Ciara marque une pause avant de poser la question qui trotte dans son esprit depuis leur départ de chez la gynéco.

-         C’est quoi l’histoire avec Annabelle ?

-         Je te raconterai tout un jour. Se contente-t-il de répondre.

-         Un jour ? Pourquoi pas maintenant ? Est-ce grave ?

-         Ciara ! Dit-il sur un ton sec. J’ai dit un jour donc accepte-le s’il te plait.

-         Très bien. Comme tu veux.

Elle tente de se relever mais il maintient sa tête sur ses cuisses. C’est reparti. Elle va commencer à le bouder.

-         Ne te fâche pas ma douce. C’est juste que je n’ai pas envie de parler de ça maintenant.

-         Je ne suis pas fâchée. Ment-elle.

-         Alors pourquoi as-tu voulu t’en aller alors qu’on est bien là ?

-         Je me suis souvenue que j’avais un travail à terminer.

-         Menteuse !

Il baisse la tête et lui donne un baiser. Elle reste inerte, les lèvres fermées. Steph force le passage la faisant céder.

-         Je t’interdis de me refuser ton corps même quand tu es en colère contre moi. C’est mon droit, alors tu n’as plus intérêt à le refaire. Est-ce que c’est compris ?

Dans la voix menaçante de Steph se mêlent contrariété et irritation. Ciara en a des frissons. Les ondes que dégagent Steph sont effrayantes. Quand il se met dans cet état, il est terrifiant et quelque chose lui dit qu’elle devrait bien faire de lui obéir. Ciara ne croit pas Steph capable de battre une femme. Cependant en le voyant ainsi, elle ne sait plus quoi penser.

-         Est-ce que tu m’as compris ? Répète-t-il avec plus de fermeté.

-         Oui. Répond –elle faiblement après avoir tressailli.

-         Bien. Assois-toi sur mes genoux et embrasse-moi.   Ordonne-t-il.

Ciara s’exécute aussitôt. La voir aussi effrayée amuse Steph mais il le dissimule. Il compte garder son sérieux afin qu’elle comprenne que son comportement irrespectueux envers lui doit changer. Ciara est une femme de caractère, ça il l’avait remarqué depuis le premier jour. Il apprécie son côté rebelle mais des fois, elle va trop loin.

-         Dorénavant princesse, tu te comporteras comme une bonne épouse respectueuse et aimante. D’accord ?

-         D’accord.

Ciara se positionne sur  les genoux de Steph et l’embrasse sur la bouche. Son baiser n’est pas comme d’habitude. Steph le remarque tout de suite.

-         Hey ! (Il prend sa tête en coupe). Je ne veux pas que tu aies peur de moi ma douce.

-         C’est que je ne t’ai jamais vu comme ça. Bredouille-t-elle.

-         Je sais… je me suis emporté parce que tu m’as contrarié tout à l’heure. Dit-il entre deux baisers. Mais je ne veux pas que tu aies peur de moi…juste respecte moi parce que je suis ton fiancé et bientôt je serai ton mari. D’accord ?

Elle hoche la tête en souriant.

-         C’est bien. Maintenant que tout est clair embrasse-moi comme le ferait une femme folle amoureuse.

Vendredi arriva en flèche. Ciara dans son bureau réalise qu’elle a oublié de prévenir Steph de son rendez-vous avec Lala. Il est presque dix-sept heures. Elle doit se dépêcher d’aller l’ informer avant de s’en aller.

-         Ange t’accompagnera. Dit calmement Steph depuis son bureau.

Ciara contourne le bureau et s’assoit sur ses genoux. Il est épuisé, on le voit à son visage et aux cernes autour des yeux. Oh le pauvre ! Il travaille trop.

-         Tu devrais prendre des vacances.

Ciara fait passer ses doigts sur son visage en une délicieuse caresse qu’il semble apprécier.

-         J’y pense ma douce. Mais après notre mariage comme ça on pourra pleinement profiter l’un de l’autre.

-         C’est dans longtemps encore. Nous n’avons même pas fait la dot. Je n’aime pas te voir aussi fatigué. Prends-toi au moins trois jours de repos s’il te plait.

Elle accompagne ses paroles de baisers dans le cou, puis sur la bouche.

-         Quand c’est demandé de cette façon, impossible de dire non. Dit-il avec un sourire.

Il est dix-huit heures et ils sont encore coincés dans les embouteillages. Depuis l’incident dans le restaurant, Ciara fait la tête à Ange. Elle Ne lui a toujours pas pardonné l’humiliation qu’il lui a infligé.

-         Madame, (Dit soudainement Ange) je tenais à m’excuser pour mon comportement de la dernière fois.

Ciara l’ignore carrément. Mais Ange ne s’arrête pas là. Il lui lance un regard à travers le rétroviseur puis repend.

-         Je n’aurais pas dû vous traiter ainsi…

-         Effectivement, vous n’auriez pas dû. Crache-t-elle amèrement.

-         Veuillez me pardonner s’il vous plait.

La conversation n’alla pas plus loin. Ciara a préféré garder le silence durant le reste de trajet. Lorsqu’ils arrivent devant l’immeuble, elle sort immédiatement de la voiture sans attendre qu’Ange vienne lui ouvrir. Ce dernier descend à son tour et la suit jusque dans le hall.

-         Non. (l’arrête-t-elle) Je monte seule. Attends-moi là.

-         Je suis désolée madame mais monsieur a dit que…

-         Et moi je vous ordonne de m’attendre ici.

-         C’est M. N’Goran qui m’a engagé. Excusez-moi mais je ne fais que suivre les consignes.

Ciara agacée sort son téléphone et compose le numéro de Steph. Celui-ci décroche aussitôt.

-         Oui bébé.

-         Dis à ton gorille de me laisser monter seule dans mon appartement. Dit-elle en fixant Ange droit dans les yeux.

-         Je lui ai demandé de ne pas te quitter d’une semelle. Il ne fait que son boulot. Et toi montre toi plus coopérative car on le fait dans le seul but de te protéger.

-         Je sais Steph. Dit-elle sur un ton plus doux. Mais Lala m’attend là-haut et lui, sera juste devant le bâtiment. Rien ne m’arrivera. S’il te plait demande-lui d’attendre là.

-         Ahhh Ciara, Ciara. C’est bon passe lui le téléphone.

-         Merci mon cœur. Dit-elle avant de tendre son portable à Ange.

Elle attend patiemment que son  gorille termine sa conversation avec Steph. Il ne fait que répondre ‘’oui monsieur’’ depuis tout à l’heure. Que lui raconte Steph qui soit aussi long. Il devait juste lui ordonner de rester devant l’immeuble.

-         Vous pouvez y aller madame. Je vous attends ici.

-         Enfin. J’ai cru que ça ne se terminerait jamais. Rétorque-t-elle en reprenant son téléphone.

Ciara pensait trouver Lala au salon mais non elle n’y est pas. Elle doit être encore en train de ranger ses affaires.

-         Lala, je suis là. S’écrie-t-elle en montant les escaliers.

La chambre est vide. Aucune Lala en vue. Serait-elle partie sans même lui dire. Non, ce n’est pas dans ses habitudes de faire des choses sans prévenir. Ciara inquiète décide de lui téléphoner. Elle sort de la chambre le téléphone collé à l’oreille attendant que son amie réponde.

-         Zut, saloperie de messagerie.

Cette situation commence sérieusement  à l’inquiéter. Debout au bas des escaliers, Ciara recompose le numéro de son amie. Son cœur fait un bond dans sa poitrine lorsqu’elle entend la sonnerie du téléphone de Lala. Elle avance en direction  du salon et constate en y arrivant que le son provient de la cuisine. Le cœur battant, elle marche à pas hésitants jusque dans la cuisine. Le tableau qui se dresse devant elle dès qu’elle franchit le seuil de la porte lui fait lâcher le téléphone. Celui-ci atterrit au sol  dans un bruit assourdissant. Incapable d’émettre le moindre son, elle reste là, immobile comme si ses pieds étaient cloués au sol. Le visage horrifiée, elle porte la main à sa bouche. La douleur dans son regard est lancinante. Prise d’un vertige soudain, elle se laisse tomber sur les genoux. Espérant être en plein cauchemar, elle ferme les yeux puis les rouvre une minute après. Mais non, rien n’a changé. Elle voit toujours la même image. A présent  convaincue qu’il ne s’agit pas d’un rêve, elle se laisse aller. Alors, un cri horrible capable de réveiller un cimetière entier résonne dans tout le bâtiment. Devenue pâle comme la mort, Ciara avance à quatre pattes vers le corps inerte de Lala. Elle tend la main vers son visage sans jamais le toucher. Elle répète son geste jusqu’à trouver le courage de laisser enfin ses doigts atteindre leur cible.

-         La grosse, je suis là réveille-toi maintenant. Murmure-t-elle en lui caressant le visage.

Secouée de sanglots, elle s’allonge à côté du corps sans vie de son amie, le visage tourné vers le sien.

-         Pourquoi tu n’ouvres pas les yeux ? j’ai dit que j’étais arrivée alors qu’est-ce que tu attends pour te réveiller. Hurle-t-elle à présent en la secouant de toutes ses forces.

Ange apparaît au même moment. Le spectacle qui se déroule sous ses yeux le cloue sur place : Ciara étendue auprès d’une femme, sûrement son amie, baignant dans une mare de sang. Lui qui d’habitude reste presque insensible aux douleurs des autres ne peut s’empêcher de ressentir un semblant de peine pour Ciara. Ça se voit qu’elle a beaucoup pleuré, le maquillage autour de ses yeux a complètement coulé. Lorsqu’il a entendu ce cri strident, il a tout de suite foncé dans l’immeuble. Il ne s’attendait pas du tout à voir une telle horreur. La jeune femme a reçu une balle dans le front. L’assassin a dû la violer ce qui expliquerait sa nudité. Celui qui a fait ça est un psychopathe. Pense-t-il en remarquant les marques de morsure sur le corps de Lala. Il doit faire sortir Ciara d’ici. Se dit-il en avançant vers elle.

-         Madame…

Elle tourne le visage dans sa direction. Apparemment, elle ne s’était pas rendu compte de sa présence.

-         Ange, s’il te plait dis-lui de se lever, moi elle ne m’écoute pas.

Un sentiment étrange s’installe dans le cœur du jeune homme. Est-ce de la tristesse ?Non, c’est juste qu’elle lui fait de la peine. L’entendre lui dire ça lui a fendu le cœur. Elle refuse d’accepter que son amie soit morte. Elle est dans un état d’esprit second et il ne croit pas être capable de gérer ça. Il était tellement  choqué en entrant qu’il en a oublié ses réflexes en cas de situation pareille. Sans attendre d’avantage, il sort son téléphone et prévient en premier lieu la police puis Stéphane.  

-         Madame il faut partir. Etre ici, ne vous fait pas de bien.

-         Non. Hurle-t-elle. Elle doit se réveiller. Demain, il y aura sa cérémonie de dot et elle doit être présente. Il faut qu’elle soit là. Tu m’entends Lala, tu n’as pas le droit de t’en aller comme ça. Tu as promis que je serai ta dame de compagnie à ton mariage. Pourquoi tu ne respectes pas tes promesses ? Tu n’es pas une menteuse alors pourquoi? Pourquoi ?

Ciara hystérique crie de toutes ses forces en secouant vigoureusement le corps de son amie. Ange se précipite vers elle pour tenter de l’emmener loin de là mais Ciara le repousse violemment.

-         Ne me touche pas ! a-t-elle crié.

Elle s’assoit à même le sol par la suite puis pose la tête de Lala sur ses genoux. Ange la regarde impuissant. Il prie pour que son boss arrive rapidement. Lui seul est capable de la réconforter. Pense-t-il.

La police arriva une trentaine de minutes plus tard. Les habitants de l’immeuble avaient déjà envahie le couloir et bloquaient le passage. Deux agents postés devant la porte de l’appartement se chargent de les tenir à distance. Cela fait maintenant quelques minutes depuis leur arrivée, que les policiers tentent en vain d’arracher le corps de Lala des bras de Ciara. Sensibles à sa douleur, ils décident donc d’attendre qu’elle se calme. Le fait qu’elle ait été en contact avec la scène du crime et le cadavre pose un véritable problème. Ils espèrent malgré tout trouver des empruntes et autres preuves qui les mèneront à l’assassin.

En sortant de l’ascenseur, Steph est surpris de voir du monde devant l’appartement de Ciara. Ange lui a dit de se dépêcher de venir car une chose horrible s’était produite. L’imbécile n’a pas voulu lui en dire d’avantage. Craignant le pire, il a conduit comme un fou. Durant le trajet, il n’a cessé de prier pour retrouver Ciara saine et sauve. Mais à présent qu’il voit tous ces gens, il est évident que le pire s’est produit. A quoi bon continuer d’avancer si c’est pour trouver sa douce femme allongée par terre, les yeux fermés. Une boule s’installe dans sa gorge. Elle l’empêche de respirer correctement. Il a peur de découvrir ce qui se cache derrière cette porte où deux policiers font la garde. Rassemblant toutes ses forces, il se fraye un passage à travers la foule puis atteint la porte. Il explique ensuite aux policiers qu’il est l’époux de la propriétaire des lieux. Ceux-ci le laisse alors entrer.

-         Monsieur ! Dit Ange en le voyant.

-         Qu’est-ce qu’il se passe ? Interroge Steph, la gorge nouée.

-         La demoiselle que devait rejoindre votre fiancée a été assassinée. (Steph écarquille les yeux) Malheureusement c’est elle qui a découvert le corps. Et depuis, elle refuse de se séparer du cadavre malgré tous nos efforts.

Steph s’en veut d’être soulagé. Ciara est vivante mais Lala non. C’est vrai qu’il est heureux que Ciara soit entière mais ça l’attriste d’apprendre que Lala, la meilleure amie de sa princesse soit morte. Il n’ose même pas imaginer l’état dans lequel, elle se trouve. Ciara ne pourra jamais surmonter cette épreuve toute seule. Elle aura besoin d’une aide médicale.

-         Ils sont dans la cuisine c’est ça ?

-         Oui monsieur. Répond Ange.

Même Ange a l’air abattu. Pense Steph en se dirigeant vers la cuisine.

-         Monsieur vous ne pouvez pas être ici. Veuillez sortir s’il vous plait.

Steph n’entend rien de ce que lui dit le policier. Toute son attention est portée sur Ciara. Une profonde amertume l’envahit aussitôt. Sa douce est assise là, tenant la tête de son amie sur ses genoux, les vêtements trempés de sang. Oh mon Dieu, elle en a partout. Pense-t-il avec horreur. Ses jolis yeux qu’il adore tant sont devenus aussi rouges que le sang sur ses mains. La pauvre a dû pleurer toutes les larmes de son corps.

-         Vous m’entendez monsieur. Sortez d’ici ! Ordonne le policier.

-         C’est mon épouse qui est assise là (Dit-il en montrant Ciara du doigt) alors j’ai le droit d’être ici.

Ciara lève la tête en entendant la voix de Stéphane. Ses yeux se rivent aux siens cherchant du réconfort. Aucun mot ne sort de la bouche de Stéphane. Il ne sait pas ce qu’elle vit dans ses yeux mais les secondes d’après, elle pose délicatement la tête de Lala sur le sol et court se jeter dans ses bras en pleurant à gros sanglots.

 

Fin du trente-sixième chapitre. Bizbi.