-mère
et répondit :
« Oui je le veux ! »
Les
applaudissements et les félicitations des autres n’altérèrent pas la joie que
ressentit Victoire qui une fois la bague a doigt se retrouve propulsée par Pulchérie
dans les bras de celui qu’elle aimait. Ils s’embrassèrent et Stéphane souhaita
au fond de lui que ce moment ne s’arrête pas.
« Je vous souhaite du bonheur ! », intervint Pulchérie.
« Mais vous allez devoir vous occuper vous-même de votre mariage, moi je
prends ma retraite ! Envoyez moi tout de même un faire part ! »
Ils
éclatèrent tous de rire à la déclaration de la vielle dame et lui dirent au
revoir tandis qu’elle entrait dans le véhicule qui l’emmenait près de celui
qu’elle n’aurait jamais dû quitter.
En
regardant les siens lui faire signe de la main en s’éloignant, elle se dit que
malgré les hauts et les bas, le train était arrivé à bon port, et qu’avec
toutes ces turbulences elle n’aurait jamais crut en arriver là. Une famille,
grande, diverse et belle !
Quoi
rêver de mieux !