Chapitre 38 : La réunion

Ecrit par Sandy BOMAS

VANESSA


Quand je me réveillai, Stanley n’était pas à côté de moi. « Quelle heure peut-il être ? » Je me prélassais longuement roulant de son côté du lit encore tiède et imprégné de son odeur. D’ailleurs il n’y avait pas que les draps qui sentaient son odeur, moi aussi je sentais lui. « J’aime ça ». 

Pas de Stanley dans le salon, mais la table pour le petit déjeuner était mise. Rien n’avait bougé. « Il a attendu que je me réveille pour manger ? C’est mignon ». J’entendais jouer de l’arc musical dehors. Quand il me vit arriver il s’arrêta de jouer au moungôngôn.
-Ah tu es réveillée ? Bonjour…
Il tendit une main vers moi, m’attira à lui et posa un baiser sur mes lèvres.
-Bonjour…Tu es debout depuis longtemps ?
-Oui je crois…
-Tu crois ? Dis-je suspicieuse.
-Oui… Depuis quatre ou cinq heures du matin par là…
-Ah oui ? Et pourquoi ? Tu n’arrivais pas à dormir ? J’ai ronflé trop fort ou quoi ? 
-Non…
« Non quoi ? Tu n’arrivais pas à dormir parce que j’ai ronflé trop fort ? »
Il se remit à jouer. Et puis il marque une pause après quelques secondes.
-C’est aujourd’hui la réunion chez tes parents non ?
-Oui….
« Huuummm je n’aime pas quand il prend son air là… » 
C’était la première fois que le revoyais en pagne jouant de son moungongôn, depuis la fameuse consultation, chez Papa Mupitu. Il était sexy avec son pagne noué à la taille et son torse nu. 
J’avais évité de lui parler de cette réunion chez mes parents, car je trouvais déplacé d’ouvrir le volet Olivier avec lui.
« En tout cas, il le sait. Je ne peux rien lui cacher on dirait ». 
-Pourquoi tu me demandes ça ?
-J’ai eu des visons toute la nuit….
-Hein comment ça ?
-Viens…. Assieds-toi…
Il se remit à jouer de son arc puis marqua une pause.
-Ton ex va venir avec des mauvaises choses….
-Des mauvaises choses ?!
Je le regardai paniquée, mais avant que je ne puisse rajouter quelque chose il continua
-La fille avec qui il est actuellement et sa mère on fait des pratiques bizarres….Mais il ne t’arrivera rien…Sois tranquille …
Mon cœur fit un bond dans ma poitrine avant de tomber dans mon ventre et de revenir à sa place non sans difficulté.
-Comment tu veux que je sois tranquille après ça ?
-Tu es avec un nganga….
« Justement j’avais même déjà oublié ce détail ». 
-Oui si tu le dis….
-Tu as des doutes….
-Toutes ces histoires-là me fatiguent sincèrement….Moi je ne connaissais pas tout ça avant de rentrer….Pffff c’est épuisant….
-Ce sont les réalités de chez toi ….Malheureusement certains sont prêts à tout pour parvenir à leur fin….
-Mais elle vit déjà avec Olivier qu’est-ce qu’elle me veut encore ?
-Allez viens on va manger. Ne t’inquiète pas….Ils ne peuvent rien te faire….

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« Franchement je n’ai pas du tout envie d’aller à cette réunion, si j’avais la possibilité d’envoyer quelqu’un à ma place je l’aurais fait. Ah lalala qui aurait cru que Vanessa et Olivier le couple mythique fraîchement rentrée de mbeng il y a à peine deux ans volerait en éclat aussi rapidement ? »
J’enfilai ma une robe en pagne ample et attachai un foulard assorti sur ma tête. Mes plates formes aux pieds, un petit coup d’œil dans mon miroir, j’étais prête pour affronter la famille et la belle-famille enfin je veux dire la future ex belle famille.
Quand j’arrivais chez mes parents il n’y avait que deux voitures garées dehors, celle de ma mère et une autre que je ne reconnaissais pas. Une Toyota land cruiser noire.
Le portail était grand ouvert le gardien faisait mine de tailler des fleurs.
-Ma fille la française est là !!!! Samba !!!
« La petite sœur de Maman était là. « Bouoooh qui l’a informée ? Mon Dieu et moi qui croyait que c’était une réunion qui se passerait en petit comité…. »
Maman Simone était ma plus jeune tante. Dernière d’une fratrie de sept, elle était celle que j’appréciais le plus. La dernière fois que je l’avais vue remonte au réveillon du nouvel an, elle m’affichait on large sourire orné de deux fossettes sur chaque joue. Malgré l’approche de la cinquantaine elle restait une très belle femme.
-Oh Maman Simone ça va faire deux ans que je suis rentrée hein je suis déjà bien gabonaise même.
-Awooouh gabonaise de quoi ? 
Je souris elle me serra dans ses bras à me noyer dans sa poitrine plus que généreuse. Après quelques secondes elle me libéra de son étreinte. 
-Tu vas bien ? Sourcils froncés elle me regardait avec insistance
-ça ira mieux une fois que la réunion sera terminée….
-Hummmm…..
Elle tape dans les mains….
-Mais ton Olivier là il ne se sent pas hein il croit que tu es sortie d’où ? Quoi à cause des cinq cents mille francs qu’il a donné pour tes présentations là, il pense qu’il peut te traiter comme une moins que rien ? En tout cas j’ai déjà bu mes cinq H (Heineken) j’ai mon cycliste sous ma caba s’ils essayent de faire un faut geste je suis prête pour la casse !
-Oh carrément ?
-Attends ! Je dis bien qu’ils ont intérêt à se tenir à carreau !
Je luis souris. Ma tante c’est la fofolle de la famille, le genre qui n’a pas froid aux yeux et qui n’hésite pas à vous dire vos quatre vérités en face qui que vous soyez. Son caractère fort avait d’ailleurs été pour beaucoup à ses nombreuses fiançailles rompues. « Tu as le caractère d’un homme lui disait souvent Maman, une femme doit être douce…D’ailleurs en parlant de Maman où est-elle ? Je n’avais pas eu de ses nouvelles depuis la dernière fois… »
-Ta sœur est où ? Lui demandai-je 
-Elle est en train de préparer l’accueil de ta belle-famille comme on lui a dit que c’est une fête qu’on prépare ….
J’ai envie de rire mais je me retiens. Si je veux que ma tante garde son énergie pour tout à l’heure il faut que je sois sérieuse.
-Steeve aussi est là.
-Oh ah bon Pitchou est arrivée quand ? 
-Il y a deux jours.
Pitchou était dans le salon en compagnie en train de regarder des vieilles vidéos de notre enfance filmées pas moi il y a quelques années.
-Oh la frangine on dit quoi ?
-Oh le ghanéen ! Et l’année de langue ? Bien ou bien ? 
-Oh bien même toi-même !
- Pitchou mais on dirait que tu as encore grandi ou bien c’est moi qui suis petite ? 
-Les deux ! Mais toi aussi la grande appelle moi Steeve !
-Ah pour moi tu es et tu resteras toujours Pitchou, bon mais devant tes babies je vais essayer de t’appeler Steeve pour t’éviter un casse feeling* (pour t’éviter la honte).
On rit de bon cœur.
Mon cousin n’était plus le petit garçon je taquinais souvent lorsqu’il était enfant c’était désormais un beau jeune homme d’une vingtaine d’années qui faisait la fierté de ma tante. Il était son fils unique.
-Les parents sont où ?
-Tonton doit être dans son bureau et Maman Victorin est dans la cuisine.
-Ok….
Je trouvais Maman dans la cuisine. Comme me l’avait dit Maman Simone elle était en train de préparer l’apéro.
« La go là est sérieuse ?! »
-Bonjour Maman ….
-Huuuummm….
Elle continue de mettre ses mignardises dans ses plats en argent, sans me regarder. Je m’avançai pour lui faire la bise mais le regard noir qu’elle me lança me figea sur place. Du coup je me rendis compte que ce n’était pas tant une bonne idée. Depuis la dernière réunion on ne s’était pas vue elle et moi. Elle avait refusé de me parler au téléphone et je n’avais pas insisté.
« Même si son attitude me chagrine il est hors de question que je rentre dans son jeu. Elle veut me faire plier. Je ne cèderai pas. Là il s’agit de moi et de moi seule il est hors de question que je la laisse décider comme elle l’a toujours fait. Ma décision est prise et je ne changerai pas d’avis ! »
Je revins dans le salon ou je retrouvais Maman Simone qui avait besoin de plus d’explications par rapport à la situation entre Olivier et moi. Je me lançai alors dans un récit sans fin.
-Regardez-moi les choses ! Mais Victorine ne m’a pas dit tout ça ! Elle m’a juste dit que tu voulais te séparer de ton fiancé. Franchement ma sœur il y a des moments où je ne la comprends pas ! En tout cas ta belle-famille là va me sentir, j’ai déjà dit j’ai mon cycliste en bas s’ils essayent de faire la bouche on ferme le portail et on les engage ici !

Cette fois si je ne pus m’empêcher d’éclater de rire. Ma tante une vraie timbrée même avec l’âge elle restait OP*. (Opérationnelle)
-Kôkôkô 
-Sambaaa !
Miss Pambou Victoria venait de faire son entrée.
-Oh Maman Simone tu es là ? Oh il y a même le grand Pitchou !
Elle leur fait la bise.
-Pitchou tu es arrivé quand ?
-Il y a deux jours 
-Ah ok et ta vie d’étudiant ? C’est cool non avec la vieille qui ne te gaze plus !
Elle lui fait un clin d’œil. Ma tante fulmine.
-Petite tu es prête ? Elle s’adresse à moi.
-Tchiiiipppp…..En tout cas tout ce que je veux, c’est en finir au plus vite avec ça…
-La vieille est où ? 
-Ta mère est dans la cuisine….
-Oh que c’est maintenant à base de « ma mère ? »
-Mais elle ne veut pas me parler à cause de « son fils Olivier » tu veux que je te dise quoi ?
-Laisse la vieille je crois qu’elle s’ennuie…Je vais lui dire bonjour….


******

Les Minko avaient respecté l’heure du rendez-vous. Ils étaient venus en petit comité comme conseillé. « De tous les façons ce n’est pas une fête pour qu’ils débarquent à plusieurs… »
En tête de fil la mère d’Olivier toujours égale à elle-même la tête haute l’air insuffisant, sa pointue de fille la suivait avec la même attitude. « Faites bien ça vous ne savez pas le plan que vous réserve ma tante ! Tchiipppp » Elles étaient accompagnées de deux hommes que j’avais eu l’occasion de rencontrer trois ou quatre fois lors d’événements festifs dans leur famille et également lors des fiançailles. Il s’agissait du petit frère de son père et du grand frère de sa mère. Le père d’Olivier était absent. Quant à Olivier Minko lui-même le protagoniste principal du « film » il était en fin de fil.
Il était difficile pour moi de dire ce que je ressentais à ce moment. Depuis qu’il avait quitté la maison on ne s’était plus revu. C’était juste bizarre de se retrouver là aujourd’hui. Nos regards se sont croisés et j’ai cru lire dans ses yeux une lueur de joie. J’eus vite fait d’amarrer ma figure et de le toiser en assassinant en même temps le sourire qui commençait à se dessiner sur ses lèvres. Tchiiiip « Mais Olivier me prend pour qui ? Il croit qu’il suffit qu’il débarque ici avec sa famille, qu’il me fasse les yeux doux et son sourire charmeur pour que je me couche comme un gentil toutou à sa mèmère ? On dirait qu’il ne mesure pas encore la gravité de la situation hein ?! »
On s’était installé dehors. On avait mis des tables et des chaises les unes en face des autres. « Les Pambou en face des Minko le match peut commencer ! » Après les salutations aux uns et aux autres, mon père prit la parole.
-Bien, si nous sommes réunis ici aujourd’hui, c’est pour parler de la situation actuelle du couple Vanessa et Olivier. La dernière fois qu’on s’était retrouvé c’était pour célébrer les fiançailles de nos enfants…Je vous avais confié ma fille et je suis aujourd’hui surpris de constater que vos engagements n’ont pas été respectés. Non seulement Vanessa est cocufiée à ce qu’il parait mais en plus votre fils l’a traitée en souffre-douleur….

Silence de mort. Mon père se racle la gorge avant de reprendre
-Je constate qu’Olivier n’est pas prêt à s’occuper de ma fille et à la garder comme moi-même je l’ai fait jusqu’à présent... Je n’ai jamais, je dis bien JAMAIS levé la main sur mes filles et ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer. Quel que soit le problème que vous avez eu je ne tolère pas ce genre de comportement c’est pourquoi je décide que les fiançailles soient annulées…
-Mais Jean-Claude !....
Ma mère se retourne désemparée vers Papa qui semble avoir pris sa décision en solo. Du côté des Minko Olivier se retourne vers ses oncles et leur murmure je ne sais quoi. La mère et la sœur d’Olivier continue avec leur attitude de précieuses à deux balles et se passent un kleenex sur le front genre on a trop chaud. « Vous n’avez pas fini d’avoir chaud ! Tchiiiipppp ! »
Moi-même je ris seulement au fond du cœur comme une de mes lectrices et boudeuse préférée Marcelle.
-Il n’y a pas de Mais qui tienne Victorine reprend mon père.
-Il faut qu’on parle entre nous….
-Je n’ai plus rien à rajouter tout est clair pour moi.
Pendant que mes parents faisaient des messes basses un des oncles d’Olivier, prit la parole.
-Heu…..J’ai quelque chose à dire si vous me le permettez….
-J’écoute…Le bosse reste d’un calme imperturbable.
-Nous sommes vraiment confus et mal à l’aise par rapport au comportement de notre fils….Et nous tenons vraiment à réparer la faute d’Olivier….Voici, deux pagnes, deux liqueurs et aussi une enveloppe…..
- Hééé mon Dieu ! 
Voici ma fofolle de tante qui rentre en scène.
-Donc vous pensez qu’il suffit de venir ici tout bonnement avec deux bouteilles de liqueurs deux pagnes et une enveloppe de je ne sais combien pour venir racheter la soit disant faute d’Olivier ? Mais je dis hein on vous a dit que Vanessa était à vendre ? Donc d’après vous la suite c’est quoi ? On accepte de prendre ce que vous avez amené et on vous donne notre fille ?
Ma tante était maintenant debout les mains sur les hanches sa folie était déjà en train de monter. Elle parlait aux Minko mais son regard était porté sur une personne en particulier : la mère d’Olivier.
-Simone assied toi c’est comment ?
En tout cas entre mon père et ma tante Maman ne savais plus où donner de la tête.
-M’asseoir ? Victorine ? Mais comment tu veux que je reste assise ? Donc toi on peut te maltraiter l’enfant et venir te manquer de respect chez toi et tu restes là assise ? 
-On se calme ! On se calme ! dit le boss ma mère et ma tante et revient s’adresser à l’oncle d’Olivier.
-Ecoute Marcelin, je constate par le comportement de ton fils et peut-être même celui de ma fille….Car nous ne savons pas exactement ce qui s’est passé chez le jeune couple…Mais nous pouvons au moins nous baser sur les faits…Je disais donc que je constate qu’ils ne sont pas prêts pour le mariage….Je décide que les fiançailles soient annulées….Voici les cinq cents mille francs que vous aviez donné. Si Olivier et Vanessa veulent se remettre ensemble…

Son regard se porte tour à tour vers moi et vers Olivier, il faudra qu’ils comprennent que le mariage n’est pas une affaire qu’on prend à la légère…Je ne tiens pas à enterrer ma fille parce que j’aurais voulu la marier….
Vanessa ?
-Oui Papa ?
-Est-ce que tu veux à nouveau te remettre avec Olivier ?
-Non Papa…
-Bien, nous avons tous entendu…
-Et personne ne demande rien à Olivier ?! S’exclame sa mère 
-Parce qu’on doit lui demander quoi ? Ce qu’il lui fera subir la prochaine fois ? 
« Mamoooo Maman Simone est décidée »
-Et on nous a déplacés pour ça Olivier ? Lui lance sa mère furieuse.
Mon père annonça la fin de la rencontre. Après avoir rapidement dit au revoir aux Minko, il inventa une excuse et se retira dans la maison. Ma mère désemparée le suivait et tentait de le faire revenir sur sa décision.
Moi je riais en voyant la mère d’Olivier dans tous ses états jusqu’à ce que j’entende :
-De toutes les façons c’est un bon débarras parce que je ne l’aime pas cette Vanessa ! -Qu’est-ce que tu viens de dire Hélène ?
«Apparemment je ne suis pas la seule à avoir entendu ce que Maman Hélène a dit. Ah là ça va chauffer ! »
La mère d’Olivier n’eut même pas le temps de répéter sa phrase. Et si jamais elle en avait l’intention, c’était mort pace que Maman Simone venait de se jeter sur elle mangamba et était en train de la rouer de coups.
Je regardais Victoria elle me regardait aussi comme pour me dire : « laissons d’abord, qu’elle la gifle encore avant qu’on les séparer ».
Tout le monde courait dans tous les sens. On les séparait finalement.
-En tout cas tu as eu ! Criait ma tante. La prochaine fois je te fais manger la terre tu vas voir ça !
-Maman Simone éké ! C’est fini non ?!
Tout était allé tellement vite que ni Olivier, ni sa sœur, ni ses oncles n’avaient eu le temps de bouger de leur chaise pour venir séparer la bagarre. Peut-être étaient-ils encore sous le choc de l’annonce de la rupture des fiançailles ?
-Olivier sache une chose après une humiliation pareille, si tu décides de revenir chercher cette fille après ce qui vient de se passer ici ce sera sans moi ! Vociférait sa mère.


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MISS CHOCO NOIR